Le débat public évoque souvent les différences de traitements et discriminations que subiraient certaines minorités ethnico-religieuses (notamment les musulmans), de la part des autorités publiques. Un cas récent et très concret permet de documenter la réalité de ces discriminations, et devrait nous interpeller et amener à une sérieuse introspection.
Le tribunal administratif de Lille vient d’annuler la décision du préfet du Nord de résilier le contrat d’association du collège-lycée confessionnel Averroès, de Lille. Il s’agissait du seul établissement d’enseignement secondaire musulman à bénéficier d’un contrat d’association avec l’Etat.
La lecture du jugement est édifiante, et devraient provoquer un sentiment de honte, au moins à la préfecture du Nord, mais aussi chez tous les défenseurs des Libertés. Non seulement le dossier présenté par la préfecture était largement vide, mais en plus, la procédure était entachée d’au moins deux vices de forme substantiels, ayant porté atteinte aux droits à la défense. Dans le jugement, on découvre également que cet établissement avait pourtant fait l’objet d’un grand nombre d’inspections, ce qui en faisait « l’établissement le plus inspecté de l’académie ».
On a donc un établissement qui semble avoir un fonctionnement pédagogique correct (sinon, les nombreux inspecteurs qui y sont passés auraient remarqué quelque chose). Chose rare, la chambre régionale des comptes s’est également penchée sur la gestion financière et n’a noté aucune malversation ou source de financement illicite. Elle a juste signalé que les procédures de gestion étaient perfectibles, avec quelques bricoles administratives sans gravité. Le principal souci est modèle économique, devenu trop fragile du fait du fort développement de l’établissement et du tarissement des financements venus de l’étranger. Le rapport a également un peu tiqué sur le cours de « catéchisme » musulman (donc hors champ de la gestion financière), appelant juste à des clarifications, sans mise en cause explicite. Bref, rien de bien différent d’un rapport qui aurait pu être fait dans un établissement catholique.Si la fragilité financière était une cause de retrait du contrat d’association, un certain nombre d’établissements catholiques auraient du souci à se faire.
Pourtant, Le lycée Averroès s’est fait saquer, alors que Notre-Dame de Betharram, lieu de violences éducatives et sexuelles systémiques, n’a jamais été inquiété jusqu’à il y a peu de temps, ni sur son fonctionnement pédagogique, et encore moins sur son contrat d’association. Pourtant, il y aurait eu bien plus de choses problématiques à trouver dans ce lycée bourgeois (mais catholique) que dans le seul lycée musulman de France.
Des exemples comme celui-ci prouvent incontestablement qu’il y a un problème systémique, tant la différence de traitement par les autorités publiques est énorme et en défaveur de l’établissement musulman. Cela mériterait un débat de fond, sur ce qui est une atteinte grave à nos valeurs, celles des droits de l’homme, qu’on prétend porter fièrement en bandoulière…
2 réponses sur « Existe-t-il un traitement inéquitable des musulmans en France ? »
Pour faire un léger contrepoint, on peut noter, que vu de loin, en 2008, l’établissement avait à l’inverse été aidé par ces mêmes autorités.
En effet :
L’établissement a été créé en 2003. Pour pouvoir signer un contrat d’association avec l’Etat, 5 ans d’existence sont nécessaires. Mais ce n’est pas suffisant : les autorités acceptent peu de demandes d’association, car cela conduit à engager des dépenses publiques. Bénéficier de ces deniers publics est justement ce qui motive les demandes d’association. Or dès 2008, l’établissement signait un contrat d’association avec l’Etat. Autrement dit, les autorités ont été très diligentes et soutenantes. Il existe pléthore d’établissements hors contrat dont la demande d’association n’est pas acceptée.
Oui, il y a pu avoir une « belle histoire » au début, dont il faudrait creuser les raisons. Visiblement, ça a mal tourné ensuite, vu la surveillance rapprochée dont a fait l’objet l’établissement. Et in fine, on termine par un « deux poids, deux mesures » très éclairant sur les biais de notre société.