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On a les élus qu’on se donne

Le Monde vient de publier une tribune que je trouve très éclairante. L’auteur explique que l’instauration de la proportionnelle ne mettra pas fin, comme par miracle, à notre instabilité politique. En tout cas, cela ne fera pas tout. L’essentiel n’est pas le mode de désignation des élus, mais aussi leur capacité à s’entendre pour faire des compromis, et cela ne dépend pas que du mode de scrutin.

La réflexion est intéressante, car c’est la première fois que je lis les choses sous cet angle. Les pays où le compromis politique fonctionne ont, certes, un scrutin proportionnel, mais surtout, une démocratie sociale, des corps intermédiaires et une culture politique adéquate. Dans les pays nordiques, la décision politique se prend par concertation, avec différents lieux de concertation, de « prédécision » qui fait que lorsqu’un sujet arrive au niveau politique et parlementaire, il a été déjà largement travaillé. Les élus ont certes le pouvoir de décider et de trancher, mais ils sont dans l’obligation de le faire, car personne ne comprendrait un échec à aboutir.

En France, il nous manque très clairement cet étage intermédiaire. Notre « démocratie sociale » est rachitique et cantonnée à des domaines très précis, la société civile se voit dénier tout rôle politique (et cela a été particulièrement marqué avec Macron). Il y a un refus de la classe politique de partager le pouvoir, et malheureusement, une acceptation de cet état de fait par les citoyens. A partir du moment la population est assez largement écartée des processus de décision, cela favorise la radicalité. Pourquoi se montrer raisonnable et constructif, quand cela ne débouche sur rien ? Les récentes expériences de « démocratie participative » ont bien montré une absence de volonté de la classe politique d’en faire un véritable outil de codécision. Comment, en suite, reprocher à ceux qu’on écarte, de contester le système en place (en votant RN, par exemple) ?

La sortie de crise ne pourra venir que d’une véritable décentralisation du pouvoir de décider, vers les collectivités locales, vers les partenaires sociaux, vers la société civile organisée. Les structures existent, mais elles sont complètement dévitalisées. Il n’y a qu’à voir ce qu’est devenu le conseil économique, social et environnemental.

Ce partage et cette décentralisation du pouvoir politique ne pourra se faire que par la pression citoyenne, car je vois mal la classe politique actuelle se dessaisir d’elle-même du pouvoir absolu qui est le sien, et dont elle fait un bien mauvais usage. Même Marine Le Pen, qui surfe sur ce mécontentement, s’empressera de reproduire les mêmes errements, en pire probablement, si jamais elle arrive au pouvoir.

La solution repose dans les mains des citoyens et des organisations de la société civile, pour proposer (et imposer) non pas un renouvellement du personnel politique, mais une autre manière de gouverner, avec un partage du pouvoir, associant un large spectre de participant. C’est ça le véritable sens de la démocratie, et certainement pas un abandon du pouvoir, tous les cinq ans, entre les mains d’un monarque.

11 réponses sur « On a les élus qu’on se donne »

Bonjour. La décentralisation ne changera rien. Le « problème » n’est pas la « démocratie participative ». Le problème c’est la « culture française ». Toute notre culture, et donc notre mode de pensée est basée sur le principe « du maitre et de l’esclave ». Et ce dès l’enfance et l’école. « Tu es bien obéissant? Tu auras de bonne notes ». « Tu es bien obéissant? Tu aura une meilleure augmentation de salaire ». Etc. Ce qui c’est passé avec le Covid et les « autorisations de sortie » en est l’expression la plus caricaturale qui soit.

Et cela se retrouve dans les lois françaises. Elles sont toutes basées sur le principe du « tu es esclave, donc suspect ». Et pour se « prémunir », le « maitre » prend les mesures adéquats. Par exemple, en faisant que la totalité de la population soit directement ou indirectement fiché au fichier des empreintes génétiques. Ou, en tentant d’obtenir de l’UE, au niveau de la protection de l’enfance, la possibilité d’une surveillance de masse des opinions politiques, syndicales, religieuses, sexuelles de tous les français.

« La solution repose dans les mains des citoyens et des organisations de la société civile, pour proposer (et imposer) non pas un renouvellement du personnel politique, mais une autre manière de gouverner, avec un partage du pouvoir, associant un large spectre de participant. »

Reconnaissance du vote blanc, avec pouvoir de blocage.

La classe politique ne veut pas libérer une partie du pouvoir ? Très bien, elle ne sera pas élue jusqu’à ce que les irritants des citoyens soient levés. Simple et radical mais il n’y aura que comme ça que cela peut marcher.

Le problème est qu’il faut prendre des décisions, et c’est pour cela que l’on vote. Le vote est une décision, pas un avis. Le vote blanc ne permet pas de prendre des décisions.

Je crois que vous avez raison, et je serais prêt à aller aussi loin qu’Alain. Il y avait aussi dans Le Monde un article qui citait un type qui fait apparemment partie de nos « élites » : « Jean-Claude Darmon, qui, à 83 ans, se formalise peu de précautions, a dit sans fard sur Europe 1, le 21 octobre, que l’incarcération de son ami [Sarkozy] était « un choc pour les gens comme nous. (…) On n’est pas faits pour ça, on n’est pas des animaux ». »
Il faudrait trouver où et comment nos « élites » peuvent bien acquérir une telle vision, et comment faire pour y remédier. Mais comment espérer un changement, quand ceux qui nous dirigent restent visiblement persuadés de leur génie, malgré l’ampleur évidente des dégâts qu’ils causent ?

« un abandon du pouvoir, tous les cinq ans, entre les mains d’un monarque. »
Fort bien résumé. C’est l’aboutissement des réformes constitutionnelles voulues par une classe politique paresseuse ne souhaitant pas se confronter à la moindre opposition. La victoire donne tout, la défaite n’accorde aucun espace aux vaincus. « On fait ce que l’on veut » J. Chirac après sa victoire écrasante sur JM Le Pen en 2002 élu avec un score quasi stalinien grâce aux voix de la gauche.
Nonobstant ce constat difficilement contestable, il y a fort à craindre que la situation de défiance soit si profonde qu’aucune réforme du système actuel ne change vraiment la donne entre des hommes et femmes politiques déconsidérés et des électeurs écoeurés jusqu’à l’abstention durable ou impatients de se livrer au « dégagisme électoral » en remplaçant une classe politique usée jusqu’à la moelle par une autre presque tout neuve, souvent inexpérimentée et arrivée avec un programme baroque aux propositions parfois inconstitutionnelles.

En 2002 ce n’est pas la victoire de Jacques Chirac qui donne à la droite un mandat pour gouverner. C’est le raz-de-marée aux législatives avec 398 élus. « Si Jospin était passé au 2e tour, il aurait gagné, et ensuite les législatives » : ce mythe grossier a la vie très très dure à gauche.

C’est Jospin qui a fait voter l’inversion du calendrier, parce que c’était sa seule maigre chance de gagner les législatives. Le secret de polichinelle de la gauche socialiste, c’est qu’elle a besoin du présidentialisme, parce que dans un régime parlementaire elle devrait choisir entre l’opposition systématique et gouverner en coalition avec le centre, ce qu’elle refuse. Cf les différents billets de Grunberg dans Telos.

La Révolution a voulu anéantir les corps intermédiaires, et on est encore dans ce mode de pensée démocatique. Des citoyens, des monades, mais avec un accès direct, sans filtre, sans le passage par les ordres, au monarque (élargit ici au niveau gouvernemental, éventuellement aux assemblées en cas de non majorité). Et Dieu sait si on aime cet accès direct (d’ailleurs un trait occidental si l’on suit V.D. Hanson). Tous égaux devant la couronne.

Gardons nous d’idéaliser les partenaires sociaux (à reresponsabiliser d’abord ?) ou la « société civile » si celle-ci n’est qu’un habillage joli des différents groupes de pression.

Mais du coup, comment faire en tant que citoyen pour pousser dans cette direction ? C’est une partie de l’analyse : les citoyens ont le sentiment de n’avoir aucune prise sur les élus. Manif ? Inutile. Vote ? Programme pas respecté + nécessité du vote utile. Pétition ? Inutile.
Bref, comment fait on pression sur nos élus ?

Est-ce que ça servirait seulement a quelque chose?
C’est la haute administration qui tient le pouvoir sur le long terme : si elle est défavorable a une politique, elle fait le dos rond, joue la montre et attends le changement de président non?

Authueil ? A quel point ai-je raison ou tort?

C’est une vrai question : comme en tant que simple citoyen, faire pressions sur nos élus ? Qu’est ce que fonctionne ? Ni le vote, ni les manif, ni les pétitions, rien ne fait bouger nos élus.

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