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Faut-il se contenter de tondre les GAFAM ?

Très régulièrement, dans le débat public, surgissent des propositions de taxes sur les grandes entreprises du numérique. C’est soit pour alimenter les caisses publiques, soit pour subventionner d’autres secteurs économiques, censés avoir été « spoliés » par les Gafam.

Si la première alternative, d’alimenter le Trésor public, ne me pose pas de problèmes (c’est normal de payer des impôts) la seconde est beaucoup plus litigieuse et doit être regardée avec précaution, afin de ne pas accepter n’importe quoi, et ne pas se détourner des véritables enjeux, dans le bras de fer entre Etats et grandes plateformes.

Les cris les plus vocaux viennent souvent de secteurs économiques habitués à être subventionnés sur fonds publics, ou ayant longtemps bénéficié d’un monopole leur permettant de tondre les consommateurs. L’arrivée du numérique, et notamment des grandes plateformes, a bouleversé de nombreux secteurs économiques, en rendant possibles (et surtout rentables) d’autres manières de travailler. Beaucoup de secteurs ont ainsi connu une forme de désintermédiation, où le numérique s’est révélé bien plus efficace, et moins couteux. Les annonces et offres, les réservations diverses et variées, ont massivement migré vers des plateformes (dont toutes ne sont pas américaines). Le temps passé a également migré, les gens passant bien plus de temps devant des écrans. Donc nécessairement, des activités comme la publicité ont suivi. Des modèles économiques, dont certains tenaient de l’économie administrée, comme celui des médias « classiques » ont souffert des possibilités de contournement technique des péages et barrages destinés à obliger les comportements des consommateurs. On a ainsi « découvert » que bien des comportements ne relevaient pas de choix libres et éclairés, mais juste d’une contrainte bien organisée par les producteurs.

Le numérique a donc changé bien des règles du jeu, et dans les premiers temps, les acteurs économiques dominants ont tout fait pour rétablir les anciennes règles. Sans y arriver, comme le montre le secteur de la culture, où dès les années 2005, tout le monde leur disait que le consommateur devient pirate, car il n’aime pas être pris pour un pigeon, mais que si on lui propose une offre « légale » qui soit pratique et à un prix correct, il s’y dirigera. Cela a pris 10 ans, et ce sont les américains, avec Netflix notamment, qui ont pris le marché en proposant (enfin) une offre adaptée que les acteurs français du secteur de la culture n’ont pas été capable de proposer.

Aujourd’hui, les places étant prises, les acteurs économiques français n’ont souvent plus que leurs yeux pour pleurer. Ils vilipendent donc des opérateurs numériques qui font ce qu’ils auraient pu faire, s’ils avaient eu un peu plus l’esprit d’entreprise. Ils développent un discours victimaires, se présentant comme des gens qui auraient été « spoliés » et doivent donc être indemnisés. Comme si les lecteurs et les annonceurs publicitaires étaient la propriété des titres de presse, et que les Google et consorts devaient les indemniser pour leur avoir offert un service correspondant mieux à leurs attentes. On est vraiment dans la fable de Bastiat, sur les marchands de chandelles qui pétitionnent contre le soleil.

Le drame est que nombre de médias et d’acteurs de l’industrie culturelle sont encore dans cet état d’esprit de refus d’évolution. Ils ne veulent pas changer leurs habitudes, et trouvent d’autres arguments, pour qu’au final, ils soient subventionnés par ceux qui ont pris leur marché. C’est la question des droits d’auteurs, où des sommes astronomiques sont demandées par les patrons de presse, pour des productions souvent médiocres, bien loin de ce que des calculs économiques rationnels pourraient donner. C’est maintenant le rôle « d’intérêt général » des médias, pour la démocratie, qui est mis en avant, pour justifier qu’ils soient subventionner. Les pouvoirs publics, qui donnent déjà largement pour ça (plus d’un milliard par an) ne peuvent pas en rajouter, et ce seraient donc aux plateformes de venir en donner plus.

Derrière tout cela, il y a aussi des enjeux de pouvoir. Ces plateformes ont pris une place centrale dans la distribution de contenus et de services, mais aussi dans l’organisation du débat public. Et certaines de ces plateformes font n’importe quoi, entre irresponsabilité et manipulation. On n’est plus ici sur des questions d’argent, mais tous les moyens sont bons, au niveau des gouvernements, pour avoir prise sur ces acteurs américains, dans un bras de fer qui entre dans une phase critique. Ces sujets autour du droit d’auteur ou de la désinformation sont donc gonflés dans le cadre de cette lutte de pouvoir, bien au delà de ce qui relève de la responsabilité de ces plateformes (même s’il y a du vrai dans ces demandes et reproches).

Il serait bien que le débat public se recentre davantage sur la question de l’emprise et du pouvoir dont disposent ces plateformes, et ce qu’elles en font. Les vrais enjeux « démocratiques » sont là, et sont importants, et c’est sur ce terrain que se placent les autorités américaines (pour le moment). Ne laissons pas ce combat être détourné et instrumentalisés par des acteurs économiques qui cherchent juste à racketter un autre secteur plus prospère, afin de reconstituer des rentes leur permettant de vivre confortablement, sans avoir à innover.

Une réponse sur « Faut-il se contenter de tondre les GAFAM ? »

Quelles seraient les pistes pour se recentrer « davantage sur la question de l’emprise et du pouvoir dont disposent ces plateformes, et ce qu’elles en font. »?
Que pourrait-on leur demander ?
L’idée me plaît bien, mais j’ai du mal à voir par où commencer, d’autant plus que les utilisateurs me semblent un peu contradictoires à vouloir de la limitation sans que cela ne change leurs habitudes.
Bref mon idéal libéral est mis à mal par des solutions qui me semblent tout sauf libérales.

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