La France est en panne politique, en panne d’idées, d’idéaux, et de capacité à créer du consensus. La situation, déjà ancienne, va en s’aggravant, et bloque l’ensemble des réformes, dans tous les domaines. Le plan annoncée par Emmanuel Macron sur l’eau en est un exemple flagrant (un parmi d’autres).
Alors même que nous allons avoir une sécheresse assez terrible cette année, et que cela pourrait devenir la norme, le président vient de présenter un plan qui peut se résumer à un appel à la bonne volonté de chacun, aux petits gestes, et à l’innovation technique et technologique, pour éviter de gaspiller la ressource. En soi, c’est bien, mais c’est malheureusement nettement insuffisant pour faire face, à court terme, mais encore plus à moyen terme, au problème structurel de raréfaction de la ressource.
Le réchauffement climatique est à l’œuvre en France, avec deux éléments majeurs, l’augmentation des pics de températures (en hiver, c’est sympa, en été, c’est l’enfer) et la baisse de la ressource en eau, qui est très problématique. Il va donc falloir s’adapter vite, et revoir complètement l’allocation de la ressource : quels usages pour l’eau ? Qui est prioritaire ? Quelles activités doivent être réduites et/ou abandonnées ?
Poser ces questions, c’est toucher à des équilibres économiques (agriculture ou industrie ?), mais aussi aux normes de confort (est-ce encore raisonnable d’avoir plusieurs millions de piscines privées en France ?). Ne pas se les poser, c’est prendre le risque que les choses se passent quand même, sans débat, car s’il n’y a plus assez d’eau, il va bien falloir faire des choix, le pire étant de baisser tout le monde de manière égale.
C’est malheureusement vers cela que l’on va, Emmanuel Macron ayant décidé de ne fâcher personne en se gardant bien de trancher. Il n’y aura officiellement pas de restriction pour certains secteurs, juste une incitation à la sobriété, et des investissements pour éviter le gaspillage. Cela ne tiendra que quelques années, car le problème de fond n’est le gaspillage, mais le manque. de ressource.
La vrai courage politique serait de mettre les différents usages sur la table, et de dire, clairement, lesquels sont prioritaires, et qui doit faire quels efforts pour transformer ses modèles économiques. Au risque d’être moins performants et de perdre de la compétitivité, voire de la richesse…
Car derrière le changement climatique et la redistribution des cartes qu’il opère au niveau mondial, il y a ce risque du déclassement, qui touchera en priorité ceux qui n’ont pas pris le taureau par les cornes. Faire des choix douloureux à court terme, c’est s’assurer (si on a fait les bons choix) de conserver un bon positionnement, tenable dans le temps, dans l’économie et le commerce mondial. Cela permet aussi de mettre les moyens dans les transformations nécessaires, car c’est évident qu’il va falloir beaucoup d’argent pour opérer cette adaptation aux changements climatiques. Avoir l’argent n’est pas tellement le problème, le plus difficile, c’est de décider où le dépenser et s’y tenir.
La France a des questions à se poser sur l’avenir et la place de son agriculture. Notre pays a-t-il encore un avenir comme puissance agricole ? Si oui, sur quels types de productions ? Est-ce encore raisonnable de continuer à produire du Maïs et d’autres cultures demandant beaucoup d’eau ? Emmanuel Macron semble refuser d’ouvrir ce débat, et c’est là une erreur politique grave pour l’avenir du pays. Oui, ce débat (et d’autres comme celui des piscines ou du rationnement « normal » de l’eau) vont être durs et rudes, oui l’état du corps social et du pays est fragile, avec de vrais risques de déchirures. Mais plus on attend, plus les choix, qui se feront par la force des choses, seront douloureux, mal vécus, et causeront encore plus de déchirures.