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Savoir prendre du recul sur le cirque parlementaire

On a coutume de dire que l’Assemblée nationale est le « cœur battant de la démocratie ». Cela dépend du jour, et surtout, cela dépend de qui le dit. En ce moment, l’Assemblée nationale ressemble plus à un cirque, non pas tant par ce qui se passe dans l’hémicycle (encore que…) mais par l’exploitation, dans les médias et les réseaux sociaux, de ce qui s’est passé dans l’hémicycle. Cette semaine en est un exemple parfait.

Jeudi, a eu lieu la journée du groupe LFI, celle où il est en mesure de fixer l’ordre du jour de l’Assemblée. Il faut reconnaitre que, vu les contraintes, le groupe LFI l’a très bien gérée techniquement. Ils ont inscrit 12 textes, en sachant que s’ils arrivent à en passer 3, c’est beau. Donc cela fait 9 textes examinés en commission, mais pas en séance. Mais au moins, ça fait un rapport parlementaire (rédigé avec l’appui d’un administrateur de l’Assemblée) et un débat en commission. Quand, comme pour la commission d’enquête sur les « Uber Files », c’est voué à l’échec, c’est le dosage parfait : on en a parlé dans les médias, c’était le but.

La gestion en séance a également été politiquement et médiatiquement excellente. Elle a permis de faire monter la sauce médiatique sur l’interdiction de la corrida, sujet ô combien clivant (donc médiatiquement visible) et qui permet de caresser dans le sens du poil les électeurs LFI (plutôt végans qu’aficionados). J’ai rarement vu une opération aussi bien menée pour occuper l’espace médiatique sur un texte qui n’a strictement aucune chance de prospérer. Le dosage était même parfait, puisque le texte a été évoqué en séance, mais sans cramer trop de temps (la denrée réellement rare au Parlement). Et cerise sur le gâteau, le retrait de cette proposition de loi a laissé du temps pour une autre proposition, celle sur la réintégration des soignants non vaccinés, autrement plus gênante pour la majorité, car ayant des chances réelles d’être adoptée. Le gouvernement a réussi à s’en sortir, au prix d’une obstruction peu glorieuse (et donc politiquement couteuse).

La journée parlementaire LFI se traduit donc par une série de victoires tactiques : LFI grille la politesse à Renaissance (qui a été beau joueur sur ce coup) sur l’inscription du droit à l’avortement dans la constitution, provoque une belle agitation médiatique sur l’abolition de corrida, et un grand moment de gêne du gouvernement sur les soignants non vaccinés.

Mais cela ne reste qu’une série de victoires tactiques. En 1814, Napoléon a remporté plein de petites batailles contre ses adversaires. Cela ne les a pas empêchés d’entrer dans Paris et de l’envoyer à l’ile d’Elbe.

La vie politique française ne se joue plus dans l’hémicycle de l’Assemblée. Les groupes politiques ont beau essayer de surjouer leurs petites victoires ou leurs esquives, ça ne prend plus. Globalement, les français sont majoritairement indifférents à ce qui se passe au jour le jour, au Palais-Bourbon. Et ils ont raison !

Cela devrait amener les groupes politiques à avoir une réflexion sur la bonne utilisation de la tribune de l’Assemblée. Parfois, c’est important, voire capital, de ne pas rater l’occasion de faire trébucher le gouvernement. Parfois, c’est une perte de temps (et d’énergie) de s’acharner. Au moment où j’écris ces lignes, se déroule un débat sur une motion de censure, déposée par LFI, après le énième 49.3 utilisé par le gouvernement sur le PLFSS.

L’impact politique de ce débat, un vendredi soir entre 21h30 et 23h est à peu près nul, et son issue est courue d’avance : il n’y aura pas 289 députés présents pour la voter. Médiatiquement, elle passera inaperçue, car on va surtout y entendre la répétition d’arguments et d’éléments de langage déjà entendus. En revanche, elle a un coût, pour l’ensemble des personnes (parlementaires, fonctionnaires, journalistes, et les quelques citoyens devant leur écran d’ordinateur) qui crament leur vendredi soir à suivre ce triste spectacle.

Oui, l’hémicycle peut être une chambre d’écho politique formidable, à condition de savoir l’utiliser à bon escient. Les oppositions (en particulier LFI) ne semblent pas encore l’avoir compris et c’est problématique pour le bon fonctionnement de la démocratie représentative. En usant et abusant de la ficelle parlementaire, on dévalorise l’institution, qui n’en a franchement pas besoin.

Quoi qu’ils en disent, la gauche n’a pas gagné les élections, et depuis 6 mois, même avec une majorité relative, le gouvernement Borne arrive, globalement, à gouverner et faire passer ses textes. Il serait temps pour les oppositions d’en prendre acte, et de passer à d’autres formes d’actions politiques, moins nocives pour la démocratie représentative.

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Derrière la corrida, le statut de l’animal

Une proposition de loi du groupe LFI interdisant la corrida a été mise à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, jeudi 24 novembre. Les chances que le texte soit adopté sont nulles, et il risque même de ne pas être discuté tout court. En effet, il est placé en quatrième position, et une journée de niche parlementaire permet en général de faire passer trois textes, mais guère plus. Ce choix dans l’ordre de passage, qui relève complètement des insoumis, montre bien qu’ils veulent un débat, mais surtout pas plus. Et c’est sans doute le plus raisonnable, car le sujet, s’il soulève des questions fondamentales, n’est pas encore mûr.

Sur le fond, je ne suis ni pour, ni contre la corrida. Ce n’est pas ma culture, je ne suis jamais allé à une corrida et cela ne viendrait pas à l’idée d’y aller. Ma position est donc celle d’un désintérêt total, mais pose la question de savoir à partir de quand on peut, collectivement, décider que certaines pratiques n’entrent plus dans le champ de l’acceptable et doivent être bannies ?

On peut tout à fait interdire des pratiques anciennes, parce que la sensibilité collective a évolué. On a par exemple interdit l’esclavage, et personne ne songerait à le rétablir. On a aussi aboli la peine de mort, mais là, il en reste pour vouloir la rétablir. Tout cela s’est fait après de très longs débats collectifs et une argumentation de fond, qui touchaient au sens même que nous donnons à la vie humaine, au statut de l’être humain.

Sur la corrida, ce n’est pas le statut de l’être humain qui est en jeu, mais celui de l’animal. L’argument majeur des anti-corrida est la souffrance animal, et le fait que l’on ne peut pas traiter des animaux ainsi. En face, les défenseurs de la corrida sont sur un registre complètement différent, celui de ‘l’exception culturelle » et le fait que si la « cause animale » progresse, elle est loin d’être majoritaire et donc légitime à imposer cette décision « destructrice de diversité culturelle ». Bref, pour les aficionados, c’est un combat entre eux, tenants d’une tradition culturelle très ancienne et respectable, contre les bobos des métropoles qui n’y comprennent rien.

Le débat public semble malheureusement aller dans la direction de cette opposition stérile, voire nuisibles, car il peut mener à renforcer la fracture entre urbains et ruraux.

Un débat de fond sur la condition animale serait autrement plus intéressant, car il est en évolution rapide, à bas bruit. J’ai été frappé, par exemple, aux dernières élections européennes, des 2,2% du parti animaliste. Aux élections législatives de 2022, s’il n’a eu aucun élu, ce parti a réussit à passer la barre pour obtenir un financement public pendant 5 ans. Il se passe manifestement quelque chose, qui mérite qu’on s’y penche, et surtout, qu’on en parle.

C’est d’autant plus intéressant que les débats pourraient arriver vite sur les fondements anthropologiques de nos sociétés, et de la manière dont nous, humains, nous positionnons face à l’animal, et plus globalement face à la nature. Un débat qui ferait écho à un autre sujet brulant, celui de la préservation de la planète, où une grande partie de la solution est entre nos mains, dans nos comportements. En comprendre les fondements est un moyen de les faire évoluer.

Dans une démocratie mature, nous aurions ce débat. J’ai peur que la France de 2022 soit une démocratie de moins en moins mature…

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La fatigue du matraquage climatique

La mode, en ce moment, est de parler de la « fatigue informationnelle » et du désengagement d’un certain nombre de personnes, qui avouent ne plus écouter les médias, et de déserter les sites d’information. Ils expriment une angoisse devant des actualités anxiogènes, qui arrivent en flux continu.

Je dois avouer être, moi aussi, plus ou moins touché par cette fatigue. Si je maitrise plutôt bien la question de la quantité (pas de notification de médias sur mes appareils numériques) je dois avouer une fatigue sur la manière dont le problème du réchauffement climatique nous est asséné, à longueur de temps, sur un ton insistant, anxiogène et culpabilisant.

Je suis pleinement conscient qu’il y a un changement climatique en cours, qu’on en ressent déjà les effets, et que ça risque fort de ne pas aller en s’arrangeant. Mais je suis aussi malheureusement conscient que ma capacité personnelle à influer sur cette évolution est quasi nulle, et que même au niveau de la France, la marge d’efficacité n’est pas énorme, vu que les gros pollueurs sont ailleurs, en Chine et aux États-Unis, et qu’ils semblent ne pas s’en préoccuper beaucoup.

Voir, à longueur de journée, des tribunes et unes de médias très alarmistes, ça me fatigue, je dirais même pire, ça me gave. C’est comme ces adolescents qui, en jetant de la sauce tomate sur un tableau qui vaut plusieurs centaines de millions d’euros, croient faire avancer les choses. Oui, on va se prendre en pleine tronche le réchauffement et ses effets, oui, ça va faire mal (mais pas nécessairement à nous, habitants d’une zone riche au climat tempéré). Si, bien entendu, il faut faire notre possible pour éviter que ça monte trop, il faut être conscient que c’est déjà trop tard. Le sujet, maintenant, c’est de voir quelles sont les conséquences concrètes, et comment vivre avec ! Qu’est ce qui nous attends demain, comment y répondre, quelles réformes sont nécessaires, quels risques politico-économiques nous attendent ?

Il ne faut pas être grand clerc pour voir qu’une telle déstabilisation climatique va toucher de plein fouet des zones déjà climatiquement tendues, et si en plus, ces pays n’ont pas les moyens de faire face aux changements nécessaires, ça va mal se passer. J’aimerais qu’on me parle davantage de la manière dont les choses vont tourner au Pakistan, qui se prend canicule sur canicule, comment on va faire, au Moyen-Orient et en Egypte, si la production céréalière mondiale baisse, et que les prix du blé augmentent, et provoquent des disettes dans ces régions.

Les conséquences sont assez prévisibles : montée des populismes et des extrémismes, qui vont déboucher sur des conflits militaires, voire pire. Derrière, nous aurons des mouvements de populations, qui vont déstabiliser les voisins, et de proche en proche, arriver dans les zones riches (c’est à dire chez nous). Le commerce mondial va être lui aussi déstabilisé, et nous aurons surement (ça a déjà commencé) une démondialisation, qui se traduira par un repli régional, chaque grande aire développée (Chine, Amérique du Nord, Europe) va jouer sa propre partition, pas nécessairement sur le mode de la coopération. Tout cela se traduira probablement par une crise économique, où le pôle le plus fragile, l’Europe, pourrait prendre plus cher, car très dépendant du reste du monde pour ses approvisionnements en matières premières.

Nous n’allons pas sortir indemnes, ces trente prochaines années, d’un réchauffement qui aura, globalement, les mêmes effets socio-politico-économiques, qu’il soit à 1,5 ou à 2,5° de réchauffement. La Terre n’est pas en danger (elle en a vu d’autres), l’espèce humaine probablement pas (même si on va vers une décroissance démographique), notre mode de vie occidental certainement beaucoup plus.

J’aimerais que la réflexion collective soit un peu plus tournée vers l’anticipation de ces changements, qui vont arriver. Hors, je ne vois pas grand chose d’autre qu’une alternance d’articles alarmistes et culpabilisants, et de niaiseries nous expliquant que tout va bien se passer si on met notre chauffage sur 18° et qu’on trie bien nos déchets.

La fatigue informationnelle, c’est chez moi, une fatigue de la manière dont les médias travaillent (mal) pour traiter des sujets essentiels pour notre avenir.

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Le contrôle citoyen est un dialogue avec les élus

En démocratie, l’un des piliers du système est le pouvoir des citoyens de reconduire, ou pas, leur dirigeants lors des élections. Ils exercent donc une forme de contrôle, qui est plus ou moins éclairé. Actuellement, on ne peut qu’être déçu par la qualité, plutôt faible, des outils existants pour exercer ce contrôle citoyen.

Mettre en place un contrôle citoyen digne de ce nom est pourtant un enjeu capital, si on veut revitaliser un système démocratique en perte de vitesse, grignoté de toute part par les populistes et autoritaristes. Cela demande déjà de réfléchir à la manière de procéder, aux conditions à réunir pour que, collectivement, on tire vers le haut les débats sur le bilan de l’action de nos élus.

Il faut d’abord avoir des éléments factuels exacts et complets, tout en étant capable de comprendre ce qui est fait, ce qui demande une expertise technique dans les domaines concernés. C’est souvent un obstacle important, quand on voit le nombre de commentateurs et de critiques, d’une ignorance crasse du sujet ou de la matière sur lesquels ils émettent des avis définitifs, sans toujours avoir tous les éléments du dossier.

Il faut aussi comprendre la réalité de ce qu’est la décision publique. En politique, on a rarement une palette totalement ouverte, mais seulement un « champ des possibles ». On a également rarement l’occasion de construire une décision en entier, on ne fait bien souvent que trancher entre des options plus ou moins cristallisées.

Dans tout cela, quelle est la part de liberté du politique et quels sont les éléments qui lui sont imposés ? Là encore, ce n’est pas simple. Si on analyse la situation au moment de la décision, cela peut être assez simple, mais plus on prend du recul, plus on se rend compte que la décision publique est un long continuum de décisions, prises par différents acteurs (économiques, politiques, administratifs…) sur lesquels les politiques ont plus ou moins prise. En prenant un sujet suffisamment tôt, un politique peut avoir une influence sur la manière dont les choses se cristallisent, et donc se présente le choix qu’il aura à effectuer au final. Une marge de manœuvre, cela se construit et la véritable habileté des politiques, est d’arriver à ne pas se faire enfermer dans des dilemmes impossibles.

Et last but not least, les élus font de la politique, et donc prennent des décisions en fonction de leurs orientations idéologiques, que tous les citoyens ne partagent pas. Une décision considérée bonne par un membre de LR ne le sera pas nécessairement par un insoumis. Il faut donc être aussi capable d’apprécier, dans le processus, la part relevant des choix idéologiques, pour permettre aux citoyens, in fine, de se faire leur propre idées, en fonction de leurs opinions politiques, sur l’action de leur élu. C’est souvent sur ce dernier point, la conformité des décisions à des options politiques, que l’on insiste pour le contrôle citoyen.

Analyser cela, pour juger si un élu « a bien fait son travail » demande donc un recul, une somme d’informations et de compétences que l’on retrouve rarement chez une seule personne, et demande une organisation collective. Cela demande une analyse experte, mais aussi une capacité d’entendre le décideur avec bienveillance, sans le suspecter d’emblée d’être incompétent et malhonnête.

Le contrôle citoyen est avant tout un dialogue, où si l’élu à le devoir d’écouter ses électeurs, la réciproque est aussi nécessaire, ce que l’on a trop tendance à oublier. Le citoyen sera d’autant mieux écouté s’il dit des choses intelligentes et construites, et qu’il arrive groupé pour imposer à l’élu de répondre. Car il ne faut jamais oublier que la politique est avant tout une affaire de rapport de force, où l’élu se passerait volontiers du contrôle citoyen.

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Je ne suis pas de gauche

« Le rétablissement de l’ISF ne pose pas de problème économique, mais soulève un enjeu moral : on n’est jamais superriche ou à la tête d’une grande fortune de manière tout à fait innocente. Il faut le dire : la classe des superriches est un problème politique et social ».

Hadrien Clouet, député LFI, 17 octobre 2022

De temps à autre, il est intéressant de suivre les débats parlementaires. On y entend des prises de position politiques qui permettent de savoir où on se situe. Cette tirade d’un député LFI m’a littéralement hérissé le poil et m’a fait sentir combien je ne suis pas de gauche (ce qui ne surprendra pas mes lecteurs habituels). Il y a trois obstacles majeurs à ce que je puisse me dire « de gauche », que l’on retrouve dans cette tirade du député Clouet.

Le premier est la prégnance du marxisme, qui analyse la société sous l’angle de « classes sociales » et de luttes. Si la pensée de Marx est intéressante, elle est datée, et ses suiveurs en ont tiré beaucoup de délires, surtout quand il s’est agit de chercher à mettre en œuvre concrètement leurs théories fumeuses. J’ai du mal à comprendre qu’on puisse continuer à s’en réclamer.

Sur le fond, cette manière caricaturale et simplificatrice de penser et de voir la société me dérange. L’économique est certes une clé de lecture pertinente, mais c’est loin d’être la seule, et s’en tenir uniquement à elle entraine des erreurs majeures d’analyse. L’autre problème est cette mise en avant de la violence et des antagonismes. Il en ressort une culture politique qui monte les uns contre les autres, qui favorise le négatif par rapport au constructif.

Le deuxième point qui me choque est la course à la posture morale. La gauche est spécialiste de la posture, du happening où il faut rendre visible un « engagement », de préférence par une démonstration médiatique. Dans les cas les plus gentillets, c’est une photo de groupe, sur les marches d’un perron, avec chacun qui porte un petit carton de soutien « à la bonne cause ». Au pire, ça tourne au vandalisme, comme par exemple lancer de la soupe sur des œuvres d’art. C’est une culture politique qui se veut « morale » où il faut se poser en « plus-vertueux-que-moi-tu-meurs » et donc pointer des ennemis symbolisant le mal. L’important est de toujours être dans le camp des « gentils » contre des « méchants ». D’où une course effrénée vers le sociétal, où tout est prétexte à dénonciation d’un truc-phobie, au détriment du réel, car bien souvent les « causes » défendues sont en partie idéalisées (en occultant ses cotés sombres), et instrumentalisées, pour répondre au besoin de narcissisme militant.

Cela tourne souvent rapidement (c’est le troisième point) à la dissonance cognitive, quand les pratiques réelles vont à rebours de la vertu affichée. Se dire attaché à l’égalité, au féminisme, écrire en écriture inclusive, et, en même temps, gifler son épouse. Et ce n’est qu’un exemple parmi tellement d’autres. J’ai toujours trouvé très drôle d’entendre les mouvances d’extrême gauche se dire « démocratiques », prôner l’inclusivité et la communication non-violente. Pour ne surtout pas les pratiquer, ou uniquement avec ceux qui pensent comme eux (et encore…). Ce n’est pas comme cela qu’on peut donner confiance dans la classe politique.

On ne peut pas construire un projet pour la « res respublica » sur de telles bases. On ne peut pas prétendre diriger un pays en montant les uns contre les autres, en attisant les fractures, pour, en fait, servir son propre ego et faire finalement pire que les autres forces politiques que l’on prétendait dépasser et mettre aux « poubelles de l’histoire ».

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Le vide sidéral de la « refondation » macronienne

Depuis le lancement de l’opération « refondation », avec comme point d’orgue la création du Conseil national de la Refondation (CNR), je reste perplexe devant ce nouvel objet politique. J’attends les annonces sur les axes de travail, les « points d’atterrissage » et je ne vois rien venir. Après plusieurs séquences et prises de parole, je reste toujours sur ma faim. Je ne comprends à quoi Emmanuel Macron veut en venir.

Ou alors, je crains, malheureusement, de comprendre qu’il se moque complètement de nous. Et là, ce serait extrêmement dangereux pour la démocratie.

Quand je lis les déclarations, je ne vois que des questions de méthodes, avec des vieilles recettes éculées, sur des enjeux du quotidien, des débats éclatés, avec une équipe de permanents de quelques personnes. Les groupes de parole, les plateformes de consultation, ça existe depuis bien longtemps, et ce ne sont que des outils. Ce qui importe, quand on mobilise des gens, c’est de leur indiquer le point d’arrivée et ce qui sera fait de leur travail. J’ai beau scruter, je ne vois strictement aucun débouché, aucune promesse de reprise. Il n’y a que des débats au niveau micro-local, animés par on ne sait qui, sur des problèmes connus et sur lesquels les élus et responsables planchent depuis déjà longtemps. On cherche depuis longtemps à résoudre la baisse du niveau scolaire ou les déserts médicaux. Je ne vois pas comment cette nouvelle « méthode » pourrait apporter des solutions et des moyens qui n’ont pas déjà été trouvés et expérimentés.

Lors du premier mandat, avec le Grand Débat et la Convention citoyenne pour le Climat, il y avait au moins une feuille de route, un point d’horizon et un engagement d’en tenir compte (même si rien ou presque n’a été tenu). Là, on n’a strictement rien, ce qui est profondément déroutant pour moi. Il est vrai qu’il est difficile de réaliser deux fois la même entourloupe, et que le bilan du premier mandat, sur ce sujet, ne donne pas beaucoup de marges de crédibilité au président.

De l’autre coté, je constate que l’hypercentralisation de la décision s’est encore accentuée. Après avoir servi pour le Covid, le conseil de défense est à nouveau détourné de son objet, pour être le lieu des décisions concernant la gestion de la crise énergétique. Les décisions fondamentales se prennent après des repas « de la majorité » où le nombre de convives s’est encore restreint. Les exemples sont nombreux de cet enfermement du pouvoir, que l’on voit davantage en fin de mandat. Tout cela s’ajuste mal à l’existence d’une majorité relative à l’Assemblée nationale, et d’une absence totale de majorité au Sénat, qui empêche le gouvernement de faire voter ce qu’il veut, sauf à passer en force ou à dealer des compromis boiteux avec LR, au cas par cas.

J’ai énormément de mal à voir en quoi une opération de « refondation » aussi creuse, pourrait créer les conditions politiques pour surmonter cet écart entre une volonté et un exercice aussi centralisé et solitaire du pouvoir, et l’absence de leviers techniques. J’ai peur que tout cela ne soit qu’un nuage de fumée, lancé par un pouvoir politique aux abois. Cela ne peut pas fonctionner, cela ne peut qu’aggraver la situation politique et l’exaspération des citoyens face à un pouvoir qui se révèle incapable de fixer un cap lisible.

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Le boomerang de la violence en politique

Après Eric Coquerel, mis en cause pour agression sexuelle, c’est aujourd’hui Adrien Quatennens, et demain, possiblement Julien Bayou, qui se retrouvent au cœur d’une tempête, pour des faits de violence conjugale. Des affaires qui pourraient leur couter leur carrière, ou du moins, briser une ascension en cours.

C’est assez saisissant de voir à quel point le boomerang que cette frange de la gauche avait lancé contre l’éphémère ministre, Damien Abad, leur est revenu à la figure. Mais c’est tout sauf surprenant, car la violence (sexuelle ou pas) est omniprésente en politique. Attaquer ses adversaires sur cette base, c’est prendre le risque d’attirer les projecteurs sur un sujet où l’on n’est pas, soi-même, très clair (si ce n’est franchement pas beau à voir) et qui est de plus en plus sensible dans l’opinion.

Cela pose, plus globalement, le sujet de la violence, et de sa gestion, par les formations politiques. On entre là au cœur d’une problématique majeure de l’exercice du pouvoir, dont la conquête et l’exercice sont fondamentalement violents, car induisant des rapports de domination. Les progrès de la « civilisation » ont amené une amélioration dans les processus de dévolution (on n’exécute plus en place publique les chefs déchus) et dans l’exercice des fonctions. Mais cette gestion est moins évidente dans le cadre des formations politiques, où on coupe toujours (symboliquement) des têtes et où la culture politique rend parfois légitime cette violence, voire la met en scène. C’est assez visible sur les extrêmes du champ politique, où la violence et la domination sont régulièrement valorisés (de manière différente, mais le résultat final est aussi violent).

Cet épisode permet d’entrevoir le choc que représente l’arrivée dans le champ politique des demandes d’égalité homme-femme et de refus des rapports de domination qui l’accompagnent. C’est même très impressionnant à la gauche de la gauche, où les mouvements politiques sont violents dans leur culture et leur fonctionnement interne, tout en se faisant les porte-drapeaux de ces demandes d’égalité. Cela provoque des dissonances cognitives redoutables : c’est compliqué de rester crédible sur la lutte pour l’égalité et contre les violences faites aux femmes, quand les leaders de ces partis battent leurs propres conjointes.

Cet épisode montre qu’il y a encore beaucoup de chemin à parcourir, pour que cette demande politique de refus de la violence et des rapports de domination, soient réellement portée par des dirigeants politiques qui se l’appliquent. Pour l’instant, c’est avant tout un outil électoral, pour capter des voix, et accessoirement, pour se débarrasser de ses rivaux en interne. Car il ne faut se leurrer, si des affaires du type Abad et Quatennens sortent, c’est rarement un hasard et ça vient en général de l’intérieur.

Je ne peux donc que recommander la plus grande prudence, à tous les responsables politiques qui voudraient instrumentaliser ces affaires. Tant qu’ils ne seront pas, personnellement et effectivement en phase avec le message, ils risquent de se prendre un retour de flamme et creusent ainsi encore un peu plus, l’écart entre la population et ses dirigeants.

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La sociologie bullshit

Les Echos viennent de publier un papier qui est une caricature de cette pseudo-analyse sociologique qui pollue tant les médias, en occupant de l’espace, au détriment des analyses de fond.

Il parle du « quiet quitting », cette tendance chez les jeunes salariés, à ne pas en faire trop, juste ce qui est écrit dans le contrat de travail, et ne surtout pas se crever à la tâche, en répondant aux mails à des heures indues, ou en faisant des heures supplémentaires non payées, sur ses jours de congé.

Ce qui est pour moi une saine attitude, semble passer, dans le papier, comme un quasi-scandale, au point de se demander si ce « quiet quitting » n’est pas une forme soft de la « grande démission », autre concept bullshit dont raffolent les médias. J’ai un peu l’impression de lire des articles commandés par les employeurs, pour tenter de culpabiliser les salariés de réclamer des changements à leur avantage.

Derrière tout cela, il y a surtout une évolution du rapport de force entre salariés et employeurs. Depuis plus de 30 ans, du fait du chômage de masse, le rapport de force était en faveur de l’employeur, qui pouvait imposer ses conditions (et ne s’en est pas privé). Depuis 2020, la situation se retourne, avec une pénurie de main d’oeuvre qualifiée, et des salariés qui sont en situation de force, les employeurs ayant du mal à recruter. Il n’y a aucune raison que les salariés ne profitent pas, eux aussi, pour imposer leurs conditions en termes de salaires, mais aussi de qualité de vie au travail, et d’équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

Visiblement, tout le monde n’a pas perçu tous les effets de cette bascule sur les mentalités, et donc l’organisation des entreprises. Celles qui ne tenaient que grâce à un surinvestissement plus ou moins gratuit de leurs salariés, vont devoir se bouger, car il est de moins en moins possible d’obtenir ce niveau d’investissement par la contrainte, voire de l’obtenir tout court. Ce n’est pas juste quelques augmentations salariales et quelques gadgets sur le lieu de travail qui vont régler la situation. Et ce n’est pas les analyses à la mord-moi-le-noeud en mode développement personnel, à base de concepts fumeux, qui vont les aider à comprendre ce qui leur arrive, et comment évoluer.

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La dissonance cognitive macronienne

Ce deuxième mandat d’Emmanuel Macron débute de manière étrange, avec des injonctions contradictoires. Ou du moins, avec des pratiques qui sont en énorme décalage avec les annonces et promesses de consultations et de « décider autrement ».

Alors même que s’ouvre le conseil national de refondation, dont on ne sait toujours pas ce qu’il va produire, et ce qui va en être fait, Macron laisse entendre qu’il pourrait faire passer en force sur la réforme des retraites dès ce mois d’octobre. En effet, des rumeurs, pas démenties par l’Elysée, indiquent que l’allongement de la durée de cotisation, et surtout le recul de l’âge de départ en retraite pourraient figurer dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

La mesure est techniquement possible, cette réforme ayant une incidence évidente sur l’équilibre du budget de la sécurité sociale. Le gouvernement ayant le droit de passer en force, par le biais de l’article 49 alinéa 3 de la constitution, sur les textes financiers, tous les observateurs pensent qu’il va le faire. Le vote sur le projet de loi de Finances étant hautement politique (c’est un marqueur de l’appartenance à la majorité ou à l’opposition), Emmanuel Macron n’aura sans doute pas de majorité pour le voter, et devra donc passer en force. On ne voit pas pourquoi les choses se passeraient différemment pour le PLFSS, discuté en même temps que le budget. On peut alors se dire, cyniquement, que si on est obligé d’utiliser cette procédure d’adoption sans vote, qui a un coût politique évident, autant l’amortir en chargeant la barque au maximum.

Sauf que les deux démarches sont complètement orthogonales, et que pour réussir la première (le renouveau démocratique), il faut bâtir une relation de confiance avec ceux que l’on sollicite pour participer aux concertations et nouvelles instances de décision. Autant dire que si Macron passe en force sur la réforme des retraites, il fracasse le peu de confiance qui reste, et l’action de « renouveau démocratique » va s’arrêter (si jamais elle avait commencé réellement), toutes les réunions et rencontres n’étant plus qu’une vaste mascarade.

Entre ce qui est promis, et ce qui est effectivement fait, on a vite compris que le second mandat de Macron est la parfaite continuation du premier (y compris dans le foutage de gueule), et qu’il n’y a finalement ni nouveau récit, ni inflexion à attendre. Tenter de le faire croire, c’est prendre les français pour des imbéciles et c’est profondément désagréable. Cela va accroitre la détestation, déjà vive, d’une part importante des français pour Macron. Cela va surtout aussi provoquer une amertume de ceux qui soutenaient cette majorité, et qui vont finir par se rendre compte (si ce n’est pas déjà fait) qu’ils ne seront jamais que des idiots utiles, au service d’un petit groupe de technocrates qui n’ont aucune intention de partager le pouvoir.

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La politique pure, au risque de décevoir

La machinerie politique a repris, en cette rentrée, sur la « taxation des superprofits ». Tout est réuni pour faire le buzz, et donc avoir un gros impact sur le débat public. Prendre de l’argent aux « super-riches » (surtout quand ce sont des « super-méchants » comme Total) pour le donner aux citoyens, c’est un cocktail magique pour la gauche.

On a donc une pression politique qui monte, sur un message très politique, donc très simple à comprendre. Sauf que techniquement, c’est beaucoup plus compliqué à mettre en œuvre, d’où l’embarras du gouvernement. Si Bruno Le Maire résiste autant, c’est probablement autant parce qu’il est un libéral pro-business, que parce qu’il est conscient de la difficulté à mettre en place concrètement cette taxation.

En effet, les lois fiscales ne s’écrivent pas à coup de slogans, mais avec des éléments objectifs et mesurables d’assiette, de taux, en respectant quelques principaux constitutionnels. La dernière fois qu’un gouvernement a tenté d’appliquer techniquement un slogan démagogique sur la taxation, c’était en 2012, avec la taxe à 75% de François Hollande. On a vu comment ça a fini…

La grosse difficulté va être de déterminer la base taxable. C’est quoi un « super-profit ». Pour les entreprises pétrolières, c’est assez simple, ils revendent très cher du pétrole, du fait de la hausse spectaculaire des cours, alors que les coûts d’extraction n’ont pas augmenté. Là où cela devient délicat, c’est de savoir quelle autorité nationale a le droit de taxer ces superprofits, celle du pays du siège social, ou celle du pays où se déroulent les opérations d’extraction ? Pour la France, mieux vaut que ce soit le pays du siège social, vu qu’il n’y a aucun activité d’extraction de pétrole sur le territoire français. Cela permettra au moins de faire payer Total. Autre sujet, quelle assiette exacte ? Les bénéfices globaux de l’entreprise, toutes activités comprises, tels que déclarés dans les comptes annuels ? Juste un différentiel entre les gains « en temps normal » et ceux effectivement réalisés en période de crise ? Là encore, on prend le résultat global, ou juste le produit de certaines activités particulièrement impactées ?

Il va falloir trouver le mécanisme juridique (bon courage aux juristes) C’est d’autant plus compliqué que suivant les entreprises et les secteurs, les « super-profits » peuvent venir de différentes activités ou mécanismes. Il faudrait sans doute autant de taxes qu’il y a de secteurs concernés, pour remplir l’objectif politique annoncé, qui est de prélever une partie des « sur-profits » provoqués par la crise. Le piège est redoutable, car le conseil constitutionnel sera sans doute saisi, et vérifiera que les dispositions de la loi de Finances sont bien proportionnées et conformes à l’objectif visé.

Le risque de censure constitutionnelle est réel, et derrière, si jamais ça passe, il y aura des contentieux devant les tribunaux ordinaires pour les modalités de calcul des chiffres à retenir pour le calcul de l’assiette et autres détails d’application. Ces entreprises ont ce qui faut en avocats fiscalistes pour lancer la bataille (et éventuellement la gagner). Bref, légiférer, à la va-vite, sur une matière aussi technique, face à des entreprises qui ont les moyens de se défendre, c’est monter une usine à gaz qui explosera à la gueule du gouvernement, sans rapporter grand chose au Trésor public.

Pour l’opposition, ce n’est pas grave. Si ça marche, ils en réclameront à cor et à cri le bénéfice politique, et si ça ne marche pas, ce sera la faute de l’incompétence ou de la mauvaise volonté du gouvernement.

Pourquoi, dans ce cas, se préoccuper de la faisabilité de ce qu’on propose ? Pourquoi se comporter en opposition responsable, quand on peut faire de la démagogie et gagner à tous les coups ?

Comment s’étonner du discrédit de la classe politique, qui s’amuse à donner des espoirs aux Français, en leur faisant miroiter des actions et des objectifs que l’on sait irréalisables, ou très compliqués à atteindre. A la fin, il ne peut y avoir que de la déception, et un fossé qui se creuse encore un peu plus entre les citoyens et leur classe politique (opposition comprise).