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La droite est très mal partie pour la présidentielle

La « droite classique », celle qui se situe dans l’espace politique entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, avait un coup à jouer pour la présidentielle de 2022. Elle avait le potentiel électoral suffisant pour avoir une chance de se glisser au second tour. Par son incapacité à choisir son candidat, elle est train de laisser passer sa chance.

Le drame de LR s’est joué en plusieurs actes, et tient d’une incapacité à poser le débat du candidat à la présidentielle suffisamment tôt et clairement.

La saignée effectuée par Emmanuel Macron depuis 2017, n’est pas nécessairement un problème. Même si nombre d’élus et de ténors sont partis en Macronie, à la suite d’Edouard Philippe, il reste encore assez de militants et d’élus pour que LR soit viable et puisse s’en remettre (le PS est tombé bien plus bas). Ce qui a plombé LR, c’est la chute de Laurent Wauquiez, et l’incapacité de trouver un leader de remplacement, au point d’installer à la présidence une sorte de gérant de transition, en la personne de Christian Jacob. Les méchantes langues le comparent à Leonid Brejnev, avec une forme de « glaciation » de LR, que l’on met au congélateur, pour le retrouver (espère-t-on) intact quand un nouveau leader prendra le manche.

En politique, cela ne fonctionne pas comme ça, surtout à droite. Le président du parti est le candidat naturel, et l’élection à la tête de LR tient lieu de primaire. Une fois aux manettes, le patron du parti a les moyens de tout verrouiller. Or, Christian Jacob a clairement indiqué dès le départ qu’il n’a pas vocation à être candidat en 2022. Il n’en a ni l’étoffe, ni l’envie, et a suffisamment les pieds sur terre pour pas prendre le melon. Mais c’est une occasion manquée de trancher le débat.

La deuxième erreur a été de croire qu’un candidat pouvait, « naturellement » prendre le leadership et mettre tout le monde d’accord. Cela peut fonctionner, quand il y a effectivement un « gros potentiel » que tout le monde voit venir mais qui a encore besoin d’un peu de temps pour flinguer ses rivaux (façon Sarkozy en 2002). Or, depuis 2017, on a beau regarder l’horizon à droite, rien de tel en vue. On a bien quelques grands élus, anciens ministres, qui pourraient prétendre au poste. Sauf qu’aucun ne sort du lot, car tous ont des faiblesses, et donc « ne cochent pas toutes les cases ».

Christian Jacob a bien tenté de pousser François Baroin, qui aurait pu, en s’y prenant bien, arriver à rallier suffisamment de monde autour de lui pour dissuader ses rivaux d’y aller. Il avait l’appareil LR avec lui, mais a finalement décidé de ne pas y aller. La voie est donc ouverte à des rivaux à quasi égalité, Xavier Bertrand et Valérie Pécresse. Les deux sont présidents de région depuis 2015, se situent dans l’entre-deux entre LR et la macronie, incarnant un centre-droit un peu mou et sans grand charisme. Bref, des candidats potables, mais qui ne font pas rêver, et ne produiront certainement pas du disruptif.

La troisième erreur est de ne pas avoir définit assez clairement les modalités de désignation du candidat. On y est globalement arrivé, avec le choix, au final, d’un scrutin fermé réservé aux militants LR. Mais ce fut long, laborieux, et surtout, cela arrive bien tard. Les candidats se sont déjà déclarés, les écuries se sont formées, et plus on va avancer dans la campagne, plus les rancœurs et rivalités vont grossir entre les équipes. Comme en 2016-2017, celui qui sortira vainqueur de la primaire ne pourra compter que ses propres forces. Ses rivaux viendront, au mieux, faire la claque au premier rang dans les meetings, mais pas plus. Et une partie de leurs électeurs potentiels partiront, dès le premier tour, chez Emmanuel Macron ou Marine Le Pen.

La droite est donc dans l’impasse, avec trois candidats crédibles, mais pas follement enthousiasmants non plus (Bertrand, Pécresse, Barnier). Aucun n’est en mesure de l’emporter à la présidentielle avec ses seules forces. Déjà qu’une droite unie aurait eu du mal, là, c’est mort. Quelque soit le candidat qui sort du congrès LR le 4 décembre (et cela risque fort d’être Michel Barnier), il fera au mieux 15%. Trop juste pour espérer passer devant Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, qui ont le potentiel de faire davantage, et donc d’être qualifié au second tour, contre un Emmanuel Macron, qui fera entre 20 et 25%, et qui a donc de bonne chances d’être réélu.

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La crise du journalisme est aussi celle des représentations collectives

Le journalisme est une profession en crise, car la fonction qui est au cœur de son activité, celle de la mise en récit du monde, est en crise.

Il s’agit là d’une fonction sociale aussi vieille que les sociétés humaines, dès qu’elles se sont mises à essayer de « comprendre » et de maîtriser leur environnement. Des théories ont été échafaudées, qui ont beaucoup évolué au fil du temps, avec paradoxalement, des mises en forme qui se sont vite stabilisées sous la forme de récits. D’où l’étonnante postérité de textes, que l’on arrive encore à lire aujourd’hui, car leur forme ne nous est pas étrangère, mais dont nous n’avons plus toutes les clés pour comprendre le sens que leurs auteurs ont voulu leur donner.

Ce problème se rencontre aujourd’hui, à une moindre échelle, dans les heurts entre les journalistes « parisiens » et une partie du grand public.

Un premier heurt vient du fait que le lecteur, se considérant parfois comme aussi (sinon plus) cultivé et intelligent que le journaliste, demande simplement du matériau semi fini, pour écrire lui-même son récit du monde, et n’entend pas se le faire imposer. Il se retrouve face à des journalistes qui entendent livrer des produits finis, conçus comme fédérateurs, dont ils vivent mal la déconstruction. Le débat autour de la séparation entre les faits et le commentaire en est une illustration. Un séparation réclamée par le lectorat, qui se révèle finalement beaucoup plus compliqué dans les faits. En effet, la construction d’un récit, c’est nécessairement la sélection (donc le tri) de faits, et leur mise en forme et en codes, afin de donner du sens à la marche du monde. Un fait journalistique est un construit, croire qu’il puisse être « brut » est une illusion. D’où cette tension perpétuelle entre le mythe et la réalité du produit journalistique.

Le deuxième heurt vient de l’écart entre les codes et centres d’intérêts des journalistes et de leurs lecteurs. La grande homogénéité sociale des journalistes des médias nationaux les amènent à privilégier certains sujets, abordés d’une certaine manière, traités avec des codes et références précises. Autant d’éléments pas toujours partagés par leurs lecteurs, ce qui peut amener frustrations et incompréhension.

Quand on prend les extrêmes, on se retrouve avec un public qui voit lui arriver des récits ne reflétant pas sa perception du monde et son échelle des valeurs, sur des sujets qui ne leur « parlent » pas, traités et écrits avec des références qui ne sont pas les leurs. Le tout, parfois agrémenté d’une forme de posture de supériorité morale du journaliste, qui prétend, plus ou moins explicitement et inconsciemment, dire la norme morale (sans être considéré comme légitime à le faire par le récepteur).

Dans un monde de plus en plus individualisé, ce travail de mise en récit du monde et donc de création de représentations collectives, devient de moins en moins efficace, chacun voulant un produit lui correspondant, ce qui n’est évidemment pas possible. Quand en plus, la société va économiquement mal, ces dysfonctionnements sont encore plus mal ressentis. D’où une crise du métier de journaliste, avec une profession qui se voit attaquée violemment, sans toujours comprendre pourquoi, et sans solution à proposer pour retrouver un rôle de « créateur de collectif », de plus en plus difficile à remplir.

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Pour un christianisme d’avenir

John Shelby Spong, un important théologien protestant libéral vient de mourir à 90 ans. Son dernier livre, une synthèse de son approche du christianisme, s’intitule « Pour un christianisme d’avenir ». Il y pose un constat simple, mais dérangeant pour les autorités religieuses : « Le langage utilisé par les autorités religieuses, pour parler de la foi, est complètement déconnecté de l’époque actuelle, et n’est plus compris par une part grandissante de la population ». Il existe toujours une très forte demande de spiritualité dans la population, c’est juste l’offre « chrétienne » qui est devenue obsolète, et ne rencontre donc plus les aspirations contemporaines, qui se tournent vers d’autres offres religieuses ou spirituelles.

En effet, comment, avec les progrès de la science, faire croire à des gens « ordinaires » que tout ce qui est écrit dans la Bible est vrai, notamment que le monde a réellement été créé en 7 jours, qu’une femme vierge a réussi à enfanter, que des morts sont revenus à la vie, ou encore qu’un type a réussi à marcher sur la mer, et à transformer l’eau en vin. Ce n’est tout simplement plus « crédible » rationnellement, et l’attachement de certains courants du christianisme à ces vieilles lunes ne fait que discréditer l’ensemble de leur propos.

Si ces récits « parlaient » aux populations des époques où ces textes ont été écrits, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les moeurs ont changé, la science et la connaissance ont énormément progressé, la symbolique a évolué. Or, les textes religieux (du moins la lecture qui en est faite) sont restés bloqués sur certains concepts, appelés dogmes, qui en font aujourd’hui du charabia qui ne fait plus sens, quand on sort de la sphère culturelle chrétienne. Or, il se trouve que depuis une cinquantaine d’années, cette sphère va en se réduisant dramatiquement, avec un arrêt de la transmission de la culture religieuse. On en est au stade irréversible, où des enfants naissent dans des familles dont les parents, voire les grands-parents, n’ont pas eu d’instruction ni de pratique religieuse (autre que sociale).

Pour John Spong, si on veut éviter que le christianisme ne disparaisse, ou ne soit relégué au folklore, il faut absolument trouver des mots qui parlent aux contemporains, pour diffuser le message de la Bible, qui est, selon lui, encore valable et recevable.

Derrière cette première étape de la forme, Spong va plus loin, et ouvre une relecture des textes bibliques assez radicale. Il se demande par exemple, si la vision que l’on a de Dieu (un vieux type à la grande barbe blanche qui trône quelque part au delà des nuages) est réellement pertinente. En effet, alors que le judaïsme est resté fidèle à sa tradition de refus de construire des représentations de Dieu, le christianisme (qui est un spin off du judaïsme) s’est coulé dans le moule religieux de l’époque, en donnant de « Dieu le père » une image qui ressemble un peu aux dieux de l’Olympe, avec une imagerie proche, et des pratiques similaires (des rites, accomplis dans des bâtiments spécifiques, avec un clergé dédié, intermédiaire obligé avec le sacré). Une stratégie payante aux débuts du christianisme, car c’est comme cela que les populations de l’époque se représentaient les dieux et la pratique de la religion. Mais un choix théologiquement contestable, car ce n’est pas la seule lecture possible des textes fondateurs du christianisme.

Il enchaine comme cela une relecture des dogmes chrétiens (largement partagés par les catholiques et les protestants évangéliques). Le questionnement est rafraichissant, car il décentre le regard et amène à se questionner sur des points inattendus. Les démonstrations ne sont pas toutes follement convaincantes, mais il lance ainsi un travail de déconstruction, qui permet d’essayer de retrouver ce qu’est le message originel, en enlevant les surcouches rajoutées au fil du temps. Un travail essentiel si on veut pouvoir à nouveau faire entendre ce message.

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Qu’attendre du conseil constitutionnel ?

Les « Sages » de la rue de Montpensier ont rendu une série de décisions, cet été, sur des lois conséquentes en termes de libertés publiques : Séparatisme, Renseignement, Passe sanitaire… Au final, quelques censures et réserves d’interprétation, mais aucun « Grand Soir », aucune censure totale, avec la tête d’une loi qui roule sous la hache du bourreau. De quoi alimenter la déception de bien des commentateurs, qui n’ont malheureusement trop souvent qu’une vision politique et partielle du rôle du conseil constitutionnel, et ce que l’on peut raisonnablement en attendre.

Pour commencer, il faut faire la part de la communication politique et de la technique. Les Sages ne contrôlent pas une loi en tant qu’objet politico-médiatique, avec tout ce que le débat y a greffé d’enjeux et de symboles. il contrôle la conformité à la Constitution de dispositions juridiques. C’est un travail très technique, qui demande, pour le comprendre et l’analyser, une culture juridique que bien des commentateurs (notamment les journalistes) n’ont pas. Cela crée un premier biais et une attente déçue : Le conseil constitutionnel n’est pas le lieu du match retour d’un combat politique perdu au Parlement.

Le conseil constitutionnel est une institution fragile, qui est devenu, au fil du temps, totalement autre chose que ce qu’il était à l’origine, à texte constitutionnel inchangé. Les pouvoirs qui lui ont été donnés par le constituant de 1958 l’ont été pour un objet limité, à savoir protéger le gouvernement des empiètements du parlement. C’est un rôle qu’il continue à jouer, à coté d’autres fonctions bien plus importantes, pour lesquelles sa légitimité est fragile. N’étant pas mandaté pour être un acteur du jeu politique, le conseil se doit d’être prudent dans ses censures, notamment lorsqu’elles sont sur des sujets très politiques. Cette légitimité bancale lui interdit d’aller trop loin. La solution serait une refonte constitutionnelle, mais c’est ouvrir une boite de pandore, avec au final, un résultat qui pourrait être en deçà de ce qui existe actuellement.

La saisine dite « DC », en sortie d’examen au Parlement, ne permet pas un travail approfondi. Les Sages ont un mois pour se prononcer quand ils sont saisis, ce qui est très court pour analyser en profondeur les implications d’une loi qui n’a pas encore été appliquée (et donc, n’a pas fait l’objet d’études et de commentaires de juristes). Quand en plus, quand il y a un embouteillage comme cet été, de plusieurs lois importantes, le conseil n’a pas les moyens de tout traiter. Depuis l’instauration de la QPC en 2008, le conseil a pris l’habitude de gérer en DC les inconstitutionnalités flagrantes, les vices de procédure, et les articles faisant l’objet d’une saisine explicite par les parlementaires. Le reste est renvoyé aux QPC, où la procédure laisse trois mois aux Sages, avec des plaidoiries et des mémoires d’avocats, et un peu de recul sur les effets réels d’une loi. Sur les lois examinées cet été, notamment pour Séparatisme, Renseignement et Passe sanitaire, il existe de réelles possibilités d’avoir des censures en QPC dès cet automne, sur des sujets très importants. Contrairement à ce qu’écrivent un certain nombre de titres de presse, les Sages n’ont validé qu’une toute petite partie de ces textes.

Le contrôle de constitutionnalité est donc quelque chose de diffus, où les Sages jouent un rôle central, mais où la société civile, par le biais du dépôt de QPC, devient de plus en plus importante. Le gros problème du conseil constitutionnel est qu’il ne peut se prononcer que s’il est saisi. C’est par les QPC que se fait le « vrai » contrôle, celui qui permet de faire respecter effectivement les Libertés publiques. En effet, il y a une marge parfois importante entre le texte d’une loi, et son application. Des textes, en apparence liberticides, ne donnent finalement rien, car leur effet potentiellement nocif est désamorcé par la manière dont l’administration l’applique, dont les juges l’interprètent. Et à l’inverse, des textes parfaitement dans les clous constitutionnels sont détournés, parce qu’utilisés pour une finalité autre que celle pour laquelle ils ont été votés. Et cela, on ne peut pas le savoir avant la promulgation de la loi.

Malheureusement, la culture politique française privilégie les actions spectaculaires (qui ne demandent pas beaucoup de boulot à part s’indigner vertueusement), et les commentateurs ne sont jamais autant heureux que lorsque le sang gicle, dans une dramaturgie simple à comprendre, avec une unité de temps, de lieu, et d’action. Malheureusement, la réalité, ce n’est pas du théâtre. C’est plus prosaïque, plus terre-à-terre, avec des avancées modestes, qui demandent du travail de fond, technique et ingrat. Tout ce que détestent les militants politiques à la française, qui préfèrent faire porter toute la charge du travail sur des institutions qui ne peuvent pas répondre à l’intégralité de la demande, et en les critiquant en 280 caractères quand le résultat n’est pas à la hauteur des attentes.

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Surveillance et Libertés, ne nous trompons pas de combat

L’actualité nous réserve parfois des télescopages fortuits, mais finalement très révélateurs. Le gouvernement français présente ce lundi 19 juillet un projet de loi poussant à l’obligation vaccinale, et un autre portant « diverses mesures de sécurité » rétablissant des dispositions censurées par le conseil constitutionnel pour atteinte aux libertés. Dans le même temps, plusieurs titres de presse, dont Le Monde, révèlent un scandale de surveillance des téléphones portables, rendu possible par une technologie à la portée de nombreuses dictatures.

Pour commencer, aucune des deux annonces n’est réellement une surprise. Les forces de sécurité et les services d’espionnage sont toujours en quête de davantage d’outils, techniques et juridiques, pour faire leur métier. Quand elles les obtiennent, elles s’en servent, peu importe leur légalité. Pas vu, pas pris, et si pris, on verra et on fera valider par une loi, avec aucune condamnation à la clé. Les révélations de Snowden, en 2013, sur l’ampleur de l’espionnage américains, n’ont eu finalement que des répercussions assez faibles au regard de l’ampleur du scandale.

Le fond du problème n’est donc pas l’existence de ces technologies intrusives ou de législations sécuritaires. Quoi qu’il arrive, elles existeront, et dans certains cas, elles sont nécessaires. Le vrai sujet est la capacité des citoyens à fixer les bornes considérées comme acceptables, à vérifier qu’elles ne sont pas franchies, et si elles le sont, à faire en sorte qu’il y ait des sanctions réelles, qui fassent mal, et dissuadent (un peu) les coupables, de récidiver.

Le vrai combat pour les Libertés fondamentales doit porter sur l’institution de contrôleurs bénéficiant de vrais moyens (pas comme aujourd’hui) et de la confiance des citoyens, garantissant que, si des libertés ont été un peu piétinées, c’était vraiment pour « la bonne cause ». Que les téléphones de djihadistes soient écoutés, afin d’éviter un attentat, ça ne choquera personne. En revanche, que des lois prises pour lutter contre le terrorisme servent à empêcher des actions militantes et politiques « normales », cela m’interpelle.

Pour que ce contrôle soit accepté, il faut également que la fixation des limites fasse l’objet d’un véritable débat démocratique, et que les gouvernants écoutent réellement ce qui remonte du pays, y compris quand cela ne correspond pas à leurs positions.

Je suis très favorable à la vaccination contre le covid-19 (et j’ai eu mes deux doses) et je considère que les possibles risques sont négligeables, au regard de la protection que le vaccin m’apporte personnellement, et apporte collectivement, par le biais de l’immunité collective. Mais qu’on trouve 100 000 personnes, un samedi de juillet, pour manifester en France contre l’obligation vaccinale, cela m’interpelle. Même si je suis en désaccord profond avec leur position (et notamment certains de leurs arguments particulièrement indécents), elle ne peut pas, pour autant être mise sous le tapis et ignorée. Le débat politique doit écouter tout le monde (même si c’est pour trancher dans un sens précis, in fine) afin que la décision qui ressorte de ce débat soit la plus acceptable.

Le combat pour les Libertés publiques est donc avant tout un combat citoyen et démocratique, pour fixer les limites, et se doter des outils pour les faire respecter. C’est malheureusement là dessus, tant pour la capacité à débattre qu’à mettre en place des tiers de confiance, qu’on est le plus à la ramasse…

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L’individualisme est la clé de la campagne de 2022

Notre société est marquée par la montée de l’individualisme, qui prend de plus en plus le pas sur le collectif. C’est une clé majeure pour comprendre bien des évolutions sociétales et politiques actuelles, et pour comprendre ce qui pourrait se passer en 2022.

La question n’est pas anodine, car ce sujet du « vivre-ensemble » est majeur, voire fondamental. L’homme est un animal social, donc amené à vivre en société, mais en même temps, la relation à l’autre est tout sauf simple et sereine, que cet autre soit proche (la famille, les voisins…) ou lointain. L’équilibre entre liberté personnelle et contrainte collective est constamment en tension, avec des réponses très diverses au fil du temps. C’est justement cet équilibre qui est en train de bouger à très grande vitesse.

Depuis les années 60, nous vivons une évolution qui pousse toujours plus loin la place de la liberté individuelle face aux contraintes collectives. De plus en plus de gens, notamment chez les jeunes, privilégient leur vie personnelle au détriment de leur appartenance à un collectif. D’où une série de mutations sociales et sociétales assez impressionnantes, notamment par leur rapidité. Comprendre cela est le premier pas pour comprendre la société de demain, vers où elle va, ce qui va se développer ou à l’inverse, va s’éteindre. Il est illusoire de croire qu’il est possible d’aller contre ce mouvement. C’est une lame de fond.

L’individualisme amène à remettre en cause les appartenances collectives « imposées », celles où l’individu n’y trouve aucun intérêt, voire pire, des entraves à sa « liberté ». Cela ne signifie pas une disparition du collectif, car l’homme reste un « animal social », mais juste une réorganisation des fondements, donc, par ricochet, de la gouvernance. Il faut désormais que l’individu soit convaincu que son intérêt (qui peut être très divers) soit de faire partie d’un collectif, exigeant de pouvoir en partir, si cet intérêt diminue ou cesse. Le poids de la prise en compte des intérêts collectifs va en diminuant, et les institutions sont de plus en plus questionnées sur leur utilité, l’argument d’autorité ou « d’évidence » étant de moins en moins audible. Nous sommes de plus en plus dans une société de « passagers clandestins ».

Ce mouvement entraine un changement profond dans la sphère politique. La revendication qui domine n’est plus une transformation idéologique du monde, mais la reconnaissance, pour chaque groupuscule, de sa singularité, et donc de droits supplémentaires (ou de passe-droits) en sa faveur. La notion d’intérêt collectif perd tout sens, surtout si elle heurte une revendication communautaire. C’est comme cela qu’il faut lire la revendication des antivaccins : L’intérêt collectif, à savoir éteindre la pandémie par l’immunité collective, ne pèse pas lourd face à l’atteinte à leurs croyances, que représente l’obligation vaccinale. On pourrait trouver plein d’exemples de ce type. C’est devenu le point structurant du débat public.

Cela s’accompagne d’un refus radical des rapports de domination. Tous les mouvements qui émergent, de #MeToo aux mouvements inclusifs, traduit un refus d’accepter que certaines personnes puissent exercer une domination sur d’autres (à titre individuel ou collectif), et les faire souffrir. L’heure est à l’égalité radicale, où tous, même les plus faibles, ont une égale dignité, et des droits dont ils revendiquent le respect. Cela provoque des chocs violents, car cela remet en cause des hiérarchies, des positions de pouvoir.

L’autorité ne fonctionne plus. Ou alors, il faut qu’elle soit accompagnée de coercition, ce qui la fragilise à terme, au prix d’une efficacité à court terme. Cela touche notamment les autorités politiques, qu’elles soient institutionnelles ou militantes. Si les élus et décideurs sont aussi coupées de la population, et en particulier de la jeunesse, c’est parce qu’ils n’expliquent pas, de cherchent pas à susciter l’adhésion à un projet positif. Car les jeunes sont avides d’agir et de s’investir, mais pas selon les modalités qui leur sont proposées actuellement. Et pas nécessairement pour un projet « collectif » à l’échelle d’un pays. Désormais, ils s’investissent au sein de communauté, plus ou moins réduite, et défendent des projets, qui consistent à avant tout à privilégier des préférences individuelles face à des contraintes imposées par un collectif auquel ils ne se sentent pas appartenir.

L’élection présidentielle de 2022 sera traversée par cette problématique. Les Français ne sont peut-être plus tous en attente de grands projets de transformation idéologique de la société qui embarquent tout le monde. Ils attendent plutôt que l’État, en plus de garantir le modèle social (en clair les aides publiques), fassent en sorte que chaque communauté, voire chaque individu puisse être « reconnu » et « respecté » pour ce qu’il est, et que la « société » lui impose le moins d’obligations et de contraintes possibles.

Sans que l’on n’y prenne garde, la France pourrait devenir le nouveau laboratoire des libertariens, dont l’offre idéologique (sauf pour le modèle social) correspond finalement aux attentes d’une partie grandissante de la société.

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Les revers de la « presse indépendante »

Le journal en ligne Reporterre vient de publier ses résultats, et se félicite d’être « rentable » c’est à dire de couvrir ses coûts grâce aux dons et cotisations de ses membres, et donc d’être enfin « indépendant ».

Dans cette présentation, le fondateur, Hervé Kempf, se pose en alternative face aux « oligarques néo-libéraux » que sont les Bolloré et consorts, se félicitant d’être à l’abri de toute pression d’entreprises ou d’intérêts financiers.

Cette vision est très biaisée, voire fausse, car personne n’est indépendant. En fait, comme Médiapart, Reporterre dépend totalement de ses lecteurs, et doit donc leur donner satisfaction, sous peine de disparaitre. C’est donc tout sauf de l’indépendance, car les lecteurs de ces titres de presse en ligne en attendent surtout un traitement de l’information qui conforte leurs opinions.

Même si ces titres font leur travail « dans les règles de l’art » sur le plan technique, le problème se situe dans le choix des sujets et l’angle de traitement. Cela en fait des journaux militants, qui véhiculent et alimentent une certaine vision du monde (il y a de droite comme de gauche) assez tranchée. Ce n’est pas un hasard si nombre de ces titres « indépendants » de gauche sont écrits en langage dit « inclusif », qui est la marque d’un engagement politique marqué.

En cela, ils ne sont pas des médias « d’information » au sens où je l’entends. Ce que j’attends d’un journal, c’est qu’il me donne, sur le plus de sujets possibles, les faits, et expose les différentes interprétations ou lectures possibles, même si elles sont antagonistes, voire contradictoires. A moi, ensuite, de me faire mon idée.

Cela demande de gros moyens, des effectifs conséquents, et une éthique qui interdit aux journalistes de se faire les porte-paroles et les relais de leurs propres opinions. On me dit que dans des temps anciens, que je n’ai pas connus, Le Monde s’approchait de cette définition. Aujourd’hui, cela semble plus compliqué, le nombre de titres de presse « intellectuellement honnêtes » se réduit considérablement, et si quelques bons articles sont produits, la teneur générale de leur journal leur fait perdre une part de crédibilité.

Si notre société va mal, c’est aussi, en partie, parce que les médias ne font pas correctement leur travail, en ce sens qu’ils répondent (parce que ça les arrangent) à ce qu’ils croient être les attentes de leurs lecteurs.

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Une société qui se dépolitise

Une note de la fondation Jean-Jaurès, cherchant à comprendre le niveau d’abstention aux élections locales de 2021, met le doigt sur un point crucial et extrêmement juste. Notre société vit un repli sur soi des individus, qui de désinvestissent du collectif. Un phénomène qui va bien au delà de la politique.

Ils mettent en lumière ce qu’ils appellent une rupture anthropologique, où une majorité de français se replient désormais vers leur intérieur et se consacrent en priorité à leur bien-être personnel. Les loisirs sont devenus des pratiques individuelles, ou en « cercle familial » comme le visionnage de séries ou la navigation sur internet. Le but de nombre d’activité est d’apporter du bien-être (le sport est désormais vécu comme cela). Dans le même temps, toutes les structures qui créent du collectif s’affaiblissent. Les responsables associatifs sont bien placés pour s’en rendre compte, c’est de plus en plus difficile de trouver des bénévoles qui donnent du temps pour des tâches concrètes, dont ils ne retirent aucun avantage à titre personnel, si ce n’est la satisfaction d’avoir faire avancer une cause qui leur tient à cœur.

La politique est victime à plein de cette évolution. L’électeur est de plus en plus consumériste, refusant les schémas globaux d’explication, et demandant une offre « sur-mesure », correspondant à ses goûts et ses attentes, en refusant de plus en plus les compromis. L’étude fait une comparaison assez pertinente, avec les syndicats de copropriété. De plus en plus, les citoyens se désinvestissent de la gestion au quotidien, et ne se déplacent qu’une fois tous les cinq ans, pour désigner le syndic de la copropriété « France », en lui délégant tous les pouvoirs, et en le virant la fois d’après, car ils n’en sont pas satisfaits.

Ce constat est inquiétant, mais est partiel, car comme toujours, on voit ce qu’on perd, mais on n’est pas en mesure de discerner ce qu’on gagne. La société française ne s’écroule pas, elle évolue. Il faut donc essayer de voir comment il est possible d’inventer de nouvelles formes de faire du collectif, de nouvelles manières de faire participer les citoyens à la gestion du bien commun. C’est là que la comparaison avec la copropriété est pertinente, car même si on ne sent pas en phase avec ses voisins, on est bien obligé de trouver une solution pour réparer la colonne d’eau qui fuit, ou repeindre la cage d’escalier quand elle devient vraiment minable.

Plutôt que de chercher à réparer ce qui est en train de tomber en ruine en cherchant à réanimer des « grands récits fédérateurs », mieux vaut partir, de façon pragmatique, sur la manière dont les gens fonctionnement. Il sera bien temps, plus tard, de conceptualiser tout cela (une maladie bien française, soit dit en passant).

La politique se réinventera par le concret, par l’obligation de trouver des solutions aux problèmes matériels posés par l’obligation de vivre ensemble. Il faut sans doute faire le deuil d’un vivre-ensemble basé sur un « destin commun » ou une communauté de pensée religieuse ou philosophique. Tout cela est moribond et appartient au passé. Certes, il y aura des désaccords, des visions du monde différentes, mais elles ne viendront plus à priori, comme un schéma général s’appliquant à tout.

Cela passe aussi par de nouvelles manières de travailler et « faire de la politique », où les élus actuels sont en fait des gestionnaires, comme les syndics de co-propriété, à qui on demande que le boulot soit fait, que les fuites soient bouchées et que les poubelles soient régulièrement sorties. C’est comme cela que je lis l’effacement des clivages politiques, et le fait que le « en même temps » d’Emmanuel Macron, qui est un non-sens pour les gens politisés, soit passé comme une lettre à la poste chez une majorité de français.

Nous sommes entrés dans une ère finalement très libérale, où l’équilibre entre la sphère privée et la sphère publique est drastiquement revu, au profit de la sphère privée. Il faut en prendre acte, et revoir clairement à la baisse les ambitions pour le « vivre-ensemble » qui devient d’abord et avant tout un moyen pour que chacun puisse vivre comme il l’entend, sans qu’on se tape dessus. Les élus locaux l’ont parfaitement compris, avec une vague sans précédent de désaffiliation lors des dernières municipales. Beaucoup de maires sortants ont fait campagne sur leur nom, leurs projets concrets, en gommant largement leur étiquette partisane.

C’est une évolution qui heurte les « intellectuels » commentateurs habituels de la vie politique, car elle va à rebours de leurs grilles d’analyses. Et surtout, elle va à rebours de leurs intérêts, car ils ne servent plus à grand chose dans une société qui se dépolitise à grand pas, et attend de ses élus, non par des grands soirs, mais une maison propre et bien tenue.

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Regarder l’abîme démocratique qui croit

Les élections régionales et départementales de 2021 ont encore un peu plus creusé le fossé entre la population française et sa classe politique. Le désamour n’a rien de nouveau, il dure même depuis plusieurs décennies, avec des causes connues, des étapes identifiées.

Depuis les années 70 et la crise économique, un choix politique a été fait par les élites urbaines et éduquées de se protéger, en sacrifiant les plus faibles, ceux qui n’avaient pas accès au pouvoir, à savoir les classes populaires. Une décision qui montre une réelle fracture dans la communauté nationale. Cela a donné le choix très français de garder un chômage de longue durée massif, qui a frappé les populations ouvrières, frappées par la désindustrialisation. Dans les années 70, le schéma politique était assez clair, la droite soutenant cette politique, la gauche s’y opposant. En 1981, la gauche est arrivée au pouvoir, et dès 1983, elle s’est ralliée à la politique de la droite. Une première trahison pour les classes populaires. Les succès électoraux de Jean-Marie Le Pen débutent aux Européennes de 1984. Absolument pas un hasard. A l’époque, ce n’est pas tant une adhésion politique, qu’une réaction a ce qui est un abandon en rase campagne, des classes populaires, par leur parti politique.

Les années 80 et 90 ont été ponctuées par des alternances, où finalement, les politiques menées ne changeaient pas beaucoup. C’est une période où aucun gouvernement n’était reconduit, avec parfois des claques mémorables, comme en 1993 pour la gauche. Cela aurait déjà dû alerter sur le désarroi, et le désamour des électeurs pour une classe politique sur laquelle ils n’ont, finalement aucune prise, car quel que soit le résultat, c’est globalement la même politique qui est menée.

La période a été aussi marquée par des coups de poignards dont les électeurs gardent longtemps la mémoire. C’est Jacques Chirac qui fait campagne sur la « fracture sociale » avant de nommer Juppé à Matignon, avec une feuille de route très libérale. C’est ce même Jacques Chirac, qui réélu massivement en 2002, avec des voix de gauche, ne se considère comme absolument pas tenu de « remercier » cet électorat, et commence ainsi à creuser la tombe des « fronts républicains ».

C’est enfin l’escroquerie démocratique du référendum de 2005, où les électeurs français disent très clairement leur rejet de l’ordolibéralisme européen, et se le voient imposer quand même.

Après toutes ces séquences, comment avoir encore confiance, comment continuer à se dire que voter sert à quelque chose ? Je comprend les abstentionnistes.

Ce qui a changé en 2021, c’est le niveau exceptionnel de cette abstention. Certes, il y a une conjonction des astres assez exceptionnelle : une sortie de confinement où les français n’avaient pas la tête à ça et des élections locales qui sont celles qui mobilisent le moins. Il n’empêche qu’un cap est franchi, car le niveau de participation est tellement faible que, par endroit, le résultat de l’élection pouvait réellement être influencé par un groupe militant capable de se mobiliser exceptionnellement. On atteint le niveau où le risque d’insincérité du scrutin est réel, ce qui est dévastateur pour la démocratie. En effet, le but de l’élection est désigner, mais surtout, de légitimer les dirigeants. Si cette dernière fonction n’est plus remplie, cela provoque la paralysie du système décisionnaire.

Le problème est parfaitement identifié, pas besoin de mission d’information parlementaire. Le système démocratique française souffre d’un problème d’offre, à la fois sur les programmes et les idées, où c’est le vide sidéral, que sur le personnel politique, complètement discrédité. Même Marine Le Pen est désormais incluse dans ce rejet, son « recentrage » ayant eu pour effet de lui faire perdre son seul atout, celui d’incarner le point de résistance au « système ».

Le danger est que les français « jettent le bébé avec l’eau du bain » et perdent confiance dans la démocratie représentative. Pour l’instant, c’est une probabilité faible que la France bascule dans un régime autoritaire (du genre l’armée au pouvoir) mais ce n’est plus totalement impossible. Le recul de Marine Le Pen ouvre la porte à une reprise du rôle qu’elle occupe par des personnalités qui ne sont pas le champ politique. L’hypothèse Zemmour me fait rire, car cet individu, qui construit sa carrière et sa notoriété sur des postures provocatrices, n’a pas de relais profonds dans la société. Ce qui m’inquiète davantage, c’est l’armée, les hauts gradés venant de milieux sociaux bien identifiés, disposant de capital symbolique et économique significatifs.

Le fait est de plus en plus évident que l’actuelle classe politique n’a strictement plus rien à proposer. Macron a pu représenter une alternative intéressante (c’est vrai qu’après le fiasco Hollande, ce n’était pas compliqué) mais il a déçu. La gauche, est trop éclatée et sans leader un tantinet rassembleur, et à droite, on a en magasin le bien peu charismatique Xavier Bertrand, qui pour l’instant, est tout sauf disruptif. Je n’attends donc absolument rien des politiques en place, et c’est inquiétant, car il va bien falloir que quelqu’un prenne la place et dirige le pays.

Une phase d’inconnu total s’ouvre devant nous. Nous avons un corps électoral profondément insatisfait de ses dirigeants, qui est de plus en plus disposé à accepter des solutions qui mordent un peu sur le cadre démocratique, pourvu qu’elles appliquent les choix politiques demandés et soient efficaces.

Les Français ne demandent pas que l’on renverse la table, que l’on démolisse le modèle social ou que l’on sorte de l’Europe. Ils sont juste en attente d’une classe dirigeante qui ne se foute pas de leur gueule, qui écoute réellement les messages envoyés, et met en œuvre les orientations politiques demandées (quand bien même elles déplaisent aux élites parisiennes).

Celui qui sera capable de répondre à ce cahier des charges, de manière crédible, tient la clé de l’élection présidentielle de 2022. Sinon, on peut craindre le pire…

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Les évêques creusent la tombe du christianisme

Les évêques américains sont en train de décider de ne pas donner la communion aux personnes qui soutiennent le droit à l’avortement. Personne n’est dupe, c’est Joe Biden, président catholique des États-Unis qui est directement visé.

Cela m’interroge qu’une religion, fondée sur le message « aimez-vous les uns les autres » en vienne à utiliser le chantage à l’accès au sacré, pour contraindre un homme politique à se plier aux positions morales prônées par l’institution religieuse. Un comportement malheureusement pas isolé, mais plutôt assez répandu, dans l’église catholique, mais aussi chez certaines obédiences protestantes (évangéliques notamment). Ces institutions se veulent des prescriptrices de ce qu’il faut penser, de la manière d’organiser sa vie, en utilisant toutes les formes de chantages, à commencer par l’exclusion de la communauté, pour faire plier ceux qui sortent du rang. En plus de trahir le message originel (Jésus a davantage fréquenté les gens « infréquentables » comme les prostituées ou les collecteurs d’impôts, que les puissants), ces institutions le rendent insupportable.

Comment s’étonner que la fréquentation des églises soit en chute libre, que la transmission de la culture religieuse soit en train de s’interrompre en Europe ? En se posant en autorités de pouvoir, qui veulent avant tout encadrer et normer les comportements, les institutions religieuses sont en train de tuer le christianisme. En France, c’est déjà largement fait, le catholicisme étant devenue une sous-culture minoritaire assumée, avec ses codes et son jargon que seuls les initiés peuvent comprendre. Pour beaucoup de français, l’utilité « sociale » du christianisme, pour les mariages et enterrements, est en train de disparaitre. Le clergé se rend bien compte que s’il perd ce rôle dans les « rites de passage », c’en est définitivement fini de sa place dans la société.

Le christianisme est en voie de disparition, car la manière dont il est expliqué et vécu est de plus en plus en déphasage complet avec la société. Ses symboles ne sont plus compris. Les positions morales sur lesquelles se crispent les autorités religieuses, et sur lesquelles elles « crament » leur temps de parole, ne sont plus partagées par l’immense majorité de la population. Le discrédit qui les frappent les rend inaudibles auprès de 80% de la population.

Résultat, quand on demande aux croyants de choisir entre s’aligner sur ce que proclame le clergé, ou partir, ils choisissent la deuxième solution. Depuis les années 60 en France, ce choix est massif, et irréversible. En plus de partir, les parents ne transmettent plus, et très rapidement, c’est tout un pan culturel qui disparait. Il n’y a qu’à écouter les débats sur les religions et la laïcité pour être frappé par le degré d’inculture sur le phénomène religieux, sur la connaissance des symboles, voire tout simplement de l’histoire et de la théologie. Le dialogue n’est même plus possible.

Dans tout cela, c’est l’intransigeance des institutions religieuses, et en premier lieu du catholicisme, qui porte la plus lourde responsabilité. Ils ont vidé les églises, et continuent à la faire, alors même que le point de non-retour est sans doute déjà dépassé.