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Le piège politique du 49.3

Les sénateurs ayant fait échouer la commission mixte budgétaire sur le budget, le gouvernement, et particulièrement le Premier ministre, se retrouvent sous pression. Avec cet échec de CMP, il est acté qu’il n’y aura pas de budget au Journal officiel avant le 31 décembre. Même si la loi spéciale permet de continuer à percevoir les impôts et à faire fonctionner a minima la machine administrative, c’est un patch provisoire. A partir de janvier, la pression pour qu’un budget soit adopté au plus vite sera plus forte.

Dans cette configuration, tous les regards se tournent vers l’outil constitutionnel du 49.3, qui permet au gouvernement de passer en force. Pour Sébastien Lecornu, le piège est redoutable. En effet, il a affirmé et réaffirmé qu’il n’utiliserait pas cet outil. Le faire finalement serait un aveu d’échec, qui l’affaiblirait considérablement. Tous les engagements et promesses qu’il feraient seraient analysées à l’aune de ce renoncement.

La pression est d’autant plus forte que les parlementaires se retrouvent en première ligne. Le choix des sénateurs de faire échouer la CMP est très habile. Mécontents de la manière dont Sébastien Lecornu les a traités (pas assez bien à leur goût), ils l’ont planté à la première occasion, lui rappelant qu’ils comptent, et qu’il n’est pas bon d’avoir le Sénat contre soi. Ils ont aussi botté en touche, et renvoyé la patate chaude de la responsabilité politique aux députés. En effet, en cas d’échec de CMP, on entre dans un processus de nouvelle lecture, où c’est l’Assemblée qui a le dernier mot. Les sénateurs pourront donc dire tout le mal qu’ils veulent du budget qui sera adopté, et surtout, qu’ils n’en sont responsables en rien. Sympa pour les députés !

Le processus va donc reprendre son cours en janvier, avec une nouvelle lecture à l’Assemblée, un passage express au Sénat (dans ces cas là, le Sénat adopte généralement la motion de rejet préalable) puis une lecture du dernier mot à l’Assemblée. Le problème du consensus politique est toujours là. A l’heure actuelle, il n’y a pas pas de majorité pour adopter le budget. En cas de rejet, il faut tout recommencer à zéro, ce qui nous amène à un budget promulgué en mai. Une catastrophe pour le pays. Il va donc bien falloir que ce budget soit adopté, et c’est là que le bras de fer autour du 49.3 est crucial.

Pour les députés PS, et dans une moindre mesure écologistes, qui tiennent la clé de ce vote (s’ils votent contre, c’est mort, s’ils s’abstiennent, c’est très ric-rac), la pression est maximale, car c’est eux qui ont le mistigri entre les mains. Un 49.3, où ils ne votent pas la censure, serait un soulagement (surtout à deux mois des municipales).

Mais ce serait aussi un aveu d’échec, car normalement, les parlementaires doivent décider, et le passage en force du gouvernement est une forme de violation des droits du parlement. Il va donc falloir que ces parlementaires expliquent pourquoi ils sont finalement très contents d’être dessaisis de leurs responsabilités et de leurs pouvoirs. A quoi ça sert, un Parlement, s’il abdique et n’a pas le courage politique d’assumer ses responsabilités ? Le piège est d’autant plus redoutable, qu’ils ont réussi à le faire pour les deux autres textes financiers de fin d’année, le projet de fin de gestion et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Pourquoi donc, n’y arriveraient-ils pas aussi pour le PLF ? Cela va être compliqué pour être audible dans une opinion publique qui regarde tout cela d’assez loin, et n’est donc pas au fait des subtilités techniques.

Si Sébastien Lecornu continue à refuser d’engager le 49.3 (c’est lui et lui seul qui décide de le mettre en œuvre), ne reste que la solution du compromis politique, qui amène une partie de la gauche à voter le PLF. La marche est haute, mais la pression est énorme, avec un risque politique pour le PS aussi fort que pour Lecornu.

Les prochaines semaines nous diront si nos élus sont capables de prendre leurs responsabilités et d’assumer le pouvoir qui leur a été donné par les citoyens. L’utilisation du 49.3 serait un échec global de l’ensemble de la classe politique, qui paverait encore un peu plus l’arrivée au pouvoir du RN.

2 réponses sur « Le piège politique du 49.3 »

Je ne vois pas trop le risque politique du 49.3, honnêtement.
À moins de considérer qu’un politique qui ne tient pas ses promesses, ce serait une première ?
Le PS n’attend que ça pour se coucher.
Pour eux, voter le budget à 2 mois des municipales, ce serait un suicide politique et un boulevard pour LFI (LFI gagnerait sans doute peu de villes, mais en ferait perdre beaucoup au PS).

ça se trouve, peut-être que la volonté de Lecornu est justement d’être un politique qui tient ses promesses 🙂 Cela nous changerait effectivement, et c’est peut-être justement cela qu’attendent les électeurs…

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