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L’opposition se perd dans les polémiques à 2 balles

En ce début de législature, je me suis abonné à une liste twitter (oui, j’y jette encore un oeil) regroupant tous les députés de la nouvelle législature. C’est à la fois instructif et affligeant. On y voit comment chaque groupe se positionne, les sujets sur lesquels ils interviennent, ceux qu’ils évitent, le ton qu’ils prennent. On y voit aussi un goût prononcé pour les polémiques de bas étage, et la mauvaise foi, à un niveau, chez les « Nupes » qui m’atterre.

Un exemple, de ce jour, de polémique stérile et de mauvaise foi, qui radicalise la base militante à partir d’informations tronquées et d’analyses partisanes. Deux secrétaires d’État nouvellement nommées sont en co-tutelle entre deux ministres. Sarah El Hairy, chargée de la Jeunesse et du service national universel (cotutelle Éducation nationale et Armées), et Carole Grandjean, à l’enseignement et à la formation professionnelle (cotutelle Éducation nationale et Travail).

Ces cotutelles sont parfaitement en cohérence avec les périmètres ministériels. En effet, le service national relève des Armées, et la formation professionnelle du ministère du Travail. Cela va permettre à ces deux secrétaires d’État d’exercer la plénitude de leurs attributions, en ayant une légitimité à accéder aux administrations gérant les secteurs qu’elles couvrent, et qu’elles n’auraient pas sans ce rattachement aux deux ministères.

Et voilà que sur Twitter, on voit des parlementaires de gauche, hurler que le secrétariat d’État à la Jeunesse se retrouve dépendant du ministère des Armées, et que l’enseignement professionnel tombe dans le giron du ministère du Travail. Avec, bien entendu derrière, le chœur des indignations, qui prend pour argent comptant des affirmations de personnalités considérées comme « fiables » car élus de la Nation.

Les députés d’opposition (de gauche sur ce coup, mais je ne suis pas sur que ça soit mieux de l’autre bord) jouent avec le feu. En se positionnant ainsi aux frontières de la fake news (car certains savent très bien qu’ils lancent une polémique sur la base d’une présentation tronquée), ils contribuent à radicaliser le débat politique. Ils contribuent aussi à affaiblir la confiance que les citoyens peuvent placer en eux. Et donc, ils affaiblissent la démocratie représentative.

Au delà, cela pose aussi problème, sur le niveau auquel ces élus d’opposition placent le débat politique. Que l’opposition critique le gouvernement, c’est normal et sain, c’est son rôle. Mais à condition de le faire aussi sur le fond, sur les politiques publiques menées, sur le bilan de l’action du gouvernement. Malheureusement, c’est bien rarement le cas, et pourtant, il y aurait des choses à faire, à condition de bosser un peu (et c’est là que le bât blesse et que le tri se fait).

Le gouvernement vient de déposer sur le bureau de l’Assemblée le projet dit de règlement des comptes. Il s’agit de la présentation de l’exécution du budget de 2021. Il y a tous les chiffres sur la manière dont l’argent public a été effectivement dépensé en 2021. Autant vous dire que ces documents sont une mine d’or pour l’opposition, qui ne manquera pas d’y trouver bien des questions embarrassantes à poser au gouvernement.

On prend les paris qu’il y aura moins de tweets des députés d’opposition sur cette loi et son contenu, qu’il n’y en a eu pour critiquer les nominations de ministres ?

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Le message des jeunes générations

Les étudiants de l’école Polytechnique viennent d’envoyer un message qui mérite vraiment d’être entendu, voire même d’être écouté. Lors de la remise des diplômes, ils ont appelé à un changement de cap sociétal face au dérèglement climatique, prônant la sobriété, c’est-à-dire une forme de décroissance. Ils ajoutent que la technologie, la science et les « petits gestes qui sauvent la planète » ne suffiront pas.

Il vient du cœur de ce qui sera l’élite politico-administrative de demain. N’entre pas à Polytechnique qui veut, c’est ultra sélectif, et surtout, quand on en sort, ce n’est pas pour n’importe où, mais pour les lieux de décision. Polytechnique, c’est normal un « temple » du rationalisme, de la science et de la technique. Les polytechniciens, ce sont des jeunes sous statut militaire, qui sortent d’un tunnel de deux (voire plus) années de prépa, qui passent leur temps à faire du sport et des maths. La philo et les sciences politiques ne sont pas au cœur du programme de Polytechnique. Pour qu’un tel message sorte de Polytechnique, ça veut dire qu’il se passe réellement quelque chose dans cette génération.

Dernier point, qui valorise encore plus le message, ces polytechniciens n’entendent pas (à l’inverse de leurs petits camarades d’AgroParisTech) démissionner et partir élever des chèvres dans le Larzac. Ils vont faire la carrière qu’on attend d’eux, sont conscients de la responsabilité qu’ils ont vis-à-vis de société et entendent l’assumer.

Ce message, c’est celui de leur génération, celle qui va prendre les manettes dans quelques années, et qui appliquera des lignes politiques qui sont en train de se forger. Si on veut savoir ce que sera la France de 2035, il faut les écouter, suivre leurs débats, leurs choix et leurs refus.

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Le renouveau démocratique ?

Les résultats des élections législatives sont tombés, et comme cela était prévisible, le chef de l’Etat n’y dispose que d’une majorité relative. Il lui manque une quarantaine de sièges pour arriver à la majorité absolue. Cela veut dire qu’il ne suffira pas de quelques débauchages individuels, il va falloir négocier avec un partenaire.

Tout indique que l’essentiel des discussions se feront entre la majorité (relative) présidentielle, et le groupe LR. Des discussions avec le RN sont absolument exclues. La gauche étant dominée par le groupe LFI, avec groupe EELV assez « radical », les socialistes, qui sont les plus susceptibles d’être réceptifs à certaines propositions, sont un peu coincés. Ils savent que s’ils vont trop loin, et rompent la solidarité politique sur laquelle ils ont été élus (l’ombre de la NUPES planera longtemps), ils le paieront très cher aux prochaines élections.

Le gouvernement va donc devoir trouver un accord avec la droite modérée, qui tient la clé de la sécurisation des votes à l’Assemblée, et surtout, tient aussi le Sénat. Autant dire que si LR se braque, et se range dans l’opposition ouverte, le gouvernement sera très embarrassé et devra assez vite dissoudre l’Assemblée. Non seulement ses textes seront rejetés, mais les quelques uns qui seront votés, ne seront pas nécessairement rédigés comme le gouvernement le souhaiterait. Le parlementarisme rationalisé, façon 1958, ça sert à domestiquer une majorité un peu rebelle, pas à faire adopter des textes contre la volonté d’une majorité.

Pour l’instant, nous sommes au début de la négociation, et les choses ne vont pas se débloquer d’un claquement de doigts. Les signaux envoyés sont, pour l’instant, globalement positifs, certains ténors de la majorité lançant des appels à la discussion et à l’échange avec les « élus soucieux du bien commun ». Du coté LR, c’est plus tendu, mais une majorité se retrouve sur une ligne « Aucun accord formel, mais aucun refus de principe non plus, il faut voir au cas par cas ». A ce stade, il est difficile d’en demander plus que l’expression d’une bonne volonté prudente.

Il va falloir un peu de temps pour que les LR, qui n’avaient pas vraiment anticipé cette situation, établissent leur « liste de courses » et arrêtent les positions qu’ils acceptent, et leurs lignes rouges. Cela va être un exercice salutaire pour LR, mais aussi pour LREM, qui n’avait jamais vraiment fait ce travail, et qui doit maintenant se doter d’une grille d’analyse. On en restera à des accords ponctuels, et le Graal de l’accord de coalition, ça sera pour plus tard, peut-être. Dans un système de scrutin majoritaire, on passe les accords avant, pas après le scrutin (comme c’est le cas dans les pays votant à la proportionnelle).

Je ne doute pas que ces deux structures, composées de gens raisonnables et responsables, arriveront à faire (tant bien que mal) le travail de clarification doctrinale et programmatique, et à trouver un terrain d’entente, même si cela n’ira pas sans psychodrames. Ils seront aidés, en cela, par la pression provoquée par les partis populistes, qui risquent fort de mettre de « l’ambiance » dans l’hémicycle, par une attitude militante bornée et agressive. Je crains que dans un premier temps, LFI et RN ne se lancent dans la confrontation et la surenchère démagogique, poussant encore plus LREM et LR dans les bras l’un de l’autre, l’électorat de ces deux partis (surtout LR d’ailleurs), craignant plus que tout le désordre.

Il serait imprudent, à ce stade, d’extrapoler sur un temps plus long, mais on peut penser que si les accords fonctionnent plutôt bien, une alliance de long terme peut se nouer. On reviendrait alors à un schéma connu, d’un parti dominant à droite, doté d’une vague aile gauche, et d’un autre parti, regroupant une droite plus hétéroclite, dont le ciment est de ne pas être dans le parti de droite dominant, tout en refusant de basculer à l’extrême-droite. On appellerait ça le RPR et l’UDF, et la boucle serait bouclée !

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Une majorité relative serait-elle une bonne chose ?

Le résultat des élections législatives s’annonce incertain. S’il est évident que le camp du président sera en tête, sa majorité sera étriquée. On sera très loin de la majorité confortable obtenue en 2017 par Emmanuel Macron, avec des novices en nombre suffisant pour lui permettre de faire ce qu’il veut, sans dépendre de personne.

Ce qui est clair, c’est qu’à partir de fin juin 2022, Emmanuel Macron aura besoin, a minima, de François Bayrou et d’Edouard Philippe, et au pire, du soutien de LR, voire du PS, selon les textes et les moments. C’est là que l’on va constater que changer la constitution n’est pas nécessaire, et que ce qui compte, ce n’est pas le texte mais la pratique. En effet, Emmanuel Macron va devoir réellement consulter, c’est à dire écouter et tenir compte des autres, en passant des compromis, sous peine de ne pas pouvoir faire passer ses réformes.

Cela risque d’avoir des effets inattendus, bénéfiques pour certains, catastrophiques pour d’autres, selon le degré de responsabilité et de maturité démocratique des élus, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition.

Cela risque de bousculer la culture politique française, beaucoup trop marquée par les postures de radicalité, au détriment des compromis et du pragmatisme. C’est très confortable pour tous. Pour l’opposition, cela permet de se faire mousser sur la pureté idéologique, sans avoir à travailler le fond. Pour la majorité, cela permet de décider seule sur les sujets techniques, sans avoir de réel contre-pouvoir. L’opposition ne faisant que « de la politique », les médias se contentent de ce spectacle (et en rajoutent) et personne n’explicite les tenants et aboutissants des décisions, et encore moins les enjeux à long terme.

Si le gouvernement veut embarquer avec lui des opposants sur des textes, il va devoir argumenter et convaincre, car un vote positif ou une abstention décisive, c’est un partage de responsabilité politique. Faire de la politique à l’Assemblée, deviendra peut-être un peu plus étudier le contenu réel des textes de loi, voire l’étude d’impact, et pas seulement l’exposé des motifs.

Soyons lucides, cela n’arrivera pas tout de suite. On aura d’abord des jeux de dupes, des « abstentions constructives » et des trocs « pétrole contre nourriture ». Les groupes permettant de faire l’appoint auront une « liste de course » qui se transformera, en fin de législature, en liste de trophées justifiant auprès de leur électorat, la justesse de leur choix de collaborer au cas par cas. En tout cas, c’est comme cela qu’ils vont l’envisager, et puis arriveront des textes où personne n’aura envie de porter la responsabilité d’un rejet, et où il faudra se mettre d’accord. Arriveront aussi des textes que le gouvernement veut absolument voir passer, et où il sera prêt à des concessions ou des contreparties. C’est par ces interstices que, peut-être, une culture de la délibération et du compromis « assumé » peut arriver à se glisser.

Une conséquence possible est la paralysie plus ou moins forte de la machine à légiférer, car si le Sénat entre dans la danse, et joue sa propre partition, cela pourrait vite devenir un vrai bazar. Si personne ne veut jouer le jeu des compromis, les lois ne passeront pas. Cela va obliger le gouvernement à faire des choix, à sécuriser en amont, ce qui prend du temps, et possiblement, de devoir déposer moins de projets de lois, et de ne plus pouvoir déposer à la volée, en séance, des amendements de trois pages. On pourra peut-être s’apercevoir que beaucoup de lois ne sont finalement pas si utiles, et que pour bien des dispositions, le gouvernement va redécouvrir qu’il peut passer par des décrets ou des ordonnances. Dans les deux cas, la qualité du droit n’en sera que meilleure (même si la démocratie n’y trouve pas son compte).

A l’inverse, cela peut aussi amener des textes législatifs complètement bâtards, avec des compromis politiques juridiquement baroques. L’expérience montre que dans ce domaine, la créativité des parlementaires est très grande. Là encore, tout va dépendre du sens de la responsabilité des parlementaires, et de leur culture du travail législatif.

Cette XVIe législature pourrait finalement se révéler beaucoup plus amusante et intéressante que la très insipide XVe législature, où l’Assemblée nationale a touché le fond.

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Faire campagne sur les points de permis

Face à une campagne atone en vue des législatives, où le nouveau gouvernement Borne ne suscite pas d’enthousiasme, Gérald Darmanin vient de faire lâcher une petite bombe. Le dépassement de vitesse, en dessous de 5 km/h, n’entrainerait plus de perte de points de permis.

C’est une petite bombe électorale, car c’est une proposition très fortement audible auprès d’un électorat qui est bien davantage acquis à Marine Le Pen qu’à Emmanuel Macron. Il ne faut jamais oublier que la crise des Gilets jaunes est née de la voiture, pas seulement du prix de l’essence. La baisse de la limitation à 80 km/h, sur les routes nationales, avait tassé la poudre de la crise sociale dans le baril, la taxe carbone n’a été que l’étincelle qui a tout fait exploser. Certains diront (à raison) que c’est démagogique et irresponsable, et qu’on porte atteinte à la sécurité routière, où parfois, le simple signal envoyé suffit, pour que les comportements se relâchent.

C’est là qu’on voit ce qu’est réellement « faire de la politique », c’est savoir trancher, et annoncer des mesures qui ont de réels inconvénients, mais dont les avantages, à l’instant T, sont plus importants. Oui, cette annonce est mauvaise pour la politique de sécurité routière (et on pourrait le payer par une remontée du nombre de morts et de blessés sur les routes). Mais à trois semaines des élections législatives, c’est aussi la seule mesure à peu près audible, qui puisse amener des électeurs du RN à se poser des questions sur leur vote (notamment au second tour, en cas d’absence de candidat RN). De plus, c’est amené par la bande, un « off » venu du ministère de l’Intérieur (à n’en pas douter un proche du ministre), donc à la fois crédible, tout en pouvant être démenti au besoin, par les étages supérieurs, si jamais le tollé est tel que le bénéfice coût/avantage devient négatif.

C’est aussi une petite bombe politique, car on peut tout à fait imaginer que cette annonce a été lancée sans prévenir Matignon auparavant, avec une Première ministre qui se retrouve devant le fait accompli. Moins de deux semaines après sa nomination, Darmanin, l’un des ministres les plus politiques du gouvernement, commence déjà à tester les limites, celle du pouvoir d’Élisabeth Borne et l’étendue des initiatives qu’il peut prendre.

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Elisabeth Borne, incarnation de la Macronie

Élisabeth Borne vient d’être nommée à Matignon. Un choix sans surprise, son nom étant avancé depuis le début, et surtout, elle colle tellement à l’essence même de ce qu’est devenue la Macronie. Elle en a, en effet, toutes les qualités (technocratiques) et les fragilités (politiques).

Coté qualités, la compétence sera au rendez-vous, il n’y a aucun doute. Le parcours est impeccable, sans erreur majeure et c’est une grosse bosseuse, qui connait ses dossiers et le fonctionnement de l’appareil d’Etat. Raffinement dans le choix, elle connait déjà à fond plusieurs des sujets qu’elle aura à gérer depuis Matignon : la planification écologique, la réforme des retraites, la restructuration du secteur énergétique (pour qu’il ne fasse pas faillite et construise huit EPR). Il n’y a guère que sur la réforme des institutions qu’elle n’a pas de références, mais ce sujet se négociera directement entre Macron et Larcher.

La faiblesse, sans surprise, vient du déficit politique. Élisabeth Borne est une technocrate, comme son prédécesseur, et n’a jamais été plongée dans le monde politique. Elle ne s’est jamais présenté à une élection, et sa candidature dans le Calvados, aux prochaines législatives, s’annonce comme une promenade de santé. De toute manière, c’est bien tard pour apprendre les codes de la politique. C’est en cela que sa nomination marque une évolution.

Edouard Philippe, bien technocrate lui aussi, a plongé très jeune dans le bain politique, et a révélé à Matignon un véritable charisme et un talent évident. Tellement évident qu’il a inquiété son N+1, qui s’est empressé de le mettre sur la touche dès que cela était possible, et de le corseter ensuite. Le suivant, lui aussi technocrate, avait également une petite expérience de la politique, à moindre niveau, puisqu’il n’a été qu’élu local. Mais au moins, il sait ce qu’est une « vraie campagne électorale », avec des réunions publiques dans des salles municipales et des séances de serrages de mains sur les marchés, avec en soirée, l’assemblée générale de l’association locale des anciens combattants, qui se termine par un pot au mousseux tiède.

Elisabeth Borne n’a pas du tout cette expérience. Et cela risque d’être un manque, car pour être un leader politique, il faut savoir comprendre ces codes, parler ce langage, qui ne s’apprend souvent que par le vécu. Le risque, pour un Premier ministre qui n’a jamais fait de politique, c’est de se retrouver en porte-à-faux avec sa majorité, avec ses élus locaux, et ne pas comprendre ce qui lui est dit, et ne pas savoir exprimer correctement les messages, et donc ne pas réussir à « embarquer » les français et les faire adhérer à la politique menée.

Or, il y a un gap entre ministre (où on peut très bien réussir en buchant bien ses dossiers) et Premier ministre, où finalement, on ne gère aucun dossier directement, mais on passe son temps à donner des directives et trancher des arbitrages, en ayant en prime l’obligation d’incarner une ligne politique, et de « donner du sens ». C’est toute la différence, entre « travailler » et « faire travailler ». On peut être un excellent directeur financer et un mauvais PDG, un bon journaliste et un piètre rédacteur en chef.

Le défi qui attend Élisabeth Borne, est de réussir cette mue, et de montrer qu’elle peut « incarner » une ligne politique et lui donne l’autorité nécessaire pour faire son job, sans faire de l’ombre à son chef. C’est loin d’être évident, car Édouard Philippe a parfaitement réussi à « incarner », mais en faisant de l’ombre à son chef, et Jean Castex, s’il a réussi à ne pas déplaire au chef, n’a pas incarné grand chose (même si le personnage était plutôt sympathique).

Le pari d’Emmanuel Macron est de croire qu’il peut continuer y arriver en étant le seul à « incarner » et à s’exposer en première ligne, face aux Français. Il s’en est bien sorti depuis 2017 (avec parfois beaucoup de chance). Est-ce que cela durera ? Pas sur…

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La gauche sort peut-être enfin la tête de l’eau

La gauche française serait-elle en train de vivre, ces jours-ci, l’un des ces moments où, en dépit de tout, elle arrive à renaitre de ses cendres ? Cette période entre les présidentielles et les législatives sera peut-être vue plus tard comme le moment fondateur d’une reconquête du pouvoir.

Malgré le bruit et la fureur, les petites phrases et les coups de gueules qui partent dans tous les sens, la gauche semble bien partie pour se présenter unie (autant que c’est possible à gauche) pour les législatives. C’est en soi un petit miracle, que je n’aurais pas pronostiqué il y a encore un an. Plusieurs murailles sont tombées, en un temps assez record. Les socialistes et les insoumis se sont assis à la même table, sans s’insulter et en ressortant contents des deux cotés. L’ensemble de la gauche accepte le leadership de Mélenchon sur la coalition, ça aussi, ce n’était pas gagné, tant les haines sont cuites et recuites, et que le bonhomme est clivant (pour ne pas dire plus).

Cette série d’avancées est le fruit du réalisme : quand on fait 1,75% à la présidentielle, on n’a pas les moyens d’exiger grand chose, et si on sauve ses sortants, c’est déjà beau. C’est aussi le résultat du seul verdict que les politiques acceptent, celui des électeurs : avec 22%, soit bien au delà de son socle, Mélenchon a fait la preuve qu’il rassemble la base sur son nom. Le signal est très clair, les électeurs de gauche veulent l’union. Très naturellement, comme les abeilles d’une ruche suivent la reine, où qu’elle aille, les cadres politiques des partis vont là où sont les électeurs. Sinon, c’est la mort politique assurée.

Tout cela ne se passe pas sans turbulence, car les périodes de redistribution des cartes peuvent amener des changements dans les hiérarchies, entre partis, et surtout, entre responsables politiques au sein d’un même parti. Si le PS sort des législatives avec plus de députés qu’en 2017, les opposants d’Olivier Faure n’auront plus grand chose à dire, et perdront assez rapidement leur crédit politique. Car au sein d’un parti, ce qui compte, c’est la conquête et la conservation des mandats et des positions de pouvoir. Le reste est de la littérature.

Reste maintenant à consolider tout cela, et c’est un énorme boulot, car l’édifice reste fragile. Il faut déjà que les résultats soient au rendez-vous le 19 juin au soir, sinon, tout s’effondre. Il faut aussi que les insoumis soient responsables, et acceptent le jeu de l’union, sans chercher à bouffer les autres. Le dosage est subtil à trouver et chacun doit jouer le jeu loyalement avec des partenaires, en respectant les sensibilités. Il faut enfin, dans la durée, que les militants et cadres des différents partis réapprennent à se parler, à se connaitre, et pourquoi pas, à s’apprécier.

Viendra ensuite le temps de la reconstruction idéologique, du programme, et du tissage de réseau avec les acteurs de la société civile de gauche, qui attendent désespérément qu’une structure politique se remette à fonctionner. On n’est pas au bout du chemin (ni des chicayas), mais la machine semble remise sur les rails, et pourrait être en mesure, en mettant suffisamment d’eau de rose dans le vin rouge du programme LFI, et en faisant émerger de nouveaux visages, d’être une force d’alternance crédible pour l’après-Macron. Et ce n’est pas dit qu’il faudra attendre jusqu’en 2027 pour que l’occasion se présente…

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Le Pen et le Chaos

Depuis le soir du premier tour, et la qualification de Marine Le Pen, un certain nombre d’arguments sont avancés sur le « risque » de l’arrivée du RN au pouvoir. Certains dénoncent le fait qu’elle soit raciste et d’extrême-droite. Même si cela est vrai, le principal souci ne serait pas là, mais dans le chaos où elle plongerait la France.

Si effectivement, une victoire est possible, vu que Marine Le Pen est au deuxième tour, cette hypothèse n’est pas la plus probable. Quand bien même elle gagnerait, elle rencontrerait immédiatement des obstacles, qui l’amèneront, si elle arrive à conserver le pouvoir, à mettre beaucoup d’eau dans son vin, et à ne finalement appliquer qu’une part infime de son programme.

Le mandat d’Emmanuel Macron prend fin le 13 mai, avec un gouvernement Castex qui restera en place jusqu’à cette date. Donc entre le 24 avril et le 14 mai, Marine Le Pen n’aura aucun pouvoir pour mettre en œuvre son programme, juste celui de parler pour faire face aux énormes difficultés qui vont surgir dans les 24 heures et éventuellement s’enfoncer un peu plus.

On risque d’avoir des émeutes, provoquées par l’extrême gauche, accompagnées d’un certain nombre de dérapages venus d’une extrême-droite qui se croit enfin arrivée au pouvoir, donc libre de sa lâcher (bavures policières à prévoir). L’ambiance ne sera pas à la fête mais à la guerre civile. Tous les ingrédients d’une réaction en chaine sont en place !

Les marchés financiers vont réagir très brutalement, avec un effondrement de la notation de la dette française, mais également des cours à la bourse de Paris et de la cotation des entreprises françaises sur les bourses étrangères (sans parler de la fuite des capitaux). Du fait de notre dépendance forte aux marchés, pour financer notre déficit, cela va vite devenir intenable pour le fonctionnement du pays. Les attaques vont également porter sur l’euro, ce qui ne va pas plaire du tout à nos partenaires européens, qui vont multiplier les déclarations indiquant que la France de Marine Le Pen sera (au mieux) traitée comme la Hongrie si jamais elle dépasse d’un millimètre la ligne jaune. L’influence française à Bruxelles va disparaitre et plonger le fonctionnement de l’UE dans le chaos.

Si jamais le calme revient, et que les élections législatives peuvent se tenir aux dates prévues, il n’est pas dit que le RN les gagnent, une partie des électeurs de Marine Le Pen ayant eu une démonstration, grandeur nature et devant chez eux, des problèmes qui pourraient se poser. Et cela portera sur du très quotidien. Il suffit qu’il y ait des ruptures d’approvisionnement (alimentation, carburant…), des retards de paiement de pensions et de salaires et que leur vie quotidienne soit affectée, pour qu’ils soient moins sûrs de leur vote.

Si, malgré tout cela, Marine Le Pen arrive à avoir une majorité à l’Assemblée, ses marges de manœuvre seront très limitées. Elle sera sous la surveillance étroite des marchés financiers, de ses partenaires européens, avec une résistance plus ou moins sourde d’une partie de l’appareil d’Etat. Sans parler du verrou de la Justice, qui pourrait l’empêcher de prendre des mesures illégales et inconstitutionnelles. En cas de bras de fer, Marine Le Pen ne s’en sortira que par un coup d’Etat, qui détruirait la légitimité démocratique de sa victoire dans les urnes. Sans compter un climat social exécrable, l’extrême-gauche continuant à provoquer le désordre. On aurait un gouvernement composé de seconds couteaux et d’affairistes, encadrés par quelques ralliés de la haute fonction publique conservatrice, qui mènent une politique à la petite semaine, loin des grandes ambitions affichées.

Le vrai risque de l’arrivée au pouvoir de Marine Le Pen n’est pas la mise en œuvre d’un programme xénophobe, mais que notre pays se disloque encore un peu plus, et ne devienne une Nation du Tiers-Monde, réaffirmant avec force une fierté et un rang qu’elle a encore moins les moyens de tenir.

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Macron, les retraites et l’humain

En politique, il faut toujours tenir compte des affects, des émotions autour des réformes, même les plus techniques. Aucune politique publique ne peut se réduire à une affaire de comptabilité et d’intérêts économiques bien compris. Emmanuel Macron vient d’en faire l’expérience sur la réforme des retraites, où son recul de l’âge de départ à 65 ans est très mal ressenti, au point de l’obliger à reculer (chose rare chez lui).

C’est une erreur de croire que la retraite n’est qu’une histoire d’argent, de prélèvements, de pensions, et d’équilibre. C’est aussi une question de parcours de vie, et de plus en plus de gens sont épuisés par leur vie professionnelle, et l’idée du départ à la retraite, c’est la petite lumière au bout du tunnel. Le monde professionnel est de plus en plus épuisant, même pour les jeunes (pourtant plein d’énergie et d’envies) qui montrent des réticences à y entrer. L’aspiration profonde de la société n’est plus à la réussite professionnelle et sociale, mais à la qualité de vie. Ceux qui veulent « décrocher », ce n’est pas pour ne rien faire, bien au contraire, mais pour pouvoir mener des projets qui leur plaisent vraiment, qui leur semblent réellement utiles, sans le stress et la pression des résultats et des deadlines, dans un lieu choisi.

Tous réaliseront ce grand décrochage, au plus tard le jour de leur départ en retraite, quand leur revenu financier ne dépendra plus de leur activité. Toucher à ce seuil symbolique est à haut risque politique, car il percute une aspiration profonde à souffler, dans une société fatiguée, si ce n’est épuisée. Pour beaucoup, la question financière (montant de la pension) est une variable secondaire, à laquelle ils peuvent se préparer, avec des investissements pour un complément financier, ou des choix de vie intégrant un train de vie moins dispendieux. Mais pas question de retarder le moment de la libération… y compris chez les marcheurs les plus endurcis !

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2022, consolidation de la recomposition

Le premier tour de l’élection présidentielle vient de mettre en tête le même trio qu’en 2017, Macron, Le Pen et Mélenchon. Seul Fillon manque à l’appel. Il a sombré dans les affaires et surtout, son parti s’est écroulé, miné par les coups de boutoirs de la recomposition politique.

Cette élection présidentielle de 2022 confirme que les clivages politiques ont changé, que le vieil axe droite-gauche que l’on a connu jusqu’ici est obsolète. Il suffit de voir les scores de LR et du PS, qui étaient jusqu’ici en duopole. C’est le crash intégral. Malgré un réseau d’élu locaux et de militants, ils ont été incapables d’opérer les virages idéologiques et stratégiques, pour apparaitre comme crédibles aux yeux des électeurs. L’humiliation suprême est pour le PS, qui termine en dessous des 2%. Un score qui pourrait être celui de LR en 2027, s’ils s’obstinent à vouloir conserver leur autonomie. Les élections législatives risquent d’être une boucherie pour ces deux formations.

Aujourd’hui, le clivage politique majeur passe par la question de l’ouverture ou de la fermeture de la société, avec des demandes de radicalités et de clivage. Les français veulent refaire de la politique, retrouver des propositions idéologiques qui ne soient pas un filet d’eau tiède.

Le pays se retrouve dans une tripartition qui n’est pas si nouvelle, entre une gauche, captée par Mélenchon, un centre droit avec Macron, et une droite radicale pour Le Pen. Trois camps très bien identifiés et identifiables, qui ont rendu les autres offres inaudibles.

Une forme de recomposition est en train de se cristalliser, et de former une matrice pour les prochaines années, d’où il sera difficile de sortir, même si les visages et donc les styles, peuvent évoluer. C’est sans doute dans le contenu exact des idées, des propositions, que les choses vont bouger, s’affiner. Le gros-oeuvre de la reconstruction politique de la France est à peu près réalisé, reste maintenant les finitions et la décoration.

Les principaux chantiers des cinq prochaines années vont être la gestion des trois successions, car il est fort possible qu’aucun du trio de tête ne soit sur la ligne de départ en 2027.

S’il est réélu, Emmanuel Macron ne pourra pas, constitutionnellement, se représenter. Un dauphin pointe déjà son nez, en la personne d’Edouard Philippe. Rien ne dit qu’il sera adoubé par Macron, ni qu’il arrivera à prendre l’ascendant pour s’imposer. De toute manière, celui qui voudra succéder à Macron aura intérêt à faire un gros travail sur les idées et le programme, car il va falloir des arguments pour se présenter sans l’aura d’Emmanuel Macron. Le slogan « 5 ans de plus » ne sera pas suffisant.

Jean-Luc Mélenchon, 71 ans, va devoir passer la main. Il le sait, le laisse entendre dans ses discours de fin de campagne et le soir du premier tour. D’abord, pour des raisons d’âge, mais aussi parce que sa personnalité clivante et son tempérament sont un obstacle à une union de la gauche. Les débris du PS et d’EELV n’accepteront de s’arrimer au navire amiral LFI qu’à cette condition. Reste à savoir si le vieux lion acceptera de partir pour de vrai.

Enfin, Marine Le Pen a annoncé qu’elle quitterait la politique en cas de nouvelle défaite. On peut en douter, mais on sent tout de même une forme de lassitude de sa part. Le score du second tour sera sans doute décisif dans la décision. Une nouvelle défaite écrasante peut l’achever. Le souci est que la succession n’est pas assurée au sein du RN, que la « dauphine » naturelle, Marion Maréchal, a choisi l’autre bord, celui de Zemmour et de la droite très radicale, celle qui n’a aucune chance de se faire élire, mais qui a un programme et des idées assez structurées, qui peut donc survivre à un changement de chef. Dernière inconnue, la capacité à rallier la frange droitière de LR, qui pourrait apporter quelques cadres et élus locaux, qui renforceraient la crédibilité « gestionnaire » de cette famille politique.