François Bayrou vient de faire ses annonces pour trouver des économies budgétaires. Comme on pouvait le prévoir, ça risque de faire mal pour les ménages et les collectivités (un peu moins pour les entreprises). Mais on reste dans le très classique, avec beaucoup de vieilles recettes et aucune réforme structurelle. Beaucoup d’annonces relèvent de l’incantation, car soit on a déjà essayé, et on sait que ça ne marche pas, soit parce qu’il faut arriver à les faire voter. Pour les projections financières, c’est juste à hurler de rire. On est à peine de capable de projeter correctement sur l’année en cours, alors un plan jusqu’en 2029, n’en parlons pas.
Sur la forme, la séquence est toutefois assez réussie, avec des annonces relatives claires. J’avais peur d’un gloubi-boulga de non-annonces, où on sort frustré car il n’y a aucun cap. Même si on n’a pas tous les détails, ce qui est normal, Bayrou a parlé d’année blanche, de baisse de dépenses sociales et de dotations aux collectivités, de baisse du nombre de fonctionnaires, de hausse de fiscalité pour les ménages. Dans le même temps, les entreprises vont sauver une partie de leurs aides, et auront des « compensations » pour les coupes budgétaires qu’elles devraient subir. La réforme de l’Assurance chômage ou du droit du travail ne devrait pas se traduire par des « avancées sociales ». On a une politique de droite, sans le moindre doute possible.
Le choix politique est donc de ne faire aucune réforme structurelle, mais de continuer à raboter des dispositifs. Le modèle social français sera moins généreux, notamment sur le volet de prise en charge des soins et la solidarité. En même temps, il y a bien un moment où cela devait arriver, vu les modifications de la démographie, et le fait qu’on ne produit plus assez de richesses par notre travail, pour le financer. Ce que propose Bayrou, c’est une décélération plus ou moins maitrisée (et sans doute insuffisante). Mais à la place, on pourrait avoir des coupes sombres aléatoires et aveugles, si jamais les marchés financiers nous fermaient brutalement la solution de la dette. Ce n’est pas une hypothèse d’école, d’autres pays, dont les Etats-Unis, ont déjà eu quelques alertes. Même si cela va beaucoup hurler, notamment à gauche, il n’y a pas trop le choix. Soit on augmente les recettes, soit on baisse les dépenses. Faute d’être en capacité de garantir les recettes, mieux vaut prévoir, d’ores et déjà, que les dépenses vont baisser, et le faire le moins inéquitablement possible.
On va également vers une réduction du périmètre de l’action de l’Etat. Moins de fonctionnaires, moins d’agences, c’est nécessairement des missions qu’on abandonne, ou qu’on fait moins bien, plus superficiellement. C’est complètement assumé, et là encore accompagné, Bayrou ayant bien insisté sur la « simplification » qui est le mot poli pour habiller cette réduction de la voilure de l’action publique. Il a même lié cela à une baisse des aides de l’Etat aux entreprises. Alors que les particuliers vont subir des coupes sèches, sans compensation, le monde économique va pouvoir négocier l’allègement de « contraintes ». Quand on voit ce qu’il a eu dans la loi Duplomb, destiné à « lever les contraintes au métier d’agriculteur », on peut craindre le pire. Et pour noircir un peu le tableau, tout cela passera par ordonnances, donc sans débat parlementaire.
Reste à voir les reculs que Bayrou sera amené à opérer, qui dépendront en partie des réactions politiques. Je crains, malheureusement, que la concentration des cris sur les mesures symboliques et totémiques (suppression des jours fériés, taxation des « riches »…) ne laisse de coté des décisions plus lourdes de conséquences, mais moins « sexy » et ou moins aisément compréhensibles. Ces annonces ne sont que le point de départ d’un certain nombre de négociations, qu’il faudra suivre attentivement, sur le droit du travail, la lutte contre la Fraude ou encore la « simplification ».
Il n’y a finalement absolument rien de surprenant dans les annonces de Bayrou. Le cahier des charges est très contraint : faire une purge des finances publiques, sans trop toucher à la compétitivité des entreprises et sans effrayer les marchés financiers.
21 réponses sur « On a un gouvernement de droite (et heureusement) »
Les recettes baissent depuis des années, on a dépassé les 200 milliards d’aides aux entreprises avec des contrôles inexistants alors qu’on flique des pauvres gens pour quelques dizaines d’euros, la fortune des milliardaires explose.
Et on continue.
Il n’y aucune majorité démocratique dans le pays pour cette politique, et ça en dit long sur le projet.
Les aides aux entreprises sont destinées à leur permettre de rester compétitives face à la concurrence internationales. Jusqu’ici, c’est globalement ce qu’elles permettent de faire tant bien que mal.
Vous illustrez à merveille tous les dérapages vers les symboles, qui vont pourrir le débats. Gnagna les ultra-riches, gnagna les aides aux entreprises…
Il n’y a pas plus de majorité pour l’application du programme de feu le nouveau front populaire.
A 211 milliards ar an, c’est commence à faire cher le « symbole ».
Mais encore, si ça fonctionnait, pourquoi pas ? Mais ce n’est pas le cas. France Stratégie (repaire bien connu de gauchistes échevelés…) a publié il y a quelques années un rapport analysant l’impact d’une de ces aides les plus emblématiques : le CICE.
Résultat : pour créer UN emploi, il faut plus de 150.000€ d’aides publiques par an.
150.000€.
POUR. UN. SEUL. EMPLOI.
Alors je crois qu’il serait temps de se pencher sur les « symboles », oui.
Oui, ça revient cher, de maintenir la compétitivité des entreprises, pour qu’elles ne soient pas complètement larguées à l’international et face à la concurrence étrangère. Et dire que certains veulent encore augmenter le Smic pour le mettre à 1600 euros. On est au stade où beaucoup de nos entreprises sont sous perfusion, juste pour ne pas mettre la clé sous la porte. Je vous rappelle que c’est elles qui créent la richesse qui permet de financer le modèle social.
Vous avez tout à fait raison : les entreprises françaises sont au bord de la faillite à cause de ces salauds de smicards qui mangent trop.
Et d’ailleurs, poussées par le désespoir, elles font ce que ferait n’importe quelle entreprise au bord du gouffre : claquer 54 milliards d’Euros par trimestre pour les filer à leurs actionnaires : https://www.latribune.fr/economie/france/la-france-est-championne-d-europe-des-dividendes-au-deuxieme-trimestre-1006053.html
Logique ! 😉
Nous versons autant d’argent depuis des années, avec dans l’ensemble assez peu de contrepartie et de vérification. Pour connaître le montant des sommes et la répartition, il a fallu attendre que le Sénat se penche dessus.
Ces entreprises, dont le but est de créer de la richesse, se retrouvent dans certains cas à embaucher des personnes, juste pour obtenir ces aides. Sacrée richesse créée. Et je ne pense pas que Google France ait besoin d’aides financières.
Mais pourquoi pas distribuer des aides. Des pays le font pour soutenir certains secteurs ou en développer d’autres. Mais chez nous, pas de pilotage, pas de plan de développement de secteurs d’activité, de mesures d’effets de ces aides. On donne juste. Avec du chantage aux emplois (ce qui n’empêche pas de délocaliser par la suite).
La concurrence est rude mon bon monsieur. Nous n’avons pas le choix, nous pratiquons le libre échange depuis de nombreuses années. Nous n’avons pas mis de barrière à des produits de pays dont les salaires sont bien moindres et un système social moins développé. Qui aurait pu prédire que cette libre concurrence rendrait notre modèle difficilement soutenable et le tirerait vers le bas ?
Il y avait aussi un avantage concurrentiel pour nos entreprises à être en France et c’était le coût de l’énergie. Quelqu’un me rappelle comment nous l’avons saboté ce truc-là et combien ça nous a coûté ?
J’aime beaucoup ces hommes politiques qui prennent des décisions merdiques et qu’une fois que leurs actes produisent leurs effets, nous expliquent qu’ils n’ont pas le choix, que c’est le choix de la responsabilité et gnagnagna. Mais qui continuent sur la même voie, sans chercher à rectifier les causes des problèmes.
Nos entreprises sont sous perfusion pour ne pas couler, on est obligé d’injecter 150 000€ par emploi. Cela veut dire que notre système économique n’est pas viable. Mais continuons sur la lente pente descendante plutôt que de chercher à régler le problème. Et surtout en le faisant sur le dos des plus faibles.
Je suis complètement en désaccord.
F.Bayrou a, comme tous les autres, ignoré les deux gros postes de dépenses de la France.
1/ les retraites insoutenables pour les actifs
2/ les niches fiscales et crédits d’impôt qui bénéficient aux plus aisés
Il n’y a même pas l’amorce d’une volonté de s’attaquer aux gros patrimoines et la France du « m’hérite »
Bref les actifs et la classe moyenne est encore mise à contribution, les plus vulnérables le seront encore plus et les plus aisés se marrent.
Le montant des retraites est un engagements pris, avec des droits acquis pour les personnes ayant cotisé, et maintenant en retraites. Et si, ils sont concernés, avec la désindexation, qui est une baisse assumée du niveau des pensions.
Sur les niches fiscales, attendez le détail. Pour l’instant, aucune n’est précisément ciblée, mais on sait par exemple que la niche fiscale de l’emploi à domicile est dans le viseur. Le souci, c’est que derrière une niche fiscale, il y a souvent un secteur économique qui souffrirait de la subvention que représente cette niche, en amoindrissant le coût du service pour les acheteurs.
Un engagement pris?
Que dire des fonctionnaires qui ont passé les concours avec comme promesse un indice et des primes pour suivre l’inflation?
Non c’est du manque de courage pour des raison électorales, les retraites sont le principal poste de dépense pour une population qui a le patrimoine qui a le plus élevé. C’est une vraie injustice entre générations.
Quand vous avez cotisé toute votre vie, pour payer la retraite des autres, vous l’avez fait avec l’assurance d’avoir, quand votre tour viendra, un certain niveau de pension de retraite. On appelle ça « les droits acquis ». Les fonctionnaires, c’est encore autre chose, et j’espère qu’ils sont entrés dans la fonction pour d’autres raisons que la simple assurance d’avoir une carrière à progression linéaire.
Ils ont moins cotisé, moins longtemps et avec plus de droits que les actifs aujourd’hui… c’est bien toute l’injustice. Et encore je ne parle pas de la coût de l’immobilier.
Être de droite c’est assumer qu’une génération doive se saigner pour une autre qui a eu la chance de naître à la bonne époque?
On parle beaucoup des « Nicolas » même si c’est un concept nébuleux et populiste, ça cache un vrai malaise que les politiques mettent sous le tapis. Pourquoi aucun parti ne propose ouvertement à ceux qui ont bénéficié de circonstances exceptionnellement favorable dans le passé de payer pour le futur du pays?
Pour les fonctionnaires, bien sûr que la carrière est un élément pris en compte dans la réflexion , ce ne sont pas des êtres désintéressés. Et on n’attire pas les meilleurs avec un niveau de vie qui baisse
Ceux qui ont peu cotisé et bien touché, c’est les retraités des années 60. Ceux qui sont en retraite aujourd’hui ont commencé à travailler dans les années 70, et ont eu des niveaux de cotisation « normaux ».
@pseudo58 « Et on n’attire pas les meilleurs avec un niveau de vie qui baisse » Techniquement depuis 20128 avec la non augmentation du point d’indice chaque année et les taux d’inflation parfois très élevé (par exemple 2022) c’est un peu cela qui arrive. Dans les faits l’état a petit a petit grignoter sur les salaires des fonctionnaires. Les fortes inflations sous le deuxième quinquennat on rendu la chose un peu trop visible… Mais l’etat employeur n’a pas compensé pour autant (2022 hausse du point de 3.5 pour une inflation théorique de 5.5.. ) bref.
En fait des économies et pas de reforme de fond le tout saupoudré de renoncement. un peu la recette de ces 20 dernières années avec aucune réforme de fond pour faire évoluer le système, le rendre plus efficace…
Je vois le mot économie à toute les sauces dans le billet et dans les commentaires mais en même temps de montchalin explique que les dépenses vont augmenter de 30 milliards l’année prochaine. C’est donc ça être de droite ?
Les déficits ne comptent que lorsqu’il faut sabrer dans les dépenses sociales.
Quand il s’agit de cadeaux fiscaux aux riches et aux entreprises, le déficit n’a aucune importance. C’est toute la politique de la droite depuis au moins Reagan.
Un cadeau fiscal, c’est quand un entreprise paye 100 de taxes, qu’on descend à 90 et « tiens 10 cadeau » ? Je n’ai pas vraiment remarqué une droite qui sabre dans les dépenses sociales depuis 30 ans… Demandez aux Grecs ou aux Argentins ce que c’est de sabrer dans les dépenses sociales.
« Quand vous avez cotisé toute votre vie, pour payer la retraite des autres, vous l’avez fait avec l’assurance d’avoir, quand votre tour viendra, un certain niveau de pension de retraite. »
Amusant tiens, je cotise depuis près de 42 ans, et mes « droits acquis » n’ont cessé de se ratatiner avec plus d’une dizaine de réformes qui ont rallongé la durée de cotisation, augmenté mes cotisations assurant l’équilibre des régimes sans droits nouveaux, reporté l’âge de départ sans arrêt, et réduit le montant de ma retraite future en ruinant le pacte social entre générations.
Je suis d’accord. Pourquoi le respect des efforts passes ne s’appliquent qu’à ceux qui sont deja a la retraite ? Je pense d’ailleurs que c’est l’une des ruptures majeurs entre les actifs et les retraites : depuis mon adolescence, on m’explique que le régime de retraite n’est pas tenable, et que j’aurais moins de retraite que les générations passes. Très bien je l’accepte : la démographie impose que l’on ne puisse pas être aussi généreux qu’avant. Mais pourquoi l’effort ne devrait pas être reparti équitablement ? Pourquoi doit on respecter la promesse fait aux retraites actuels, alors qu’il est déjà acquis que les promesses qui nous sont faites ne seront pas respectés, et n’ont déjà pas ete respecte ?
Il existe un argument légitime, mais pourtant jamais utilisé : les actifs ont la possibilité ( théorique au moins, meme si souvent pas réalisé) de s’adapter aux réformes, en négociant leur salaire, changeant de travail, etc… la ou les retraites n’en ont plus les moyens. Ils leur est impossible de réagir a une baisse des retraites, qu’ils ne peuvent que subir.
Mais il fait comprendre que l’absence de solidarité inter-generationnel est en train de briser le contrat social.
Le manque de culture économique de ce pays rend d’autant plus douloureux toute réforme car cela facilite l’ancrage de préjugés réducteurs et faciles à activer par les populistes. Une entreprise c’est pour engraisser ses actionnaires. Une réduction de charges c’est un cadeau fiscal. Un riche c’est un héritier. Un retraité est un rentier qui a ruiné le pays. Un fonctionnaire est un fainéant. Un immigré est un profiteur du système social. Un chômeur est un assisté…
Il y a plein de nuances dans tout ça. Si on prend un peu de recul il y a pourtant quelques faits qui me semblent indiscutables :
– La France est un petit pays et n’est pas une île, la compétition est mondiale
– La France ne produit plus grand chose, son économie est extrêmement tertiaire
– La France et l’Europe entière ont globalement raté les 2 dernières révolutions tech et ENR (le rapport Draghi est très clair) et ne sont pas très bien placés sur les sujets qui tirent l’économie mondiale
– Il n’y a pas de raison que les Français soient plus brillants que le reste du monde, et ce n’est pas vraiment la tendance. Si on taxe plus nos entreprises que la moyenne par choix politique et social, elles se concentrent sur des marchés à plus forte valeur ajoutée (type luxe, défense..) dont le potentiel mondial est limité
– Heureusement que le CAC 40 est extrêmement mondial, et que le monde lui va économiquement globalement bien.
– Il est aussi facile d’acheter une action Total que de mettre 50€ sur son livret A, mais les Français s’appauvrissent collectivement en préférant l’immobilier et la dette française aux entreprises
– Les gains de productivité sont décroissants, et ont été surestimés par les dernières études sur le système de retraite. La gâteau à partager croit plus lentement que le nombre de convives
– La démographie est implacable et très prévisible. Si on a moins d’enfants, il faudra d’autant plus d’immigration et/ou moins de retraites (travailler plus ou recevoir moins).
La politique de rafistolage de Bayrou est cohérente avec les orientations prises par la gauche et le centre / centre-droit depuis 2013 en faveur de l’offre. Ce n’est même pas une vraie politique de droite, sauf pour l’extrême gauche qui est resté Mitterrandienne et n’a pas digéré le CICE.
Deux petits commentaires :
– le tertiaire produit aussi des choses. Ce ne sont pas des biens industriels certes, mais ce n’est pas pour autant sans valeurs. D’ailleurs les révolutions tech sont principalement du secteur tertiaire
– la France n’est pas un petit pays, en tout cas du point de vue économique. Elle est dans les 10 premières puissances mondiales. Ou alors 90% des pays sont des petits pays. Un exemple : la plupart des produits culturels ( films, jeux vidéos) sont systématiquement traduit et double en français. Nous sommes un suffisamment gros marche pour forcer les industrie du divertissement a traduire et doubler leurs oeuvres.
Et surtout : il n’y a pas de problème de soutenabilité de la dette en France, ni a court, ni a moyen terme. La preuve : la France n’a aucun problème a refinancer ses emprunts tous les ans.
Faire des réformes structurels, pourquoi pas, de gauche comme de droite, libéral ou mercantilisme, socialiste ou anarchiste. Mais assumons la vérité de façon démocratique : c’est un choix politique, aussi légitime qu’un autre, pas une contrainte financière.