Gérard Larcher va être réélu président du Sénat, le groupe LR est toujours le groupe dominant, et de loin, et pourtant, le résultat des élections sénatoriales devraient donner des sueurs froides à Eric Ciotti et aux dirigeants du parti.
Quand on lit finement les résultats, on se rend compte que LR est à la fois attaqué sur sa droite et sur sa gauche, avec un électorat « qualitatif » d’élus locaux.
Le RN a fait des scores assez importants pour ce type de scrutin, et décroché trois sièges, dont un, assez surprenant, en Seine-et-Marne. Il est évident que quelque chose s’est psychologiquement débloqué, notamment chez les élus ruraux, sur le vote RN. Mais ce mouvement est limité, ces trois élus l’ont été à la proportionnelle, et dans les départements à vote majoritaire, le succès n’a pas été au rendez-vous. Les Pyrénées Orientales en sont l’exemple, où malgré une « sociologie » favorable, quatre députés sur quatre, et la ville de Perpignan, le résultat est mauvais. Le seul candidat RN (pour deux sièges) est loin derrière LR et le PS. Le RN peut faire perdre, mais a encore du mal à gagner.
Le vrai danger, pour LR, vient de la droite modérée, avec les gains réalisés par Horizons (5 à 7 sièges, ce qui est beaucoup aux sénatoriales) et les centristes. L’exemple le plus frappant est l’Orne, département qui élit deux sénateurs au scrutin majoritaire. La sénatrice centriste sortante, Nathalie Goulet, est réélue tranquillement dès le premier tour, preuve que l’Orne reste un département clairement à droite (même si Alençon est à gauche). En revanche, l’autre sénateur sortant, le LR Vincent Ségouin, est en grande difficulté à l’issue du premier tour (361 voix, contre 442 pour son adversaire), et lourdement battu (518 contre 351) au second tour par un candidat estampillé Horizons.
On a donc un élu relativement jeune (51 ans), qui termine un premier mandat après un cursus classique d’élu local (maire, conseiller départemental, président de communauté de communes) avec un bilan d’activité tout à fait honorable. Même si le candidat Horizons a été sous-préfet dans le département (donc pas un inconnu pour les élus locaux), une telle défaite d’un sortant ne peut s’expliquer que par des raisons « politiques », qui va au-delà des simples questions de personnes.
Dans un département modéré de l’ouest, sans « grand élu » macroniste pour servir de locomotive, une telle victoire peut s’expliquer par l’effet repoussoir de l’étiquette LR chez les élus divers droite ou peu politisés, et par la crédibilité acquise par l’étiquette Horizons. Le premier élément n’est pas une surprise, tellement les dirigeants LR sont caricaturaux, dans leurs obsessions et leur course à l’extrême-droite. En revanche, le fait le vote Horizons soit une alternative acceptable est la nouveauté de ce scrutin, au coté du vote UDI-centriste.
C’est cette double conjonction, qui est le danger pour LR : ils perdent leurs électeurs modérés, qui ont une alternative crédible, sans gagner les électeurs radicaux, qui se trouvent plutôt bien au RN et, plus marginalement, à Reconquête. Ces sénatoriales confirment que même les élus commencent à être touchés, pas seulement les « électeurs de base ».