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Négociations en trompe-l’oeil

Les débats parlementaires sur la loi de Finances sont l’occasion d’un jeu de dupes qui ne fait pas honneur à notre démocratie. Au gré des votes et des menaces de censures, le gouvernement lâche tout aux socialistes. On a déjà eu la suspension de la réforme des retraites, cette nuit, le gouvernement a proposé de passer la surtaxe sur les grandes entreprises de 4 à 6 milliards. Et il va encore y avoir, avec à chaque fois, un PS qui, au lieu de dire « Merci », dit « Encore », comme un alcoolique attablé au bar, avec un crédit illimité auprès du barman.

Tout cela n’est ni sérieux, ni solide. Ce petit jeu entre Lecornu et les socialistes ne mènera nulle part, car à la fin, les socialistes ne voteront pas le budget, ils l’ont dit à plusieurs reprises. Le maximum qu’ils pourraient faire (et encore, pas tous), c’est s’abstenir, et ça ne suffira probablement pas à faire passer le texte. Ils pensent qu’en faisant du chantage à la censure, ils peuvent obtenir des « victoires symboliques » en vue des prochaines échéances électorales. C’est du calcul à courte vue.

Ces « victoires » sont du carton-pâte, arrachées mais pas consenties par le gouvernement. Ce qui est donné aujourd’hui par Lecornu, parce qu’il joue sa survie, sera repris demain, par Lecornu ou un autre, quand la survie du gouvernement ne sera plus en jeu. Aucune des discussions que l’on a actuellement n’a d’avenir, tant qu’elle n’est pas sincèrement endossée par plusieurs partis. Quand on regarde ce qui fait réellement consensus entre partis de gouvernement, et pourraient donc être gardé par le prochain gouvernement, on ne trouve pas grand chose. Si c’est le RN qui est aux manettes après une éventuelle dissolution, ce sera encore pire, car ce parti a un comportement erratique. On voit bien, quand on suit les débats parlementaires, qu’il n’y a pas de ligne globale qui permette de comprendre leurs positions, pas vraiment de pilote dans l’avion, et qu’il suffit de pas grand chose pour faire basculer ses députés, pour ou contre une mesure précise.

Tous ceux qui pensent sincèrement que ce qui est proposé, discuté, accepté en ce moment, va effectivement entrer en vigueur, risquent d’être lourdement déçus. Ils le seront encore plus quand ils se rendront compte que certaines propositions, notamment de la gauche, n’était que des opérations tactiques en vue de la conquête du pouvoir. Un PS au pouvoir ne proposera pas de réforme drastique sur les retraites, ni de taxe Zucman ambitieuse. Ils feront ce que l’UE et les marchés financiers (et le bon sens) leur dicteront, à savoir sabrer dans les dépenses.

Le problème de la France n’est pas un manque de recettes, mais trop de dépenses et un train de vie au dessus de nos moyens. Or, malheureusement, on parle de tout, sauf de cela, alors que c’est le cœur de ce que sera l’action du prochain gouvernement, quelle que soit sa couleur politique. Quand on dit sabrer, ce n’est pas juste raboter. Il va falloir se pencher sur le niveau des pensions de retraites, sur le financement du secteur associatif, sur les aides et dégrèvements aux entreprises, dans un « quoi qu’il en coute » inversé.

15 réponses sur « Négociations en trompe-l’oeil »

Les électeurs de gauche croient à un monde économique que les hommes politiques de gauche ne peuvent plus (ou n’ont jamais vraiment pu, cf le tournant de la rigueur) mettre en oeuvre. On l’a bien vu avec Hollande qui met en place le CICE (« cadeau aux entreprises »), la réforme des retraites Touraine (bien plus importante que la réforme Borne), la loi Travail. On se moque de Macron mais Hollande n’a même pas pu se représenter, alors qu’il a pris des décisions simplement réalistes. Le PS actuel reste dans la posture de conquête en effet, personne ne fait de promesses crédibles sur la manière dont il exercera le pouvoir, mais la gauche probablement plus encore.

Electeur de gauche depuis toujours j’ai rapidement retenu qu’il n’y a rien à attendre des partis de gauche et de droite. Chez LR la pétaudière est différente, mais c’est une pétaudière aussi.
Par contre ce que je sais, c’est qu’il n’y a pas de paix sociale ou de concorde sans justice.
CICE inconditionnel pour la compétitivité des entreprises, réformes Touraine et Borne sans souci de tenir compte de la pénibilité des carrières, loi Travail qui a défait les IRP avec des conséquences sur les accidents du travail et les conditions de travail et qui a inversé l’échelle des normes en défaveur des salariés. Si l’on y rajoute les nombreuses réformes de l’assurance chômage qui culpabilisent et sanctionnent financièrement les salariés privés d’emploi on a un tableau désastreux.
Je pense qu’il doit exister d’autres manières que de manier sans arrêt la cravache pour faire avancer les travailleurs en leur déniant toute intelligence pour comprendre les problèmes et être associés à la démarche de rétablissement des comptes publics.

Votre billet est à la fois rassurant et désolant.

Rassurant, parce que la plupart des mesures délirantes proposée par la gauche ne seront probablement jamais appliquées telles qu’elles.

Désolant, parce que ce cirque n’a pas besoin d’être applicable pour avoir des effets. Ceux qui partent, ceux qui renoncent à entreprendre et à investir vont cruellement manquer à notre pays. Vincent Trémolet de Villers parlait dans le Figaro d’une autre éco-anxiété, celle de ceux qui travaillent dur et qui ont l’impression d’être à la merci de jeux politiques auxquels ils ne peuvent rien. Cette perte de confiance chez les créateurs de richesse risque de se payer très cher.

« Sabrer dans les dépenses » puis presque immédiatement « dégrèvement aux entreprises » sans même une pause entre les deux. Ce pays est malade.

Les dégrèvements aux entreprises sont une dépense fiscale. Donc oui, ça va tailler aussi de ce coté là, comme sur les niches fiscales pour les ménages. Il y en aura pour tout le monde !

AMHA, si la suppression des niches fiscales s’accompagne d’une diminution des taux faciaux et d’une simplification en n’ayant pas xx formulaires à remplir, contrôles à subir ou autre, ça peut être rentable pour tout le monde si c’est fait intelligemment. Pour ce dernier point, malheureusement, je n’ai aucun doute que quelque soit la voie prise, ça ne le sera pas fait comme ça: 🙁

Je ne comprends pas la notion de « dépense fiscale », ou plutôt j’en ai horreur.
Les niches fiscales et les dégrèvements ne sont pas des dépenses, mais des baisses de ressources – et plus précisément des baisses des contributions obligatoires. Le résultat est le même, certes, mais « philosophiquement » c’est très différent. D’une certaine façon, l’idée de « dépense fiscale » renvoie à l’idée que tout notre argent est dû à l’état, et ce que le Léviathan daigne de nous laisser est une largesse de sa part….
Ceci étant, vous avez raison sur le fait que ça va couper de tous les côtés.

Mais cela n’aurait jamais du être comptabilisé comme une dépense et je trouve que cela illustre parfaitement la manière dont est pris le problème par les politiques, leurs conseillers et la haute bureaucratie. 80% de la réflexion sur la « baisse des dépenses » est encore sur une hausse des recettes avec un faux-nez plutôt qu’une véritable réflexion sur le rôle du secteur public et l’optimisation des dépenses.

Et pendant ce temps, je n’ai jamais entendu autant de personnes aisées (ingénieurs, médecins, professionnels de santé,…) parler de quitter la France et s’installer à l’étranger. Il y a 20 ans, c’était plus rare et surtout vu dans un état d’esprit opportunité/entrepreneur, là ça ressemble plus à un ras-le-bol généralisé.
Et c’est bien ça qui est désolant: peut-être en effet que la plupart de ces mesures ne sont pas applicables ou ne seront jamais appliquées, mais l’image renvoyées est bien d’une incapacité à réduire la moindre dépense. Et donc de vouloir toujours prélever plus. Ce qui donne maintenant des libéraux qui travaillent moins, car le taux marginal d’imposition tout compris devient rédhibitoire pour un gain minime (surtout si on a de jeunes enfants….). Encore plus quand on prend en compte la redistribution « ultra-élargie » où ceux qui paient le plus d’impôts payent le plus partout. Et cet effet d’éviction se voit aussi en dehors des CSP+ (« je ne veux pas gagner plus pour ne pas perdre tel aide ou payer plus la cantine/centre de loisir/…)

Vous pouvez m’ajouter à la liste…

Ce pays est verrouillé par une élite qui fait de toute action politique citoyenne efficace une illusion, tout en refusant catégoriquement de faire quoique ce soit, dans un contexte où aucun contre-pouvoir n’existe face à l’administration.

Aucun espoir d’éviter un pourrissement lent par la tête.

Idem. Tous les gens valables autour de moi parlent de partir (même si c’est parfois loin d’être faisable). Ce n’est pas qu’un ras le bol fiscal, c’est aussi le sentiment que l’on paye pour un État défaillant dans toutes ses missions régaliennes. Un État pourtant capable de s’émanciper de toute règle quand il s’agit de faire entrer de l’argent.

D’ailleurs vous avez remarqué que dans les débats on n’évoque même plus le taux d’une taxe, on dit directement combien elle peut rapporter en milliards ? C’est délirant. Ils vont apprendre très vite l’existence du mur (ce n’est plus une courbe à ce stade) de Laffer…

Vers une VIe République parlementaire qu’ils disaient, vilain gouvernement qui impose tout qu’ils disaient … C’était l’occasion de montrer que c’était possible autrement et c’est un sabordage grand style que l’on voit.
Avec le Sénat, tout cela va finir en loi spéciale.

Bonjour. L’objectif du PS est de pouvoir dire « on a voulu un budget « solidaire » mais les méchants de droite n’en ont pas voulu ». Parce qu’il ne faut pas oublier une chose, toutes les discussions actuelles à l’Assemblée ne servent à rien, ou presque. Un budget « amendé » va être proposé au Sénat. Celui-ci va annuler la quasi-totalité des amendements « de gauche ». Et les remplacer par des amendements encore plus durs pour les plus précaires. Donc cela va finir en CMP, où la droite est majoritaire. D’où les pleurnicheries prévisibles du PS, qui espèrent que cela les aide pour les municipales, voire pour les législatives post-dissolution. Pari très risqué qu’ils ont de fortes chances de perdre.

Après, pour l’aspect « tournant de la rigueur », je n’ai confiance ni dans le « bloc central », ni dans « le RN », ni dans le PS + écolos. On sait qu’une grosse partie du déficit provient du budget de la sécurité sociale. Si on prend la question des retraites, tout ces gens se basent sur le principe « faisons payer, et mourir les pauvres pour que les autres aient une meilleure retraite ». C’est très exactement le principe derrière la modification de l’âge de la retraite. Mais aucun ne fera une réforme « juste ». Pour ma part, voici mes propositions personnelles sur le sujet:

Dépenses supplémentaires: Supprimer l’âge légal de départ en retraite pour ne conserver que le nombre de trimestres. Appliquer des coefficients multiplicateurs sur le nombre de trimestres « cotisés » en fonction de critères de pénibilité du travail. Afin que les les personnes pauvres, puissent partir plus tôt que les autres en retraite.

Économie: Abaisser progressivement le plafond sécu sur les retraites de base versées (je rappelle qu’il est de 3500€/ mois actuellement) qui serait appliqué aux nouveaux retraités. Pour les personnes déjà à la retraite, ne revaloriser que les retraites en dessous du nouveau plafond. Cela réduirait donc uniquement les retraites des personnes ayant un revenu « conséquent ».

Recettes supplémentaires: Supprimer le plafond de la sécurité sociale sur le calcul des cotisations retraite. Appliquer des cotisations sociales sur les revenus financiers (dividendes, distributions d’actions gratuites ou à prix préférentiel).

Si on s’intéresse aussi à la branche maladie, elle aussi déficitaire:

– Identifier les médecins prescrivant prioritairement des médicaments récents en première attention alors que les vieux médicaments sont tout aussi efficace, et leur indiquer combien leurs prescriptions ont coûté à la sécurité sociale. En effet la SS n’a pas, pour moi, vocation a subventionner l’industrie pharmaceutique,

– Identifier les prescriptions abusives d’examens, ainsi que les examens volontairement étalés dans le temps par les cliniques, afin d’obtenir des taux de remboursements plus élevé. Et faire payer ces fraudes.

Mais quel que soit la couleur politique des prochains gouvernements, je doute que ces idées soient reprises un jour. Et pourtant elles se basent sur ce qui est supposé être le « modèle social français ». C’est à dire solidarité entre les citoyens, équité des droits ET DES DEVOIRS. Et en plus sur une gestion saine des comptes publics.

Hum fort drôles sont ceux qui disent « j’envisage de quitter ce pays, c’est devenu invivable, trop de normes et de contraintes, trop d’instabilité, mais qui finalement restent quand même s’accommodant de la situation décrite comme insupportable. Ils se considèrent aussi souvent comme la crème des forces vives. Difficile de le savoir. Mais que fera t-on sans eux sapristi ?

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