En démocratie, l’un des piliers du système est le pouvoir des citoyens de reconduire, ou pas, leur dirigeants lors des élections. Ils exercent donc une forme de contrôle, qui est plus ou moins éclairé. Actuellement, on ne peut qu’être déçu par la qualité, plutôt faible, des outils existants pour exercer ce contrôle citoyen.
Mettre en place un contrôle citoyen digne de ce nom est pourtant un enjeu capital, si on veut revitaliser un système démocratique en perte de vitesse, grignoté de toute part par les populistes et autoritaristes. Cela demande déjà de réfléchir à la manière de procéder, aux conditions à réunir pour que, collectivement, on tire vers le haut les débats sur le bilan de l’action de nos élus.
Il faut d’abord avoir des éléments factuels exacts et complets, tout en étant capable de comprendre ce qui est fait, ce qui demande une expertise technique dans les domaines concernés. C’est souvent un obstacle important, quand on voit le nombre de commentateurs et de critiques, d’une ignorance crasse du sujet ou de la matière sur lesquels ils émettent des avis définitifs, sans toujours avoir tous les éléments du dossier.
Il faut aussi comprendre la réalité de ce qu’est la décision publique. En politique, on a rarement une palette totalement ouverte, mais seulement un « champ des possibles ». On a également rarement l’occasion de construire une décision en entier, on ne fait bien souvent que trancher entre des options plus ou moins cristallisées.
Dans tout cela, quelle est la part de liberté du politique et quels sont les éléments qui lui sont imposés ? Là encore, ce n’est pas simple. Si on analyse la situation au moment de la décision, cela peut être assez simple, mais plus on prend du recul, plus on se rend compte que la décision publique est un long continuum de décisions, prises par différents acteurs (économiques, politiques, administratifs…) sur lesquels les politiques ont plus ou moins prise. En prenant un sujet suffisamment tôt, un politique peut avoir une influence sur la manière dont les choses se cristallisent, et donc se présente le choix qu’il aura à effectuer au final. Une marge de manœuvre, cela se construit et la véritable habileté des politiques, est d’arriver à ne pas se faire enfermer dans des dilemmes impossibles.
Et last but not least, les élus font de la politique, et donc prennent des décisions en fonction de leurs orientations idéologiques, que tous les citoyens ne partagent pas. Une décision considérée bonne par un membre de LR ne le sera pas nécessairement par un insoumis. Il faut donc être aussi capable d’apprécier, dans le processus, la part relevant des choix idéologiques, pour permettre aux citoyens, in fine, de se faire leur propre idées, en fonction de leurs opinions politiques, sur l’action de leur élu. C’est souvent sur ce dernier point, la conformité des décisions à des options politiques, que l’on insiste pour le contrôle citoyen.
Analyser cela, pour juger si un élu « a bien fait son travail » demande donc un recul, une somme d’informations et de compétences que l’on retrouve rarement chez une seule personne, et demande une organisation collective. Cela demande une analyse experte, mais aussi une capacité d’entendre le décideur avec bienveillance, sans le suspecter d’emblée d’être incompétent et malhonnête.
Le contrôle citoyen est avant tout un dialogue, où si l’élu à le devoir d’écouter ses électeurs, la réciproque est aussi nécessaire, ce que l’on a trop tendance à oublier. Le citoyen sera d’autant mieux écouté s’il dit des choses intelligentes et construites, et qu’il arrive groupé pour imposer à l’élu de répondre. Car il ne faut jamais oublier que la politique est avant tout une affaire de rapport de force, où l’élu se passerait volontiers du contrôle citoyen.