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En route vers la brutalisation du débat politique

La décision de Mark Zuckerberg, d’ouvrir les vannes à la violence sur les réseaux de Meta (Facebook et Instagram) est emblématique d’un tournant inquiétant pour nos démocraties.

En décidant de virer les fact checkers, et de laisser libre cours à la violence, il risque d’abimer encore un peu plus le débat démocratique. Car il ne faut pas se leurrer, sous couvert de « liberté d’expression », la demande de l’extrême-droite est clairement qu’il n’y ait plus de règles et que tous les coups soient permis. Bref, que la violence prime dans le débat politique, ce qui est le contraire de ce qu’il faut faire dans une démocratie libérale.

On voit déjà déjà cette évolution poindre aussi en France, où le but, sur les réseaux sociaux notamment, n’est plus d’échanger, mais de cogner pour imposer son point de vue et faire taire le camp opposé. Petit à petit, c’est aussi la presse écrite et l’audiovisuel qui sont contaminés, avec des médias de plus en plus polarisés et clivants (à droite comme à gauche) qui deviennent des organes de propagande. Au train où nous allons (même La Croix est menacée) il n’y aura bientôt plus de médias fiable (au sens de politiquement non biaisé), et les réseaux sociaux seront un enfer où plus personne ne pourra s’informer correctement.

Pour l’instant, il existe encore quelques remparts, mais bien fragiles. La législation européenne impose des contraintes de lutte contre la désinformation aux grandes plateformes. Encore faut-il qu’il y ait la volonté politique (et les moyens humains) de la faire appliquer. La Presse étant encore libre, il est toujours possible de créer un nouveau média, mais encore faut-il en avoir les moyens, car le secteur est peu rentable et économiquement sinistré.

Je suis sans doute un peu pessimiste en ce moment, mais j’ai un peu l’impression que l’édifice démocratique s’effrite, s’abime, sans qu’on puisse véritablement y faire quelque chose. La seule action possible est collective, et à une large échelle. Chacun, de notre coté, on n’aboutit à rien, un peu comme ces « petits gestes » censés lutter contre le dérèglement climatique, qui servent surtout à donner bonne conscience à ceux qui veulent continuer à faire comme avant.

Où est donc ce lieu d’où peut surgir une action collective afin de préserver notre démocratie libérale, et l’empêcher de s’effilocher ?

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Bayrou, un coup pour rien ?

Après deux semaines de gouvernement Bayrou, force est de constater que le changement par rapport au gouvernement Barnier est purement cosmétique. Une large proportion des conseillers techniques sont restés en poste, Le socle parlementaire du gouvernement est resté strictement la même et la ligne politique n’a pas véritablement bougé (si tant est qu’il y en ait une).

En fait, la censure du gouvernement Michel Barnier a juste entrainé un changement de visage à Matignon, mais rien de plus. Le blocage politique est toujours là, avec trois blocs qui se regardent en chiens de faïence. Les lois budgétaires ne bougeront qu’à la marge, n’offrant quasiment aucune voie de compromis, car arrivé à la deuxième lecture, il n’est plus possible d’introduire de mesures nouvelles. On est donc dans la même situation que début décembre, mais avec une situation plus dégradée, du fait de la censure et de l’absence de budget au 1er janvier.

On sait désormais que les députés, que ce soit à gauche ou au RN, sont capables de tout, y compris de voter des motions de censure et de bloquer l’adoption du budget. Ils l’ont fait une fois, sans manifester d’états d’âmes ou de regrets, ils peuvent donc le refaire une fois de plus. Cela augmente fortement l’incertitude pour l’ensemble de ceux qui dépendent des décisions politiques. Ce n’est plus possible de parier (comme je l’ai fait) sur le sens des responsabilités et du bien commun de nos élus. Cela a de nombreuses conséquences, problématiques pour notre système démocratique. La parole d’un gouvernement ne vaut plus rien, si sa durée de vie est de quelques semaines. Aucun calendrier législatif n’est certain. Impossible, désormais, de se projeter sur des bases à peu près sures, et donc d’investir et de faire des projets. La conséquence immédiate risque d’être un désinvestissement des différents acteurs de l’action publique, dans le travail gouvernemental et législatif. A quoi bon se décarcasser ? A quoi bon prendre des risques, alors qu’on peut se contenter de gérer à la petite semaine ? On va droit vers l’immobilisme. Tant mieux pour ceux qui ont intérêt à ce que rien ne bouge, tant pis pour ceux qui ont absolument besoin que des évolutions aient lieu.

L’absence de budget voté au 1er janvier plonge le pays dans la fragilité. La loi spéciale n’est qu’un expédient pour éviter le chaos (comme le fait de ne pas pouvoir payer les fonctionnaires), mais cela ne remplace absolument pas une loi de Finances votée en bonne et due forme. La France, depuis le début de l’année, est en fonctionnement « dégradé ». Aucun projet nouveau ne peut être lancé, seules les dépenses indispensables sont possibles. Toutes les subventions qui nécessitent une décision discrétionnaire sont suspendues, et ne peuvent pas être versées avant l’adoption d’une loi de Finance. Quand on connait la dépendance de nombreux secteurs aux aides publiques (médico-social, culture…) tout va dépendre de la bonne volonté des banquiers à ouvrir (ou pas) des lignes de trésorerie. Tant qu’il n’y a pas de loi de Finance, les collectivités locales ne peuvent pas voter leur budget, faute de connaitre les montants exacts des dotations d’Etat, qui sont devenues la majeure partie de leurs ressources. Les conséquences sont nombreuses, et pour beaucoup très mal mesurables, car nous n’avons jamais connu une telle situation. Et comme nous n’imaginions pas y arriver, aucune simulation un peu sérieuse a été faite pour évaluer l’ampleur des dégâts.

Si en plus, un choc externe survient, nous sommes vraiment dans la mouise. C’est pour cela que je regarde avec une grande inquiétude toutes les galéjades d’Elon Musk. En d’autres temps, cela m’aurait fait rire, mais à partir du 20 janvier, ce type aura l’oreille du président des USA, qui est aussi barjot que lui. Leur capacité à déstabiliser le monde est absolument effrayante.

La censure n’aura donc servi à rien, sinon à aggraver la situation du pays, avec une classe politique qui ne semble toujours pas avoir compris qu’ils amènent le pays droit dans le mur.