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Faut-il instaurer la proportionnelle ?

Le moment politique, entrouvert en 2022, et carrément ouvert en 2024, perturbe fortement toute la classe politique, avec une assemblée nationale sans majorité. Le « fait majoritaire » qui structure la vie politique depuis 1962, connait une éclipse, obligeant à retrouver un fonctionnement antérieur, où ce ne sont plus les électeurs qui choisissent directement les dirigeants, mais les parlementaires.

Ce fait majoritaire qui connait une éclipse aujourd’hui, peut très bien revenir à la prochaine échéance électorale. Le scrutin uninominal à deux tours, couplé à une élection présidentielle où il ne peut pas y avoir de triangulaire au second tour, produit mécaniquement du bipartisme. Cela n’a pas fonctionné cette fois-ci car la droite radicale, l’un des acteurs politique de ce jeu à 4, est considéré comme illégitime par les trois autres acteurs. Alors que les reports de voix au second tour auraient dus, logiquement, se faire entre le RN (droite radicale) entre la Macronie-LR (la droite modérée), ils se sont fait, pour l’essentiel, entre gauche modérée (PS-écolo) et droite modérée.

Cette anomalie peut se résorber, si le RN évolue vers plus de modération et devient donc accepté par les autres comme un partenaire acceptable du jeu électoral. On en est encore loin, et le risque est davantage que ce scrutin uninominal ne permette au RN de s’emparer des clés du camion, à la faveur d’une poussée électorale. On n’en est pas passés loin en juillet 2024, et il a fallu opérer un freinage d’urgence.

La question de changer le mode de scrutin est donc un élément important du débat public. Le passage à la proportionnelle aurait pour avantage d’empêcher un parti de remporter une majorité absolue avec seulement 35% des voix. Ce mode de scrutin est également plus adapté à une certaine vision du vote, où beaucoup d’électeurs se disent fatigués de devoir quasi-systématiquement « voter utile » dès le premier tour, parfois au détriment de leurs préférences partisanes. De nombreux électeurs du PS, par exemple, se sont fait régulièrement violence à mettre un bulletin LFI dans l’urne, car ils y sont contraints par le système d’alliance, rendu obligatoire par le mode de scrutin uninominal.

Ce débat soulève une question de fond, qui doit être posée en préalable au débat. Le scrutin majoritaire valorise les coalitions avant le scrutin, qui font que l’électeur sait qui (et accessoirement quel programme) arrivera au pouvoir, sans risque de retournement de veste. Cette garantie est profondément ancrée dans la culture démocratique française. De ce fait, ce mode de scrutin permet une désignation directe des dirigeants par les électeurs. A l’inverse, par le scrutin proportionnel, les électeurs donnent à leur représentants, le soin de décider qui, in fine, gouvernera, et encore plus, quel programme sera effectivement mis en œuvre. De ce point de vue, la France a connu quelques traumatismes, sous la IVe République, qui ont durablement affecté l’image de marque du scrutin proportionnel. En 1956, alors que les électeurs votaient pour Pierre Mendès-France, ils se sont retrouvés avec Guy Mollet. Les exemples qui arrivent de pays voisins comme l’Italie ou la Belgique, montrent que cela ne donne pas toujours satisfaction. Beaucoup de choses dépendent de la maturité démocratique des électeurs et de la classe politique. La France a-t-elle cette maturité ?

Vu le niveau (médiocre) de notre classe politique, j’ai un peu peur qu’en leur donnant une large délégation de pouvoir pour définir qui détient le pouvoir, et pour faire quoi, on n’aille au devant de très grosses déceptions. Connaissant les politiques, je n’ai aucune illusion sur leur capacité à travailler d’abord pour leur carrière, celles de leurs amis, en s’asseyant sur le vote des électeurs. Ils le font déjà un peu, quand ils le peuvent, dans le système majoritaire. Alors imaginez ce que cela sera, s’ils ont l’autorisation officielle de le faire ! Mais c’est pareil pour le citoyen français, qui adore trop souvent le bruit, la fureur et la radicalité, et déteste le compromis et le pragmatisme. J’ai un peu peur qu’un passage mal géré au scrutin proportionnel ne crée surtout des déchirures encore plus profondes entre gouvernants et gouvernés.

Si on doit basculer à la proportionnelle, il ne faut pas se contenter de juste changer le mode de scrutin, mais également procéder à un sérieux toilettage de notre culture politique et de la Constitution, afin d’y mettre des mécanismes empêchant, ou limitant les dérives possibles. Sinon, le remède pourrait être pire que le mal.

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La révolution se poursuit à l’Assemblée

Le renouvellement des instances de l’Assemblée a donné lieu à des péripéties et surtout, des résultats parfois surprenant. Pour autant, le résultat final est extrêmement intéressant, et ouvre de vraies perspectives pour un début de rééquilibrage entre l’exécutif et le législatif, ainsi qu’une évolution de la culture parlementaire. A condition que les députés se montrent à la hauteur.

Le premier point important est que la Macronie, par sa faute (il ne faut jamais quitter l’hémicycle avant la fin de tous les votes, même s’il est 3h du matin), n’a pas la majorité absolue au Bureau. Or, c’est cette instance qui, outre la supervision du fonctionnement matériel de l’Assemblée, gère également les questions de discipline (sanctions, règles déontologiques…). La précédente législature a connu une pluie de sanctions frapper des députés n’ayant pas respecté le règlement. Les LFI, dans une stratégie assumée de bordélisation de l’Assemblée, ont pris le plus cher, et de loin. Cette « main lourde » de Yaël Braun-Pivet, a été contestée, y compris au sein de son camp. Elle a surtout été une impasse, car elle n’a rien réglé sur le fond (voire elle a empiré la situation), a pourri l’ambiance et au final dégradé l’autorité, déjà fragile, de la présidente.

Désormais, quand un député brandira un drapeau étranger dans l’hémicycle, il ne pourra se voir infliger qu’un rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal, sanction maximale pouvant être prononcée en séance depuis le perchoir. Les sanctions plus lourdes devant être prises en Bureau, c’est l’opposition qui a la main pour les décider, ou pas. La discipline devant quand même être assurée, il y aura des saisines, de la part de Yaël Braun-Pivet, mais la jurisprudence pourrait évoluer assez fortement, tant sur ce qui est sanctionnable, que sur l’échelle des sanctions. Cela ouvre un champ des possibles très prometteur, si les membres du bureau et les responsables de groupes veulent effectivement faire évoluer le sujet.

Cela suscite toutefois une inquiétude chez moi. La gauche a fait le choix d’exclure le RN des postes de décision (Bureau et présidences de commission). Ils y sont arrivés, et les choses sont même allées plus loin, car dans le chaos des votes, Yaël Braun-Pivet se retrouve avec Roland Lescure et Brigitte Klinkert à représenter le groupe EPR, censé être le groupe majoritaire et le Modem se retrouve même sans représentant au Bureau. Pour une instance censée être composée en fonction de l’équilibre des forces dans l’hémicycle, c’est plus que problématique. Outre la rancoeur que peuvent concevoir RN et ses alliés (141 députés, quand même) du fait de cet ostracisme, la faible représentation de la majorité pourrait affaiblir l’autorité, voire la légitimité, des décisions du Bureau. Son fonctionnement étant à la main de la présidente (elle convoque, fixe l’ordre du jour, et dirige les débats), on pourrait se retrouver assez vite dans une situation de blocage de cette instance de régulation, si les positions se radicalisent.

Le deuxième point à retenir est la désignation de Charles de Courson comme rapporteur général du Budget. Il s’agit d’un pur accident, car il a été élu, au bénéfice de l’âge, du fait d’une égalité de voix avec son concurrent, le rapporteur général sortant, le macroniste Jean-René Cazeneuve. Pour la première fois, la commission des Finances échappe totalement au gouvernement, car en temps « normal », si le président est d’opposition, le rapporteur général est dans le camp gouvernemental, et se comporte en fidèle relais de Bercy (en mode « la voix de son maître »). Lors des débats en commission sur le budget, le ministre n’avait pas besoin d’être présent, le rapporteur général parlait pour lui. Même si le gouvernement conserve d’importantes prérogatives, les débats budgétaires vont être moins confortables pour lui.

Le deuxième « effet kiss cool » de cette désignation, c’est la personne même du nouveau rapporteur général. Charles de Courson est un centriste jusqu’au bout des ongles, d’une farouche indépendance, très attaché au respect du Parlement, avec une forme de panache qui rend ses interventions écoutées. C’est aussi un hyperspécialiste des finances publiques. Il a commencé sa carrière à la cour des Comptes, et a été élu député en 1993. Depuis, il siège à la commission des finances, sans discontinuer. C’est le seul qui est capable, en lisant un amendement financier technique, de le comprendre et d’en saisir immédiatement les enjeux politiques. C’est la bête noire de tous les ministres du Budget, et sans doute le cauchemar de tous les technos de Bercy, dans les prochains mois. Car le rapporteur général du budget est doté de très larges pouvoirs de contrôle, notamment celui de débarquer, sans prévenir, à Bercy, pour se faire communiquer tous les documents qu’il demande.

Tout se met en place pour qu’une évolution importante de la culture parlementaire puisse se produire au cours de la XVIIe législature !

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La bataille de la culture politique commence !

La séquence qui a débuté le 7 juillet, dévoile une culture politique très particulière de la part de la classe politique, en particulier à gauche (mais pas que là). Elle s’appuie très fortement sur le fait majoritaire, considérant comme normal que celui qui arrive en tête rafle tout le pouvoir et l’exerce en solitaire pendant 5 ans.

Cette culture est née en 1962, et a globalement perduré jusqu’en 2022, avec un léger accident en 1988, mais qui n’a pas prêté à conséquence. A chaque fois, le gagnant de la présidentielle a eu une majorité solide pour gouverner, et si par malheur, il la perdait en cours de mandat, c’est l’opposition qui raflait la mise et exerçait le pouvoir dans le même état d’esprit.

Pour la classe politique, c’est un système très confortable. On gagne tout sur un coup de dés, en une seule fois, sans avoir besoin de construire et d’entretenir patiemment une coalition. Discuter et palabrer, c’est chronophage, et c’est quand même ennuyeux, quand on aime commander, de devoir transiger, et donc ne pas faire ce qu’on veut. Comme, depuis 1962, il y a eu globalement une alternance régulière, personne n’avait intérêt à changer le système. En plus, on était dispensé de bosser, car mécaniquement, le balancier revenait vers vous. La seule exception récente est 2007, où la gauche a raté le coche, sans doute par excès de confiance.

Elle est également confortable, car elle amène à ne pas avoir de compte à rendre, sauf une fois, en bloc, tous les cinq ans. Cela peut permettre de considérer qu’une réélection est une validation sans réserve de tout ce qui a été décidé dans le cadre d’un exercice solitaire du pouvoir. C’est par exemple, ces personnes qui expliquent qu’en 2007, 75% des voix sont allés vers des candidats favorables au traité de Lisbonne, donc cela vaut ratification du fait qu’on se soit complètement assis sur le résultat du référendum de 2005, où 55% des votants avaient explicitement dit non à un approfondissement de la construction européenne.

Mais cette belle machinerie s’est enrayée. Une première fois en 2017, où les français ont littéralement mis à la porte tout le pan gauche de la classe politique, avec une déculottée historique dont le PS ne s’est toujours pas remis. Au passage, le parti de gouvernement de droite, l’UMP devenue LR, s’est également pris une belle claque. On sentait déjà une volonté d’en finir avec ce modèle de fonctionnement. Le fameux « en même temps » d’Emmanuel Macron était une promesse qui a été entendue, et qui était en partie à la base de son succès. Sur ce point, il a franchement déçu, d’où ses échecs aux législatives de 2022 et 2024, où le bloc central ne doit sa survie qu’à la radicalité des alternatives. Même si on déteste Macron, il reste moins pire que Mélenchon ou Le Pen.

Le message d’exaspération des français contre la classe politique (dans son ensemble) a commencé par le dégagisme. On se disait qu’en virant les pourris et en mettant des gens neufs et de bonne volonté, ça allait marcher mieux. On a vite déchanté, et on est passé à autre chose, en s’attaquant à l’organisation du système, qui pousse la classe politique à avoir ce comportement qu’on veut éradiquer. Si on ne change pas les règles du jeu, on aura la reproduction des mêmes comportements, même si on change les joueurs.

Les français ont donc décidé, en le disant dans des sondages avant et après les élections, de ne donner de majorité absolue à personne, afin d’obliger les élus des différents bords à travailler ensemble. Comme on n’avait pas tapé assez fort en 2022, et que Macron a continué à vouloir fonctionner comme avant, on en a remis une couche en 2024. Alors que le président espérait, avec son coup de dés de la dissolution, retrouver une majorité absolue (comme avant), il s’est retrouvé avec l’amplification du mouvement de fond.

Depuis le mois de juillet 2024, et pendant un an, les parlementaires sont coincés, et vont soit devoir travailler ensemble, soit assumer la responsabilité d’un blocage du pays. Car soyons clair, le blocage ne viendra pas des institutions, qui permettent tout à fait de fonctionner avec une assemblée éclatée. La constitution de 1958 a même été pensée pour ce genre de situation. Il n’y a donc aucun échappatoire pour les élus, si ça plante, ce sera de leur faute !

Après un moment de stupeur, beaucoup d’élus sont encore dans le déni. C’est assez manifeste à gauche, où PS comme LFI tiennent un discours assez surréaliste. Alors même qu’ils n’ont que 200 députés (sur 577), ils considèrent qu’ils ont gagné, et doivent donc rafler toute la mise. C’est d’autant plus surréaliste qu’ils montrent, jour après jour, être dans l’incapacité complète d’exercer effectivement ce pouvoir qu’ils revendiquent haut et fort. En 10 jours, ils n’ont même pas été capables de s’entendre sur le nom d’un premier ministre.

La Macronie ayant fait alliance avec ce qui reste de LR, ils sont passés devant (de peu) en nombre de sièges, et ont réussit à faire élire leur candidate au perchoir. La réponse de la gauche, au lieu de reconnaitre leur défaite, a été de contester la légitimité de l’alliance Macronie-LR. A les entendre, les seules alliances légitimes sont celles qui sont conclues avant le scrutin, et donc validées par les électeurs. Tout autre configuration est une trahison des électeurs. En résumé, même si vous n’avez qu’une faible avance, vous êtes en droit d’être le « vainqueur qui prend tout » et vos adversaires ne doivent pas se mettre en travers de votre chemin. En matière de déni, on peut difficilement faire mieux.

En adoptant cette attitude de sauvetage désespéré de l’ancien système, la gauche montre qu’elle n’a strictement rien compris à ce que demandent les électeurs. En refusant d’entendre cette demande, et donc d’y répondre, ils ne font que creuser encore davantage le fossé. Pourtant, ils sont pris au piège, et il y a fort à parier que s’il y a une dissolution dans un an, on arrivera au même résultat, à savoir une absence de majorité. Ce qui peut juste changer, c’est l’ordre d’arrivée des blocs, avec un RN devant, mais pas plus en capacité de gouverner que ne l’est la gauche aujourd’hui.

Bon gré mal gré, il va falloir que les élus changent leur manière de travailler, et révolutionnent la culture politique de la France. Le chemin est encore très long, et les résistances sont énormes. La bataille ne fait que commencer, mais elle est exaltante !

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La gauche restera encore dans l’opposition

La gauche française est bien mal en point, déchirée entre une aile radicale (LFI) qui refuse le jeu de l’exercice démocratique du pouvoir, et une aile réformiste (PS et écolo) qui veulent gouverner. Le spectacle pathétique des négociations sur le choix du premier ministre ne fait que creuser le fossé, et surtout, décrédibilise la gauche aux yeux des électeurs. Même au sein de la coalition de gauche, des voix s’élèvent pour demander un cessez-le-feu, cela ne suffira pas. Le mal est profond, et les dégâts sont déjà faits. La gauche risque donc encore de passer quelques années de plus dans l’opposition.

Outre cette fracturation idéologique, qui n’a rien de nouveau, la gauche souffre d’un rabougrissement. Les partis politiques sont devenus de simples appareils regroupant quasi uniquement que des élus ou des personnes vivant de leur proximité avec les élus et éventuellement aspirant à devenir élues à leur tour. C’est particulièrement criant au PS et chez les écologistes, qui peuvent être légitimement qualifiés de « partis d’apparatchiks ».

Il en ressort un isolement par rapport à la société, et donc une incapacité à écouter, et à se brancher sur une société civile de gauche, pourtant solide. Il y a encore des gens dans les ONG, les syndicats, pour avoir des idées, des ressentis, une analyse, qui peuvent être utiles à la construction d’une pensée et d’une action politique. La composition de l’équipe de négociation interne au NFP, pour le choix du nom d’un premier ministre est révélatrice : les chefs à plumes des partis, entourés d’un tout petit nombre de fidèles. Ces appareils politiques sont complètement verrouillés, le pire étant LFI, qui a mis en place une quasi-dictature autour de Jean-Luc Mélenchon, avec des purges régulières, et une culture de l’agressivité dans les échanges, qui enferme encore plus ce parti dans l’isolement. D’où une incapacité, par la suite, à discuter sereinement avec les autres partis, quand bien même ils idéologiquement assez proches. Comment imaginer qu’ils puissent lancer des discussions avec le centre, pour avoir la centaine de députés qui leur manquent pour que leur majorité soit solide ?

Ce resserrement sur les apparatchiks amène aussi une modification des priorités, avec une focalisation sur la distribution des postes, au détriment du travail programmatique, devenu quasiment inexistant. On a vu d’ailleurs, avec quelle facilité les partis de gauche ont réussit à monter le NFP et à se répartir les circonscriptions. Ils étaient tous conscients que partir divisés leur ferait perdre beaucoup de places de députés, perspective totalement inacceptable pour eux. On a donc planqué la poussière sous la tapis, monté de bric et de broc un programme politique qui n’est un patchwork mal ficelé d’éléments puisés dans les vieux stocks. Mais une fois les élections passées, chacun compte les sièges obtenus, et pas question de lâcher sur l’étape suivante, les postes de gouvernement. Les partis de gauche se sont enfermés dans une course aux places, où aucun échange sur les idées, « postes contre éléments de programme » n’est possible. En commençant par le choix du Premier ministre, ils ont pris le processus de création d’une coalition à l’envers. On commence d’abord par définir où on veut aller (le programme) et après, on cherche qui est le plus à même de le porter.

Ces 10 jours post-élections législatives ont finalement révélé une profonde déficience des partis de gauche à la discussion et à la conclusion de compromis. Alors même qu’ils sont partis unis aux législatives, ils ont été incapables de seulement commencer à monter une coalition de gouvernement, juste entre eux. Et plus ces échanges deviennent acrimonieux, moins les conditions d’une coalition gouvernementale de gauche sont possibles. Au final, l’impression qui se dégage, c’est que la gauche (du moins LFI) n’avait pas vraiment envie de gouverner. Difficile, dans ces conditions, de crier que Macron leur a volé leur victoire et a nommé un Premier ministre illégitime, car ne venant pas du NFP.

Le fond du sujet, qui a été bien vu par Dominique Rousseau c’est que le problème ne vient pas des institutions, mais du personnel politique, qui n’est pas à la hauteur. C’est une vérité générale, qui couvre l’ensemble du spectre, mais qui se vérifie particulièrement à gauche en ce moment. Au risque d’écoeurer encore un peu plus les électeurs, avec tous les risques que cela comporte à la prochaine élection (celle où on ne pourra pas dire qu’on n’avait pas vu venir la victoire du RN).

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La suite de l’atterrissage

La première semaine post-législatives a été marquée par une forme de déni, le Nouveau Front populaire, fort de ses 182 députés sur 577 s’est proclamé grand gagnant, et donc habilité à former le gouvernement. Ils reproduisent ainsi le comportement qu’ils ont reproché à la Macronie, qui a continué à se comporter en 2022 comme s’ils avaient toujours une majorité absolue, alors qu’il leur manquait 40 sièges pour atteindre la barre.

Il faut quand même se rendre compte du ridicule de la situation, dimanche. On a eu une semaine d’échanges intenses, pour arriver au renoncement d’Huguette Bello à un poste de Premier ministre où elle n’a jamais été envisagée par celui qui a le pouvoir de nomination, à savoir Emmanuel Macron. Et pendant ce temps, strictement n’a rien bougé sur le reste (équilibres au sein du gouvernement, et surtout, programme de coalition). On s’est juste rendu compte que ceux qui prétendent gouverner ensemble avec une majorité très relative ne sont finalement pas d’accord sur grand chose.

La semaine qui vient va encore nous livrer un spectacle grandiose, avec la reconstitution des instances de l’Assemblée nationale. Il semble désormais évident qu’il n’y aura pas de consensus sur la répartition des postes, et qu’il faudra aller au vote. Vu la configuration de l’hémicycle, et les combinaisons (volontaires ou pas) qui sont possibles, on peut avoir de belles surprises, tant sur le choix des personnes que sur l’équilibre politique.

Dimanche prochain, on saura si les députés (et leurs chefs à plumes) on un peu progressé en maturité parlementaire. Il va bien falloir qu’ils travaillent ensemble pendant un an, on les a élus pour ça. Il va être urgent qu’ils sortent du déni et des vieux automatismes issus de la période où il y avait des majorités absolues aux ordres d’un président de la République. Ils auront au moins l’été pour cela, car j’ai le sentiment que le gouvernement Attal pourrait se retrouver à gérer les affaires courantes au moins jusqu’en septembre.

La période qui s’ouvre peut pourtant être passionnante, si on a des élus enfin adultes et responsables. Les institutions sont solides, et n’ont pas nécessairement besoin d’être réformées en profondeur à court terme. En revanche, il faut réinventer la manière de les faire fonctionner, avec un espace de liberté et de créativité énorme et une loi suffit parfois (pour passer à la proportionnelle par exemple). Le problème n’est pas la constitution de la Ve République, mais l’univers mental et les manières de travailler de la classe politique.

Commençons donc par explorer des pistes sur de nouvelles manières de travailler ensemble, ça sera peut-être l’occasion d’un grand bol d’air démocratique.

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Une semaine de vaudeville politique

Le cirque politique bat son plein en ce moment, avec une période de décantation, qui suit la sidération de dimanche soir. Par miracle, le RN s’est pris un bouillon électoral, mais les trois blocs se neutralisent, donc il va falloir soit s’entendre, soit rejouer le match dans un an. Pour l’instant, aucune option n’est encore tranchée.

Cette première semaine a été celle où la gauche tente de faire croire qu’elle a gagné. Elle a assuré l’essentiel du spectacle, avec les discussions entre LFI et le PS, pour le choix du futur Premier ministre. Au cinquième jour, ils en sont à peine à sortir de l’alternative Olivier Faure – Jean-Luc Mélenchon (ou un de ses pantins), pour proposer un nom improbable, celui d’Huguette Bello. Cette personne, certes tout à fait respectable, est avant tout un symbole politique, car j’ai quelque doute sur sa capacité technique à exercer les fonctions de Premier ministre (73 ans, jamais ministre), et surtout, d’aller chercher des voix un peu à la droite du PS.

Il ne faut pas se leurrer, le NFP, à lui seul, n’a que 200 voix, grand maximum, et n’est pas d’accord sur tout. Si le nouveau gouvernement veut tenir et gouverner, il doit s’appuyer sur deux des trois blocs, avec éventuellement l’abstention d’une partie d’un des deux blocs. Un gouvernement minoritaire NFP ne durerait sans doute pas bien longtemps, si d’aventure, Macron leur donnait les rênes (ce dont je doute).

La fin de la pièce va arriver vite, car au-delà du 18 juillet, Gabriel Attal ne pourra pas être à la fois président de groupe parlementaire et Premier ministre, même assurant la gestion des affaires courantes. Emmanuel Macron devra désigner (sans doute dans la semaine) un chef de gouvernement qui a vocation à rester au moins un an, jusqu’à ce qu’une dissolution soit possible. Vu l’état d’avancement des discussions, et l’absence de noms crédibles pour Matignon, on risque de se retrouver dans une impasse politique.

Mais tout peut aussi se dénouer en quelques jours, avec sans doute beaucoup de rebondissements dans les quelques jours qui viennent. Le moment de vérité aura lieu jeudi, avec l’élection du président de l’Assemblée, et la composition exacte des groupes parlementaires. On saura, qui du PS et de LFI est devant, on saura aussi si une alliance Macronie-LR a pu se nouer, et dépasser le NFP en nombre de sièges. A partir de là, on entrera dans le dur, avec le vrai rapport de force. Tout ce qui aura eu lieu avant n’est que du blabla pour occuper les médias, qui n’auront sans doute pas su grand chose des vrais négociations et tractations.

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Expérimenter un « gouverner autrement »

Le résultat des élections législatives de 2024 est un match nul. Tous les protagonistes se sont neutralisés et personne n’a gagné. Il est évident, dès les premières déclarations, que les leaders politiques vont vouloir rapidement rejouer le match, soit sous la forme de législatives anticipées (possibles dès l’automne 2025), soit à la présidentielle. Ils vont se focaliser sur la préparation du combat à venir, bien plus que sur l’exercice concret du pouvoir.

Dans une telle configuration, le scénario de l’année blanche est le plus probable. Aucun parti n’a intérêt à gouverner, et donc à devoir assumer des décisions pas nécessairement populaire alors même que l’horizon politique est court. Être au pouvoir, c’est bien, quand c’est pour cinq ans avec une majorité claire et stable. Pas pour 18 mois avec un gouvernement minoritaire.

Mais comme il va bien falloir gouverner, on pourrait se retrouver avec un gouvernement de technocrates et de quasi retraités de la politique, dont le barycentre sera une Macronie bon teint, peu clivante, avec des personnalités ayant des attaches au PS et à LR. Cela permettra aux partis de l’axe républicain de « s’y retrouver » sans en être vraiment.

Une manière de prolonger la neutralisation du champ politique, sans bloquer complètement le pays. Les enjeux sont importants pour cet axe républicain, qui aspire à retrouver le pouvoir de manière plus stable. S’ils ne veulent pas retrouver une montagne de poussière sous le tapis et un chaos qui ne peut que bénéficier au RN, il faut bien que quelqu’un fasse le ménage et garde la maison pendant la période de quasi-vacance du pouvoir. Cela implique de gérer les affaires courantes, les urgences, et quelques réformes consensuelles (qui n’iront donc pas bien loin).

Le principal enjeu pour ce gouvernement, sera de donner un débouché à la production de la machine administrative, de faire voter un budget, même si c’est le quasi décalque du budget précédent, et d’envoyer des gens représenter la France à Bruxelles et à l’international. A chaque fois, on sera en service minimum, avec une absence de mandat politique dès que les questions soulevées sont un peu clivantes, où il faudra un consensus entre deux des trois blocs, et une opposition pas trop virulente du troisième bloc.

On aura sans doute beaucoup de mousse, de palabres, et le concours Lépine des idées à la con va battre son plein dans les assemblées. Mais si on aura beaucoup d’idées lancées en l’air, bien peu atterriront, faute d’accord politique. Et ce n’est pas plus mal.

Je vois dans la situation une opportunité d’expérimenter un gouvernement technocratique, finalement assez libre de ses mouvements . Il va y avoir des lignes rouges politiques partout, mais à l’intérieur du périmètre (assez étroit), le gouvernement pourrait être beaucoup plus libre de faire ce qu’il veut et surtout de faire comme il veut. Une forme d’oeil du cyclone politique.

C’est dans cet interstice inattendu qu’on pourrait, par exemple, retrouver davantage d’écoute, de dialogue, de concertation dans le système de prise de décision. Même si temps est court, c’est peut-être le moment de changer des pratiques, des manières de travailler.

Dans une telle configuration, le choix du futur Premier ministre sera capital, car c’est de lui que dépendra l’utilisation, ou pas, de cette marge de manœuvre pour expérimenter un « gouverner autrement ».

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Les élus au pied du mur

Les élections législatives ont donné une assemblée nationale très partagée, qui est un retour à la IVe République. A cette époque, entre un gros bloc PCF stalinien, et des gaullistes opposés au régime, il fallait trouver des majorités de gouvernement avec ce qui restait. Il en a résulté une instabilité gouvernementale chronique, et une impuissance à traiter les problèmes de fond, sauf par de brefs a-coups.

La Ve république est née sur le cadavre de cette situation politique, et tout dans la constitution de 1958, est écrit pour qu’elle ne revienne jamais. Or, voici qu’elle revient, après 50 ans. On va alors se rendre compte que les institutions ne sont absolument pas un rempart, face à un pays idéologiquement divisé. La situation pourrait même être pire que dans les années 50, car la culture politique des élus et des citoyens est moulée dans le cadre de la Ve république, sans réelle culture du compromis interpartis et de la négociation parlementaire.

Avec la composition de la XVIIe législature, il faut trouver une majorité de 289 voix sur un panel de 365 députés (en excluant donc les LFI et les RN). C’est mathématiquement possible, mais politiquement compliqué, car en plus d’avoir 212 députés « hors système » (qui n’ont pas la volonté de jouer sincèrement le jeu des institutions) les 365 sont éclatés entre trois tendances : la gauche réformiste (plus ou moins radicale) allant des communistes aux socialistes, le centre macroniste, et la droite libérale républicaine (enfin débarrassée de sa frange radicale). Ces trois familles politiques ont des traditions politiques et philosophiques différentes et n’ont jamais été habituées à travailler ensemble. Les tractations et compromis se font au sein de chaque famille, ce qui est plus facile et confortable. Maintenant, il va leur falloir sortir de leur zone de confort.

Ces élus de « l’arc républicain » vont devoir montrer qu’ils sont à la hauteur des attentes de leurs électeurs. Les reports de voix ayant été globalement bonnes au second tour, on peut estimer que ces élections de 2024 ont donné un mandat pour gouverner à la nouvelle assemblée. Ils ont donc le devoir, à moins de trahir leurs électeurs, de chercher sincèrement, la voie d’un gouvernement stable. Cela veut dire accepter de prendre ses responsabilités (ce que Laurent Wauquiez a explicitement refusé de faire dans sa toute première déclaration), et exercer le pouvoir. Certes, ce n’est pas facile, il y a beaucoup de coups à prendre, mais personne n’est obligé de se présenter aux élections. Donc si on y va, c’est pour faire le boulot, et pas pour se placer à l’abri, laissant les autres se griller, pour mieux ramasser les morceaux au coup d’après.

La deuxième étape est d’apprendre à faire des compromis, ce qui n’est pas franchement dans la culture politique française, qui préfère la posture radicale au compromis pragmatique. Cela va donc avoir un coût politique, les extrêmes ne manquant pas de fustiger les « compromissions » du « système », en continuant à promettre des grands soirs mal ficelés et pas du tout financés. Il va donc falloir que les responsables politiques raisonnables apprennent à se connaitre, à se faire confiance, à travailler ensemble, dans un environnement politique et médiatique inamical et suspicieux. Cela n’a rien d’évident, quand on se côtoie juste en voisins, mais qu’au fond, on connait mal la culture politique de l’autre. Cela demande du temps, des échanges de fond, et ne se fera pas l’espace d’un été au bord d’une piscine.

Enfin, et ce n’est sans doute pas le plus facile, il va falloir bosser le programme et les idées pour de bon. Un contrat de gouvernement, ce n’est pas un programme électoral de 13 pages, écrit sur un coin de table en trois jours de négociations marathon. L’actuel contrat de gouvernement de la coalition allemande fait 174 pages et a mis trois mois à être écrit. Tout y est détaillé de manière technique et réaliste, sans incantations et propositions irréalistes, chiffrées au doigt mouillé. Malheureusement, cela fait bien 20 ans, sinon plus, que les partis politiques français ont arrêté de travailler sur le fond. Ils n’ont donc pas grand chose qui tienne la route à mettre sur la table. Or, c’est compliqué de négocier s’il n’y a pas des bases de départ solides.

Le chemin vers un gouvernement stable est possible. Les autres pays y arrivent, pourquoi pas nous ? Mais cela implique d’avoir une classe politique composées d’élus responsables, conscients de l’importance de la mission qui leur est confiée, et qui bossent dans l’intérêt général.

Vu l’état de notre classe politique, même si on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise, ça va quand même être compliqué, et l’échec de cette XVIIe législature est une option tout à fait possible.

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Retrouver l’écoute et le dialogue

Je suis désormais beaucoup plus optimiste que la semaine dernière sur l »issue des élections législatives. Même si le RN va connaitre une forte progression (au moins une centaine de sièges en plus), ce n’est pas encore cette fois ci qu’il prendra le pouvoir. Cela laisse un peu de temps pour reconstruire notre démocratie, car si nous faisons rien, la prochaine fois sera la bonne…

L’enjeu fondamental et prioritaire est de reconstruire un espace démocratique qui s’est dangereusement cloisonné et radicalisé. On en est tous responsables, il n’y a pas de gentils et de méchants. Depuis des décennies, nous avons progressivement cessé d’avoir un projet et des valeurs communes, des choses qui permettaient de transcender les clivages. Chacun groupe s’est replié sur lui-même, dans des postures de revendications individualistes, cessant de parler aux autres et de les écouter. Ce que l’on appelle aujourd’hui « débat politique » consiste soit à s’autocongratuler entre gens qui pensent la même chose, ou à s’insulter quand par malheur, des clans opposés sont mis sur le même plateau télévisé. Il n’est plus question de discuter et d’échanger des arguments, mais de démolir l’adversaire.

Il faut absolument sortir de cet appauvrissement mortifère, en acceptant de voir plus haut que ses propres intérêts et la promotion de ses convictions. Il faut absolument recommencer à s’écouter (ça n’est pas simple) et essayer de comprendre l’autre, celui est différent et (pire) ne pense pas comme nous. Il faut absolument reprendre conscience que nous sommes tous dans le même pays, sur le même bateau, et qu’en cas de naufrage démocratique, nous serons tous impactés. Les plus fragiles le seront encore plus que les autres.

Quand je regarde cette campagne électorale, je suis effaré du degré de tension auquel nous sommes arrivés, et fait un peu penser à l’Affaire Dreyfus, qui a littéralement déchiré le pays et les familles, à la toute fin du XIXe siècle. Il est urgent de faire baisser le température, et malheureusement que ce soit à gauche comme à droite, je vois surtout des incendiaires, dont certains sont persuadés d’être dans le camp du Bien, alors même qu’ils font de gros dégâts.

Je suis persuadé qu’une des raisons de la montée du RN vient de cette forme d’apartheid social et culturel que ressentent les populations rurales et de la grande banlieue. Ils le disent sur tous les tons, avec comme point d’orgue le mouvement des Gilets jaunes, et personne ne les écoutent, et ne prend la mesure de leur désarroi. Pire, au lieu d’une écoute et d’une main tendue, il reçoivent du mépris et des injonctions de se conformer aux schémas de pensée d’une certaine élite urbaine qui se croit le phare de la modernité.

Si on veut éviter l’arrivée du RN au pouvoir, qui est le symptôme, il faut traiter le mal. Cela demande de l’humilité, et surtout, une capacité à dépasser ses convictions, ses rejets, pour recommencer à parler à ceux avec lesquels on est en désaccord. Ce n’est que comme ça qu’une démocratie peut réellement fonctionner, par le débat et l’échange.

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A l’entrée du tunnel

On est à la veille du premier tour des élections législatives, et je ne suis pas optimiste. Tous les signaux qui arrivent vont dans le même sens : une large victoire du RN, qui aura une majorité absolue à l’Assemblée nationale, et pourra gouverner. Au delà des différences avec la Macronie, qui pourront être spectaculaires, il va y avoir également beaucoup de continuités.

Le RN n’ayant pas les troupes ni la compétence pour exercer le pouvoir, on aura, comme avant, des « amateurs » au Parlement, encore plus incompétents que leurs prédécesseurs, et surtout, sans la personnalité de Macron, qui sauvait (techniquement) le dispositif. Cela s’inscrit dans un mouvement de fond de baisse de la qualité du personnel politique, dont je parle régulièrement, et est structurel. La prise de pouvoir du RN nous fera juste passer à un ou deux paliers en dessous.

Il y aura également beaucoup de continuités dans les politiques suivies, car rapidement, l’administration prendra la main, parfois à son corps défendant, pour occuper le vide laissé par le politique. Il faut bien que les dossiers avancent et que les décisions soient prises. Il n’y a aucune raison que les fonctionnaires se convertissent du jour au lendemain, aux croyances et idées du RN. C’est beaucoup plus le RN qui se ralliera à la doxa administrative. C’est déjà ce qui s’est passé entre 1981 et 1983, avec une gauche arrivée révolutionnaire et repartie quasiment néo-libérale. Cela ira beaucoup plus vite avec le RN en 2024, beaucoup plus « liquide » politiquement et idéologiquement que l’union de la gauche des années 70.

Cette continuité sera d’autant plus forte que la marge de manœuvre des politiques s’est considérablement réduite au fin du temps. Entre les marchés financiers et les contraintes européennes, un pays aussi endetté et dépensier que la France ne peut pas se permettre le moindre écart. Le pouvoir d’achat étant, de loin, la première préoccupation des électeurs RN, le gouvernement qui va arriver ne peut se permettre la moindre sortie de route. Il n’y aura donc pas de grand virage économique, mais plutôt une accentuation de la politique économique menée jusqu’ici.

Même dans les différences, il y aura de la continuité, car les évolutions que l’on peut craindre, sur la stigmatisation (voire pire) des minorités, ne seront juste que l’accentuation de tendances existantes. L’arrivée du RN au pouvoir va désinhiber les paroles et libérer une violence qui est déjà là. L’arrivée du RN est un symptôme et un accélérateur d’un malaise profond du pays qu’il faut absolument traiter sur le fond.

« Résister » au RN et à ses outrances sera bien entendu nécessaire, mais ne sera pas suffisant. Il faut aussi proposer une solution de sortie, une lumière au bout du tunnel, qui ne soit pas juste un rafistolage, mais carrément un nouveau projet de société.

Cela demande un travail d’analyse de ce qui ne va pas en France, sans se poser, dans un premier temps, la question des solutions. Il faut d’abord comprendre ce qui ne va pas, se mettre d’accord collectivement sur ce vers quoi on peut aller, et après seulement, proposer les mesures concrètes et le chemin pour y arriver. La Macronie s’est plantée de ne pas avoir travaillé les deux premières étapes (surtout la deuxième), et de s’être concentrée uniquement sur la troisième. Le reste de l’offre politique ne vaut pas mieux sur ce plan, il suffit de lire les programmes, qui ne sont que des catalogues de mesures, plus ou moins irréalistes.

La sortie du tunnel passera par un renouvellement profond de l’offre politique. On peut espérer que le choc d’une victoire du RN permette une reconfiguration des oppositions, qui permette l’émergence d’une force « raisonnable » dont le but sera le bien du pays, et pas nécessairement la mise en oeuvre d’idéologies clivantes et de pratiques illibérales. Ce sera le premier pas, nécessaire, pour quitter le chemin mortifère sur lequel la France est lancé.