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L’Assemblée nationale est devenue un cirque

Depuis le début du mois d’octobre, avec les débats sur les lois financières, l’Assemblée nationale donne un bien triste spectacle. S’ils voulaient démontrer l’inadaptation, voire l’inutilité de l’institution, les députés ne pourraient pas s’y prendre mieux.

Depuis un mois, nous assistons à des débats totalement décousus, où certains parlementaires ne comprennent visiblement pas toutes les implications de ce qu’ils votent, voire s’en moquent éperdument. Il faut voir le nombre de dingueries fiscales qui sont adoptées, aux effets économiques absolument pas maitrisés, techniquement inopérants, contraires au droit européen et au droit constitutionnel. C’est profondément atterrant d’entendre « amendement adopté », après que le rapporteur général, qui siège depuis 30 ans en commission des Finances, l’ait démonté techniquement de manière claire et sans appel.

C’est également profondément attristant (et énervant) d’entendre des défenses d’amendements qui relèvent du discours de meeting politique, fustigeant les « ultra-riches » et passant des heures à parler de jets privés et aux autres objets symboliques, mais complètement anecdotiques. Ces mêmes députés, qui lisent leur papier où il y a deux punchlines par paragraphe, sont muets dès qu’on entre dans la technique de la mesure qu’ils proposent, car ils n’y comprennent rien. Le tout avec un art oratoire que l’on pourrait qualifier de médiocre. C’est également agaçant de voir qualifier de « débats » des séries de monologues pour défendre un même amendement, avec les mêmes arguments, juste pour que chacun ait sa pastille vidéo à poster sur les réseaux sociaux.

La Constitution fixant des délais assez courts pour l’examen des textes financiers, il a suffi au gouvernement de laisser les députés faire leur cirque et tenir meeting dans l’hémicycle, sans chercher à les freiner. Et arrivé au dernier jour du délai, il suffit de constater que les députés n’ayant pas terminé l’examen, c’est le texte initial du gouvernement qui est transmis au Sénat. C’est arrivé mercredi dernier sur le PLFSS, et cela arrivera très certainement sur le PLF, le couperet tombant le 21 novembre (à moins que les députés ne rejettent le texte avant).

Au final, la gauche aura pu faire son show, crier victoire sur les réseaux sociaux avec force visuels bien léchés, pour des amendements qui ne se retrouveront jamais au Journal officiel. Les citoyens, qui de bonne foi, ont cru que les mesures avaient effectivement été adoptées, risquent de tomber de haut en découvrant qu’il n’en est rien. C’est certainement le meilleur moyen pour les dégouter de la politique, et c’est l’ensemble du spectre, ainsi que l’institution, qui paieront les pots cassés.

Au bout du bout, on va s’apercevoir que c’est le Sénat qui aura eu la haute main sur le contenu des lois financières. La chambre élue au suffrage indirect va donc l’emporter sur celle élue au suffrage universel, ce qui n’est pas dans l’ordre des choses démocratiques. On va aussi s’apercevoir qu’on aurait finalement gagné du temps en passant directement par le Sénat, sans perdre de l’énergie avec les députés. Une leçon que vont retenir tout ceux qui travaillent dans les affaires publiques.

L’Assemblée nationale va se transformer en cirque inutile, où les députés vont faire de la petite politique, des débats enflammés qui ne mèneront nulle part. Tout cela durera jusqu’à ce que Marine Le Pen décide qu’il est temps de revenir aux urnes, et fasse voter ses troupes en faveur d’un motion de censure pour renverser le gouvernement Barnier. Ce sera le seul vote vraiment impactant de cette assemblée, le reste est sans intérêt.

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Il n’y aura pas de sursaut européen à l’élection de Trump

Donald Trump a réussi son retour, et de belle manière, puisqu’outre une majorité claire pour la présidence, les républicains emportent aussi le Sénat, la chambre des représentants, et ont déjà la cour suprême. Ils ont tous les leviers.

Je ne ferai pas ici l’exégèse de cette élection, ni les leçons politiques à en tirer, d’autres vont le faire abondamment. En revanche, les conséquences pour la France et l’Europe me préoccupent davantage.

Le résultat de cette élection est la prise de pouvoir central par la frange ultra-conservatrice, Trump n’étant finalement qu’un homme de paille. On les a vus à l’oeuvre lors du premier mandat de Trump, il n’y a pas de raison qu’ils aient fondamentalement changé d’options stratégiques. On aura peut être quelques accentuations, un habillage un peu différent (et plus brutal), et sans doute toujours beaucoup d’opportunisme et de pragmatisme.

L’élément géopolitique essentiel est que les Etats-Unis n’en ont plus grand chose à faire de l’Europe, qui dépend trop d’eux, pour partir ou les contredire. Leur vrai adversaire géopolitique, c’est la Chine. L’Europe n’est plus qu’une périphérique sans ressources essentielles, et sur ce terrain, leur objectif immédiat est que la Russie ne se rapproche pas trop de Pékin. Pour cela, il suffit de lâcher l’Ukraine, suffisamment pour que la Russie y trouve son compte, mais pas trop, pour éviter d’effrayer les européens.

L’Europe regardera tout cela en spectateur, car nous n’avons pas les moyens de remplacer les USA pour l’aide à l’Ukraine. Nous n’avons déjà pas les moyens de notre propre défense face à une guerre conventionnelle, si jamais la Russie se décidait à lancer ses troupes. Je ne suis pas certain que les français arriveraient à se mobiliser comme l’ont fait les ukrainiens, pour aller se faire tuer au front. Nous n’avons sans doute pas non plus les stocks d’armement pour faire face. Enfin, nous n’avons pas le choix de nos alliances, nous n’avons pas d’alternative à l’alliance américaine. On gesticulera beaucoup, on aidera l’Ukraine à panser ses plaies, et c’est tout. On se retrouvera avec un conflit gelé, où chaque belligérant campera sur les territoires qu’il contrôle.

L’état de fragmentation, politique, économique, idéologique de l’Europe est profond. Notre recul industriel, pas loin de virer à l’effondrement, est également structurel, et nous prive des moyens de la puissance. Nous n’avons jamais eu, depuis 60 ans, les moyens d’être une grande puissance mondiale, et l’élection de Trump ne suffira pas à changer nos orientations, pour faire de ce but une priorité. A moins d’une guerre sur notre territoire, je vois mal l’Europe changer de trajectoire. On va donc beaucoup gesticuler, mais ce sera surtout de la communication pour nous préserver notre ego et nous illusionner sur le fait que nous comptons encore, alors que c’est faux.

Cela fait déjà très longtemps que nous avons collectivement choisi (en France peut-être plus que dans d’autres pays) de sortir de la compétition pour continuer à être maitres de notre destin. Nous nous sommes placés dans la dépendance du bloc géopolitique américain, qui a trouvé son intérêt à y être présent en Europe, face au bloc soviétique. Depuis l’effondrement de l’URSS, l’Europe n’est plus un terrain majeur, et Trump pourrait tout simplement nous le dire brutalement, en nous indiquant qu’il veut bien nous garder sous son parapluie, mais à condition que nous lui fassions des concessions. Bref, que nous soyons un allié encore plus docile, et qui ouvre son chéquier pour rémunérer le service rendu. Trump l’a déjà dit lors de son premier mandat, avec la question du financement de l’OTAN, il va nous le redire, mais dans un contexte où nous avons encore moins les moyens de résister, ou de limiter les concessions.

Et nous nous cèderons, car nous n’avons pas le choix, et les choses continuerons comme avant. La deuxième président de Trump aura juste été une étape supplémentaire dans le déclin géopolitique de l’Europe.