Catégories
Non classé

Le rétrécissement socialiste

La candidature à la présidentielle d’Anne Hidalgo est à la peine. Elle ne dépasse que rarement les 5% dans les sondages, et est largement inaudible dans les médias. Et pourtant, elle devrait avoir un boulevard. Elle dispose d’une certaine notoriété, le Parti socialiste l’a investie et met son réseau à son service, et le reste de l’offre politique, à gauche, n’est pas très affriolante.

Ce début de naufrage n’est pas tant celui d’une personne, que d’une posture d’enfermement d’une certaine gauche sur les seules problématiques sociétales.

Une anecdote, en introduction d’un article du Monde, est emblématique. Un militant de gauche, qui prône une candidature unique, demande à Anne Hidalgo, à brule-pourpoint, pourquoi elle ne fait pas équipe avec le candidat de gauche le mieux placé. La maire de Paris lui répond : « Quand je les vois faire, je ne pense pas que les autres soient capables de rassembler… Et puis, se retirer derrière un mec, c’est fini ! ».

L’explication, en deux temps, est révélatrice des impasses du Parti socialiste. Elle commence par une considération tactique, à savoir qu’aucun autre candidat n’est en mesure de faire la différence, et donc de mettre tout le monde d’accord. En cela, elle n’a pas tort mais elle oublie de s’inclure dans le lot des candidats qui ne sont pas en capacité de rassembler.

Mais c’est surtout la seconde considération qui me frappe. « Pas question, pour elle qui est une femme, de se retirer derrière un homme « . Affirmer que le simple fait d’être une femme justifie le maintien de sa candidature me laisse pantois.

C’est là qu’on prend conscience à quel point les socialistes (du moins ce qu’il en reste) ont complètement basculé dans le sociétal et intégré ces questionnements (légitimes et intéressants par ailleurs) comme l’alpha et l’omega de leur action politique. Il n’y en a que pour les droits des femmes et des minorités, les luttes contre tous les « truc-phobie ». Quand l’Unef, organisation dans la mouvance socialiste, pratique la « non mixité » et le langage dit « inclusif » (celui avec des points médians et des pronoms inventés de toutes pièces), ils ne font que traduire, de manière caricaturale, une évolution qui touche toute la mouvance.

Il y a bien longtemps que le social, la défense des précaires, a été abandonné en rase campagne par les socialistes. Par le reste de la gauche réformiste également, mais au moins, les Verts ont derrière eux des positions philosophiques et idéologiques plus construites et plus en phase avec l’esprit de l’époque. Les socialistes n’ont même plus d’armature idéologique, la social-démocratie étant en état de mort cérébrale depuis pas mal de temps.

En fait, seuls quelques petits groupes de gauche radicale s’indignent encore du sort fait aux travailleurs de la logistique et du service à la personne, qui sont les nouveaux prolétaires de notre temps. Pourtant, les sujets de l’emploi, du pouvoir d’achat, de la qualité de vie, de la Santé sont en tête dans toutes les enquêtes concernant les préoccupations des français. Quand on arrive sur le terrain des inégalités, ce sont les inégalités dans la répartition des richesses qui préoccupent le plus les français. L’économique encore !

Comment expliquer cet aveuglement, qui pousse tous les partis de gauche à abandonner ce qui est leur ADN politique, pour se jeter sur le sociétal, au point d’en arriver presque à faire de ce choix une forme d’impensé ?

Je n’ai pas véritablement de réponse, je ne peux juste que constater les dégâts. C’est d’autant plus triste et alarmant qu’un programme économique et social pleinement de gauche, existe avec le pacte du pouvoir de vivre. Des acteurs de la société civile ont fait le travail que le PS aurait dû faire (et n’a pas fait). Il suffirait à Anne Hidalgo de l’endosser explicitement et de le mettre en avant pour répondre aux attentes de son électorat « naturel ». Elle n’en semble même pas capable…

En politique, les structures qui n’écoutent plus qu’elles-mêmes et leurs proches, sont vouées à disparaitre. La Démocratie à cela de bon, qu’elle élimine impitoyablement ceux qui perdent le lien avec les citoyens et les préoccupations qu’ils expriment. Si les socialistes ne réagissent pas, cette présidentielle 2022 sera peut-être la dernière où ils sont en mesure de présenter un candidat.

Catégories
Non classé

Bolloré et Reworld, nettoyeurs de cadavres médiatiques

Depuis quelques temps, les médias français sont rachetés par dizaines, par Reworld et Bolloré. Tels des vampires, ils les vident complètement de leurs journalistes et en font des outils de communication, soit pour la publicité commerciale, soit pour accroitre l’influence politique de leur propriétaire. Autant dire qu’une fois repris en main, ces médias n’ont plus que de journalistique que le nom.

Il semblerait qu’après Europe 1 et le JDD, Le Figaro serait la prochaine cible de Bolloré. Je suis triste pour les journalistes qui travaillent dans ces titres, mais en même temps, j’ai du mal à éprouver un sentiment de perte devant ce mouvement.

En effet, cela fait maintenant longtemps que j’éprouve un malaise devant la manière dont travaillent les médias en matière d’information. Je ne remets pas en cause la bonne foi et la volonté de bien faire de la majorité des journalistes. Mais il s’avère que le résultat final de leur travail ne répond pas à aux attentes et aux promesses. La plupart des titres de presse ne sont plus fédérateurs, mais se replient sur des communautés, dont ils flattent les certitudes et les travers. Trop souvent, ils privilégient, sans s’en rendre toujours compte, leur point de vue parisiano-centré dans le choix des sujets et les angles de traitement, privilégiant le récit anglé, sur l’information pure.

La journalisme arrive à un moment de mutation, où la forme du « titre de presse » avec plusieurs dizaines, voire centaines de journalistes, qui entend couvrir l’ensemble de l’actualité, n’est plus pertinent. Pour réaliser ce travail exhaustif, il faut une masse critique que bien peu de titres ont. En France, il n’y en a pas, mis à part l’AFP (et encore…). Pour couvrir leurs coûts fixes, ils se mettent entre les mains des annonceurs, mais aussi de leurs lecteurs. Ils doivent donc répondre à des demandes qui ne relèvent pas de l’information, au sens « journalistique » mais de la confirmation d’opinions préétablies. Médiapart, qui assume complètement ce modèle (seuls nos lecteurs peuvent nous acheter) est un journal ultra-militant, qui n’a qu’une faible crédibilité en dehors des milieux d’extrême-gauche.

Les quelques fois où je vais sur une page d’accueil de site de presse, j’en repart rapidement et passablement agacé. Ce qui m’est proposé est très partiel, et parfois très partial. Alors que j’attends des informations et des analyses (si possibles intelligentes et pointues) je n’y trouve que des narrations et des plaidoyers pour une cause précise (chaque titre de presse ayant ses marottes). De plus en plus, j’ai l’impression que l’ambition des journalistes des médias nationaux se résume à « raconter le monde tel que le voit le journaliste » et à être un influenceur du débat public.

Ils rejoignent en cela les télévisions dites « d’information en continu » qui ne sont, depuis très longtemps, que des machines à faire le show, sans la moindre pudeur ni déontologie. Je ne suis donc pas étonné de l’état dans lequel se trouve le débat public.

Emmanuel Macron depuis son élection, et les Gilets jaunes, de l’autre coté du spectre ne disent finalement pas autre chose : les journalistes et les médias d’information ne font plus correctement leur travail et sont largement discrédités.

Derrière ce constat un peu désespérant, il y a quand même de l’espoir. Il reste encore la possibilité de s’informer, pour celui qui souhaite faire l’effort (ce qui n’est pas le cas de tout le monde). En tant qu’internaute, j’ai accès à une multitude de contenus intéressants, via internet. Les articles écrit par des journalistes y occupent une bonne place, et certains sont très intéressants et instructifs. Mais à chaque fois, ce sont des articles de journalistes dont je connais le travail, et qui ont gagné ma confiance par leur seule signature, et certainement par le média pour lequel ils travaillent. Mais il y a aussi des sources très diverses, des articles universitaires, des posts de blogs (si si, ça existe encore) et des fils twitter qui racontent des choses ou produisent des analyses de qualité. C’est moi qui fait ma propre « curation », avec des sources que je considère fiable (ou recommandées par des gens de confiance).

Certes, cela demande de l’argent (beaucoup de choses intéressantes sont payantes) et une capacité de discernement et d’analyse que tout le monde n’a pas (ou ne veut pas prendre le temps de développer). L’une des solution repose sur un format en plein essor, celui des newsletters, où des professionnels de la curation de l’information font ce travail, chronophage, de repérage des sources pertinentes sur leurs sujets. Cette voix me semble prometteuse, à condition que ce travail soit fait dans le respect d’une déontologie scrupuleuse (qui est devenue à éclipse dans les médias mainstream) et qu’ils puissent ainsi obtenir et gagner la confiance de leurs lecteurs.

Finalement, Bolloré et Reworld ne sont que les fossoyeurs d’un système déjà moribond, qui doit disparaitre car il n’est plus récupérable ni réparable. Un autre écosystème plus fluide, doit prendre la place, en travaillant différemment. Cela ne sera pas simple, prendra du temps, mais c’est la seule voie pour retrouver une qualité d’information et donc un débat public à la hauteur d’une grande démocratie.