La vie politique française vient de vivre un évènement, qui parait anecdotique, mais qui pourrait se révéler important, voire fondateur. Édouard Philippe, ancien premier ministre ne cachant pas ses ambitions pour 2027, entend s’en donner les moyens en créant son nouveau parti, Horizons. Partant de rien, il n’a pas de structure, pas d’argent, et a besoin de croitre rapidement, pour être opérationnel pour les législatives de juin.
Il s’apprêtait donc à absorber Agir, petit parti de centre-droit de la majorité (et en particulier ses salariés et son trésor de guerre). Cette structure a été montée par Franck Riester, pour accueillir d’anciens LR ralliés à Macron, et occupe exactement le segment où se trouve Édouard Philippe. Au point que certains ont vu dans Agir, la simple préfiguration du futur parti d’Édouard Philippe, qui n’avait pas le temps de s’en occuper depuis Matignon, poste qui occupe beaucoup et ne laisse pas la latitude politique de créer une nouvelle structure.
Cette fusion-absorption apparaissait donc naturelle, voire quasiment actée, quand soudain, à la surprise générale, Franck Riester, président d’Agir, la fait échouer, sur ordre direct d’Emmanuel Macron. Une manière pour le chef de l’État de rappeler brutalement à son ancien second, que c’est lui le patron, et qu’il ne faudrait qu’il pense avoir les mains totalement libres. Macron entend bien être réélu en 2022 et exercer la plénitude de ses fonctions le plus longtemps possible. Pas question qu’un dauphin émerge trop vite, et le relègue à l’inauguration des chrysanthèmes.
La réaction d’Édouard Philippe n’a pas trainé, créant un rapport de force appelé à durer. Il a annoncé la suspension de sa participation de sa formation à la « maison commune », cette confédération de la majorité qui a déjà eu bien du mal à voir le jour. Il a accompagné ce coup de semonce (il n’est pas parti, il a juste « suspendu sa participation ») d’un message très clair à destination du président-pas-encore-candidat : « Emmanuel, la candidate la plus dangereuse pour toi, c’est Valérie Pécresse, et je suis le seul, dans ta majorité, à être en mesure de la contrer. En m’affaiblissant, tu t’affaiblis aussi ». Tout cela a donné une telle belle opération de communication politique, avec une attaque bien dosée, avant la redescente progressive de la tension, car personne n’a intérêt à aller à la rupture.
Maintenant tout le monde est prévenu, au sein de la majorité : Édouard Philippe n’est pas un amateur de la politique. Il sait ce qu’il veut, où il va et n’entend pas se laisser marcher sur les pieds. Il n’a pas peur d’aller au clash, y compris avec le Boss.
Tout est en place pour le feuilleton des investitures aux législatives, qui sera le vrai moment clé pour la majorité. L’enjeu n’est pas tellement la réélection d’Emmanuel Macron, assez probable, mais la taille et la composition exacte de sa majorité à l’Assemblée.