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Quitter Paris ?

Cela fait pas loin de 20 ans que je suis parisien, et pour la première fois, j’en viens à me demander s’il ne faudrait pas envisager de quitter Paris, tellement la vie quotidienne va en se dégradant. Je fais le constat très personnel (donc hautement subjectif) que ma qualité de vie est en baisse, et que cela ne va pas aller en s’arrangeant. Plusieurs sujets sont source d’inquiétude.

Le premier est la question de l’approvisionnement. C’est moi qui fait les courses du foyer, et comme beaucoup, j’ai subi une inflation, dont le ressenti va au delà des chiffres « officiels ». Faire les courses à Paris coûte cher, plus qu’en province. A coté de cet aspect prix, je constate aussi une dégradation et une uniformisation du choix offert par les enseignes de la grande distribution dans mon environnement proche. Quelque soit l’enseigne, le choix de produits est de plus en plus restreint, avec une progression des marques distributeurs, et ce sont exactement les mêmes produits que je retrouve partout. Le supermarché de province, proche de ma maison de campagne, est bien mieux achalandé que n’importe quelle supérette parisienne.

Le deuxième sujet, c’est le transport. Les transports en commun, le métro notamment, a connu une baisse de qualité, et une hausse de tarif. Je le prend de moins en moins, effectuant beaucoup de trajets à pied. Vu la hausse des tarifs, quand on sort peu de Paris, prendre un abonnement mensuel n’est plus du tout rentable. Je fonctionne par tickets, et je suis donc attentif à l’utilité d’un déplacement, question qu’on ne se pose pas quand on a une carte mensuelle. C’est quand même un peu étrange d’en arriver là, car quand je suis arrivé à Paris, la carte orange était autour de 40 euros, et la prendre était rentable, sans avoir à se poser la question.

L’autre point noir des transports, c’est le quasi bannissement de la voiture à Paris. Je soutiens complètement la politique visant à revoir l’allocation de la chaussée, en réduisant la place de la voiture, et en augmentant celle des vélos et des piétons (et accessoirement des bus). Même si je ne suis pas cycliste et que je n’entends pas le devenir, c’est un mode de déplacement qui a pleinement sa place et son utilité à Paris. Si Anne Hidalgo en était resté à cela, rien à dire. Malheureusement, depuis maintenant deux à trois ans, le plan de circulation de Paris est devenu ubuesque, avec des sens interdits partout, des voies uniquement réservées aux bus, alors qu’avant, les voitures y passaient aussi sans que cela ne provoque d’encombrements. Aujourd’hui, cela devient vraiment difficile de circuler à Paris en voiture, avec de moins en moins d’itinéraires possibles et des trajets inutilement tarabiscotés. C’est problématique, car même si je prend peu la voiture, quand je le fais, c’est que c’est le seul moyen de transport possible pour le trajet (aller à la campagne notamment). Quand j’entends que les arrondissements centraux vont devenir quasiment inaccessibles en voiture, et qu’il est envisagé de passer le périphérique à 50km/h, j’ai vraiment peur. Cela va devenir infernal de vouloir entrer et sortir de Paris, au point d’être un frein à l’activité économique.

Le troisième point est le mouvement de piétonisation de rues « secondaires ». C’est ce qui est arrivé à ma rue, qui est devenue une sorte de square, donc bruyant. Les propriétaires de chiens ont pris l’habitude d’y venir promener leurs bestioles, vers 18h30, afin qu’ils puissent « socialiser » avec leurs congénères. Concert d’aboiements tous les soirs. Autant dire que je regrette les voitures, qui faisaient moins de bruit.

Tous ces éléments accumulés me rendent la vie parisienne bien moins agréable. C’est peut-être aussi parce que je vieillis. De toute manière, tant que je suis dans la vie professionnelle, l’organisation politico-administrative de la France m’impose d’être à Paris. Mais j’y trouve de moins en moins d’intérêt, de plaisir, et donc d’attachement à Paris. Au point d’en arriver à penser en partir.

Je serais élu d’une ville dont une partie de la population n’est là que par obligation, et souhaite en partir, je me poserais des questions.

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Le Monde glisse dans le populisme ?

Un article du Monde, présenté comme une « enquête » prétend épingler le gouverneur de la Banque de France pour ses frais de déplacement. Cet article est d’une indigence crasse, et mériterait d’être dépublié, tellement il est indigne.

Le gouverneur de la Banque de France a donc passé 36 nuits en déplacement sur l’année, ce qui est pas mal, avec trois déplacements lointains (Tokyo, Bangalore, New York). C’est un rythme assez soutenu, preuve qu’il travaille et ne ménage pas sa peine. Au total, on a 50 000 euros de frais sur l’année, ce qui est plutôt correct, vu le niveau d’activité. On se demande déjà pourquoi une « enquête » serait nécessaire.

Surtout que les « révélations » qui prétendent dévoiler un « scandale » de gaspillage d’argent public (alors même que les salariés seraient contraints à des restrictions) montrent en fait une bonne gestion. Une moyenne de 300 euros la nuit d’hôtel, c’est franchement très raisonnable. On ne va quand même pas loger le gouverneur de la Banque de France dans un Formule 1. Les règles globales de l’institution sont respectées, et il est amusant de noter que « l’enquête » ne pointe qu’un seul dépassement, au plafond pour une chambre d’hôtel en France : 273 euros pour un chambre à Marseille, alors que le plafond est à 200 euros. Une veille de match de la coupe du monde de Rugby, on peut comprendre qu’il n’y ait pas trop le choix, et qu’il faille faire avec ce qu’on trouve.

Pour les transports, pareil. Le principal lieu de déplacement, c’est Francfort, où se trouve la banque centrale européenne. Totalement logique. Le gouverneur de la banque de France y va en train, et ça parait assez légitime qu’il soit en première classe. L’essentiel du coût de ses billets d’avion vient des long courriers. Pour ceux qui ont déjà fait des longs voyages, 6000 euros pour un aller-retour à Tokyo, ça n’a rien d’excessif. Et là encore, qu’il soit en classe affaires n’a rien d’illégitime.

En résumé, il n’y a rien à gratter et le droit de réponse du gouverneur de la Banque de France n’en est que plus cruel.

Que le Monde ait pu publier un tel article montre bien la dégradation de la qualité de ce journal. N’est pas Médiapart qui veut, et on a une fois de plus l’illustration de la fable du corbeau qui se prenait pour l’aigle. Il serait temps que les journalistes et dirigeants de presse se posent des questions, et comprennent que de tels loupés journalistiques et déontologiques sont catastrophiques. Le populisme est de plus en plus répandu, avec une tendance lourde à vilipender les élites. Rajouter des pièces dans la machine, de la part d’un journal qui se prétend de référence, c’est assez déprimant pour ceux qui espèrent encore que la qualité de l »information soit un pilier de la démocratie libérale.

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L’étrange campagne des européennes

Je dois avouer avoir beaucoup de mal à m’intéresser aux élections européennes. Ce scrutin est complètement bâtard, car on vote pour désigner des élus à un niveau européen, tout en faisant campagne à un niveau strictement national. C’est une forme de dissonance cognitive qui ne peut que nuire à l’Union européenne.

J’ai par exemple beaucoup de mal à prendre au sérieux les « programmes » proposés par les différentes listes. Une fois arrivés à Bruxelles, ces élus vont se retrouver dans des groupes transnationaux, où ces « programmes » vont se diluer, et n’être que des briques d’une ligne politique faite de compromis. Au final, il peut ne rien en rester, et cela ne peut que décevoir les électeurs.

Un autre point d’achoppement, tient à la construction institutionnelle européenne, où on vote pour des députés qui n’ont pas de pouvoir d’initiative législative. Le Parlement européen vote sur des textes législatifs proposés par la Commission. Il n’y a pas de proposition de loi, et si les eurodéputés peuvent s’exprimer sur pleins de sujets, par le biais de « rapport d’initiative », ils n’ont pas valeur législative. Les vrais débats européens devraient donc se faire sur la base de ce que propose la Commission. Or, celle-ci est renouvelée en même temps que le Parlement, avec un mode de désignation un peu baroque, où ce sont les chefs d’États qui décident et nomment, et où les députés ratifient (ou pas), après coup.

Le degré d’information sur ce que veut vraiment faire le PPE, principal groupe politique au Parlement européen (qui devrait donc récupérer la présidence de la Commission), est proche de zéro. On ne sait même pas quelle sera la configuration exacte à droite, entre le PPE (droite classique conservatrice), l’ECR (droite dure, limite facho) et ID (carrément facho) et quelles sont les possibilités de coalition. Vu les projections en siège au niveau européen, cela change tout si PPE et ECR arrive à s’entendre dans une coalition.

Faute d’avoir les informations pertinentes, on se retrouve à un scrutin « national » où l’électeur se fait idéologiquement plaisir, en sachant parfaitement que cela n’aura pas de conséquence nationale directe. Pas de gouvernement renversé ni de villes qui basculent. Cela me désole, car l’échelon législatif européen est le plus important, le droit européen s’imposant aux droits nationaux. Dans beaucoup de sujets essentiels (en particulier l’économie), tout se décide à Bruxelles, sans qu’il n’y ait de véritable « rendez-vous » électoral, pour valider ou sanctionner des choix politiques passés, et valider des lignes. D’où un réel déficit démocratique qui va en se creusant, et mine l’Union européenne.

Si on veut vraiment relancer l’Europe, il faut revoir complètement ce dispositif et forcer à l’européanisation des listes, et donc des programmes et des débats. En 2019, Emmanuel Macron avait demandé la possibilité de faire des listes transnationales, qui auraient permis d’européaniser un peu la campagne et les programmes. Rien n’a avancé sur ce plan. Il faut aussi clarifier la responsabilité politique de la Commission européenne, dont le poids dans le dispositif institutionnel est trop important pour se passer d’une quelconque forme de légitimation électorale directe. A défaut d’une désignation directe par les électeurs du président de la Commission, qu’il y ait au moins une obligation de rendre des comptes aux citoyens à l’occasion des échéances électorales. On en est très loin, et les quelques éléments d’information existant là-dessus passent sous le radar des médias français, mis à part quelques titres très spécialisés.

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Enfants, écrans et impasse politique

Un groupe d’experts scientifiques vient de rendre un rapport à Emmanuel Macron, sur l’exposition des enfants aux écrans. J’ai pris le temps de le lire, et sur le fond, il n’y a pas grand chose à redire. On savait déjà que l’exposition excessive aux écrans n’est pas bon pour la santé, physiologique et psychologique des enfants. Voire que c’est carrément nocif dans les premières années.

Des mesures sont d’ores et déjà proposées, comme par exemple d’enlever les écrans dans les crèches et chez les nounous (une proposition de loi a été déposée, et permettra de faire de la mousse médiatique) ou encore de peser sur les réseaux sociaux pour qu’ils soient moins toxiques. Même si cela va dans le bon sens, c’est accessoire, voire anecdotique à coté de l’enjeu majeur. En effet, cela implique avant tout d’agir sur un acteur majeur de l’éducation des enfants, si ce n’est essentiel : les parents.

Si on lit bien le rapport, ce qu’on demande aux parents, c’est d’éteindre et de cacher leurs écrans en présence de leurs enfants, et de s’occuper d’eux, en jouant et en passant du temps avec eux. Dans l’absolu, je vois bien l’intérêt et la justification de cet objectif, dans la réalité, c’est de l’ordre de l’inaccessible, et aucune loi n’y pourra rien. Quand bien même on voterait des lois, comment les appliquer, si cela implique de s’immiscer dans l’intimité des familles ? C’est une impasse complète, et je suis surpris que les experts scientifiques, certainement compétents dans leur domaine, n’ait pas pu se rendre compte qu’ils s’engageaient dans une impasse politique.

Tous les parents savent que s’occuper d’enfants (pire, d’adolescents) est un investissement compliqué, chronophage et épuisant. Tous cherchent des accommodements, des moments où ils peuvent souffler. A toutes les époques, dans toutes les couches de la société, les parents ont pu laisser, plus ou moins, leurs enfants à eux-mêmes, ou sous la garde d’autres. L’école est en partie faite pour ça, même si on n’ose pas trop le dire. Les choses n’ont pas franchement changé, et la période où on élève des enfants est également celle où on est en ascension professionnelle. Dans nombre de familles, les écrans sont l’élément central de l’équilibre psychologique des parents, et de la paix sociale dans le foyer.

Si on veut limiter (drastiquement ou pas) l’usage de cet outil, il va falloir proposer autre chose aux parents que la culpabilisation, sinon, il risque de ne pas se passer grand chose. C’est d’autant plus vrai dans les classes populaires, qui n’ayant pas trop de moyens économiques, ont moins le choix et se rabattent plus facilement sur les écrans comme nounous. C’est d’autant plus marqué que ceux qui arrivent, ou vont arriver à l’âge d’être parents, ont grandi avec les écrans (jeux vidéos, réseaux sociaux et vidéos à gogo via Youtube). Comment leur expliquer qu’ils font mal, et qu’il faut faire autrement, sans leur dire ce qu’est cet « autrement » et surtout, leur donner les moyens d’y accéder.

Je crains donc que les suites de ce rapport, ça soit beaucoup d’injonctions plus ou moins culpabilisantes, beaucoup de comm’, mais finalement pas grand chose de concret. En tout pas suffisamment pour être à la hauteur de l’objectif fixé, qui est un absolu scientifiquement justifié, mais politiquement inaccessible.

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L’irresponsable Guillaume Meurice

Le « journaliste » et « humoriste » Guillaume Meurice vient d’être convoqué pour un entretien préalable à un licenciement. La direction de Radio France lui reproche d’avoir sciemment récidivé sur ses propos qualifiant le premier ministre israélien de « nazi sans prépuce ».

Le licenciement pour faute grave est parfaitement justifié, juridiquement. Il y a eu un avertissement, la première fois, il est évident que la réitération consciente ne peut que provoquer une sanction disciplinaire.

Le licenciement est également justifié politiquement et moralement. L’humour ne justifie pas tout, et si la première fois, on peut accorder le bénéfice du doute (une blague mal calibrée, ça peut arriver), la deuxième fois, c’est de la provocation. Quand on participe à l’animation du débat public d’actualité, dans une émission à grande écoute, sur une radio de service public, on fait attention à ce qu’on dit. Le fait d’avoir une carte de presse ou pas n’y change rien.

Vu le climat incandescent autour du conflit israélo-palestinien, en France (mais aussi dans le monde), remettre une pièce dans la machine relève soit d’une volonté de rajouter un jerrican d’essence sur le brasier, soit de l’inconscience. Dans les deux cas, c’est une faute lourde, quand on se prétend journaliste, et qu’on participe à l’animation du débat public. Personne, à ce niveau, ne peut prétendre s’exonérer ses responsabilités, quand le situation est aussi délicate, ou alors, il faut assumer d’être militant, position incompatible avec celle de journaliste ou de chroniqueur, qui plus est dans un média de service public.

Les journalistes ont une responsabilité sociale et sociétale importante, qu’ils savent très bien mettre en avant quand ça les arrangent (pour demander des subventions par exemple). Ils sont les animateurs du débat public, quand il devient aussi tendu qu’actuellement, ils doivent être prudent dans leur couverture des sujets brulants, et éviter de se comporter en militants d’une cause ou d’une autre. Éviter les provocations, telles que celle de Guillaume Meurice, est une évidence que l’on ne devrait même pas avoir à rappeler.

Il est donc normal que la direction du média sur lequel ces propos ont été tenus prenne des mesures, pour se désolidariser, et montrer une désapprobation claire de cette faute. La liberté de la presse doit nécessairement s’accompagner d’une responsabilité de ce qui en est fait.

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Ménages, collusions et ambiguités d’Achilli

Le journaliste Jean-François Achilli vient d’être licencié pour faute grave par son employeur, Radio France. Le journaliste avait été suspendu en mars, après la révélation qu’il aurait aidé Jordan Bardella à écrire un livre politique. Un mélange des genres qui semble structurel chez ce journaliste, selon Libé.

Cette affaire est emblématique du flou déontologique dévastateur que l’on rencontre dans le haut du panier de la presse parisienne, dans ses relations avec le pouvoir, la communication et l’argent.

Nous avons donc un « journaliste vedette », c’est-à-dire connu du public, et en principe reconnu pour ses compétences professionnelles, mais aussi accessoirement pour son entregent, ainsi que son réseau professionnel et extra-professionnel. Bref, un homme « de pouvoir » qui est à la croisée de beaucoup de chemins. Il y en a un certain nombre comme lui, qui se sont fait une place au soleil, et jouent ensuite sur plusieurs tableaux, avec de beaux numéros d’équilibristes.

Ce qui lui est reproché est d’avoir mis sa réputation professionnelle, et donc sa crédibilité de journaliste, au service d’intérêts politiques et/ou économiques, et de personnes qu’il fréquente par ailleurs, à titre professionnel, et dont il est censé rester indépendant. Le bénéfice qu’il en tire peut-être financier (il a monté une société pour facturer ses prestations) mais aussi égotique (le sentiment d’être un puissant de ce monde). Pour leur défense, certains expliquent que leur métier de journaliste implique une distance, mais aussi une forme de proximité avec leurs sources et les sujets qu’ils doivent couvrir. Mais dans ce cas, mieux vaut s’abstenir d’en tirer un bénéfice personnel, et rester dans une « rémunération » à usage purement professionnel. Dans le flou déontologique, il y a un coté obscur où il est très facile de glisser.

Concernant Achilli, le dérapage est documenté et semble assez ancien. Un souvenir m’a personnellement marqué, celui de son « interview » avec Jérôme Cahuzac, en 2013, où l’ancien ministre s’exprimait pour la première fois, après avoir démissionné. La séquence sentait l’opération de communication à des kilomètres à la ronde, et j’avais été scandalisé qu’un journaliste professionnel de l’envergure de Jean-François Achilli s’y compromette. Depuis cette date, il était déontologiquement « carbonisé » à mes yeux. L’accident de carrière dont il est aujourd’hui victime ne me surprend donc pas. Ce qui est en revanche plus surprenant, et révélateur, est que cela n’arrive que maintenant. Selon Libération, ce journaliste étant coutumier des ménages et du mélange des genres, ce ne sont pas les occasions qui ont manqué de mettre en lumière sa dérive déontologique.

Outre le fait d’avoir conseillé le chef d’un parti politique, sur l’écriture d’un livre autobiographique, d’autres faits lui sont reprochés. Il aurait ainsi travaillé, pendant une dizaine d’années, comme média-trainer, pour un cabinet de lobbying. Une prestation de coach, sur le papier purement technique, mais qui se révèle problématique. Cela créé une proximité particulière avec les personnalités politiques/économiques qu’il entraine, et donc, un rapport différent avec eux, sur un « vrai » plateau, si jamais il est amené à les interviewer. Il fait également le jeu du cabinet de lobbying, qui sait pouvoir vendre plus cher cette prestation, car faite par un « vrai » journaliste vedette » avec lequel il est possible de sympathiser, et d’obtenir, éventuellement (si affinités) autre chose qu’un simple entrainement à l’interview radio ou télévisée. Signe d’une certaine déconnexion avec l’éthique, il lui est arrivé de recevoir, en tournée promo sur son plateau, sa compagne, venue parler de son dernier livre, sans évoquer leur lien. On peut aussi se poser la question sur les choix d’inviter telle ou telle personne, sur les plateaux d’émissions qu’il anime. Le soupçon est terrible, car crédible.

Tout le problème est dans ces non-dits, dans les liens amicaux qui peuvent se créer, dans les éventuels renvois d’ascenseurs, non seulement entre le journaliste et ses « clients » (politiques et chefs d’entreprise), mais aussi avec les communicants et lobbyistes. Rien de mieux pour miner la confiance des citoyens dans les médias !

Le traitement de l’affaire laisse toutefois un arrière-goût désagréable. Jean-François Achilli est tombé, car il a engagé des discussions avancées (qui ne se sont finalement pas concrétisées) avec Jordan Bardella, le patron du RN. La réaction aurait-elle été la même, s’il s’était agi d’un autre politique, plus dans « l’axe républicain » ? La pratique de l’aide à l’écriture pour les livres politiques est généralisée (comment un ministre peut avoir le temps d’écrire un bouquin ?) et bien des journalistes se sont plus ou moins impliqués dans cette activité de ghostwriter, sans qu’il ne leur arrive jamais rien. Cela pourrait donner l’impression qu’Achilli était sous surveillance, mais a finalement été sanctionné pour avoir dépassé une ligne rouge plus « politique » que déontologique.

Reste à voir s’il arrivera à rebondir. Après tout, d’autres avant lui ont réussi à passer sans trop d’encombre un passage délicat, causé par une faute déontologique. Ce serait sans doute cela le plus désastreux. Après, on peut faire autant d’Etats Généraux de l’Information qu’on veut pour rebâtir la confiance, cela ne servira à rien si la profession elle-même refuse de s’auto-réguler.

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Communication et bouts de ficelles

Le Premier ministre vient d’égrener la liste des mesures qu’il entend mettre en œuvre pour lutter contre la violence des mineurs. Si le problème est réel, il n’a rien de nouveau, et surtout, les réponses sont loin d’être à la hauteur. Elles sont symptomatiques de la manière (déplorable) dont sont abordés les questions de fond par le gouvernement. Il répond plus à la manière dont les médias posent le problème, qu’à la réalité du terrain, et privilégient les réponses « qui claquent » mais ne coûtent pas d’argent public. La faisabilité technique ne compte pas, seul importe l’impact des annonces sur l’opinion.

Face à la violence des enfants, le premier axe est de « responsabiliser » les parents par la sanction. Politiquement, c’est assez déplorable de cibler des personnes dont on ne connait pas la situation réelle, qui ont parfois besoin d’aide, pas de stigmatisation et encore moins de se faire coller un boulet supplémentaire aux pieds. Parmi ces parents d’enfants délinquants, combien de mères seules, qui travaillent à temps partiel, pour moins que le SMIC ? En revanche, sur les enfants de bourgeois, qui grandissent seuls avec un paquet d’argent, ces sanctions pourraient être pertinentes, mais seront-elles appliquées à cette catégorie de la population ? Une sanction n’est sérieusement envisageable que pour un public, les parents qui ont les moyens de bien jouer leur rôle, et qui ne l’ont pas fait. Mais cela implique de renforcer les services sociaux dédiés à l’enfance, qui en ont plus que besoin. Je n’ai rien entendu de tel dans le discours du Premier ministre, alors qu’il aurait fallu commencer par cela.

La seule esquisse de solution « positive » est d’envoyer un enfant qui commence à mal tourner dans un internat, pour le couper d’un environnement toxique. Reste à savoir qui décide de la mise en oeuvre de cette solution, sur la base de quels éléments. Et surtout, qui paie ? L’idée avait déjà été évoquée il y a quelques mois, et on constate qu’on n’a pas avancé d’un iota.

Deuxième piste, la sanction des élèves eux-mêmes. En cas de comportements perturbateurs, on leur met une remarque infamante dans leur dossier, qui leur ferme des portes pour la suite de leurs études (pour ceux qui souhaitent poursuivre des études). On ajoute ainsi un handicap à des élèves qui n’en manquent pas. Ils pourront y échapper s’ils font des « travaux d’intérêt général » dans leur établissement. On relooke la bonne vieille « heure de colle » où tu balayes la cour. Sur le papier, ça fait bien, dans la réalité, on rajoute une charge aux chefs d’établissements, de plus en plus transformés en policiers et juges d’exécution des peines. Sans moyen supplémentaires, pour une tâche que tous n’auront pas la capacité ou l’autorité de mettre en place dans leur établissement. Ce qui peut fonctionner (et encore) dans un établissement bourgeois de centre-ville, n’est peut-être pas efficient en banlieue difficile. Tout ce qu’on propose aux directeurs, c’est une hotline « SOS Laïcité » en cas de problème lié à la religion et quelques accompagnements pour la sécurité des établissements. Mais 350 écoles accompagnées, c’est une goutte d’eau.

Le pompon, c’est quand même l’obligation de consigner les élèves dans l’établissement, qu’ils aient cours ou pas, entre 8h et 18h. On en fait quoi quand ils n’ont pas cours, qui s’en occupe, pour leur faire faire quoi ? C’est une réforme un peu brutale du périscolaire, qui va déstabiliser ce qui existe, et est souvent géré par les collectivités locales, et se retrouve brusquement transféré aux établissements scolaires. Enfin, j’attends de voir ce que vont donner ces fameuses « mesures d’intérêt éducative », qui ne sont rien d’autres que des travaux d’intérêt général pour mineur. Les éventuels contentieux, contre ce qui est sans conteste une sanction, seront intéressants suivre et à analyser !

Troisième piste de solution, la régulation de l’accès aux écrans. On se demande un peu ce que cela vient faire là. C’est un refrain connu, qui n’a pas connu le moindre commencement de mise en œuvre, à part refiler le bébé à une commission de spécialistes et de scientifiques, en espérant qu’ils auront la formule miracle. Sur l’aspect législatif, on évoque l’application d’une loi votée, sur la majorité numérique. Sauf qu’elle est très probablement en contradiction avec le droit européen. C’est d’ailleurs parce que Bruxelles, qui gère largement la régulation du numérique, a haussé le ton qu’on n’entend plus parler de ce texte, jusqu’à ce que les nécessités de la communication politique amènent à le sortir du congélateur.

Bien entendu, pas de bonne réforme sans un renforcement de la « réponse pénale » c’est-à-dire un alourdissement de la répression (comparution immédiatement dès 16 ans, rabotage de l’excuse de minorité, composition pénale dès 13 ans). On note toutefois la prudence dans l’expression sur ce volet, et l’ouverture d’une petite concertation. Là encore, c’est mieux d’être prudent, car le gouvernement s’avance sur un terrain constitutionnellement risqué. Le seul point qui pourrait avoir un (petit) effet est d’amener les adolescents assister, dans le public, à une audience de comparution immédiate. Si cela ne les dissuade pas de commettre des délits, au moins, cela leur fera une formation, et ils ne seront pas complètement dépaysés quand leur tour viendra d’entrer dans le box.

Tout cela ne changera pas grand chose, car le problème de la violence et de délitement de la société est profond et structurel. Malheureusement, je ne vois pas de prise en charge politique des raisons de fond, juste la pose de quelques emplâtres. Comme si traiter un symptôme avec un placebo permettait de guérir d’un cancer.

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L’inquiétante fragilité du dispositif Attal

A peine trois mois après son entrée en fonction, le dispositif politique autour de Gabriel Attal apparait bien fragile. Il y a eu des erreurs de casting, dans la garde politique rapprochée, ainsi que de grosses difficultés à trouver des conseillers (notamment pour le pôle parlementaire du cabinet, postes pourtant prestigieux). Les premiers craquements se font déjà entendre, ce qui n’augure rien de bon.

La semaine dernière, les trois principaux conseillers de la porte-parole du gouvernement (son directeur de cabinet, la directrice de cabinet adjointe et la cheffe de cabinet) ont démissionné. Cela fait suite à un gros couac, où en sortie de conseil des ministres, la porte-parole a évoqué un attentat déjoué, avant de se rétracter un peu après.

Même si l’entourage restant cherche à minimiser l’évènement, c’est le signe d’une grave crise interne, avec un problème clairement identifié : c’est juste la ministre qui n’est pas à la hauteur, et qu’il faudrait changer. Mais comme ce n’est pas politiquement possible, ce sont les conseillers qui partent. Qu’un conseiller ministériel parte au bout de trois à quatre ans, c’est normal, car il y a une usure, vu le rythme de travail assez dingue. Mais les trois têtes du cabinet qui claquent la porte au bout de trois mois, c’est du jamais-vu (et pourtant, la Macronie nous en a fait voir).

L’ennui, c’est que le poste de porte-parole est hautement stratégique. Il l’est encore plus quand, faute d’argent et de majorité au Parlement, le gouvernement en est réduit à ne faire que de la communication.

D’autres postes aussi stratégiques dans l’entourage proche du Premier ministre, donnent également des signes de faiblesse. La nouvelle ministre des relations avec le Parlement a mal commencé, avec une opération de comm’ complètement lunaire, le jour sa nomination, suivie la semaine suivante d’une bourde dans l’exercice de ce qui est le coeur de son activité : la construction du calendrier parlementaire. A la suite du discours de politique générale de Gabriel Attal, l’opposition dépose une motion de censure, afin d’avoir un scrutin, puisque n’ayant pas de majorité, le nouveau premier ministre s’est bien gardé de demander un vote de confiance. La conférence des présidents se réunit (en présence de la nouvelle ministre des relations avec le Parlement) et fixe la discussion au lundi 5 février, à 21h30. Mais voilà que quelques heures plus tard, changement de programme, la discussion aura finalement lieu à 10h du matin (ce qui n’arrange personne). En effet, le soir, Gabriel Attal effectue son premier déplacement diplomatique, à Berlin, et n’est donc pas disponible. Cela fait un peu ballot de s’en apercevoir après la réunion de la conférence des présidents…

La troisième ministre déléguée auprès du Premier ministre, Aurore Bergé, pourrait devenir elle aussi source de problèmes. D’abord nommée ministre de plein exercice aux Affaires sociales en juillet 2023, elle est rétrogradée six mois plus tard, au poste de ministre déléguée, chargée de l’égalité hommes-femmes et de la lutte contre les discriminations. Or, voilà que la presse annonce qu’elle aurait bloqué la nomination d’une fonctionnaire, parce qu’elle aurait milité, il y a 10 ans, aux côtés de Benoit Hamon. Quand on est en charge de lutter contre les discrimination, ça fait tache. Le Canard enchainé vient aussi de publier article sanglant, où il relate un turn-over inquiétant chez les conseillers d’Aurore Bergé, avec des cas de maltraitance et d’humiliation, montrant un grave déficit de bienveillance dans le management. Là encore, quand on est ministre qui est censé s’occuper de la lutte contre le harcèlement, ça relève de la dissonance cognitive. En politique, ce genre de grand écart se finit mal.

Tout cela ne serait pas si grave, si le Premier ministre était un vieux routier de la politique, doté de réseaux profonds, tant dans l’appareil d’Etat que dans les milieux économiques. Agé de 35 ans, Gabriel Attal est entré, à l’issue de ses études, comme stagiaire au cabinet de la ministre de la Santé, où il gravit les échelons, avant d’être élu député et d’enchainer les postes ministériels, sans y rester suffisamment longtemps pour s’y tisser des réseaux ou s’imprégner des dossiers. Un Premier ministre inexpérimenté, sans réseaux, entouré de ministres déléguées fragiles, et guère plus expérimentées, il y a de quoi s’inquiéter.

Et voilà que, au fil du début de campagne pour les élections européennes, la liste de la majorité présidentielle s’effrite, alors que celle du PS semble avoir trouvé une dynamique. Dans le dernier sondage, où le RN est largement en tête (30%), les courbes commencent à se rapprocher entre Valérie Hayer (16%) et Raphaël Glucksmann (14%). Faute d’avoir trouvé une tête de liste charismatique, c’est au Premier ministre qu’il reviendra de porter politiquement la campagne de la liste Hayer, et qu’il sera donc politiquement responsable du résultat…

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A la recherche de la bonne conscience climatique

Faut-il continuer à faire du tourisme lointain, alors même que le réchauffement climatique s’accélère ? Le tourisme est une activité récente (moins d’une centaine d’années, et seulement une cinquantaine pour sa massification) de pur loisir. C’est loin d’être une activité essentielle (sauf pour les régions qui en ont fait une mono industrie). Elle nécessite de prendre des transports (notamment l’avion) et par sa massification, dans certains endroits, peut avoir des effets sur les sociétés ou les espaces naturels locaux.

Bali en est un exemple caricatural. Le déplacement ne peut guère se faire qu’en avion (vu que c’est une île) avec de très longues heures de vol depuis l’Europe ou les États-Unis. Les paysages sont absolument magnifiques, et on pourrait les croire faits spécialement pour y faire des selfies instagrammables. En revanche, c’est aussi une usine à touriste assez sordide, qui exploite une population locale qui vit dans la misère. Le choc entre les deux faces de la médaille peut être assez violent et déstabilisant.

Il est clair, à mes yeux, que les efforts de lutte contre le réchauffement climatique doivent passer par un recul, voire une renonciation à ce genre d’activité (pareil pour le ski). Le tourisme « écolo » que nous vantent certains magazines n’est qu’un alibi pour donner bonne conscience, et continuer à pousser à la consommation. Car derrière, il y a des enjeux économiques, une industrie prospère, donc des gens qui ont intérêt à ce qu’on continue à dépenser de l’argent dans des voyages et séjours exotiques. Le réchauffement climatique n’est pas nécessairement une mauvaise affaire pour cette industrie, car elle permet de facturer davantage (la bonne conscience a un coût) et modifiant un peu les produits, pour en gommer les aspects scandaleux les plus visibles. Mais il faut, coûte que coûte, continuer à consommer et à croitre.

J’ai un peu de mal à concilier cela avec les messages d’urgence qui nous sont envoyés en permanence, avec des articles qui nous répètent tous les deux jours qu’on a encore battu un record de chaleur. On vit une sorte de schizophrénie, entre cette panique climatique d’un coté, et cet encouragement à ne rien changer, ou seulement à la marge, pour ne pas se priver. Je vois mal comment on va arriver à tenir cette équation dans les années à venir. Ou alors, on sera bien obligé de changer quand un certains nombres de destinations ne seront plus fréquentables, pour cause d’insécurité, de guerre, de sécheresse. Mais ce ne sera pas un choix de notre part, et les flux ne feront que se déporter vers d’autres destinations, plus proches et plus en sécurité.

Il serait peut-être temps que ceux qui entretiennent la panique climatique se lancent aussi dans les propositions de pistes pour une action qui soit à la hauteur des efforts qu’ils estiment nécessaires. Cela passe notamment par proposer une vision renouvelée de ce qui est « désirable » et de ce à quoi il faut « renoncer ». Bref, qu’ils assument leur position décroissante, car j’ai parfois l’impression que ce sont les mêmes qui nous mettent la pression sur « l’inaction climatique » tout en allant passer une semaine à Bali ou aux Maldives. Mais comme ils trient leurs déchets, ça passe. En fait, non, ça ne passera pas…

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Le système médiatique fonctionne mal

Je souhaite apporter ici quelques réflexions sur un sujet qui fait l’objet de beaucoup de discussions, commentaires. C’est une pensée en construction, sur l’insatisfaction profonde que je ressens sur les déficits et défauts profond de notre système médiatique à fournir une information de qualité.

Comme beaucoup, je suis souvent très frustré quand je lis des choses sur un sujet que je connais bien (et donc bien mieux que le journaliste qui a écrit dessus). L’idée n’est pas d’incriminer le journaliste, qui fait souvent ce qu’il peut, avec les moyens qu’on lui donne, pour remplir une mission qui est survendue par le médias qui l’emploie.

L’impression qui ressort est d’abord une méconnaissance technique (pour ne pas dire pire), avec des erreurs d’analyse, voire factuelle. On sent que le journaliste ne maitrise pas toujours le domaine. C’est tout le problème quand on a des journalistes « généralistes » dans des services au champ immense (par exemple la rubrique « société ») souvent jeunes, donc sans le savoir que donne l’ancienneté et l’expérience. Même quand on a un rubircard, c’est parfois pas terrible, car entre la précision technique et la « lisibilité » pour le public, on est obligé d’arbitrer. En général, l’arbitrage se fait en faveur de la lisibilité, d’où des raccourcis ou des imprécisions qui peuvent irriter les connaisseurs.

Un autre point irritant, c’est le panurgisme, où tous les médias parlent du même sujet, en même temps, pour dire souvent à peu près la même chose (pour mieux l’oublier ensuite). Cela tient au fonctionnement de la profession, qui trop souvent, s’emprisonne dans l’exigence de « l’actualité ». Un sujet de fond, parfois présent depuis longtemps, n’arrive à percer qu’à l’occasion d’un « évènement » lui donnant une visibilité. C’est par exemple un phénomène de société, largement sous le radar, qui d’un seul coup prend la lumière à l’occasion d’un fait divers sordide, ou d’une proposition de loi débattue à l’Assemblée. Pour ceux qui connaissent bien le sujet et le secteur, c’est toujours agaçant de voir que le grand public s’intéresse enfin à eux, mais pas pour les bonnes raisons, pas toujours sous leur meilleur jour, et au moment le plus pertinent.

Tout cela amène à une information de mauvaise qualité, où les sujets sont traités de manière superficielle, selon un angle précis et souvent unique, pas forcément le plus pertinent. J’ai clairement l’impression que seuls les journalistes de la presse écrite travaillent réellement, radios et télévisions ne sont là que pour mettre en scène ce que la presse écrite a déjà raconté. Je n’ai quasiment jamais rien appris dans ce que les télévisions appellent des « enquêtes ». Malheureusement, j’ai aussi souvent l’impression que parmi les journalistes de presse écrite, il y en malheureusement qu’un ou deux qui travaillent réellement sur un sujet (ceux qui sont les premiers à publier) et que trop souvent, leurs collègues ne font que reprendre la même trame, avec quelques compléments. Ils ne refont que très rarement une reprise complètement, pour chercher d’autres angles. Ce n’est tout simplement pas économiquement rentable.

Tout cela rend l’information extrêmement poreuse à la communication et aux manipulations. Il suffit, pour une organisation (je parle globalement, entreprises comme ONG) de faire un travail auprès d’un journaliste, pour qu’il fasse une enquête qui traite le sujet selon le « bon point de vue ». Parfois, il y a juste besoin de sortir un rapport ou une étude un peu construite, qui sort au moment « opportun », c’est à dire quand il y a une « accroche d’actualité » pour orienter ce qui arrivera aux oreilles du grand public.

Le souci premier est le manque de moyens des médias, qui passent leur temps à courir après l’actualité, sans capacité à réellement anticiper, et à travailler sur des sujets de fond qui ne sont pas dans l’actualité, ou sans potentiel sensationnaliste. Ils emploient trop souvent des jeunes journalistes, sans bagage technique, pour traiter un champ très large de sujets, avec une pression à faire du chiffre.

Le deuxième souci est la culture professionnelle des journalistes. Le métier est une sorte de caste fermée, où l’élite ne peut que venir de certaines écoles de journalistes. On a donc des gens, parfois de grande qualité, qui n’ont jamais fait rien d’autre que journaliste, et n’ont donc pas le bagage technique et/ou le vécu suffisant pour comprendre et connaitre en profondeur les sujets qu’ils vont avoir à traiter. Certes, ce savoir peut s’acquérir, mais cela demande beaucoup de temps, de travail, et reste incomplet. Quand vous êtes dans un secteur précis, on vous parle différemment qu’à un journaliste, on vous dit des choses qu’on ne dirait pas, ou pas de la même manière à un journaliste, même de confiance.

La culture professionnelle des journalistes est également marquée par des mythes, notamment celui d’Albert Londres qui « met la plume dans la plaie ». Le journaliste d’investigation, qui dévoile les scandales et prend la pose du justicier est encore beaucoup trop valorisée. Or, beaucoup de lecteurs n’attendent pas ça, ou pas que ça. Ils souhaitent aussi qu’on leur donne des informations et les éléments d’analyse pour se faire leur propre jugement sur les enjeux. Malheureusement, ils lisent trop souvent ce que pense le journaliste (avec tous les préjugés parfois inconscients de ce milieu socialement très situé), plutôt que des faits traitées sous les angles, à charge et à décharge.

La solution unique n’existe pas, mais les pistes d’évolution pourraient être de financer davantage la fabrication de l’information, et aérer la profession, tant dans son recrutement que dans les représentations qu’elle se fait d’elle-même et de sa mission.