La récente expérience de la Convention citoyenne pour le Climat s’est révélée cruelle pour nos institutions parlementaires. En effet, 150 citoyens « de base » ont réussi, en une poignée de week-end (et beaucoup d’échanges en ligne), à produire une série de propositions constituant un ensemble équilibré, qui tient la route, sur un sujet complexe. Le tout sans effet de manche, consignes de partis ni drama et dans une économie de moyens financiers. Cela n’avait rien d’évident au départ.
Notre démocratie souffre de beaucoup de maux, et notamment du dysfonctionnement de sa démocratie représentative. Le fait qu’ils soient élus, et donc « légitimes » (ce qui se discute de plus en plus) ne doit pas dispenser députés et sénateurs (surtout les députés) de se pencher sur leur manière de travailler, et sur l’efficacité de leur action.
Pour avoir observé de près, depuis 15 ans, la vie parlementaire, je constate que l’Assemblée nationale a un sérieux problème de ce coté. Combien de séances publiques passées à pinailler sur des sujets symboliques, mais non essentiels à la vie de la Nation, à examiner des amendements répétitifs, parfois hors sujet et rédigés avec les pieds ? Le tout en bâclant la deuxième moitié du projet de loi, faute de temps. Quand on regarde les comptes rendus de la séance publique sur la dernière années, on est frappé par le temps passé sur des sujets qui ne sont pas du niveau d’un Parlement. L’apprentissage des gestes qui sauvent, c’est une très bonne chose, mais un texte législatif est-il nécessaire ?
Les séances de questions au gouvernement sont pathétiques. La majorité qui tend la perche au gouvernement, avec une question ciselée en fonction de la réponse que le ministre souhaite donner. C’est parfois tellement dégoulinant de flagornerie que j’en ai honte pour le député qui s’exprime. De l’autre coté, l’opposition ne cherche qu’à déstabiliser le gouvernement, chahutant dans une ambiance de cour de récréation qui insupporte de plus en plus les citoyens. Tout cela est puéril et indigne d’une « grande démocratie ».
Pareil pour les auditions en commission, en particulier de ministres, où chacun arrive avec sa petite question, la même que les cinq collègues précédents. Aucune coordination ou presque, avec des sujets majeurs laissés de coté, et un temps infini passé sur la question (parfois anecdotique) qui agite les médias à ce moment là. Derrière, le ministre se balade, car jamais, il n’est relancé et renvoyé aux insuffisances de ses réponses. On pleure, quand on regarde une audition devant le Sénat américain.
La situation a empiré depuis 2017, car au moins, avant, on avait dans l’hémicycle des parlementaires d’expérience, qui savaient construire des rapports de force avec l’exécutif, et détecter quand on cherchait à les enfumer. Ils ont été remplacés par des novices, qui n’ont pas pris la mesure de ce qu’est être législateur, et des consultants, qui produisent des rapports, parfois intéressants, mais qui ne débouchent politiquement sur rien du tout, sauf si le gouvernement donne sa bénédiction.
Les députés de la majorité sont sous la dépendance du gouvernement, incapables d’organiser des débats internes, et donc de jouer un rôle de contre-pouvoir, ou au moins de modération de l’exécutif. L’opposition n’est pas en reste, et se lance dans des concours de propositions de lois toutes plus anecdotiques et ridicules les unes que les autres.
Le nombre de députés qui ont quitté l’Assemblée, en 2020, pour devenir ou redevenir maires, parfois de communes modestes, est un signal qui devrait alarmer. Pour beaucoup d’entre eux, c’est un repentir de leur choix de 2017, où ils avaient lâché leur mairie pour rester parlementaires.
Nous n’allons pas pouvoir continuer longtemps comme ça, sous peine de voir disparaitre le Parlement, les citoyens considérant que les députés ne servent à rien. Nous ne sommes plus très loin du moment où ce constat s’imposera avec évidence, y compris à ceux qui connaissent bien la mécanique parlementaire.