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L’heure des clarifications pour la Nupes

Le Congrès du PS est le premier vrai test de la solidité de la forme d’union de la gauche appelée Nupes. En effet, à l’issue du scrutin interne (qui s’est joué sur cette question), le sortant Olivier Faure, fervent partisan de l’alliance, est réélu de justesse, avec un parti fracturé, une moitié des 22 000 votants étant soit hostiles, soient réticents à la Nupes.

Ces tensions étaient prévisibles et attendues, et pour tout dire « normales » tant l’alliance a été conclue de manière rapide et ambiguë, dans un contexte de cartel électoral. La Nupes est née, non pas entourée de bonnes fées, mais de non-dits et d’arrières pensées. Si on veut que l’alliance perdure, à un moment, il faut purger tout cela. Le parti socialiste étant le plus gêné aux entournures, c’est logique qu’il ouvre le bal des clarifications.

Les urnes ont parlé et le constat est clair, Olivier Faure a encore beaucoup de boulot pour faire adopter la Nupes au PS. Un travail à deux faces. En externe, pour faire en sorte que les alliés (LFI en particulier) mettent de l’eau dans leur vin sur les points programmatiques ou tactiques qui irritent le plus au PS. En interne, pour faire admettre à la partie réticente que finalement, une Nupes adoucie et recentrée est dans l’intérêt du PS et de la gauche.

Les obstacles sont nombreux, des deux cotés. En externe, amener LFI à infléchir sa ligne et faire des compromis n’a rien d’évident. Il faut d’abord trouver les « bons interlocuteurs » dans une formation politique où la guerre de succession fait rage. Faire admettre à un parti qui s’est construit sur des postures de radicalité, qu’il faut s’adoucir, ne va pas de soi, surtout quand ce parti est persuadé qu’il doit son succès à cette radicalité.

En interne, c’est encore pire, car les adversaires d’Olivier Faure ne sont pas prêt de digérer une défaite sur le fil, et commencent à contester sa légitimité. Le risque d’un PS ingouvernable et cacophonique est réel, car les opposants ne peuvent pas quitter le parti, faute de moyens (c’est Olivier Faure qui tient la structure bénéficiant du financement public) et faute d’espace politique. Il lui faudra aussi tenir compte des egos et ambitions personnelles de grands barons locaux, en particulier ceux qui ont soutenu Mayer-Rossignol. On ne gomme pas d’un trait de plume et une culture politique et des pratiques historiques.

Toutefois, rien n’est perdu pour Olivier Faure, qui est à la tête d’une moitié homogène et soudée du PS, face à un ensemble hétéroclite d’opposants, pas tous sur la même ligne pour la Nupes (il y avait une motion clairement anti-Nupes, et une autre, simplement réticente), avec sans doute pas mal de positionnements tactiques en vue de récupérer des places en cas de victoire du challenger. Une fois la poussière retombée, qu’il faudra avancer et bosser sur le fond, on verra sans doute des mouvements vers Faure, probablement aidés par une habile politique de distribution de postes et de remplissage de gamelles.

L’histoire de la gauche est une longue suite de psychodrames, parfois incompréhensibles pour les non-initiés, suivis de spectaculaires réconciliations. Attendons la suite, mais normalement, la Nupes devrait sortir plus renforcée qu’affaiblie de ce congrès du PS.

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L’improbable réforme des institutions

L’actualité politique semble connaitre un léger frémissement, concernant la réforme des institutions, promise par Emmanuel Macron, mais au point mort depuis six mois.

Alors même que la commission d’experts annoncée pour l’automne n’est toujours pas nommée, voilà que le patron du parti du président mandate deux « experts » avec des propositions à formuler pour février et que les universitaires sortent du bois, sur une temporalité plus longue (la rentrée de septembre).

Tuons le suspense tout de suite, cette réforme des institutions ne se fera pas encore cette fois-ci. Aucune condition n’est réunie pour un aboutissement, et je pense que beaucoup en sont conscients, d’où ce retard à l’allumage, et cette occupation du terrain par des seconds couteaux. L’objectif est de sauver la face, en faisant semblant de faire quelque chose.

Pour mener à bien une réforme constitutionnelle, il faut déjà poser clairement les enjeux, et rester dans le cadre d’une commande politique claire. La discussion technique n’est ensuite que la mise en œuvre juridique des objectifs politiques qui font consensus.

Pour l’instant, il n’y a pas d’objectifs politiques. Que veut Emmanuel Macron sur ce sujet des institutions ? On n’en sait pas grand chose, et c’est bien pour cela que les propositions partent dans tous les sens, avec des préconisations purement techniques, sans la moindre vision politique. Si la vision est la même que celle avancée en 2017, et qui n’a pas pu aboutir alors qu’il avait une majorité absolue, il n’y a aucune chance que cela prospère maintenant qu’il n’a plus qu’une majorité relative.

Car en plus d’une absence de vision, il n’y a pas de consensus politique, vu les écarts énormes entre les différents partis. Aucune chance d’avoir un texte conforme entre les deux assemblées, et une majorité des trois cinquième au Congrès (un référendum serait à haut risque politique pour Macron).

Si c’est éventuellement possible d’avoir des accords sur des petits sujets consensuels (comme l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution), sur les institutions, ce n’est même pas la peine d’essayer. Et je n’ose imaginer le bourbier qui sera la discussion à l’Assemblée, avec des montagnes d’amendements qui partent dans tous les sens. Le souvenir des débats de 2018, avant même que tout parte en vrille avec l’affaire Benalla, est suffisamment traumatisant pour donner envie d’y retourner. Et cette fois-ci, ce n’est pas 17 insoumis, mais 75, qui seront dans l’hémicycle, bien décidés à défendre leur projet constitutionnel de VIe république.

Si cela ne suffisait pas pour flinguer le projet, la dernière étape serait délicate, car politiquement, le seul accord possible serait « majorité présidentielle + LR ». Politiquement, c’est loin d’être fait, car je vois pas l’intérêt d’un accord pour le parti désormais dirigé par Eric Ciotti, et encore moins pour Gérard Larcher et Bruno Retailleau. Mathématiquement, cet attelage (s’il ne manque absolument aucune voix) fait tout juste trois cinquième. La barre est à 555 voix, et la totalité de la majorité présidentielle (assemblée et Sénat) et de la majorité sénatoriale (LR-UC-Indépendants) c’est 552. Autant dire que même en allant gratter chez les non-inscrits, c’est très chaud.

Inutile, donc, de perdre du temps sur le sujet, rien ne se passera avant 2027.

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Le piège du « quoi qu’il en coûte » se referme

La réforme des retraites, qui est lancée par le gouvernement, pourrait se révéler une bérézina politique historique. Sur un sujet historiquement casse-gueule, le gouvernement n’a politiquement rien préparé. Surtout, il n’a pas compris que le « quoi-qu’il-en-coûte » a été un changement de paradigme dans la perception des réformes par les français. On a bien sauvé l’économie à coup de centaines de milliards en 2020, on peut bien faire la même chose pour les retraites !

Le premier étage de la fusée est l’absence totale de « vision politique » sur cette réforme. Il n’y a aucun récit, aucune projection sur le futur expliquant pourquoi c’est essentiel de la faire. Croire qu’on peut faire passer une réforme qui touche à un totem, l’âge du départ à la retraite, sur des bases uniquement comptables, c’est prendre un gros risque. Sauver l’équilibre du système des retraites, ça préoccupe surtout les retraités, qui voient avec inquiétude la perspective d’un manque de financement qui entrainerait une baisse de leurs pensions. Mais ça ne fait pas rêver les actifs, et certainement pas les jeunes en début de carrière. S’il n’y a pas de lien avec un projet de société, ça ne peut pas aller loin.

Le deuxième point de friction est l’absence de « pédagogie ». Aucun travail de conviction n’a été fait, le sujet arrive maintenant sans préparation médiatique et politique. Bayrou, qui est un politique expérimenté, s’en est ému avant les fêtes. C’est vrai que c’est difficile de faire de la pédagogie, quand la veille des annonces, certains points ne sont pas encore arbitrés. Compliqué, pour ceux qui n’ont pas trop suivi les débats, de « s’approprier » cette réforme, en examinant si ce qui a été finalement arrêté leur convient. Le texte va passer comme un TGV, avec des annonces politiques le 10 janvier, un passage en conseil des ministres le 23 et un examen en commission à l’Assemblée le 30 janvier. La méthode retenue est très clairement le passage en force, et mentionner des « concertations » relève de la vaste blague.

Le troisième point est l’isolement politique du gouvernement. La gauche est vent debout et unie contre la réforme avec des messages très politiques. Le RN est dans les mêmes dispositions et Macron n’a rien à en attendre. Le seul allié de la majorité, c’est LR, et ça reste bien fragile. Numériquement, cet appoint suffit à peine, et la désunion au sein du parti ne garantit pas que toutes les voix seront au rendez-vous. Et surtout, la manière dont ce ralliement est présenté donne vraiment l’impression d’un achat de vote, d’un ralliement non pas par conviction, mais contre des concessions. Si la vague monte contre la réforme, et que les LR sentent qu’ils peuvent être entrainés dans le naufrage, ils risquent de quitter bien vite le navire.

Le piège est donc largement ouvert, pour que le gouvernement se heurte à un rejet massif de cette réforme, qu’il devra à sa propre incohérence. Si le gouvernement a mis en place le « quoi qu’il en coûte » face à la crise du Covid, vient de cramer plusieurs dizaines de milliards d’euros dans des boucliers tarifaires sur l’énergie, pourquoi n’est-il pas capable de le faire aussi pour sauver le système de retraite ?

Le « quoi qu’il en coûte » est un piège, car c’est un aller-simple. Toute tentative de retour en arrière est à très haut risque politique, car une fois qu’on a branché une perfusion d’argent public, le pays y prend goût et ne comprendrait pas pourquoi cela s’arrêterait, alors que ça fonctionne si bien…

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La non-succession de Mélenchon est un problème

Le conclave insoumis a tranché, ce sera Manuel Bompard qui reprendra les rennes de la « coordination » de la mouvance insoumise après la mise en retrait forcée d’Adrien Quatennens (le dauphin de cœur de Jean-Luc). Une désignation qui suscite les aigreurs des autres héritiers potentiels du vieillissant chef charismatique, qui craignent de se voir écarter d’un pouvoir auquel ils ont été associés jusqu’ici. Ce n’est qu’un épisode d’un long feuilleton, qui risque de n’aboutir à rien, ce qui est problématique pour la démocratie.

La France insoumise s’est construite autour de la personnalité de Jean-Luc Mélenchon, comme le Macronisme s’est construit autour d’Emmanuel Macron, et le Lepenisme autour d’une lignée familiale (père, fille, petit-fils par alliance). Du fait de liquéfaction des idéologies politiques, les structures partisanes ne peuvent plus se bâtir autour d’idées et de programmes, mais autour de personnalités charismatiques, qui fédèrent une mouvance. C’est ce que n’a pas compris le PS, qui continue à croire que le programme doit primer sur les personnes, et qui en est arrivé à un score de 1,75% qui n’est absolument pas un accident.

Pour qu’un relais soit pris, il faut qu’un nouveau leader charismatique émerge, et s’impose. Soit il est préparé en amont, et arrive à s’entendre à peu près avec le leader charismatique en poste (cas du RN, jusqu’ici), soit il émerge sur un champ de ruine, après le départ définitif du leader charismatique précédent.

On est clairement partis pour la deuxième option chez LFI, où le leader charismatique, même s’il a pris un peu de recul sur l’opérationnel, est toujours bien présent en coulisse et continue à tirer les ficelles. N’ayant pas de dauphin qui s’impose d’évidence (aucun de ses lieutenants n’est à la hauteur), il laisse s’installer une forme de guerre de succession larvée, où le « diviser pour régner » lui permet de continuer à être le chef. Cela pourrait l’arranger, car c’est le genre d’animal politique qui ne quittera vraiment la vie politique qu’une fois entre quatre planches. Le risque est qu’après son départ définitif, ce qu’il a construit se délite, et que la force d’entrainement de gauche passe à une autre mouvance, et que de moteur, LFI devienne satellite. C’est probablement ce qui va leur arriver, reste qui sera le prochain « leader charismatique » de la gauche et surtout quand il arrivera à émerger. Pas certain du tout que ce soit fait pour 2027.

En attendant, nous allons avoir un triste spectacle, où des seconds couteaux se déchiquètent, pour le plus grand désarroi des militants. Cela pourrait même être dangereux pour la démocratie si la Macronie se met à entrer dans le même processus.

Le véritable piège est que sur les trois blocs qui structurent désormais la vie politique, deux soient en crise de leadership en même temps en 2027 : un Mélenchon, trop vieux pour se présenter, mais sans héritier faisant le poids et l’unanimité, un Macron qui ne peut pas se représenter, et flingue le seul dauphin ayant la carrure (Édouard Philippe).

En politique, parfois, ce n’est pas le meilleur qui gagne, mais le moins mauvais, et surtout, le moins désuni. Le but n’est pas tant de prendre des électeurs à ses concurrents que de faire le plein de ses propres voix. A ce jeu, je vous laisse deviner qui ramasse le morceau à la prochaine présidentielle…

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La prévention des conflits d’intérêts pourrait nuire à la démocratie

Jean Castex, ancien Premier ministre, a été nommé à la tête de la RATP. Ayant été en poste au gouvernement moins de trois ans avant sa nomination, celle-ci est soumise à l’avis de la haute autorité de transparence de la vie publique (HATVP). Elle a émis un avis favorable, sous réserve que Jean Castex ne prenne pas contact, de sa propre initiative, avec les ministres qui étaient en poste dans son gouvernement, à savoir la Première ministre (par ailleurs ancienne patronne de la RATP), le ministre des Transports et le ministre du Budget. En clair, ses trois « ministres de tutelle ».

Tout cela est complètement ridicule. Le patron d’une grande entreprise de ce type a besoin d’avoir des relations fluides avec le gouvernement et les administrations centrales. Si ce n’est pas Jean Castex qui passera les appels, c’est son directeur de cabinet qui le fera à sa place, et on arrivera au même résultat, au prix de contorsions et de faux-semblants qui ne tromperont personne.

Croire que les relations nouées par Jean Castex avec certains ministres, du fait qu’il ait été leur supérieur hiérarchique quelques mois auparavant, vont créer un avantage indu pour la RATP est tout aussi ridicule. La véritable relation de pouvoir qui compte, celle avec Macron, n’est pas incluse dans le périmètre des interdictions ! Si le choix, pour ce poste sensible est difficile, s’est porté sur un ancien premier ministre, c’est probablement parce que le fait d’avoir été à Matignon est un atout, qui sera bénéfique pour la RATP, entreprise publique en situation de monopole.

Cela montre à quel point la manière dont on traite les conflits d’intérêts potentiels des personnes qui ont exercé des charges publiques est mal pensée, et donc globalement inefficace. Certes, le dispositif actuel permet d’éviter quelques recasages problématiques, comme cet ancien ministre des transports qui aurait voulu passer directement au comité exécutif du plus gros armateur français.

Le vrai sujet n’est pas le contrôle « ex ante » où on intervient, avant même qu’il se passe quelque chose, mais dans le contrôle « ex post » où on passe voir après, si effectivement, il y a eu un usage abusif d’une ancienne position ministérielle au profit d’intérêts particuliers. Malheureusement, ce contrôle est quasiment inexistant, et ne peut reposer que sur la vérification que les interdictions formelles édictées par la HATVP n’ont pas été violées. Bref, il suffit d’être assez malin, pour ne pas prendre directement les contacts soi-même, pour faire des petites magouilles en toute tranquillité. En revanche, on met en insécurité nombre de personnes, qui vont respecter une éthique scrupuleuse, et n’abuseront pas de l’influence donnée par leurs anciennes fonctions, et risquent de se voir reprocher un coup de fil anodin, avec une personne qu’il ne fallait pas contacter directement.

Le souci avec les conflits d’intérêts, c’est qu’ils ne sont pas, en soi, un problème. Il s’agit juste d’une situation où, potentiellement, on peut faire prévaloir un intérêt privé par rapport à l’intérêt général. Normalement, quand on n’est plus ministre, on n’est plus en charge de l’intérêt général. En revanche, on peut utiliser les contacts, les connaissances, et l’aura liée à l’ancienne fonction, pour en faire bénéficier des employeurs privés. Le fait qu’on ne puisse pas, directement, prendre contact avec certaines personnes, ne change pas grand chose, et ne gêne pas vraiment celui qui veut mal faire.

Imposer des règles aussi tatillonnes est juste un obstacle à la poursuite de carrière d’un certain nombre de personnes ayant occupé de hautes fonctions. Qu’il y ait une surveillance pour éviter les scandales est tout à fait normal, mais cela ne doit pas non plus fermer trop de portes pour les anciens élus et décideurs. Là où il faut être ferme, c’est en cas d’abus avéré, et malheureusement, aucun dispositif n’est prévu, pour enquêter et sanctionner.

Se lancer dans une carrière politique représente un coût, en exposition publique (les déclarations d’intérêt et de patrimoine), en sacrifices de la vie sociale et familiale. Si en plus, les revenus sont plafonnés (et à un niveau nettement inférieur à ce que cette même personne pourrait gagner dans le privé) et qu’on est entravé pour la suite de sa carrière, qui va vouloir se lancer ? Le problème est réel, et déjà sensible, notamment à l’Assemblée nationale et dans les cabinets ministériels et c’est potentiellement dangereux pour notre démocratie.

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Savoir prendre du recul sur le cirque parlementaire

On a coutume de dire que l’Assemblée nationale est le « cœur battant de la démocratie ». Cela dépend du jour, et surtout, cela dépend de qui le dit. En ce moment, l’Assemblée nationale ressemble plus à un cirque, non pas tant par ce qui se passe dans l’hémicycle (encore que…) mais par l’exploitation, dans les médias et les réseaux sociaux, de ce qui s’est passé dans l’hémicycle. Cette semaine en est un exemple parfait.

Jeudi, a eu lieu la journée du groupe LFI, celle où il est en mesure de fixer l’ordre du jour de l’Assemblée. Il faut reconnaitre que, vu les contraintes, le groupe LFI l’a très bien gérée techniquement. Ils ont inscrit 12 textes, en sachant que s’ils arrivent à en passer 3, c’est beau. Donc cela fait 9 textes examinés en commission, mais pas en séance. Mais au moins, ça fait un rapport parlementaire (rédigé avec l’appui d’un administrateur de l’Assemblée) et un débat en commission. Quand, comme pour la commission d’enquête sur les « Uber Files », c’est voué à l’échec, c’est le dosage parfait : on en a parlé dans les médias, c’était le but.

La gestion en séance a également été politiquement et médiatiquement excellente. Elle a permis de faire monter la sauce médiatique sur l’interdiction de la corrida, sujet ô combien clivant (donc médiatiquement visible) et qui permet de caresser dans le sens du poil les électeurs LFI (plutôt végans qu’aficionados). J’ai rarement vu une opération aussi bien menée pour occuper l’espace médiatique sur un texte qui n’a strictement aucune chance de prospérer. Le dosage était même parfait, puisque le texte a été évoqué en séance, mais sans cramer trop de temps (la denrée réellement rare au Parlement). Et cerise sur le gâteau, le retrait de cette proposition de loi a laissé du temps pour une autre proposition, celle sur la réintégration des soignants non vaccinés, autrement plus gênante pour la majorité, car ayant des chances réelles d’être adoptée. Le gouvernement a réussi à s’en sortir, au prix d’une obstruction peu glorieuse (et donc politiquement couteuse).

La journée parlementaire LFI se traduit donc par une série de victoires tactiques : LFI grille la politesse à Renaissance (qui a été beau joueur sur ce coup) sur l’inscription du droit à l’avortement dans la constitution, provoque une belle agitation médiatique sur l’abolition de corrida, et un grand moment de gêne du gouvernement sur les soignants non vaccinés.

Mais cela ne reste qu’une série de victoires tactiques. En 1814, Napoléon a remporté plein de petites batailles contre ses adversaires. Cela ne les a pas empêchés d’entrer dans Paris et de l’envoyer à l’ile d’Elbe.

La vie politique française ne se joue plus dans l’hémicycle de l’Assemblée. Les groupes politiques ont beau essayer de surjouer leurs petites victoires ou leurs esquives, ça ne prend plus. Globalement, les français sont majoritairement indifférents à ce qui se passe au jour le jour, au Palais-Bourbon. Et ils ont raison !

Cela devrait amener les groupes politiques à avoir une réflexion sur la bonne utilisation de la tribune de l’Assemblée. Parfois, c’est important, voire capital, de ne pas rater l’occasion de faire trébucher le gouvernement. Parfois, c’est une perte de temps (et d’énergie) de s’acharner. Au moment où j’écris ces lignes, se déroule un débat sur une motion de censure, déposée par LFI, après le énième 49.3 utilisé par le gouvernement sur le PLFSS.

L’impact politique de ce débat, un vendredi soir entre 21h30 et 23h est à peu près nul, et son issue est courue d’avance : il n’y aura pas 289 députés présents pour la voter. Médiatiquement, elle passera inaperçue, car on va surtout y entendre la répétition d’arguments et d’éléments de langage déjà entendus. En revanche, elle a un coût, pour l’ensemble des personnes (parlementaires, fonctionnaires, journalistes, et les quelques citoyens devant leur écran d’ordinateur) qui crament leur vendredi soir à suivre ce triste spectacle.

Oui, l’hémicycle peut être une chambre d’écho politique formidable, à condition de savoir l’utiliser à bon escient. Les oppositions (en particulier LFI) ne semblent pas encore l’avoir compris et c’est problématique pour le bon fonctionnement de la démocratie représentative. En usant et abusant de la ficelle parlementaire, on dévalorise l’institution, qui n’en a franchement pas besoin.

Quoi qu’ils en disent, la gauche n’a pas gagné les élections, et depuis 6 mois, même avec une majorité relative, le gouvernement Borne arrive, globalement, à gouverner et faire passer ses textes. Il serait temps pour les oppositions d’en prendre acte, et de passer à d’autres formes d’actions politiques, moins nocives pour la démocratie représentative.

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Derrière la corrida, le statut de l’animal

Une proposition de loi du groupe LFI interdisant la corrida a été mise à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, jeudi 24 novembre. Les chances que le texte soit adopté sont nulles, et il risque même de ne pas être discuté tout court. En effet, il est placé en quatrième position, et une journée de niche parlementaire permet en général de faire passer trois textes, mais guère plus. Ce choix dans l’ordre de passage, qui relève complètement des insoumis, montre bien qu’ils veulent un débat, mais surtout pas plus. Et c’est sans doute le plus raisonnable, car le sujet, s’il soulève des questions fondamentales, n’est pas encore mûr.

Sur le fond, je ne suis ni pour, ni contre la corrida. Ce n’est pas ma culture, je ne suis jamais allé à une corrida et cela ne viendrait pas à l’idée d’y aller. Ma position est donc celle d’un désintérêt total, mais pose la question de savoir à partir de quand on peut, collectivement, décider que certaines pratiques n’entrent plus dans le champ de l’acceptable et doivent être bannies ?

On peut tout à fait interdire des pratiques anciennes, parce que la sensibilité collective a évolué. On a par exemple interdit l’esclavage, et personne ne songerait à le rétablir. On a aussi aboli la peine de mort, mais là, il en reste pour vouloir la rétablir. Tout cela s’est fait après de très longs débats collectifs et une argumentation de fond, qui touchaient au sens même que nous donnons à la vie humaine, au statut de l’être humain.

Sur la corrida, ce n’est pas le statut de l’être humain qui est en jeu, mais celui de l’animal. L’argument majeur des anti-corrida est la souffrance animal, et le fait que l’on ne peut pas traiter des animaux ainsi. En face, les défenseurs de la corrida sont sur un registre complètement différent, celui de ‘l’exception culturelle » et le fait que si la « cause animale » progresse, elle est loin d’être majoritaire et donc légitime à imposer cette décision « destructrice de diversité culturelle ». Bref, pour les aficionados, c’est un combat entre eux, tenants d’une tradition culturelle très ancienne et respectable, contre les bobos des métropoles qui n’y comprennent rien.

Le débat public semble malheureusement aller dans la direction de cette opposition stérile, voire nuisibles, car il peut mener à renforcer la fracture entre urbains et ruraux.

Un débat de fond sur la condition animale serait autrement plus intéressant, car il est en évolution rapide, à bas bruit. J’ai été frappé, par exemple, aux dernières élections européennes, des 2,2% du parti animaliste. Aux élections législatives de 2022, s’il n’a eu aucun élu, ce parti a réussit à passer la barre pour obtenir un financement public pendant 5 ans. Il se passe manifestement quelque chose, qui mérite qu’on s’y penche, et surtout, qu’on en parle.

C’est d’autant plus intéressant que les débats pourraient arriver vite sur les fondements anthropologiques de nos sociétés, et de la manière dont nous, humains, nous positionnons face à l’animal, et plus globalement face à la nature. Un débat qui ferait écho à un autre sujet brulant, celui de la préservation de la planète, où une grande partie de la solution est entre nos mains, dans nos comportements. En comprendre les fondements est un moyen de les faire évoluer.

Dans une démocratie mature, nous aurions ce débat. J’ai peur que la France de 2022 soit une démocratie de moins en moins mature…

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La fatigue du matraquage climatique

La mode, en ce moment, est de parler de la « fatigue informationnelle » et du désengagement d’un certain nombre de personnes, qui avouent ne plus écouter les médias, et de déserter les sites d’information. Ils expriment une angoisse devant des actualités anxiogènes, qui arrivent en flux continu.

Je dois avouer être, moi aussi, plus ou moins touché par cette fatigue. Si je maitrise plutôt bien la question de la quantité (pas de notification de médias sur mes appareils numériques) je dois avouer une fatigue sur la manière dont le problème du réchauffement climatique nous est asséné, à longueur de temps, sur un ton insistant, anxiogène et culpabilisant.

Je suis pleinement conscient qu’il y a un changement climatique en cours, qu’on en ressent déjà les effets, et que ça risque fort de ne pas aller en s’arrangeant. Mais je suis aussi malheureusement conscient que ma capacité personnelle à influer sur cette évolution est quasi nulle, et que même au niveau de la France, la marge d’efficacité n’est pas énorme, vu que les gros pollueurs sont ailleurs, en Chine et aux États-Unis, et qu’ils semblent ne pas s’en préoccuper beaucoup.

Voir, à longueur de journée, des tribunes et unes de médias très alarmistes, ça me fatigue, je dirais même pire, ça me gave. C’est comme ces adolescents qui, en jetant de la sauce tomate sur un tableau qui vaut plusieurs centaines de millions d’euros, croient faire avancer les choses. Oui, on va se prendre en pleine tronche le réchauffement et ses effets, oui, ça va faire mal (mais pas nécessairement à nous, habitants d’une zone riche au climat tempéré). Si, bien entendu, il faut faire notre possible pour éviter que ça monte trop, il faut être conscient que c’est déjà trop tard. Le sujet, maintenant, c’est de voir quelles sont les conséquences concrètes, et comment vivre avec ! Qu’est ce qui nous attends demain, comment y répondre, quelles réformes sont nécessaires, quels risques politico-économiques nous attendent ?

Il ne faut pas être grand clerc pour voir qu’une telle déstabilisation climatique va toucher de plein fouet des zones déjà climatiquement tendues, et si en plus, ces pays n’ont pas les moyens de faire face aux changements nécessaires, ça va mal se passer. J’aimerais qu’on me parle davantage de la manière dont les choses vont tourner au Pakistan, qui se prend canicule sur canicule, comment on va faire, au Moyen-Orient et en Egypte, si la production céréalière mondiale baisse, et que les prix du blé augmentent, et provoquent des disettes dans ces régions.

Les conséquences sont assez prévisibles : montée des populismes et des extrémismes, qui vont déboucher sur des conflits militaires, voire pire. Derrière, nous aurons des mouvements de populations, qui vont déstabiliser les voisins, et de proche en proche, arriver dans les zones riches (c’est à dire chez nous). Le commerce mondial va être lui aussi déstabilisé, et nous aurons surement (ça a déjà commencé) une démondialisation, qui se traduira par un repli régional, chaque grande aire développée (Chine, Amérique du Nord, Europe) va jouer sa propre partition, pas nécessairement sur le mode de la coopération. Tout cela se traduira probablement par une crise économique, où le pôle le plus fragile, l’Europe, pourrait prendre plus cher, car très dépendant du reste du monde pour ses approvisionnements en matières premières.

Nous n’allons pas sortir indemnes, ces trente prochaines années, d’un réchauffement qui aura, globalement, les mêmes effets socio-politico-économiques, qu’il soit à 1,5 ou à 2,5° de réchauffement. La Terre n’est pas en danger (elle en a vu d’autres), l’espèce humaine probablement pas (même si on va vers une décroissance démographique), notre mode de vie occidental certainement beaucoup plus.

J’aimerais que la réflexion collective soit un peu plus tournée vers l’anticipation de ces changements, qui vont arriver. Hors, je ne vois pas grand chose d’autre qu’une alternance d’articles alarmistes et culpabilisants, et de niaiseries nous expliquant que tout va bien se passer si on met notre chauffage sur 18° et qu’on trie bien nos déchets.

La fatigue informationnelle, c’est chez moi, une fatigue de la manière dont les médias travaillent (mal) pour traiter des sujets essentiels pour notre avenir.

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Le contrôle citoyen est un dialogue avec les élus

En démocratie, l’un des piliers du système est le pouvoir des citoyens de reconduire, ou pas, leur dirigeants lors des élections. Ils exercent donc une forme de contrôle, qui est plus ou moins éclairé. Actuellement, on ne peut qu’être déçu par la qualité, plutôt faible, des outils existants pour exercer ce contrôle citoyen.

Mettre en place un contrôle citoyen digne de ce nom est pourtant un enjeu capital, si on veut revitaliser un système démocratique en perte de vitesse, grignoté de toute part par les populistes et autoritaristes. Cela demande déjà de réfléchir à la manière de procéder, aux conditions à réunir pour que, collectivement, on tire vers le haut les débats sur le bilan de l’action de nos élus.

Il faut d’abord avoir des éléments factuels exacts et complets, tout en étant capable de comprendre ce qui est fait, ce qui demande une expertise technique dans les domaines concernés. C’est souvent un obstacle important, quand on voit le nombre de commentateurs et de critiques, d’une ignorance crasse du sujet ou de la matière sur lesquels ils émettent des avis définitifs, sans toujours avoir tous les éléments du dossier.

Il faut aussi comprendre la réalité de ce qu’est la décision publique. En politique, on a rarement une palette totalement ouverte, mais seulement un « champ des possibles ». On a également rarement l’occasion de construire une décision en entier, on ne fait bien souvent que trancher entre des options plus ou moins cristallisées.

Dans tout cela, quelle est la part de liberté du politique et quels sont les éléments qui lui sont imposés ? Là encore, ce n’est pas simple. Si on analyse la situation au moment de la décision, cela peut être assez simple, mais plus on prend du recul, plus on se rend compte que la décision publique est un long continuum de décisions, prises par différents acteurs (économiques, politiques, administratifs…) sur lesquels les politiques ont plus ou moins prise. En prenant un sujet suffisamment tôt, un politique peut avoir une influence sur la manière dont les choses se cristallisent, et donc se présente le choix qu’il aura à effectuer au final. Une marge de manœuvre, cela se construit et la véritable habileté des politiques, est d’arriver à ne pas se faire enfermer dans des dilemmes impossibles.

Et last but not least, les élus font de la politique, et donc prennent des décisions en fonction de leurs orientations idéologiques, que tous les citoyens ne partagent pas. Une décision considérée bonne par un membre de LR ne le sera pas nécessairement par un insoumis. Il faut donc être aussi capable d’apprécier, dans le processus, la part relevant des choix idéologiques, pour permettre aux citoyens, in fine, de se faire leur propre idées, en fonction de leurs opinions politiques, sur l’action de leur élu. C’est souvent sur ce dernier point, la conformité des décisions à des options politiques, que l’on insiste pour le contrôle citoyen.

Analyser cela, pour juger si un élu « a bien fait son travail » demande donc un recul, une somme d’informations et de compétences que l’on retrouve rarement chez une seule personne, et demande une organisation collective. Cela demande une analyse experte, mais aussi une capacité d’entendre le décideur avec bienveillance, sans le suspecter d’emblée d’être incompétent et malhonnête.

Le contrôle citoyen est avant tout un dialogue, où si l’élu à le devoir d’écouter ses électeurs, la réciproque est aussi nécessaire, ce que l’on a trop tendance à oublier. Le citoyen sera d’autant mieux écouté s’il dit des choses intelligentes et construites, et qu’il arrive groupé pour imposer à l’élu de répondre. Car il ne faut jamais oublier que la politique est avant tout une affaire de rapport de force, où l’élu se passerait volontiers du contrôle citoyen.

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Je ne suis pas de gauche

« Le rétablissement de l’ISF ne pose pas de problème économique, mais soulève un enjeu moral : on n’est jamais superriche ou à la tête d’une grande fortune de manière tout à fait innocente. Il faut le dire : la classe des superriches est un problème politique et social ».

Hadrien Clouet, député LFI, 17 octobre 2022

De temps à autre, il est intéressant de suivre les débats parlementaires. On y entend des prises de position politiques qui permettent de savoir où on se situe. Cette tirade d’un député LFI m’a littéralement hérissé le poil et m’a fait sentir combien je ne suis pas de gauche (ce qui ne surprendra pas mes lecteurs habituels). Il y a trois obstacles majeurs à ce que je puisse me dire « de gauche », que l’on retrouve dans cette tirade du député Clouet.

Le premier est la prégnance du marxisme, qui analyse la société sous l’angle de « classes sociales » et de luttes. Si la pensée de Marx est intéressante, elle est datée, et ses suiveurs en ont tiré beaucoup de délires, surtout quand il s’est agit de chercher à mettre en œuvre concrètement leurs théories fumeuses. J’ai du mal à comprendre qu’on puisse continuer à s’en réclamer.

Sur le fond, cette manière caricaturale et simplificatrice de penser et de voir la société me dérange. L’économique est certes une clé de lecture pertinente, mais c’est loin d’être la seule, et s’en tenir uniquement à elle entraine des erreurs majeures d’analyse. L’autre problème est cette mise en avant de la violence et des antagonismes. Il en ressort une culture politique qui monte les uns contre les autres, qui favorise le négatif par rapport au constructif.

Le deuxième point qui me choque est la course à la posture morale. La gauche est spécialiste de la posture, du happening où il faut rendre visible un « engagement », de préférence par une démonstration médiatique. Dans les cas les plus gentillets, c’est une photo de groupe, sur les marches d’un perron, avec chacun qui porte un petit carton de soutien « à la bonne cause ». Au pire, ça tourne au vandalisme, comme par exemple lancer de la soupe sur des œuvres d’art. C’est une culture politique qui se veut « morale » où il faut se poser en « plus-vertueux-que-moi-tu-meurs » et donc pointer des ennemis symbolisant le mal. L’important est de toujours être dans le camp des « gentils » contre des « méchants ». D’où une course effrénée vers le sociétal, où tout est prétexte à dénonciation d’un truc-phobie, au détriment du réel, car bien souvent les « causes » défendues sont en partie idéalisées (en occultant ses cotés sombres), et instrumentalisées, pour répondre au besoin de narcissisme militant.

Cela tourne souvent rapidement (c’est le troisième point) à la dissonance cognitive, quand les pratiques réelles vont à rebours de la vertu affichée. Se dire attaché à l’égalité, au féminisme, écrire en écriture inclusive, et, en même temps, gifler son épouse. Et ce n’est qu’un exemple parmi tellement d’autres. J’ai toujours trouvé très drôle d’entendre les mouvances d’extrême gauche se dire « démocratiques », prôner l’inclusivité et la communication non-violente. Pour ne surtout pas les pratiquer, ou uniquement avec ceux qui pensent comme eux (et encore…). Ce n’est pas comme cela qu’on peut donner confiance dans la classe politique.

On ne peut pas construire un projet pour la « res respublica » sur de telles bases. On ne peut pas prétendre diriger un pays en montant les uns contre les autres, en attisant les fractures, pour, en fait, servir son propre ego et faire finalement pire que les autres forces politiques que l’on prétendait dépasser et mettre aux « poubelles de l’histoire ».