Aujourd’hui, débute le cirque parlementaire autour de la réforme des retraites voulue par Emmanuel Macron. Je parle de cirque, car il y a beaucoup d’esbrouffe et de communication autour d’un texte qui a toutes les chances d’être adopté, le gouvernement ayant tous les outils. Le seul vrai enjeu, pour Elisabeth Borne (et elle sera jugée sur ça) c’est d’arriver à le faire de manière à peu près propre.
En effet, il s’agit d’un texte financier, donc hors quota en termes d’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution. Le gouvernement gardera son joker. Et en plus, la procédure de l’article 47-1 de la Constitution impose des délais stricts, où le temps joue pour le gouvernement. Même si la jurisprudence peut sembler un peu floue, sur la possibilité de faire valoir ces délais sur un texte rectificatif (car leur finalité est de permettre l’adoption des budgets, discutés à l’automne, avant le 31 décembre), le conseil constitutionnel n’ira pas jusqu’à censurer sur cette base. Si jamais il se prononce sur ce point, ce sera pour donner, en creux, la jurisprudence, pour les prochaines fois.
Qu’il y ait un texte voté, ou pas, par les députés, n’est pas techniquement gênant (démocratiquement, c’est autre chose). Le seul véritable sujet, pour le gouvernement, est de faire adopter le texte devant les sénateurs. Ces derniers sont suffisamment malins pour ne pas jouer le drama de l’obstruction. Le texte sera discuté et voté dans les temps, et bien entendu, complètement réécrit s’il le faut. Après, commencera la discussion avec le gouvernement, pour une issue « propre » ou dans le bruit, la fureur, et le passage en force.
Lors de la commission mixte paritaire, si un deal est conclu avec la majorité sénatoriale, la CMP sera conclusive. Si ce n’est pas le cas, le gouvernement pourra toujours dégainer le 49.3 en nouvelle lecture à l’Assemblée, et faire passer en force son texte. Cette dernière option, bien que techniquement tout à fait opérationnelle, risque d’entacher politiquement la légitimité de cette reforme, et donc d’augmenter l’agitation sociale.
Amis commentateurs et journalistes, pas la peine de passer vos journées (et surtout vos nuits) devant les débats de l’Assemblée nationale. Ce n’est pas là que ça se passe, à part des grands numéros de cirque. Gardez des forces pour l’examen au Sénat. Dès le passage en commission (qui durera une matinée, guère plus), on saura à quoi s’en tenir.