Depuis le 30 octobre, les Français sont à nouveau confinés. Enfin presque, tellement le risque est élevé que ce confinement soit contourné et finalement sans grand effet sanitaire. La gestion, par le gouvernement, de la lutte contre la pandémie, est en effet très critiquable, et la décision de confiner est un modèle de ce qu’il ne faut pas faire.
L’arrivée du virus, au début de l’année 2020, est une réelle surprise. La décision de confiner, en mars, est brutale, mais compréhensible et acceptable pour la population. Le virus est inconnu, sans vaccin, avec des effets très divers, certains en meurent, d’autres n’ont que des symptômes qui vont de quasiment rien à l’équivalent d’une bonne grippe. Devant autant d’inconnues, la réaction de confiner, pour éviter la saturation du système hospitalier, est logique et donc bien acceptée par la population, qui a globalement respecté ce confinement.
En octobre 2020, la situation est très différente. On en sait un peu plus sur ce virus et les moyens de s’en préserver. C’est le port du masque, la distanciation sociale, le lavage fréquent des mains. On sait aussi que la probabilité est forte que le virus revienne à l’automne. Le conseil scientifique l’a écrit noir sur blanc dès juillet, et en septembre, a averti qu’il fallait prendre des mesures fortes rapidement. On savait qu’elle allait revenir, et comment s’en préserver.
Les mesures nécessaires pour éviter cela n’ont jamais été prises, ni même envisagées. Il fallait, dès la rentrée, mettre en place des protocoles sanitaires stricts, préparer psychologiquement les Français à une année difficile. Au lieu de cela, on a laissé la vie reprendre son cours, avec quelques contrariétés légères comme l’obligation d’avoir un masque.
Les Français n’ont donc que très moyennement respecté les règles sanitaires. Ils en sont les premiers responsables, c’est clair. Mais à aucun moment, les pouvoirs publics n’ont joué leur rôle qui est d’avertir, et de prendre les mesures pour demander et convaincre les Français d’être plus responsables. Début octobre encore, un ministre incitait ses compatriotes à partir en vacances. Tout comme le chef de l’Etat avait encouragé les Français, début mars, à aller au théâtre. Le signal envoyé était « la vie continue comme avant ou presque ».
Tout cela résulte d’un choix politique, finalement assez assumé, de privilégier l’économie sur la santé. Il fallait que les Français recommencent à consommer, à aller dans les bars, les restaurants, les magasins. On a bien tenté d’imposer quelques règlementations comme une distanciation dans les salles de spectacles ou les réunions publiques. Mais il suffisait de se promener près des terrasses des cafés, pour se rendre compte que personne n’y portait de masque, se parlant à moins d’un mètre. Tout cela n’a donc servi à rien, ou presque, sur le plan sanitaire.
Ce choix politique s’est heurté, bien plus rapidement que prévu, à la reprise de la pandémie, et à une saturation des capacités hospitalières. Tout cela était prévisible, prévu même, si on se donnait la peine d’écouter les scientifiques. La politique du gouvernement était donc une impasse, une erreur stratégique majeure.
En plus de cet errement stratégique, s’est ajoutée une gestion tactique déplorable. On ne passe pas en quelques jours de « il y a une légère aggravation et un couvre feu dans les grandes villes suffira » à un reconfinement généralisé. Les gens n’y sont pas préparés, psychologiquement, mais également matériellement, surtout en pleines vacances scolaires. Revenir précipitamment de son lieu de vacances, pour se confiner immédiatement chez soi, c’est compliqué. Les centaines de kilomètres de bouchons (dans le sens des départs) en Ile-de-France, en plein milieu de semaine, est une illustration supplémentaire de l’impréparation des Français.
Un gouvernement responsable aurait envoyé des signaux, avant les départs en vacances, indiquant que la situation se dégrade, et qu’il est possible qu’on en arrive, dans un délai assez proche, à prendre des restrictions de déplacement. Certes, cela aurait pu provoquer des inquiétudes, mais aurait aussi permis aux Français de prendre leurs dispositions. Rien n’est plus irritant que de se faire cueillir par surprise, alors qu’on aurait pu faire autrement. Cela ne facilite pas franchement l’acceptabilité sociale du confinement.
La cacophonie, il n’y a pas d’autre mot, au somment de l’Etat, n’incite pas non plus les Français à prendre au sérieux ce confinement. On a senti bien des ministres, plus préoccupés par le sauvetage de leurs ouailles, que par la nécessité de préparer le pays à l’inéluctable. Les gesticulations du secteur de la Culture, pour que les libraires soient dans la catégorie ‘biens de première nécessité » sont assez pathétiques au regard de l’enjeu sanitaire (qui s’est doublé d’un enjeu sécuritaire). Je ne parle même pas de la préparation de la réouverture des écoles, sommées d’accueillir tous les élèves (il faut bien que les parents travaillent) avec un « protocole sanitaire renforcé. Un triste mélange d’improvisation sur fond d’injonctions contradictoire, le tout saupoudré de technocratie, avec des circulaires administratives détaillées sur ce qu’il faut faire ou pas (l’attestation de circulaire scolaire de chaque élève doit avoir le tampon de l’école).
La cacophonie vient également du maintien du choix politique de privilégier l’économie. Les écoles restent ouvertes, et les entreprises sont priées de continuer à fonctionner, pour sauver l’économie. Cela va donc amener à multiplier les « bons de sortie ». Le système des attestations que l’on se donne à soi-même est une vaste blague. Il ne tiendra pas si les Français décident, massivement, de jouer avec les limites. On peut très bien se donner plusieurs attestations par jour : j’amène les enfants à l’école à 9 heures, je vais faire les courses à 11h, je vais faire ma promenade sportive d’une heure à 14h, et je vais chercher les enfants à 17h. Et entre temps, je peux me donner une deuxième attestation « courses » si j’ai encore envie de prendre l’air.
S’il n’y a que quelques resquilleurs, ils ont assez vite fait de se faire rattraper par la patrouille. Si c’est la moitié, ou même le tiers de la population qui décide de ne pas jouer le jeu, cela ne tiendra pas.
Le risque est réel que la population estime avoir « déjà donné » avec le premier confinement, et ne souhaite pas remettre ça, en plus en hiver, quand le jour est court et le temps gris. Si en plus, ce qui est demandé aux Français, c’est d’aller bosser, en renonçant à tous les plaisirs de la vie ou presque, ce n’est pas franchement enthousiasmant. On peut consentir à des sacrifices, pour une cause qui en vaut vraiment la peine, et parce qu’on ne peut pas faire autrement. Encore faut-il démontrer que les sacrifices sont utiles et inévitables. Une démonstration qui n’est pas faite pour l’instant.
Les conditions de l’acceptabilité sociale du confinement sont donc beaucoup moins au rendez-vous en octobre qu’en mars. L’erreur majeure du gouvernement a été de ne pas se donner les moyens de la construire. Maintenant que le confinement a commencé, et qu’il semble assez moyennement respecté (il y avait du monde, dans les rues de Paris, ce samedi matin 31 octobre), c’est un peu tard. A moins que le choc sanitaire soit d’une telle ampleur, qu’il fasse peur aux Français, les obligeant à se calfeutrer réellement.
Dans ce cas, le gouvernement aura perdu sur les deux tableaux, le sanitaire, et l’économique. Car il est évident qu’à partir du moment où le gouvernement décidera, face à la montée de la pandémie, de fermer les écoles et de restreindre les ouvertures de commerces, l’économie replongera aussitôt. Et autrement plus sévèrement qu’au printemps.
La chute est peut-être finalement plus proche qu’on ne le pense…
13 réponses sur « La vaste blague du second confinement »
Et on peut ajouter à cela, au débit des pouvoirs publics et particulièrement du gouvernement, qu’ils ont ignoré tout comportement destiné à susciter la confiance dans la parole publique. Or l’adhésion — ou au moins la confiance — de la population est un enjeu majeur de l’adoption de comportements d’auto-contrôle tels que le respect des gestes barrière.
Les mensonges sur les masques, les discours à l’emporte -pièce de l’ancienne ministre de la santé et de la porte-parole du gouvernement traduisent un tel mépris du peuple et de sa raison, que plus aucun argument, même raisonnable, ne porte.
Et dès lors, les mesures au parfum contradictoires (masques dans la rue ou on se croise pendant moins d’une seconde, mais pas dans les bars ou on reste deux heures en face ; librairies de quartier fermées, mais FNAC ouvertes) achèvent d’épuiser le crédit de la règle.
Devant une telle inconséquence, imputer la responsabilité de la pandémie à la désinvolture de la population, c’est mettre bien bas de le rôle du prince.
A moins qu’il n’en révèle l’inanité ; ce qui est une hypothèse que suggère assez largement les temps que nous vivons.
Je bosse en hypermarché et les annonces ont mis un bazar innommable. Impossible de se préparer à temps. On est passé a S-1 ‘tout va bien’ a ‘on confine avec effet immédiat’. Depuis les annonces, c’est ingérable. Et les protocole sanitaires fournis sont un bouclier de protection du gouvernement, à peine intelligible. C’est une farce.
‘deuxième vague’ d’incompréhension avec dorénavant les rayons ‘non essentiels’ fermés. Sauf qu’il ne nous ait communiqué aucune liste précise des produits à clôturer. La télévision est-elle un moyen d’information et de communication? Le Maquillage n’est pas essentiel, donc l’Alcool non plus, non? et les préfets, sollicités, sont incapable de répondre car ils n’ont pas les éléments. Totalement aberrant de faire des annonces en catastrophe un dimanche soir pour appliquer au lendemain sans même avoir prévue les instructions précises et les mises en place. Un gouvernement d’amateurs! Ils ne veulent ni confiner totalement pour laisser de l’économie, ni aucunement pour préserver la santé. Il est probable qu’il finisse avec le pire des deux mondes.
Si déjà ces gens étaient capables de s’exprimer de manière un peu plus circonspecte de façon à ne pas exciter les imbéciles, ce serait déjà bien. L’insistance de Blanquer sur la minute de silence de lundi me fait franchement peur. Ces gens devraient faire davantage confiance aux personnes compétentes, scientifiques ou professeurs.
(PS Vous avez fait deux coquilles sur le mot ‘ouailles’, une au début et une au milieu)
D’un autre côté est il entendable de bloquer l’economie d’un pays, c’est à dire son système sanguin n’en déplaise à certain, pour une maladie qui ne tue que entre 0.3 / 0.5 % des personnes contaminées (en france 2% des contaminées meurent mais le nombre de contaminés est largement sous estimé…) ? Et il faut arreter avec le discours ce n’est pas ma faute mais celle du gouvernement… L’état n’est en rien responsable du comportement de chacun. Si l’etat doit repondre à la demande des libraires, ce n’est pas sa faute, mais du fait du comportement des dits libraires… Rien que pour les masques si on reprend l’histoire dès le début au niveau des scientifiques on passe d’une maladie pas très mortelle, maladie qui se transmet par les postillons à une maladie qui se transmets par les particules présentes dans l’air. aujourd’hui le port du masque est généralisé est bizarrement c’est là où nous subissons une deuxième vague qui va sans doute être pire que la première. Il est probable que si nous avions eu plus de masque sen début d’année, cela n’aurait dans les faits pas changé grand chose. 🙁 il faut peut être humblement reconnaitre que le virus est tout simplement plus fort que nous… Que la nature, dont nous sommes qu’un élement est plus forte que nous.
S’il vous plaît, arrêtons d’invoquer la faible mortalité du virus comme argument. Il ne correspond pas à la réalité.
L’économie prendra un coup dans tous les cas. À partir de là, c’est au choix : avec hôpitaux et personnel soignant à peu près débout ? Ou sans hôpitaux du tout ? C’est une deuxième variable et ça ne s’arrête pas là.
On ne reconfine pas » juste pour épargner quelques vieux » : c’est un mensonge.
La nature est peut-être plus forte que nous – Français dirigés par la LREM. Mais pas plus forte que des pays aussi différents que la Corée su Sud, la Chine, le Japon, le Vietnam, l’Australie, la Nouvelle Zélande, l’Uruguay ou les pays scandinaves Peut-être que leur seul point commun est qu’il y est plutôt mal vu d’être arrogant quand on dirige ?
Je m’étonne que vous, Authueil, puissiez parler de « privilégier l’économie sur la santé ». Ça n’a guère de sens car les 2 sont liés. Je suis d’ailleurs étonné globalement par ce billet, alors que je suis souvent en phase avec vous.
Le système de santé ne tiendra pas si l’économie est en mauvais état ; son financement est issu des recettes de l’État, recettes qui baissent beaucoup avec l’économie, et il y a d’autres problèmes de santé qui arrivent avec une mauvaise situation économique, en particulier tous les gens qui se retrouvent au chômage ou sans ressources. Déjà qu’on s’endette lourdement à coups de milliards d’euros pour soutenir les activités impactées, c’est autant d’argent qui n’ira pas à la santé.
Quant à l’ouverture des écoles, elle est primordiale, car là aussi fermer les écoles sacrifierait une génération, et d’autant plus les catégories sociales peu favorisées (les CSP+ ont plus de facilité à s’occuper de l’éducation de leurs enfants). De plus, avec l’obligation du port du masque à partir de 6 ans, certaines précautions sont prises.
Concernant le manque de préparation de la population à un 2e confinement, si on suit un peu l’actualité (pour ma part en partie via Twitter et il y a des scientifiques dans ma TL, sinon la radio) on voyait bien que le virus progressait à nouveau depuis septembre, et je voyais de plus en plus de messages de scientifiques inquiets.
Le gouvernement n’est pas parfait, mais la situation demande de prendre des décisions douloureuses.
Je ne comprends pas non plus ce passage : « Et entre temps, je peux me donner une deuxième attestation « courses » si j’ai encore envie de prendre l’air. »
Où est le mal d’aller se promener en plein air, avec masque en plus (inutile surtout si on ne croise personne de près) ? Ce qui pose problème ce ne sont pas les gens qui sortent 2 fois dans la journée, ou qui vont faire 2 footings. En Irlande ils ont le droit à 5 km, dommage que la France reste sur ce petit km, ça ne change rien pour ceux qui font attention (et encore une fois, activité extérieure sans proximité). Quand je courais le soir pendant le premier confinement, je ne croisais personne dans les rues, à Paris 14e.
L’attestation a un côté ridicule, mais elle oblige à structurer un peu ses sorties. Là où elle est particulièrement superflue, c’est pour ceux qui amènent leur enfant à l’école le matin et le soir ; la situation est tellement évidente à un observateur…
Ce qui sauvera peut-être le gouvernement, c’est qu’ayant décidé le confinement avant que le couvre-feu n’ait pleinement produit ses effets, l’épidémie pourrait évoluer dans le bon sens beaucoup plus vite qu’au printemps. Si à la fin de cette semaine les indicateurs montrent clairement que ça s’améliore, cela validera a posteriori la stratégie et redonnera de l’espoir à tout le monde.
Si au contraire l’hypothèse défavorable prévaut (situation qui empire et nécessite encore un renforcement des mesures) ce sera en effet beaucoup plus compliqué et il ne restera qu’un seul argument pour les défendre : c’est pire ailleurs.
« Le système de santé ne tiendra pas si l’économie est en mauvais état ; son financement est issu des recettes de l’État, recettes qui baissent beaucoup avec l’économie, et il y a d’autres problèmes de santé qui arrivent avec une mauvaise situation économique, en particulier tous les gens qui se retrouvent au chômage ou sans ressources. Déjà qu’on s’endette lourdement à coups de milliards d’euros pour soutenir les activités impactées, c’est autant d’argent qui n’ira pas à la santé. »
Il faut bien prendre conscience que cette « dette » ne sera jamais remboursée. Ce ne sont que des lignes informatiques créées par la BCE sans aucun fondement réel. Il sera aussi simple de les supprimer. Dites moi quelle sera la conséquence sur l’économie réelle : rien, il n’y a pas d’inflation. L’argent qui est créé actuellement c’est du vent.
Si on écoute les scientifiques, il faut fermer les écoles, qui objectivement, sont des clusters en puissance. Il fallait également fermer bars et restaurants, et cela a été fait, mais sans l’assumer, en prenant une mesure générale. Cela a provoqué une incompréhension et des dommages collatéraux. On le voit avec les libraires et autres commerçants, où on aurait pu trouver des solutions, avec protocole sanitaire.
Ces décisions s’expliquent, mais leur juxtaposition pose problème, car il y a de grosses incohérences, que le gouvernement n’a pas levé. Il n’a pas non plus associé les autres forces politiques aux décisions prises. Résultat, l’opposition se fait un malin plaisir à mettre le doigt là où ça fait mal. Le gouvernement est mal à l’aise, car la décision qu’il fallait prendre était un couvre-feu, avec juste une fermeture des bars et restaurants, toute la journée, et protocole sanitaire strict. Exactement ce qu’a fait l’Allemagne…
Merci pour votre réponse, Authueil.
Je suis d’accord sur le manque de lisibilité ou cohérence de certaines mesures (sans doute avons-nous des lectures communes via Tweeter, issues du monde médical , qui expliquent bien leur avis), mais je me dis toujours que ça doit être toujours plus facile à dire à qu’à faire, car tout est affaire de compromis. Enfin, je ne vous apprends rien.
À titre personnel, je n’ai pas trop d’idées sur ce qu’il aurait fallu faire récemment ou sur ce qu’il faudrait faire, et on cite souvent d’autres pays (à tort ou à raison) qui ont l’air de mieux s’en sortir ; il serait intéressant de connaître la raison pour laquelle on n’a pas pris le même mode que les allemands, et si ça s’applique à nous.
[…] La vaste blague du second confinement (authueil.fr) […]