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Le problème de mal nommer les choses en politique

La ministre de l’enseignement supérieur et de la Recherche, Frédérique Vidal, vient de provoquer un beau tollé, en demandant au CNRS de lancer une « enquête scientifique » sur « l’islamo-gauchisme » à l’Université. Il y a effectivement de quoi être perplexe devant cette demande qui mélange tout, et tient de l’amateurisme, qui est décidément la marque de fabrique de cette majorité.

Le CNRS a vivement réagi, expliquant notamment que l’Islamo-gauchisme n’est pas un concept scientifique, mais politique. La mission, telle qu’elle est lancée, n’a pas de sens, et cache mal un manque de courage et de structuration politique de la ministre.

Soit la mission est scientifique, et destinée à faire un état de lieux objectif, l’utilisation du terme « islamo-gauchiste » est une erreur, car c’est un concept militant, monté de toute pièce par l’officine politique baptisée « Printemps républicain » pour discréditer ses adversaires politiques. Soit c’est une offensive politique, contre un courant qualifié par ses adversaires « d’islamo-gauchiste » et dans ce cas, c’est l’inspection générale du ministère, et les organes disciplinaires des universités qui sont mandatés, et le gouvernement doit assumer qu’il entend mener une « purge ».

Le résultat est de provoquer une levée de boucliers dans le monde universitaire, et fait perdre à la ministre, le peu de crédit qui lui restait auprès des chercheurs et du monde universitaire. Non seulement elle montre qu’elle ne comprend rien à la politique, mais qu’en plus, elle est incapable de résister aux pressions des officines politiques, qui veulent mettre la pagaille dans son secteur. Après avoir été totalement inaudible sur la situation des étudiants et de l’enseignement supérieur pendant la crise sanitaire, voilà qu’elle achève de se discréditer, en se montrant incapable de protéger les enseignants-chercheurs des tentatives de déstabilisation politique.

La ministre s’enferre, et là ça devient grave, en affirmant vouloir faire la part des choses entre les « activités de recherche académiques et celles qui relèvent du militantisme et de l’opinion ». Elle montre ainsi qu’elle soit de très mauvaise foi, soit totalement incompétente. La recherche est par essence, une activité intellectuelle où on part de postulat, de construction intellectuelles préalables, pour tester si elles sont justes (ou pas). C’est vrai partout, mais particulièrement saillant en sciences humaines et sociales, car l’objet des recherches, c’est la manière de fonctionner de la société, les ressorts de l’humain. Nécessairement, les hypothèses de départ sont orientées politiquement. Cela a toujours été le cas, et ce qui compte, ce n’est pas la « politisation » des options de recherche, mais le pluralisme. Si chaque chercheur doit être parfaitement libre de ses hypothèses de recherche (tant sur le fond que sur la méthodologie), il est néfaste qu’une seule école de pensée prenne le pouvoir et impose ses vues.

La question de fond, qui pourrait justifier une mission mandatée par le ministère, c’est donc de savoir si un courant d’idées et de recherche précis a pris un ascendant tel dans l’université, qu’il étouffe ses concurrents donc le pluralisme de la recherche.

Pour cela, il faut commencer par bien identifier le courant de recherche concerné. Cela demande effectivement un travail méthodologique rigoureux, tant sur la définition du courant idéologique que sur la mesure de son emprise sur la Recherche. Si on voit, globalement, la direction visée (l’extrême gauche), le terme « islamo-gauchisme » est très mal choisi. Ce n’est en rien un courant de recherche identifié et surtout, à aucun moment, on ne voit où est le problème. Qu’il y ait des gauchistes dans les universités françaises, ça n’a rien de nouveau. En quoi cela serait-il devenu problématique ? Pour lancer une telle offensive, il faut quelques éléments objectifs, que visiblement, la ministre n’a pas.

L’imprécision des termes utilisés, qui révèle un manque de rigueur intellectuelle et de sens politique, ne peut que se retourner contre la ministre. Quand on ne sait pas ce qu’on vise, on ne risque pas d’atteindre la cible. En revanche, on risque de se prendre le retour du boomerang en pleine figure…

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La dégradation du niveau de la classe politique est inquiétante

En 2017, une vague de dégagisme a très profondément renouvelé le personnel politique de l’Assemblée nationale. Plus de trois ans après, force est de constater que le niveau a baissé. Dramatiquement.

L’activité politique, comme toute activité humaine, nécessite des compétences et un apprentissage. Il ne suffit ne suffit donc pas d’être « de bonne volonté » et d’être un « citoyen ordinaire » pour être un bon parlementaire. Propulser au Parlement des personnes qui ne sont pas préparées à la fonction ne peut pas donner de bons résultats.

Il faut déjà comprendre ce qu’est le rôle d’un député, comprendre sa place dans les équilibre de pouvoir. Pour bien réussir leur mission, les députés doivent savoir faire corps et « jouer collectif », car ce n’est que comme cela qu’on obtient du résultat. La construction d’un rapport de force politique, comme par exemple entre un groupe majoritaire et le gouvernement nécessite de faire masse. C’est compliqué, sinon impossible, d’obtenir cela d’un collectif qui n’a pas été formé avant. En juin 2017, les députés LREM ne se connaissaient pas, n’avaient aucun corps de doctrine commun (et cela n’a malheureusement pas beaucoup évolué).

Il faut aussi du sens politique, c’est-à-dire l’art de sentir si un sujet est mûr ou pas, si c’est le « bon moment » et connaître les rouages et arcanes du processus de prise de décision. Une bonne délibération parlementaire ne se fait pas n’importe comment, il y a des techniques à privilégier, des pièges à éviter. Tout un pan de la culture parlementaire s’est effondré depuis 2017, au point de désespérer les derniers piliers de la maison, à savoir les administrateurs de l’Assemblée, dont l’exode hors des murs est ahurissant.

Cela demande également de maitriser le fond du sujet et la matière traitée, afin de comprendre où sont les enjeux, où sont les lignes de fractures et quelles propositions sont réalistes et ont des chances d’aboutir. Bien souvent, il faut une culture intellectuelle et une connaissance intime des sujets qui ne s’acquièrent, souvent, que par la pratique, et par le vécu. Mais, en même temps, il faut savoir s’extraire de son vécu et de son expérience personnelle, par une mise en perspective au regard des enjeux, et de ce que les autres apportent à la délibération. C’est une gymnastique intellectuelle délicate pour les néophytes, surtout comme ils prennent le melon au lendemain de leur élection et considèrent avec dédain le « vieux monde ».

Les dégâts de la vague de dégagisme deviennent assez évidents. A aucun moment, au cours du mandat, les députés n’ont été mesure de faire bouger, significativement, une ligne politique. Ils ont pu obtenir, de temps en temps, des inflexions, des petits reculs du gouvernement. Mais pas grands chose, et si Emmanuel Macron a été obligé de renoncer, c’est d’ailleurs qu’est venu le coup, que ce soit des sénateurs, qui ont su tuer la réforme constitutionnelle, ou encore des Gilets jaunes, qui ont amené le gouvernement à reculer sur la fiscalité écologique. Même si un certain nombre de néo-députés ont beaucoup appris et progressé depuis trois ans, on partait de bien trop loin pour arriver à un niveau acceptable avant 2022.

Cela vient également d’un point qui n’a pas été assez souligné, celui du manque de culture générale de nombre de parlementaires, notamment de la majorité LREM. Beaucoup d’entre eux sont arrivés de leur univers professionnel sans passer sérieusement par des « fonctions préparatoires » que sont les responsabilités politiques locales, partisanes ou associatives. Beaucoup trop de députés élus en 2017 sont restés « dans leur couloir » se spécialisant sur les sujets qu’ils connaissaient déjà, sans élargir leur horizon. On se retrouve avec un fonctionnement en silo, où bien peu sont sortis de leur zone de confort.

Un autre point, qu’exprime cruellement le président de la fédération protestante de France, est carrément l’inculture des députés. A l’occasion des débats sur le projet de loi Séparatisme, il dénonce les très faibles connaissances théologiques et religieuses de nombreux députés de la majorité, qui les amènent à légiférer sans saisir le sens, ni la portée de ce qu’ils disent et votent. Parfois, le degré d’arrogance du ton est inversement proportionnel à la connaissance réelle du sujet. D’autres débats, comme par exemple la réforme constitutionnelle, ou encore celle des collectivités locales, on déjà permis de mesurer cette inculture crasse dès que l’on quitte le petit cercle des spécialistes. Le problème est sans doute bien plus profond, et je subodore que nous faisons face à un appauvrissement général, touchant l’ensemble de la population. Le déclassement de la France est aussi visible à la chute du niveau scolaire et de ce qui constitue la « culture générale ». Il reste bien quelques députés très cultivés, mais bien souvent, ce sont des « anciens » (comme par exemple Jean-Louis Bourlanges) que les nouvelles générations regardent comme des vestiges glorieux de temps révolus. Il en restera bien peu dans l’hémicycle en juillet 2022.

L’ambiance politique allant en se dégradant, nous risquons d’avoir, en 2022, une nouvelle vague de dégagisme, visant l’actuelle majorité. Beaucoup de députés LREM seront balayés si jamais Emmanuel Macron n’est pas réélu. Et même s’il repasse, le turn-over pourrait être important. Mais ce ne sera pas pour voir revenir les battus de 2017. Ce sera pour voir arriver une nouvelle vague de néophytes, qui auront tout à réapprendre, et qui ne bénéficieront même pas des conseils de quelques « anciens », car entre le dégagisme et les départs à la retraite, du fait de l’âge, un député élu en 2012 fera figure de doyen. Il ne faut pas oublier que la moitié des députés LR ont été élus en 2017, et que ce groupe ne compte, à ce jour, que deux anciens ministres, Christian Jacob et Eric Woerth. Au groupe socialiste, au pouvoir entre 2012 et 2017, il reste 30 députés n’y a plus aucun ancien ministre !

La dégradation des conditions de travail des députés, qui ne peuvent quasiment plus, de fait, avoir une autre activité, leur absence de pouvoir et la faible considération que leur portent leurs concitoyens ne risquent pas d’inciter les candidatures de haut niveau. Je crains même fortement un nivellement par le bas, avec un niveau encore plus faible chez les députés de la XVIe législature…

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Les impasses de la loi Séparatisme

Les députés ont commencé l’examen en commission du projet de loi « confortant le respect des principes de la République » (ex projet de loi contre les séparatismes). Comme prévu, on a eu notre lot de polémiques, plus ou moins étouffés par le droit parlementaire, qui éjecte les propositions qui sont sans lien direct avec le texte.

Ces irrecevabilités permettent de voir qu’il y un décalage majeur, un hiatus entre le message politique véhiculé par le texte, et les possibilités offertes par le droit. L’amendement déposé par Aurore Bergé, sur l’interdiction du port du voile pour les petites filles, est emblématique. Politiquement, il est au cœur du texte, et du message qu’il porte, à savoir l’islamophobie. Pourtant, il a été déclaré irrecevable, car techniquement, il ne peut se raccrocher à aucun article du texte. A aucun moment, ce texte ne prohibe des modes vestimentaires ou n’interdit des pratiques cultuelles.

Ce texte va buter, au final, sur cette impossibilité d’écrire en droit, ce qui est la volonté politique affichée, à savoir interdire l’islam « radical » en France. Tout simplement car notre système juridique ne permet pas de définir avec suffisamment de précision ce qu’est « l’islam radical ». Ce n’est pourtant pas faute de chercher, de mettre bout à bout des éléments divers et variés. Mais ce n’est juste pas possible, car chaque élément, pris isolément, couvre un champ bien plus large, avec des effets de bords considérables. On se retrouve, à chaque fois, avec des dommages collatéraux énormes.

Deux amendements, parmi d’autres, illustrent cela.

Le groupe LR a fait adopter un amendement ainsi rédigé : « Le fait d’entraver ou de tenter d’entraver par des pressions ou des insultes l’exercice de la fonction d’enseignant selon les objectifs pédagogiques de l’éducation nationale déterminés par le Conseil supérieur des programmes mentionné à l’article L. 231‑14 du code de l’éducation est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »

L’exposé des motifs évoque Samuel Paty, et entend « répondre » au problème posé par les pressions des parents sur les choix pédagogiques des enseignants. Mais ont-ils imaginé l’ampleur que cela peut prendre ? Une telle mesure, de portée aussi générale, peut être utilisée contre à peu près n’importe quel parent d’élève qui conteste le travail d’un enseignant, même totalement incompétent. Quand on connait la dégradation des relations entre parents d’élèves et enseignants, on mesure les dégâts qui cela peut occasionner si jamais un groupe d’enseignants décide de « se faire » un parent d’élève un peu pénible, en le traînant au tribunal. Faut-il vraiment judiciariser ces querelles ? Je ne suis pas certain que ce soit une bonne idée.

Autre exemple, celui du contrôle des fonds venant de l’étranger. Dans le texte initial, seules les associations relevant de la loi de 1905 étaient concernées. Au cours des auditions, plusieurs personnes ont fait remarquer aux députés que la quasi totalité des associations « loi 1905 » sont protestantes et juives, et ne posent aucun problème. Les musulmans, organisés en associations « loi 1901 » qui sont visés par la mesure, ne seront donc pas touchés (et ne risquent pas d’avoir envie de prendre le statut « loi 1905 »). En commission, les rapporteurs déposent donc un amendement pour étendre à toutes les associations « loi 1901 » l’obligation de déclarer les dons de plus de 10 000 euros venus de l’étranger (hors Union européenne). Là, c’est clair, les associations musulmanes qui reçoivent de l’argent de la Turquie, des pays du Golfe ou du Maghreb seront concernées. Mais pas qu’elles… En fait, c’est l’ensemble du secteur sanitaire et social, de l’ESS, de la Culture, et bien d’autres, qui vont être touchées, car beaucoup de structures et d’institutions sont, à la base, des associations loi 1901 ! Ces structures, parfois sous-staffées, vont se retrouver avec des obligations déclaratives qu’elles ne vont pas être en mesure d’assumer correctement. Elles vont devoir prendre des experts comptables, des commissaires aux comptes, ce qui coûte cher.

A chaque fois, on a l’impression que les députés prennent un bazooka, pour tuer un moustique. Cela va poser un problème de constitutionnalité à l’arrivée, car si le législateur est autorisé, pour des motifs d’intérêt général, à porter atteinte à des libertés, la restriction doit être « nécessaire, adéquate et proportionnée ». Sur plusieurs dispositions, on a un sérieux problème de proportion, et donc un risque élevé de censure.

Il existe parfois des bonnes idées, politiquement porteuses, faciles à expliquer, mais impossible à écrire en droit, sauf à monter des usines à gaz, qui finissent par s’écrouler, car elles présentent trop d’effets secondaires indésirables. Le projet de loi Séparatisme est de ceux-là, du fait du problème initial, d’absence de définition juridique de l’objet à interdire.

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Les Gafa ne sont pas les gardiens de la liberté d’expression

Depuis la suppression par Twitter et Facebook des comptes de Donald Trump, on entend tout et n’importe quoi sur la « puissance » de ces plateformes. On entend même certains les accuser de décider, qui peut ou pas s’exprimer, sur le ton du « droit de vie ou de mort ». Encore une belle polémique « de bulle », comme on voit tant sur les réseaux sociaux.

Cela fait maintenant deux ans et demi que j’ai quitté Twitter (je n’ai jamais été actif sur Facebook) et je ne le regrette absolument pas. Je n’ai pas le sentiment que ma liberté d’expression en ait été atteinte, bien au contraire.

Je dispose toujours d’un lieu, ce blog, où je peux dire à peu près tout ce que je veux, tant que je reste dans le cadre de la loi. Des lecteurs viennent régulièrement, parfois commentent. Même si je n’ai pas de compte twitter, mes billets de blogs y circulent parfois. Leur audience est souvent confidentielle, et il arrive, si le propos est jugé intéressant et pertinent, d’avoir plus d’impact. En tout cas, je n’ai pas du tout le sentiment d’avoir été « censuré » quand Twitter a suspendu mon compte, en tentant de m’extorquer mon numéro de téléphone portable pour le récupérer.

Si une personnalité politique ou un groupe a des choses intéressantes et pertinentes à dire, ils seront entendus et écoutés. Leurs messages circuleront sur les réseaux sociaux, car ils seront partagés par les utilisateurs. Les médias « traditionnels » peuvent aussi s’en faire l’écho. La télévision conserve encore une belle force de frappe, pour diffuser des messages à un grand nombre. Je n’ai aucun doute que Donald Trump, même sans compte Twitter ou Facebook, saura se faire entendre.

Le souci, pour beaucoup, n’est pas d’être « censuré » dans leur liberté d’expression, mais dans leur ego. Ce qu’ils recherchent, sur les réseaux sociaux, c’est de l’exposition personnelle, de la visibilité facile, à coup de petites phrases et de clash.

Il faut donc savoir faire la part des choses, dans les emportements et émotions collectives. Ne pas être sur les réseaux sociaux n’empêchera jamais quelqu’un qui a des choses intelligentes à dire d’être entendu. Car cela ne l’empêche pas de s’exprimer, cela rend juste un peu moins facile la diffusion de sa parole (et encore).

Ce que tout cela révèle, c’est que finalement, au delà de 280 caractères, un certain nombre de personnes n’ont rien d’intéressant à dire. En tout cas, rien de suffisamment intéressant pour que d’autres prennent la peine de les lire, et de faire les deux clics nécessaires pour copier-coller le lien web, au lieu de simplement faire un retweet. Et ils en sont vexés, accusant les réseaux sociaux d’être coupables de la frustration qu’ils ressentent.

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Haro sur la bureaucratie

Le scandale politique du moment porte sur le démarrage, lent, de la campagne de vaccination, en France, contre le Covid 19. Un sujet dont les politiques d’opposition s’emparent, avec parmi les angles d’attaques, celui de critiquer la bureaucratie. Le démarrage de la campagne serait entravé par des prescriptions bureaucratiques absurdes, imposées par les technocrates du ministère de la Santé.

Cela illustre, assez bien, l’un des problèmes majeurs de la France, celui de la déconnexion des élites (cette fois-ci administratives).

Dans ce dossier, les responsables administratifs de la santé publique en France ont le sentiment d’avoir fait leur travail. Il existe différents vaccins, avec des modes d’administration différents, et des effets secondaires pas toujours bien connus. Si pour la plupart des gens, il n’y aura pas de soucis, et un rapport avantage/inconvénient très positif (le vaccin les rendra moins malade que le Covid 19), on aura toujours quelques cas problématiques. C’est statistiquement inévitable. Or, il existe en France une mouvance anti-vaccin (et plus globalement anti-science) assez enracinée et influente, pour qu’il faille tenir compte du risque d’instrumentalisation militante de ces quelques cas problématiques. L’autre risque, identifié par les responsables administratifs, est celui des recours en justice, contre les décisions, puis ensuite, les poursuites pénales de la part des « cas problématiques ».

Ils ont donc choisi de bien ficeler l’opération, en écrivant tout, dans de long documents, très complets (45 pages pour le protocole de vaccination en Ehpad). De leur point de vue, tout est dans les clous, les risques ont été évalués, et traités.

Sauf que…

Depuis maintenant neuf mois, la population est en souffrance, du fait des restrictions de vie sociale, des risques économiques, de l’incertitude de l’avenir. Les français n’ont qu’une envie, c’est de revenir à une situation « normale », c’est à dire celle d’avant. Et ils ont parfaitement compris que cela ne sera possible qu’avec l’immunité collective qui procurera une très vaste campagne de vaccination. La pression est donc énorme.

Et que voient les français, en regardant la télévision ? Que nos voisins allemands et britanniques ont atteint des chiffres importants de personnes vaccinées, dépassant le million, là où nous n’avons pas dépassé le millier. La procédure suivie est parfaite, conforme à tous les standards de « bonne gouvernance » mais le résultat n’est pas au rendez-vous.

A partir de là, toute explication technique, sur le manque de résultat, est totalement inaudible devant la frustration sociale. C’est d’autant plus inaudible que les dirigeants du pays ne disposent pas de la confiance de la population. Le gouvernement se retrouve pris en tenaille, car la position, techniquement justifiée, de son administration, n’est pas recevable aux yeux de leurs électeurs (dont dépend leur maintien en poste). S’enferrer dans la défense de la politique choisie, la prudence et la recherche du « meilleur résultat possible » ne peut qu’aggraver les choses. On ne va pas tarder à voir apparaitre (si ce n’est déjà fait) des théories complotistes indiquant qu’en fait, si le gouvernement français attend, c’est volontairement, parce qu’il est de mèche avec l’industrie pharmaceutique, pour faire monter les prix ou je ne sais quelle autre raison.

Tout cela vient, en partie, de la dépolitisation des élites politico-administratives, qui prennent des décisions en fonction de paramètres qui excluent largement la prise en compte des ressentis et des demandes exprimés par les populations. Un exemple, dans un tout autre domaine, la lutte contre le chômage. Cela fait bientôt 40 ans que la France connait un important chômage structurel, et n’arrive pas à le résorber. Cela vient du fait qu’en dépit des promesses, rien n’est réellement fait pour le traiter, car il ne touche pas les élites et leurs proches, et que les arbitrages politiques sont en faveur de l’ouverture du commerce (et donc de la destructions d’emplois peu qualifiés en France). Non seulement, les français se rendent bien compte qu’on n’écoute pas leurs demandes, mais en plus, on se moque d’eux. Quand en 1995, Jacques Chirac fait campagne sur la fracture sociale, et enchaîne avec une purge libérale administrée par un Premier ministre technocratique et sûr de lui, cela fait des dégâts sur le long terme.

Ce refus des dirigeants du pays de mener des politiques répondant clairement aux demandes de la population, notamment sa composante la plus modeste, amène à la création d’un fossé de défiance, qui aggrave encore plus la situation du pays, et la gestion des périodes délicates. Les gilets jaunes ont été un avertissement très clair de la colère de la base, et du fait qu’ils n’espèrent plus que les choses changent de l’intérieur.

Une fois de plus, sans prise de conscience, par ceux qui dirigent le pays, qu’il faut changer radicalement les paramètres de la décision publique, on va vers un risque politique majeur. Arrivera un moment où une majorité jugera que l’aventure populiste, ça ne sera pas pire que ce qu’il vivent avec les élites technocratiques.

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La crise peut aussi être bénéfique

Cela fait maintenant pas loin d’un an que notre pays est en crise, du fait de la pandémie. Suffisamment longtemps pour pouvoir commencer à tirer des bilans. En effet, une crise est un formidable révélateur, en ce qu’elle accentue des tendances (positives ou négatives) et qu’elle pousse beaucoup de dispositifs et d’habitudes à leurs limites, révélant au grand jour des travers jusqu’ici un peu inaperçus. Il est plus difficile, aujourd’hui, de se voiler la face sur le déclin de la France.

Les sujets sur lesquels des bilans sont à faire sont très nombreux et variés, et je ne suis pas en capacité de tous les faire. Je voudrais toutefois m’arrêter sur quelques uns d’entre eux, et esquisser des pistes de réflexions et des attentes.

La pandémie a été assez terrible pour le système étatique français. Si l’hôpital public a relativement bien tenu (merci aux soignants), c’est un désastre pour l’administration de la Santé, à savoir le ministère et son bras armé sur les territoires, les ARS. Toutes les polémiques qui s’enchainent, du manque de masques en mars 2020, à la lenteur du démarrage de la vaccination en janvier 2021, sont largement imputables à des dysfonctionnements de cette haute administration. La palme revient sans conteste au directeur général de l’ARS du grand Est, qui en avril 2020, en pleine crise, confirme un plan de suppression de lits (prévu de longue date) à l’hôpital de Nancy, qui était en saturation complète au même moment.

Ce fut aussi l’occasion de voir à quel point les politiques, notamment le ministre de la Santé, sont complètement à la remorque de leur administration, incapables de sortir des fiches et des éléments de langage qui leur sont donnés. J’étais triste de voir ce pauvre Olivier Véran, ramer complètement dans sa communication et se prendre à chaque fois, en pleine figure, les questions gênantes et l’incapacité de son administration à agir vite et bien. Nous avons eu un témoignage vivant de l’impuissance des élus face aux administrations, et donc de leur utilité…

Malheureusement, ce problème est systémique et largement transposable à d’autres administrations, sur d’autres sujets. La stupéfiante pratique des certificats de sortie que se donnent les français à eux mêmes, est juste kafkaïenne. Elle témoigne d’un manque de confiance de l’administration dans les citoyens, et d’un besoin maladif de pouvoir contrôler et sanctionner. En respectant globalement ce dispositif, les Français ont fait preuve, soit d’une grande responsabilité devant l’ampleur de la crise, soit d’une acceptation, inquiétante, de cette infantilisation humiliante. Là encore, il va falloir revenir sur cela, et se poser des questions sur le rapport de l’administration aux citoyens, et inversement, des citoyens aux injonctions qui leurs sont données par les fonctionnaires d’État.

Autre sujet, totalement différent, ce qu’a révélé la mise en télétravail massive, forcée et brutale, des français. Tout le monde n’était pas prêt, tant sur les moyens matériels que sur les méthodes de management. Cette période a permis de voir que le management « à la petit chef » qui surveille tout et micro-manage, si répandue en France, n’est en rien gage de productivité. Bien au contraire même, et bien des entreprises ont continué à fonctionner sans trop de mal, une fois les premières semaines passées.

On a ainsi pu se rendre compte des tâches et pratiques réellement indispensables. Nombre de réunions, se sont révélées inutiles, ou ont pu être sérieusement raccourcies, pour un résultat équivalent. Beaucoup, voire la quasi totalité des travailleurs, ont bien mieux optimisé leur temps. Combien, pendant des réunions en visioconférence, ont fait autre chose de plus utile, en tendant vaguement une oreille pour savoir ce qu’il se disait ? La période a également permis de mesurer à quel point il est indispensable d’avoir des limites et des équilibres entre vie professionnelle et professionnelle. On a également compris qu’il est nécessaire d’avoir des moments où tout le monde se retrouve, pour échanger, avoir une vie sociale d’entreprise. Brainstormer ou créer un collectif, ça ne se fait pas en visioconférence. Cela prendra du temps, mais nous avons une matière très riche pour repenser notre rapport au management, à l’organisation du travail, voire même notre rapport au travail tout court.

L’année 2020 a laissé du temps à beaucoup pour faire un bilan de leur vie, et réfléchir à une éventuelle réorientation, quand ce n’est pas un changement radical. On commence à voir quelques effets, et c’est sans doute loin d’être fini. Je pense que d’importants glissements sociétaux sont à attendre dans les années qui viennent, car toutes les leçons ne sont pas encore tirées, toutes les réflexions sont loin d’être cristallisées, et les mutations sont forcément lentes. On ne change pas de travail, de lieu de résidence, et de mode de vie sur un claquement de doigt.

Même si la période est difficile et anxiogène, sur le moment, elle pourrait être profondément bénéfique à long terme, si nous acceptons de voir les problèmes qui sont remontés à la surface, et de les traiter. C’est cela que j’attends du débat public, des médias, de la classe politique, dans les années à venir. De toute manière, le mouvement est enclenché, nous n’avons plus le choix de décider de changer ou pas. Nous pouvons juste le faire bien, ou nous planter une fois de plus.

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L’oubli de l’exemplarité

En 1940, lorsque les allemands ont commencé à bombarder Londres, la famille royale aurait pu aller se mettre à l’abri à la campagne. Ce choix était parfaitement logique, cohérent et explicable pour des raisons de sécurité. Un autre choix a été fait, celui de rester. Le roi, la reine et leurs filles sont ainsi restés au palais de Buckingham, partageant le quotidien des londoniens, et subissant les mêmes risques. Ils y ont gagné une immense popularité et un lien très fort avec la population qui a duré dans le temps.

C’est une leçon politique majeure : quand on dirige un pays, on se doit d’être solidaire de la population, en refusant des passe-droits. Quand l’ensemble de la population subit des contraintes fortes et désagréables, les dirigeants doivent mettre un point d’honneur à se les imposer aussi, même si cela constitue une gêne pour leur quotidien et l’exercice de leurs fonctions. Dans un pays aussi fracturé que la France, une telle attitude est une nécessité vitale pour les dirigeants, s’ils ne veulent pas être complètement discrédités.

Alors que les français sont soumis à un régime de couvre-feu, qu’on leur demande restreindre leur vie sociale (pas plus de 6 personnes au Réveillon, avec papi et mamie à l’isolement dans la cuisine) et d’être au maximum en télétravail, on apprend que le mercredi 16, au soir, un long diner a réuni tous les ténors de la majorité à l’Elysée.

Je comprend tout à fait l’utilité de telles rencontres entre le chef de l’Etat et ses soutiens immédiats. Dans tous les entreprises, on sait que la visioconférence, ce n’est pas terrible pour les brainstorming et que rien ne vaut les échanges à bâtons rompus, pour se dire les choses. Je comprend aussi que ce genre de réunions prend du temps, et que vu l’agenda de toutes ces personnes importantes, il faut bien utiliser tous les créneaux disponibles, y compris le soir.

Ils ont juste oublié qu’il n’est pas possible, pour eux, de se comporter comme « avant », en se contentant de masques et de gestes barrières. La population souffre des restrictions qui lui sont imposées (notamment sur sa vie sociale), et peut très mal prendre le fait que ses dirigeants s’en affranchissent allègrement. Dans un pays où les Gilets jaunes ont montré qu’il existe une fracture très profonde et un fort ressentiment des couches populaires vis-à-vis de leurs dirigeants, c’est un paramètre essentiel à avoir en tête.

Il ne faut surtout pas donner l’impression que les dirigeants bénéficient de passe-droits, et que les règles imposées aux autres ne s’appliquent pas à eux. C’est dévastateur pour l’autorité et la popularité des dirigeants.

C’est d’autant plus terrible, quand ces règles sont justifiés par la nécessité d’éviter la propagation de la pandémie. Il ne peut pas y avoir de passe-droit, le Covid-19 ne faisant pas la différence entre un ouvrier et un président de la République.

Ce qui devait arriver arriva, Emmanuel Macron a contracté le virus, développé des symptômes, et transformé le gouvernement et les dirigeants de la majorité en « cas contact » (en espérant que ça n’aille pas plus loin). Les précautions imposées aux français se révèlent justifiées, ne pas les respecter expose à se faire contaminer et à en contaminer d’autres.

Comment voulez-vous, ensuite, que les dirigeants du pays soient écoutés de la population, si eux-mêmes ne respectent pas scrupuleusement (voire plus encore) leurs propres prescriptions ? Toutes les mesures de confinement ne peuvent fonctionner que par la bonne volonté des français et leur auto-discipline, qui peut rapidement se fracasser s’ils prennent conscience qu’ils sont bien bêtes de se donner du mal…

Diriger un pays, cela ne s’improvise pas. C’est un « métier » qui demande finesse, sens politique, et surtout, sens du sacrifice de son confort et de sa situation personnelle, pour créer un lien symbolique avec la population que l’on est amené à diriger. Quelque chose que la Macronie n’a visiblement pas assimilé.

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La loi Séparatisme, un texte profondément dérangeant

Le gouvernement vient de déposer à l’Assemblée un projet de loi, qui a commencé sa carrière médiatique comme « loi séparatisme », et qui s’appelle maintenant « confortant le respect des principes de la République ». C’est un texte qui me gêne considérablement, par la dérive autoritaire qu’il sous-tend.

Ce texte est d’abord une capitulation politique, un reniement de l’esprit qui a animé la campagne d’Emmanuel Macron. A aucun moment, on ne parle d’islam dans ce projet de loi, mais tout est tellement limpide, vu les discours, à commencer par celui du chef de l’Etat. Par cette initiative, il cède aux semeurs de haine, qui comme Eric Zemmour, depuis des années, déversent dans les médias que tous les malheurs de la France vient de ces étrangers, qui ne sont pas de chez nous, et qui sont tous des criminels en puissance. Ils ont enfin leur texte de loi, qui légitime leur combat xénophobe. Il cède aussi à tous ceux qui confondent laïcité et haine de la religion, et veulent en fait éradiquer les cultes de l’espace public. Ces courants se sont rejoints récemment, avec par exemple l’emblématique « printemps républicain ». Ce projet de loi est leur victoire, et cela me déplait profondément, car je suis profondément en désaccord avec leurs positions. En 2017, je n’ai pas voté Macron pour ça.

En plus de céder symboliquement à ce dévoiement de la Laïcité, et à la xénophobie, parce qu’il faut bien appeler les choses par leur nom, cette loi vient poursuivre un recul des Libertés publiques. Car ce texte est le plus liberticide que j’ai vu depuis au moins 10 ans. Il est malheureusement dans la continuité de ce qu’on voit, depuis au moins 2013, où chaque nouvelle loi sur le sujet marque un recul des Libertés face à l’administration, notamment des forces de sécurité. A chaque fois, c’est par petites touches. Là, on a plusieurs petites touches en même temps, ce qui finit par faire une grosse tache.

Le nombre de problèmes est en effet impressionnant, et même le Conseil d’Etat, avec son sens de la litote et malgré ses réflexes de protection de l’exécutif, ne peut pas s’empêcher de le remarquer.

Premier sujet, l’extension de l’idée d’interdiction du religieux dans l’espace public. L’article 1er de la loi impose ainsi que même dans une entreprise privée, quand elle est délégataire de service public, il faille respecter la « laïcité », c’est à dire en claire l’absence de signes considérés par l’opinion ou la hiérarchie, comme l’expression de convictions religieuses de la part des agents. Cela autorise une « police de l’appartenance religieuse » qui va bien entendu se déployer pour cibler une communauté, celle qui porte des voiles et des grandes barbes.

Le gouvernement n’a pas osé aller jusqu’à étendre cette police aux collectivités locales, ces dernières ayant vigoureusement protesté. En effet, la version initiale du texte prévoyait qu’en cas de « problème », si l’élu local ne faisait rien (ou ne faisait pas ce que les initiateurs de la loi attendaient qu’il fasse), le préfet pouvait de substituer à lui. Une atteinte manifeste à la libre administration des collectivités, et au passage, une marque d’absence de confiance qui a été remarquée des élus locaux. Le paternalisme doublé d’autoritarisme est un réflexe bien ancré chez les administrations d’Etat.

On retrouve, dans plein d’endroits du texte, ce paternalisme autoritaire, de l’administration qui se donne le droit de s’ingérer chez les autres et de juger de ce qui est bon et conforme. La partie réformant la loi de 1905 (un totem républicain allègrement piétiné) permet par exemple au préfet de demander le rapport d’activité et les comptes à une association cultuelle. C’est assez intrusif, et on sait bien que l’intimidation passe, non par l’usage de ce genre d’outils, mais par la simple menace de les utiliser. Cela me ferait bien rire que le préfet de police de Paris aille demander à l’archevêque de lui présenter les comptes et l’inventaire du patrimoine immobilier du diocèse. Avec cette loi, il en aura le droit ! Ce quoi calmer les revendications de responsables religieux qui déplaisent.

Si ce point prête un peu à sourire, d’autres sont plus gênants. En effet, le texte prévoit que le statut d’association cultuelle soit soumis à autorisation, et donc contrôle de l’autorité administrative. Le préfet peut donc débarquer dans une association cultuelle, regarder ce qui se fait, et décider qu’à ses yeux, certaines choses ne relèvent pas du cultuel. Et décider de retirer le statut. On frôle, pour ne pas dire autre chose, l’ingérence publique dans ce qui relève de la libre organisation d’une religion. Ce n’est pas à l’Etat de définir si une pratique relève ou pas du cultuel, c’est une question avant tout théologique. La pratique religieuse ne se résume pas à des actes rituels « traditionnels », c’est beaucoup plus diffus, et une pratique considérée comme culturelle vu de l’extérieur, de la part de non croyants, peut être vécue comme un acte ayant un sens religieux par les croyants.

En voulant cibler une mouvance particulière de l’islam, le texte de loi va toucher bien plus largement. Les règles concernant le contrôle des fonds venant de l’étranger, ont vocation à s’appliquer à toutes les religions. Va-t-on aller bloquer les flux financiers entre l’Etat du Vatican et l’église catholique française, entre les consistoires juifs et des personnes morales domiciliées en Israël ? Les outils mis en place le permettraient, il ne manquerait plus que la volonté politique et le courage de le faire. Bien entendu, je n’imagine pas que l’actuel gouvernement s’amuse à cela. Mais qui sait ce que l’avenir réserve. Aux Etats-Unis, Donald Trump a bien succédé à Barack Obama.

Autre volet problématique, l’atteinte au libre choix du mode de vie. Dans ce texte, et j’ai déjà eu l’occasion de l’écrire, le gouvernement procède à une révolution qui ne va pas passer comme une lettre à la poste. Poser le principe de l’interdiction de l’éducation à domicile, sauf exception, est une atteinte à l’autorité parentale. Le principe est que les familles sont libres de choisir leur mode de vie et la manière dont leurs enfants sont éduqués. Ils ont juste l’obligation de leur fournir une instruction. Mais certainement pas l’obligation de les confier à des tiers contre leur gré. Dans ce domaine, le projet de loi cherche également à resserrer la vis pour les établissements hors contrat, qui ne sont pas sous la tutelle de l’Etat. Ils seront plus surveillés avec plus de possibilités de l’administration d’Etat pour les faire fermer. Le mouvement est clair : l’éducation des enfants doit être faite selon les principes fixés par le gouvernement, même quand cela va à l’encontre du souhait des familles. Au passage, cela ne va pas concerner que les religions, mais également les pédagogies alternatives. Un choix politique très discutable, avec un avertissement très clair du Conseil d’Etat sur le risque constitutionnel.

Ce texte n’échappe pas, malheureusement, aux travers des lois faits-divers, avec ce nouveau délit de divulgation d’informations personnelles sur les réseaux sociaux dans le but de nuire. Complètement calqué sur l’affaire de l’assassinat de Samuel Paty, donc permettant de répondre à l’émotion que sa mort a suscité. Sauf que juridiquement, ce sera inopérant ou presque, car pour que le délit soit constitué, il faut prouver que celui qui a diffusé des informations personnelles sur les réseaux sociaux, avait l’intention de nuire. On envoie donc un message de fermeté, qui sera forcément déçu, vu le nombre ridicule de condamnations prononcée sur cette base. On voudrait saper la confiance des citoyens dans leurs représentants, on ne s’y prendrait pas autrement.

Le gouvernement en profite, au passage, pour détricoter encore un petit peu la loi de 1881 sur la presse. En effet, l’article 20 prévoit la possibilité d’utiliser la procédure de comparution immédiate, qui ne favorise pas l’exercice des droits de la défense, pour certains délits comme l’incitation à la haine. Certes, ce délit doit être sanctionné, mais comme tout exercice problématique de la liberté d’expression, il faut y aller prudemment, sinon, le risque est de voir le fort écraser le faible, et le faire taire, par la menace d’une procédure expéditive.

C’est l’occasion de rappeler le ressort profond de la loi de 1881 est justement d’empêcher cela. Cette loi organise, sciemment, un parcours procédural complexe et piégeux pour celui qui veut attaquer en justice sur ce type de délits. C’est un moyen pour que les petites querelles se règlent autrement que par un procès, réservant cela aux préjudices importants, qui valent le coup de se lancer dans cette aventure. L’idée est ainsi de protéger celui qui exerce sa liberté d’expression, en mettant une barrière à l’entrée à sa répression. C’est cette barrière à l’entrée que, loi après loi, depuis une quinzaine d’années, le législateur s’emploie à abaisser. Une dérive que je considère comme profondément délétère.

Demain, pour un mot de travers, pouvant être interprété pour une apologie du terrorisme ou un appel à la haine, vous pouvez vous retrouver deux heures plus tard devant un magistrat, qui vous colle une peine de prison avec sursis, une amende, et une inscription dans un fichier infâmant qui vous empêchera de passer un concours administratif, de trouver du travail, d’obtenir un HLM. La lutte contre le « Séparatisme », c’est aussi cela : organiser l’exclusion sociale des déviants, de ceux qui n’entrent pas dans le moule des « principes républicains » et qui se risquent à braver les tabous et les interdits.

Aujourd’hui, le déviant, c’est le jeune musulman de banlieue, qui a intérêt à ne surtout pas exprimer ni colère, ni ressentiment (même s’il a objectivement de bonnes raisons de le faire) et encore moins de marquer sa différence. Demain, qui sera le déviant que l’on fera rentrer dans le rang de la bienpensance ? Toute époque à ses hérétiques qu’on envoie au bucher. On en est encore là au XXIe siècle en France.

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A la recherche de la légitimité politique perdue

Pris dans une crise politique autour des violences policières, le Premier ministre a pensé avoir trouvé la parade, en proposant de créer une commission indépendante, pour réécrire le très décrié article 24 de la proposition de loi sur la sécurité globale.

La démarche est très révélatrice, car loin d’être isolée. En effet, depuis le début de la crise des Gilets jaunes, Emmanuel Macron multiplie les contournements d’institutions. C’est une Convention citoyenne qui est chargée de trouver des solutions au problème de la baisse des émissions de gaz à effet de serre. Toujours sur les questions climatiques, on a créé un « haut conseil pour le Climat« , organe indépendant qui se voit associer à la définition de la politique du gouvernement. Pendant la pandémie, tout s’est joué entre un conseil scientifique, créé spécialement pour cela, et le conseil de Défense, un organe « officiel » mais pas du tout conçu pour le rôle décisionnaire qui lui a été donné sur ces sujets. Les institutions normalement en charge ont été allègrement contournée, et aujourd’hui, l’Assemblée nationale et le Conseil des ministre sont devenus des lieux vides, avec à peu près autant de pouvoirs qu’Elisabeth II.

Cette dérive n’est que le résultat mécanique du discrédit des institutions, qui se montrent de plus en plus incapable de remplir leur rôle, qui est d’élaborer et de légitimer les décisions de politique publique. Devant cette paralysie, le pouvoir en place cherche des solutions, pour continuer à avancer, et prendre des décisions qui, en même temps, tiennent techniquement la route, mais surtout, qui soient considérées comme légitimes et acceptables par la population (leur justesse technique étant un élément, mais pas le seul, de leur acceptabilité).

Vu comme cela, il y a une justification à demander à des professeurs de médecine ce qu’il faut faire face à une pandémie, ou au président de la commission consultative des droits de l’homme, sur la liberté de la presse et la lutte contre les violences policières. Ils sont les personnes idoines pour débloquer un dossier enlisé, ou l’euthanasier proprement. Cela révèle aussi en creux que les institutions normalement chargé de gérer le dossier, ont failli. Techniquement et politiquement. On le voit bien sur la gestion de la pandémie, l’administration d’Etat n’a pas été à la hauteur, tant dans la préparation que dans la gestion du début de crise, sans parler des absurdités technocratiques des confinements et déconfinements. Pareil pour l’article 24 de la PPL sécurité globale, où le ministère de l’Intérieur a cherché le passage en force et est en train de se prendre un mur en pleine face.

C’est à la fois une dérive, mais aussi un signe de vitalité. Face aux blocages politiques et techniques, Emmanuel Macron teste autre chose, cherche des solutions pour continuer à exercer, tant bien que mal, sa mission.

Nous vivons une crise politique et institutionnelle depuis maintenant plusieurs années. Une partie des solutions est peut-être en train d’émerger, sous nos yeux, de manière un peu improvisée. Cela peut valoir le coup de les analyser, en positif comme en négatif, et d’avoir des débats ouverts sur le bilan. Le strict respect des institutions et des prérogatives de chacun ne doit pas être un tabou, surtout quand la personne compétente n’a pas été mesure de faire correctement son travail.

Si les institutions qui défendent bec et ongles leurs prérogatives, ne veulent pas être contournées et vidées de leur substance, il ne tient qu’à elles de se ressaisir et de faire leur boulot, tant technique que politique.

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L’autre débat sur le floutage des policiers

Le monde politico-médiatique s’enflamme sur une disposition contenue dans une proposition de loi, dite « de sécurité globale », actuellement discutée à l’Assemblée nationale.

Son article 24 impose de flouter les images de policiers et de gendarmes quand elles sont diffusées, notamment sur les réseaux sociaux. Dans une ambiance de défiance croissante de la population vis-à-vis des forces de l’ordre, il n’a pas fallu grand chose pour déclencher une pluie de critique.

Les détracteurs de ce texte craignent que cela ne restreigne la liberté d’informer, en offrant une possibilité supplémentaire de poursuivre, ou au moins de menacer de poursuites, ceux couvrent les manifestations sur la voie publique et donc l’action plus ou moins musclée des forces de l’ordre. Il est vrai que depuis deux ans, cette question, légitime quelque soit l’époque, est devenue ultra-sensible. Notamment du fait de l’utilisation de doctrine de maintien de l’ordre contestables et contestées. D’autres craignent que cette protection ainsi offerte aux policiers ne les amènent, dans un sentiment d’impunité, à aller encore plus loin dans les violences.

Ces remarques sont parfaitement fondées et il y a une question « liberté d’expression » et liberté d’information qui se pose. Mais, il existe un autre enjeu, très largement éclipsé par la couverture, assez unilatérale, donnée à cette affaire par les médias.

Cet article 24 n’est pas arrivé par hasard dans cette proposition de loi. C’est une demande des policiers, dont les ressorts sont parfaitement compréhensibles et légitimes.

En se faisant photographier, dans l’exercice de leurs fonctions, ces policiers et gendarmes peuvent se retrouver personnellement exposés. Identifiés, ils peuvent faire l’objet de critiques, voire pire, d’agressions ou de harcèlements, en ligne ou dans leur vie personnelle et privée, ce qui peut être difficile à vivre pour la personne et son entourage. On sait tous que le lynchage est quelque chose qui fonctionne très bien sur les réseaux sociaux, et que les images et vidéos de policiers qui peuvent y circuler sont rarement bienveillantes pour les forces de l’ordre.

Est-il normal et acceptable qu’un policier se retrouve personnellement pris à partie, alors qu’il n’a fait que son travail, c’est à dire obéir aux ordres de sa hiérarchie (même s’il les trouvent idiots) ? Un simple policier de base doit-il assumer personnellement les errements de sa hiérarchie dans les choix de maintien de l’ordre ?

Il existe une règle de droit, la protection fonctionnelle, qui impose à l’employeur, public comme privé, de protéger ses employés, afin qu’ils ne subissent pas personnellement des préjudices, parce qu’ils ont juste fait leur travail, et obéit aux ordres. Le ministre de l’Intérieur a donc l’obligation de répondre à cette demande de protection contre le lynchage en ligne, dont peuvent être victimes de policiers dont l’identité, associée à des images jugées choquantes, circule en ligne.

Dans cette affaire, deux demandes légitimes sont exprimées, protéger les policiers de risques anormaux sur leur vie privée, du fait de l’exercice de leurs fonctions, et la liberté de la presse, avec le maintien d’une capacité de contrôle de l’action publique, en l’occurence la manière dont l’ordre est maintenu sur la voie publique.

Trouver un point d’équilibre n’est pas simple, et la solution proposée par le seul article 24, dans sa rédaction ‘sortie de la commission à l’Assemblée » n’est pas satisfaisante. Mais le demande (classique) de retrait pur et simple, formulée par les journalistes et activistes des Libertés laisse entier le problème, légitime, de la protection fonctionnelle des policiers. La solution est d’autant plus complexe, que la question sous-jacente est celle des violences policières, régulièrement dénoncées et que le ministère de l’Intérieur ne veut pas reconnaitre, et donc traiter à la hauteur de ce qui est souhaitable pour répondre à une demande sociale qui va croissant.

Malheureusement, comme souvent en France, on est partis dans un débat bloc contre bloc, avec une incapacité à creuser le fond, à trouver des interlocuteurs qui acceptent, de part et d’autre, de se mettre autour d’un table, pour voir comme résoudre un problème, ou au moins, trouver un compromis acceptable.