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Le refus du débat politique par les climatologistes

Le climatologue Jean Jouzel se plaint, dans une interview aux Echos, de l’accueil « glacial » qu’il aurait reçu aux universités d’été du Medef. Il dit en avoir « marre » de « l’inaction des élus ». Il illustre parfaitement l’un des travers des « climatologistes », qui militent pour que la lutte contre le réchauffement climatique soit la priorité absolue, celui du recours systématique à l’argument d’autorité.

Ils expliquent que la science a maintenant parfaitement documenté qu’il existe un phénomène de changement climatique accéléré, causé par l’activité humaine. Les conséquences concrètes sont déjà là, avec une augmentation visible des épisodes climatiques extrêmes. Ils en déduisent qu’au vu des conséquences pour les sociétés humaines, la priorité absolue des politiques publiques doit porter sur le réduction des émissions de carbone, sans discussion possible. Toute objection est disqualifiée d’office.

Le lien entre le constat scientifique, et les décisions politiques à prendre, est présenté comme une évidence mécanique, qui ne doit même pas faire l’objet d’un débat. C’est là que le bât blesse, car les choix politiques doivent toujours faire l’objet de débats, quand bien même leur issue ne fait pas trop de doute, car ils sont importants pour l’acceptation des décisions (et éventuellement des sacrifices afférant). Éluder les débats est une grave erreur, surtout ici, où l’ampleur des changements préconisés par les scientifiques, est énorme, avec un impact très profond sur les modes de vie et les imaginaires individuels et collectifs.

La première question, qui semble un impensé total, est de savoir s’il est effectivement souhaitable de faire un effort, qui pèse sur nous, pour le bénéfice d’autres peuples (car le problème est planétaire). Ce questionnement, très politique, renvoie aux conceptions que l’on a de la solidarité. Il peut se résumer, de manière très brutale : Est-ce que nous sommes prêts à renoncer à notre niveau de vie, à notre puissance économique, pour que des peuples étrangers ne soient pas trop impactés par les catastrophes climatiques ? Quel est notre degré d’égoïsme ? Est-ce que les efforts fournis sont uniquement dus au fait que nous pourrions subir, indirectement, les conséquences des catastrophes touchant d’autres peuples ? Mettre cette question sur la table peut amener à des surprises et des désagréments pour ceux qui misent sur l’humanisme et la solidarité !

A supposer que la solidarité (humaniste et intéressée) soit majoritaire chez nous, le deuxième sujet est celui de la réciprocité. Je veux bien faire des efforts, à condition que le monde entier en fasse autant. Pas question de supporter des sacrifices au delà de ce que je pollue, et de payer pour les autres, qui ne font aucun effort. Or, des pays parmi les plus émetteurs de carbone, ne semblent pas faire beaucoup d’efforts, comme par exemple, la Chine, les USA ou l’Inde. Dans ces pays, le point d’équilibre politique n’est pas le même entre développement économique, confort de la population face aux catastrophes, et solidarité avec le reste de la planète.

Si on poursuit le chemin, une fois qu’on a accepté de faire des efforts et à quel niveau, arrive un troisième débat : qui doit concrètement supporter les efforts ? Quelle clé de répartition ? Il est tout aussi explosif que les autres, car tout le monde se sent légitime à y participer et à regarder l’assiette de son voisin en estimant qu’il est plus préservé, et que c’est donc injuste.

Les oppositions et inerties dont se plaignent les climétologues peuvent venir des différentes échelles, et être des réponses détournées à des questions qui n’ont pas été posées. Ou qui ont été posées de manière à ce que seule la réponse attendue soit possible, ce qui revient au même.

Ce n’est pas du tout un hasard si le climatoscepticisme fleurit à mesure que va sur la droite de l’échiquier politique. Contester la science et ses constats est une manière d’exprimer une position politique de refus de la solidarité avec les peuples étrangers. La position de Trump, qui allie isolationnisme, haine de l’étranger et climatoscepticisme est profondément cohérente. Il dit juste qu’il n’en a rien à faire ce que peuvent subir les autres peuples, et qu’il n’hésitera pas à utiliser la force pour protéger son pays des conséquences potentielles de ce que subissent ces peuples (comme par exemple les réfugiés climatiques). L’extrême-droite européenne ne pense pas autre chose, mais ce serait malséant de le dire comme ça, donc cela passe par des biais.

La résistance des entreprises vient plutôt du deuxième segment. Oui aux efforts, mais qui doivent s’arrêter dès qu’on se tire une balle dans le pied face aux concurrents internationaux. Pour les grands groupes français (Total par exemple), la compétition est mondiale et féroce. Se désavantager en faisant des efforts et sacrifices auxquels ne sont pas soumis leurs concurrents directs, c’est juste du suicide. On perd de la souveraineté, de la richesse et du pouvoir, sans faire avancer en rien la cause climatique.

Les résistances « populaires » peuvent emprunter au premier segment, mais sont également alimentées par la question de la répartition de l’effort. Les « Gilets jaunes », c’est une révolte de classes populaires qui estiment qu’on fait trop porter les efforts sur eux, et pas assez sur d’autres, qui pourtant leur semblent avoir plus de moyens. La France, pays de l’égalitarisme forcené et de la haine du riche, est un terreau particulièrement fertile pour ces débats, parfois très stériles (par exemple l’interdiction des jets privés).

L’erreur fondamentale des « climatologistes » est de considérer que ces débats n’ont pas lieu d’être, ou qu’ils sont tranchés d’office, dans le sens qui leur convient, au regard de l’importance qu’ils accordent à ce problème. Dans une démocratie, où il faut convaincre et trouver des consensus, une telle attitude n’est pas acceptable et ne peut que provoquer des frictions et des oppositions.

41 réponses sur « Le refus du débat politique par les climatologistes »

On oublie une sacré question: est-ce qu’on est prêt à faire des efforts pour ne pas être impacté directement par le dérèglement climatique ? La France sera sûrement moins touché que le Bangladesh mais on sera quand meme impacté durement si on ne fait rien.

Je ne suis pas persuadé que les grands groupes et les politiques aient très envie de faire avancer le sujet.

C’est la question la moins compliquée, qui ne fait pas débat. Les français sont globalement d’accord pour financer les adaptations leur permettant de faire face au réchauffement climatique. Il y va de leur confort personnel ! A défaut de lutter contre le réchauffement global, on fait en sorte de ne pas trop le subir durement, et on a les moyens pour ça (contrairement au Bangladesh).

C’est là que j’ai un doute. On a plus de moyens que le Bangladesh et notre pays ne va pas être en grande partie être immergée par les eaux. Mais a-t-on vraiment les moyens de faire face aux 4 degrés de réchauffement global ? Sachant que c’est du global et que notre pays risque d’être concerné par des hausses de température supérieure.
A t-on les moyens de faire face à la montée des océans sur nos littoraux ? Aux 45 degrés avec des restrictions d’eau ? A faire fonctionner notre economie sous des periodes de plus en plus longue de canicule ? A adapter notre territoire pour que l’on soit le plus possible autosuffisant juste sur la nourriture? Et on parle pas de l’énergie. Les tensions sur les marchés causés par la déstabilisation de territoires entiers auront quelles conséquences sur les prix ?
Avec quel argent la France parviendra-t-elle à financer autant d’adaptation ? Elle en trouve déjà pas pour les hôpitaux, alors que l’on sort d’une crise sanitaire ?
Je pense qu’on a mal expliqué ce qu’il va nous arriver, et que ça fausse les questions et les réponses qui peuvent être apportées aux débats.

La volonté des « climatogistes » de passer en force et par dessus les débats démocratiques les dessert. Leur parole devient moins audible, et leur expertise sur la réalité de ce qui va arriver à la France peut être mise en doute. Il faut bien voir que c’est difficile de prévoir exactement les conséquences, sur la montée des eaux par exemple.

Un grand merci pour cette analyse ! Elle fait du bien, et elle est équilibrée et permet de mettre des mots sur la situation très stressante – dans les médias – que nous vivons actuellement !

Personnellement ma position est la suivante : à l’échelle nationale et européenne, les efforts acceptables si nous sommes les seuls a les consentir ne peuvent pas entraîner de modifications significatives : l’échelon d’action est l’Europe, pour une amélioration locale.
Et pour les financer, il faut instaurer des taxes d’entrée sur le marché européen vis à vis des pays ne remplissant pas les objectifs de la COP 21, sinon on se tire une rafale de mitrailleuse dans les pieds.

Je pense qu’il manque un élément important a votre analyse que je partage par ailleurs: c’est la décéption face aux organisations internationales. L’accord de Paris a été signé il y a 8 ans. Avant on a presque deux decenies de COP. Et depuis Paris, et meme avant en fait, on a des grandes déclations de l ONU, la Banque Mondiale, l’OCDE, G7, etc. toutes les semaines.

Je pense que le climatologue lambda est pas juste contre le debat public, il a simplement cru sur parole les « grands dirigeants internationaux » quand ils ont déclaré 2500 fois au l.ong de l ensemble de la carriere dudit climatologue que là c est bon, on a décidé, et on va y aller à fond.

Même Macron en France en fait il en a fait des déclarations, il a meme fait un comité citoyen sur le sujet avec des grandes promesses. C’est pas juste international en fait.

Donc c’est plus compliqué que « contre le debat public sur la question » en fait. L’analyse plus fine c est qu’il y a un double discours, dont un seul fait vraiment loi, et que le climatologue choisi d’écouter l’autre. Du coup quoi, on taquien le climatologue qui prend au pied de la lettre les accords internationaux et les discours politiques ?

Je dis pas que je suis pas d accord hein, et on retrouve le meme probleme avec les gens qui prennent super au serieux les grands accords sur les droits de l homme par exemple. Mais bon c est un probleme d institutions au moins autant que de gens qui pensent que la science décide.

La gouvernance internationale est effectivement un maillon faible. En même temps, croire dans les grands traités internationaux, c’est faire preuve d’une certaine naïveté, ils sont nécessaires, mais pas suffisants. Chaque pays a son propre équilibre politique, qui priment sur les accords internationaux. Et ce n’est pas le seul sujet sur la table dans les relations internationales.

Le traité de Montréal, grand traité multilatéral, a permis d’éliminer 98% des polluants responsables de la réduction de la couche d’Ozone. Le problème est aujourd’hui considéré comme résolu.
Le réchauffement climatique est sûrement bien plus complexe à considérer dans sa globalité, avec des changements de sociétés vertigineux à envisager (que le problème soit ou non résolu d’ailleurs), mais on peut quand même garder en tête que des avancées ont été possibles dans le passé grâce à des accords multilatéraux. Expliquer l’impasse actuelle en disant « les écologistes ne savent pas débattre » me parait pour le moins léger.

Il faut des accords internationaux, ils sont même la clé. Si les climatologistes et militants de tout poil voulaient être utiles, ils mettraient la pression pour que les accords de Paris soient appliqués partout dans le monde (plutôt que d’aller gloser sur les jets privés de quelques milliardaires et asséner des solutions clivantes à base de décroissance).

Autre débat les solutions à mettre en place :
Pour moi, le nucléaire et les OGM sont des solutions efficaces. Je constate que ces solutions sont rejetées par certains défenseurs de l’environnement. J’ai du mal à accepter les efforts qu’ils me demandent (réduire ma consommation d’avion par exemple), alors que mes solutions préférées sont rejetées.

En fait, la lutte contre le réchauffement climatique n’est pas du tout la priorité des écolos politiques. Leur priorité c’est d’être anti-nucléaire, anti-science (Martine Wonner antivax, par exemple) et anti-capitaliste. Donc toute solution qui ne rentre pas dans ce cadre est mauvaise.
Et comme ils ont réussi à prendre le monopole de ce qui est écolo ou pas auprès des médias (combien de journalistes ou influenceurs type Hugo Clément sont « compagnons de route » EELV?), on n’entend qu’eux. Et les gens arrivent quand même à se rendre compte qu’ils ne proposent rien de positifs (juste interdire) voire que ce qu’ils proposent ne fait qu’empirer les choses (cf la fermeture de Fessenheim)

Refus du débat politique ??
Les défenseurs du climat et les écologistes en général (membres d’ONG, etc) passent le plus clair de leur temps dans tous les espaces de débat public où on les laisse entrer. Contribution aux enquêtes publics, participation aux programmes agri-environnement, PAEC, PENAP, COPIL en tous genres, révisions des PLU et des SCOT, comités de bassin, commissions environnement, urbanisme, transport, commissions carrières, CDCFS, et des myriades encore que j’oublie mais dont le détail se trouve dans les rapports d’activité des associations concernées. Débattre avec la société (élus, entreprises, autres acteurs en tous genres, mais vraiment en tous genres) et arbitrer entre ce que nous pouvons documenter comme bon pour le climat/l’eau/l’air/le sol/la biodiversité et les autres contraintes c’est 70 à 80% de l’activité des ONG environnementales et 100% du travail des techniciens environnement (au sens large) des collectivités locales.
Il faut croire qu’on ne donne pas assez de publicité à ce travail, pour en arriver à ce titre et ce texte.

Ils sont présents dans le débat public, mais pas pour discuter. Ils viennent « faire prendre conscience », « former », bref assener leur position et sommer tout le monde de s’aligner sur leurs préconisations. Et ils s’énervent quand ça ne marche pas. On n’y arrivera pas comme ça, la lutte contre le réchauffement climatique ne relève pas de la vérité révélée.

Je suis désolé, mais ce n’est pas ce qui se passe dans les lieux de débat dont je parlais. On négocie mètre par mètre de haie, arbre par arbre, mètre carré de surface protégé par mètre carré. J’imagine que ça se passe trop loin des yeux des non-participants à ces réunions pour que ça se sache mais ça n’autorise pas à asséner « non, vous ne le faites pas » aux personnes dont c’est le métier. Le moindre compte rendu de réunion serait là pour en témoigner.

Moi, je parle du débat public tel qu’il se déroule dans les médias. Je prend appui sur une interview de Jean Jouzel dans les Echos. Bien entendu, qu’il existe plein d’autres lieux où les choses avancent, et heureusement. Mais il s’agit de discussions techniques, qui ne peuvent donner leur plein effet que si un minimum de consensus politique existe. Le souci est que certains débats politiques, qui doivent avoir lieu pour créer ce consensus, n’ont pas lieu ou sont tronqués. Et les pro-climats portent une part de responsabilité dans ces non-débats politiques.

Votre article s’intitule « le refus du débat politique par les climatologistes », que vous dépeignez ensuite en pleutres doublés de vaniteux qui préfèrent pérorer de loin que d’oser se confronter à la société civile.
Je vous fais remarquer que cette confrontation est le coeur de notre travail, réponse: « me basant sur une interview d’une personne je maintiens que vous refusez ce débat ».
Ce débat on passe notre temps à l’ouvrir, à le lancer, à informer les citoyens pour qu’ils y prennent leur part. « Abanonçacompte pas. » Je comprends que ce soit plus simple…

Le débat public, ce n’est pas dans des réunions, mais dans les médias, que ce soit les plateaux TV, la presse écrite ou en ligne, les réseaux sociaux…

Et là, force est de constater que les écolos politiques ne sont pas vraiment enclins au débat, en prétendant représenter le Bien et la Vérité tout en préférant l’anathème.
Sauf que si on veut vraiment avancer contre le réchauffement climatique, il va falloir convaincre plein d’autres pays, qui en pratique n’ont rien à faire de notre gueule (au contraire, ils auraient plutôt envie soit de rester leader maximus, soit d’en prendre la place).

Bonjour. Permettez-moi de ne pas être d’accord sur votre analyse. Tout d’abord, et pour rappel, cela fait plusieurs dizaines d’années que le GIEC alerte sur le problème, et demande que les politiques s’en emparent. En 2002 (il y a donc 20 ans), Chirac disait « Notre maison brule et nous regardons ailleurs ». Depuis, qu’est-ce qui c’est passé sur le plan des décisions politiques? Rien ou presque. Alors, effectivement quand un climatologue voit que le mur est devenu très proche et que TotalEnergies et le MEDEF lui disent « oui. bon. OK. On en reparle dans 50 ans », Lle climatologue cela l’énerve. Car dans 50 ans, selon ses projections. Nous serons DANS le mur et il sera trop tard pour faire quoi que ce soit.

S’agit-il de solidarité avec d’autres peuples? Cet été nous a prouvé le contraire. La canicule, suivi d’orages dévastateurs, c’est passée en France, pas en Afrique, ou dans les îles du Pacifique. A Grenoble, où j’habite, il faisait 30°C la nuit dans les appartements. Et je ne parle pas d’appartements « de pauvres », mais d’appartements habités par des cadres. A ce rythme, dans 10 ou 20 ans, Grenoble sera devenu totalement inhabitable. et il faudra trouver en urgence le moyen de déplacer 300000 personnes, plus tout le tissu industriel, scientifique et économique de la région. Donc c’est bien maintenant, tout de suite, qu’il faut que les politiques fassent leur travail, et donnent une direction qui permette de créer un semblant d’espoir. Et qui prépare les conditions de l’adaptation qui sera nécessaire, en plus des mesures pour infléchir l’augmentation de la température.

Seulement, avons-nous ne serait-ce qu’un.e seul.e politique prêt.e à proposer un programme cohérent, et qui créera nécessairement des oppositions, tout en sachant que les efforts qu’il/elle impulsera ne seront visibles qu’une fois son mandat terminée? La réponse est bien évidemment négative.

Bonjour
je partage votre analyse et vos réserves à l’égard de la démonstration de l’article.
Cordialement

En même temps, l’alternative à ce qu’ébauchent les climatologues, c’est encore moins de débat. Au rythme effréné ou va l’inaction politique, en France comme en Europe et dans le reste du monde, je ne vois que deux issues : la guerre après une catastrophe climatique d’ampleur planétaire, ou le terrorisme écologique façon Final Fantasy VII.

Les USA et la Chine ne veulent pas coopérer ? Très bien, y’aura toujours des activistes pour vandaliser des infrastructures polluantes, séquestrer des patrons d’entreprises polluantes, ou un Etat pour pratiquer des rétorsions.

Au passage, je trouvais très pertinentes les analyses de certaines figures de la gauche lors du mouvement contre la réforme des retraites qui liaient solidarité écologique et solidarité générationnelle. Parce que c’est aussi ça qui se joue : le présent contre le futur, le confort de maintenant contre les efforts de demain. Certains (vieux) s’en foutent un peu de faire des efforts maintenant pour que le monde de demain (qui s’écrira sans eux) vive mieux ? Pas de souci, les futures générations peuvent arrêter dès aujourd’hui de financer leurs retraites. On va bien se marrer.

Devoir demander des efforts n’est jamais simple. C’est encore moins facile quand tu n’expliques pas qui doit les faire, qui doit porter plus de charge, et pourquoi. Le coeur du sujet est là, et les oppositions sur la base de déni du constat scientifique sont largement l’expression de refus de faire des efforts.

Bonjour

Des débats : n’y en a t-il pas trop eus ? , la preuve on est dans cet échange ? Et en attendant la terre brule toujours…. Comme dit Monsieur Hermann J , il y a ceux qui alertent depuis 30 ans et qui agissent au quotidien de leur travail et de leur temps bénévole à prévenir et construire le solutions et d’autres qui ,soit ignorent, réfutent ou prennent leur plume ou leur clavier et qui ont un mot à dire sur tout et tout le monde ,mais qu’on a jamais le bout du nez sur des chantiers ou actions volontaires de préservation de la nature ou dans une file de donneur de sang…
Grands philosophes des temps modernes, donneurs de leçons depuis leurs claviers mais qui devraient sortir pour connaitre l’engagement des gens de terrain au lieu d’en parler, certes avec un sens prononcé de la sémantique capable de séduire les non informés , mais avec une méconnaissance totale du contexte (j’ose croire) ou alors le font consciemment pour juste alimenter des polémiques stériles et tromper son auditoire. Mais bon, on vous pardonne, Platon le dénonçait déjà il y a 2500 ans, cela s’appelle le sophisme. Allez, j’arrête là, assez de discours, et repars à mes actions de terrain sinon je risque de faire partie de ceux que je cite précédemment. Bien à vous

Votre commentaire illustre parfaitement les actions de disqualification de climatologistes, contre ceux qui ne pensent pas comme eux. Vous êtes sur vos positions et ceux qui ne pensent pas comme vous sont mauvais, sans que vous ne cherchiez à comprendre pourquoi ils ne sont pas sur la même ligne que vous.

Bonjour,

Comme d’autres je ne suis pas d’accord avec votre analyse. Le principal point qui me heurte c’est l’essentialisation des « climatologistes » (je n’avais jamais rencontré ce terme). Je vous lis depuis longtemps, par conséquent je suppose que le cas particulier (interview de Jean Jouzel) vous permet d’illustrer quelque chose de plus général que vous avez constaté.

Cependant, pour suivre plusieurs auteurs du GIEC sur Twitter, je peux vous assurer que la communauté des climatologistes n’est pas monolithique sur ce sujet, et les débats sont vifs entre ceux qui prônent l’action militante radicale et les partisans du dialogue avec les acteurs institutionnels.
Le résultat, c’est qu’il n’y a pas de représentation unique mais des pluralités d’organisations qui vont du GIEC (expression scientifique dans un cadre quasi politique) aux militants radicaux style Extinction Rebellion.

Par ailleurs, comme le rappelle Alain38, le monde politique s’est engagé il y a plus de 20 ans à prendre le problème à bras le corps. Le monde scientifique, via le GIEC, a documenté objectivement les connaissances en matière d’observations, de modélisations, et de solutions d’atténuation ou d’adaptation. Les scientifiques ont fait leur part. Lorsque la société, et en premier lieu les politiques, s’obstinent à rester sur du statu quo (bien aidé en cela par des lobbies industriels qui n’hésitent pas à désinformer), il est inévitable que certains cèdent à l’agacement.

Sur le fond, je dirais que certaines personnes ont deux casquettes : scientifique et « militant », avec des rôles complémentaires et pas toujours distingués : le scientifique doit donner des informations permettant d’éclairer l’action politique, quand le militant cherche à infléchir celle-ci. Pour les scientifiques la frontière est bien souvent floue.

« Le monde scientifique, via le GIEC, a documenté objectivement les connaissances en matière d’observations, de modélisations, et de solutions d’atténuation ou d’adaptation. Les scientifiques ont fait leur part. »
Là dessus, on est d’accord, la documentation est là et incontestable. Là où ça se gâte, c’est qu’un certain nombre de scientifiques et de militants s’appuient sur ces travaux, pour expliquer que leurs solutions sont les seules possibles (avec l’argument d’autorité « c’est la science qui le dit »), et disqualifier les gens qui ne sont pas d’accord avec eux.
C’est comme cela que je lis cette interview « coup de gueule » de Jean Jouzel : il pase le constat scientifique, pour critiquer le medef et les entreprises, qui ne se plient pas à ce qu’il considère comme les mesures devant naturellement découler de ces constats.
Ce que je critique, c’est l’automaticité que certains tentent d’imposer, alors qu’il faut un débat qui explicite qu’il va falloir des efforts, examine où ils doivent être faits, et donc qui doit les supporter (éventuellement avec quel accompagnement et dans quel délai).
En cherchant à zapper ou à tronquer ce débat, ces militants qui s’abritent derrière les travaux scientifiques, font plus reculer qu’avancer la cause qu’ils prétendent défendre.

Pour rebondir, l’automaticité est devenue un mode de gouvernance. Rappelez vous la fameuse règle d’or budgétaire, ou la remise en place des mesures anti-covid sur un seuil de r0, et encore l’interdiction de location d’un appartement sur un seuil de DPE… Il semblerait que cela soit aussi dans l’esprit du temps, et pas du seul fait des climatologistes

On a d’autres problèmes avec la politique, c’est évident ! Depuis longtemps, mais c’est encore plus visible avec Macron, ce sont les technocrates qui dirigent le pays. Les climatologistes prennent effectivement le pli dominant « il n’y a pas le choix ». On ne fait plus de politique au sens noble du terme, et notre démocratie est en train d’en crever.

La règle d’or budgétaire illustre peut-être l’envie d’avoir l’automaticité, mais pas franchement sa réussite (en France en tous cas). C’est justement un exemple où il y a un relatif consensus sur le fait qu’il serait bien de respecter cette règle, et un franc consensus sur le fait que là, maintenant, ce n’est pas possible.

Cher Authueil,

La frustration vient de ce que « la neutralité carbone est un impératif » est aussi vrai que 1+1=2… tant qu’on y est pas, la dérive climatique se poursuit de manière accélérée.

Par ailleurs, le problème étant mondial, nous sommes otages les uns des autres. C’est le pire des dilemmes du prisonnier.

La difficulté me semble être plutôt sur la manière de conduire la transition. Sur ce point, le débat n’est pas aidé par un a priori qui s’installe dans le débat français très insidieusement : l’action climat est un effort à consentir et la croissance une utopie du passé.

La discussion politique est effectivement atomique si nous sommes en face d’une gestion de la pénurie et les apôtres de la décroissance (de Jancovici à Parrique) contribue à rendre le débat impossible en oubliant que la croissance est aussi la clef de voûte de nos institutions sociales (en tout premier lieu les retraites…) – même si, par ailleurs, l’objectif des politiques doit être une augmentation du bien être qui ne se confond pas avec celle du PIB).

Donc une croissance modeste, équilibrée et durable est absolument souhaitable. La bonne nouvelle, c’est qu’elle est aussi possible.

Par ailleurs, la transition est faite de beaucoup de choix sans regrets (no regret choices), pas seulement d’inconvénients majeurs et de frustrations qui se cumulent.

Un lecteur fidèle (et un peu versé dans le sujet)

« Donc une croissance modeste, équilibrée et durable est absolument souhaitable. La bonne nouvelle, c’est qu’elle est aussi possible. »
Je suis très intéressé par cette remarque.
Pouvez-vous fournir des sources ou des références ?

Je viens de relire la BD de Jancovici qui démontre le contraire.
Je serais très intéressé par un contre-avis.
Merci !

La « BD de Jancovici qui démontre le contraire » : c’est bien le sujet, Jancovici a beaucoup de qualité et un talent certain pour la vulgarisation mais, parfois, il y a des choses qu’il ne comprend pas.

Comme le fait que la croissance n’est pas nécessairement une croissance de la production avec un contenu en matière et en énergie fixe. Une économie peut croître en produisant moins de choses et les choses produites peuvent mieux prendre en compte les enjeux de sobriété en matériaux et en énergie.

Je suis bien placé pour connaître les limites des modèles utilisés dans les scénarios climatiques mais la plupart des scénarios « well below to 2C » respectent l’objectif de limitation du changement climatique de l’Accord de Paris sans postuler ni imposer une croissance négative des économies avancées (vous pouvez aller consulter les scénarios référencés dans le cadre du rapport spécial 1,5C du GIEC : https://iiasa.ac.at/models-tools-data/iamc-15degc-scenario-explorer).

Ce n’est pas facile, ça ne se fait pas tout seul mais c’est faisable (et le dernier rapport de synthèse du GIEC le montre clairement).

Par ailleurs, les travaux de la Banque mondiale montrent aussi assez clairement que, pour les économies en développement, il existe un chemin de développement décarboné (https://www.worldbank.org/en/publication/country-climate-development-reports).

Bref, le discours qui oppose le développement, l’économie et le climat est faux : une décroissance n’est pas nécessaire (par ailleurs, elle pose beaucoup d’autres problèmes… à commencer par le sujet politique soulevé par Authueil).

C’est désespérant mais j’ai rarement vu un postulat implicite voire inconscient se généraliser à ce point et aussi vite et conditionner l’action politique à ce point – le plus désespérant étant que ce postulat est simplement faux.

Merci pour cette analyse fine et avec du recul.
Cette notion de passage d’un constat scientifique à des discussions, des compromis, des choix est vraiment très intéressante.

Evidemment, cela est biaisé par la notion de médias qui préfèrent des sujets clivants : comme c’est au niveau des médias que vous situez le « débat public », on ne peut pas avoir cette nuance.

Un point que je trouve important aussi, c’est cette notion « d’efforts » et même « d’efforts individuels » qu’on entend beaucoup chez les écologistes, sans évaluer l’efficacité de ces efforts.
Dit autrement, je pense qu’il est préférable de faire 2 efforts qui ont beaucoup d’effets qu’une multitude d’efforts qui ne rapportent rien écologiquement parlant.
Je vous conseille la lecture de B. Picard (le type qui a fait le tour du monde dans un avion solaire) ou, quand même, de Jancovici (qui est décroissant mais a une notion des ordres de grandeur).

« Est-ce que nous sommes prêts à renoncer à notre niveau de vie, à notre puissance économique, pour que des peuples étrangers ne soient pas trop impactés par les catastrophes climatiques ? Quel est notre degré d’égoïsme ? Est-ce que les efforts fournis sont uniquement dus au fait que nous pourrions subir, indirectement, les conséquences des catastrophes touchant d’autres peuples ? »

À mes yeux, il me semble que le problème est qu’on puisse encore écrire de telles lignes en 2023 en étant persuadés de leur véracité, et qu’on puisse les maintenir en ligne le 9 septembre, cinq jours après la publication de ce billet, alors que circulent sur Twitter les images de la plaine de Thessalie, de l’autre côté du bloc en oméga qui cause le dôme de chaleur actuellement sur la France. En Europe, donc, une plaine est entièrement inondée, avec on ne sait pas combien de morts dessous, le grenier agricole de la Grèce est dévasté, il sera sans doute stérile pendant des années. Certains spécialistes commencent même à évoquer le fait que les parties de la Thessalie où il est tombé en deux jours l’équivalent de trois ans de pluie, ces parties-là deviennent des lacs permanents. C’est arrivé en Grèce, il n’y a aucune raison que cela n’arrive pas en France si nous aussi nous nous trouvons du côté dépressionnaire du bloc en oméga (pour les images, c’est par ici : https://twitter.com/ictinus_x/status/1700424949515624520?fbclid=IwAR2VJhfhT-PrY80PYY9Cav6j18Rh-dmszDWHeE71uMdbUHoXq6q0uTi12aM).

Donc, non, le problème n’est du côté des climatologistes, il est du côté des européens persuadés d’être à l’abri des conséquences les plus dramatiques du réchauffement climatique, et qui crient à qui veut l’entendre que nous sommes à l’abri, alors que l’Europe se réchauffe plus vite que le reste du monde.

La prise de conscience que nous sommes aussi concernés est très récente et pas encore complète. Tant que certains ne sont pas personnellement et fortement concernés, ils continueront à regarder à la télévision des images, sans percuter. Le problème des européens persuadés d’être à l’abri est une réalité. C’est entretenu par le fait que nous avons les moyens d’encaisser et de surmonter, bien plus que d’autres pays. Le problème des climatologistes est de ne pas prendre la mesure de cette résistance, ou de la balayer d’un revers de mains, en disqualifiant et en culpabilisant.

Bonjour,
Les questions introduites me semblent témoigner de la distance au sujet.
Il est erroné de penser que le sujet est de devoir faire un effort pour le bénéfice d’autres peuples : la France sera durement impactée (entre autres) par les calamités agricoles, l’insécurité alimentaire généralisée, l’assèchement du bassin méditerranéen, et les migrations engendrées par les milliards de personnes qui vont se trouver dans des zones inhabitables.
Autre point, il est assez courant mais hypocrite de penser qu’il s’agit de payer pour les autres, qui ne font aucun effort. La responsabilité dans ce dossier est largement celle des pays occidentaux/riches dont la France fait partie. C’est une épineuse question dont l’issue sera d’autant plus simplifiée si on ne se voile pas la face.
Pour en revenir au sujet, je pense que ce qui pousse à l’exaspération les scientifiques, c’est notamment que ceux-ci essayent depuis 30 ans (voire plus) de circonscrire ce sujet majeur et complexe. Majeur, car nos sociétés vont être profondément et durablement transformées, pas forcément en bien. Complexe, car le problème n’appelle pas de réponse simple et univoque. Et face à cela, les dirigeants* ont généralement une attitude peu glorieuse de contestation, de fuite en avant, de contre-feux, de désamorçage de solutions, etc. Ça peut durer un temps et on le comprend, mais au bout de 30 ans (voire plus), ça agace. C’est un peu toujours les même sujets qui reviennent, à tel point que ça a été étudié : https://www.cambridge.org/core/journals/global-sustainability/article/discourses-of-climate-delay/7B11B722E3E3454BB6212378E32985A7 Version caricature ici : https://pbs.twimg.com/media/FN2Rrh_WQAQnk8t?format=jpg&name=4096×4096 (Je passerai sur le fait qu’il y a derrière ces discours pas mal de tentatives de manipulation de l’opinion par des groupes qui tirent partis du dénialisme climatique.)

[*] Les mêmes qui n’hésitent pas à convoquer la légitimité donnée par les peuples à conduire le destin des nations, surtout lorsqu’il s’agit de venir au secours de leurs victoires.

« Autre point, il est assez courant mais hypocrite de penser qu’il s’agit de payer pour les autres, qui ne font aucun effort. La responsabilité dans ce dossier est largement celle des pays occidentaux/riches dont la France fait partie. » Responsabilité actuelle ou passée ? Si elle est passée, il faut aussi convenir que les pays non industrialisés du XIXe siècle ont aussi profité de l’industrialisation française …

Je pense au sabre « restitué » au Sénégal en 2019 par exemple. Fabriqué à Klingenthal (67530), il a été utilisé par El Hadj Oumar Tall dans ses guerres de conquête en Afrique occidentale au milieu du XIXe siècle. Mais c’est un exemple parmi d’autres de produits exportés fruits de l’industrialisation et utilisés dans des endroits qui ne la connaissait pas. Il y en a de plus récents aussi.

Les 2 non ? La France est historiquement le 8eme émetteur de CO2 et elle émet actuellement 1% des émissions mondiales en représentant 0.1% de la population de la planète.
L’industrialisation on l’a pensé surtout pour nous non ?

Quel débat ici ! Qui illustre à merveille votre propos d’ailleurs. Mais j’ai l’impression que vous touchez du doigt quelque chose sans aller au bout : diriger un pays est si complexe que la politique ne suit pas la technocratie. Plus d’écologie = plus de chômage, plus de dette, ce n’est pas intuitif, et ça demande vite de descendre dans la grande complexité du système économique français voire mondial, de parler de chiffres « moyens » qui ne parlent pas du tout : « On peut réduire les émissions de 3% supplémentaires par an en augmentant le chômage de long terme de 0,5pt, vous prenez ? … » Qui sait écouter ça ? Quand on voit le faible % de personnes capables de digérer correctement les scénarios RTE 2050, essayez de multiplier ça par tous les paramètres de la transition… Yakafokonfasplus c’est plus simple.

La vulgarisation scientifique et économique ne commence pas au bon niveau, et le pays manque cruellement de planification qui elle doit être politique. La distance perçue par le public entre la connaissance et la décision est beaucoup trop important, alors que pourtant Macron a fait un choix politique fortement écologique dans la réindustrialisation, mais qui ne se lit pas tel quel parce que les alternatives ne sont pas structurées ni explicitées (pourquoi pas faire plus ? pourquoi pas faire moins ? en quoi la cible choisit est-elle la meilleure et selon quels critères ?). Idem avec l’Europe et le MACF par exemple : c’est très vite très technique, alors que ça répond à un impératif politique et une trajectoire assez clairs.

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