Nous vivons dans un monde de plus en plus inquiétant, avec le retour d’une instabilité forte, génératrice de chocs externes. Sur le temps long de l’histoire, c’est une situation plutôt normale, mais dans le temps court de notre occident post-seconde guerre mondiale, c’est un peu déstabilisant de penser que notre quotidien puisse être lourdement impacté par un évènement, imprévu, ou sur lequel nous n’avons aucune prise.
La pandémie de Covid a été un premier avertissement, sur la capacité perturbatrice d’un évènement à dérégler notre économie et notre vie sociale. Nous avons finalement pu encaisser le choc, notre résilience étant forte. Le problème pourrait devenir autre si les chocs venaient à s’enchainer, ou à frapper sur nos faiblesses, questionnant sérieusement nos capacités de résistance.
A ce jour, des menaces, pour l’instant non réalisées, peuvent survenir plus ou moins vite, et constituer de nouveaux chocs déstabilisants. Je pense notamment à la menace d’invasion militaire russe en Ukraine, dont les conséquences peuvent être délicates à gérer. Nous sommes en plein hiver, et si le gouvernement russe décide de couper les approvisionnements en gaz de l’Europe, nous serions face à une sérieuse crise énergétique. Dans le même ordre d’idée, si la tension continue à monter entre la Chine et Taïwan, au point d’interrompre le commerce international dans cette zone, nous pourrions connaitre une pénurie critique de semi conducteurs (l’usine située à Taïwan fournit une part substantielle de la production mondiale). Le choc peut aussi être climatique, un tsunami dévastant cette usine produirait les mêmes effets.
Nos sociétés occidentales devraient davantage intégrer ces aléas, qui vont se multiplier avec le dérèglement climatique, dans leur réflexion autour de leur organisation. Y compris sur le quotidien. Le premier confinement a été un révélateur que, du jour au lendemain, on peut se retrouver bloqué chez soi. Si demain, ou la semaine prochaine, nous nous retrouvions avec un black-out énergétique, avec de l’électricité seulement 12 heures par jour, et/ou plus de gaz ?
Le problème est que si notre société est encore solide, elle m’apparait moins résiliente qu’on ne pourrait le penser. On commence seulement à voir les conséquences psychologiques et les séquelles, de long terme, des confinements et restrictions sociales. Nous avons réussi à passer ce cap, économiquement, au prix d’un endettement qui nous met à la merci d’une remontée des taux d’intérêts qui pointe le bout de son nez.
Il faut absolument que la réflexion publique, politique et au-delà, retrouve un regard prospectif, avec l’élaboration de scénarios permettant de dérouler les conséquences (économiques, sociales, politiques…) d’un choc externe. Je pressens que nous entrons dans une période où les décisions politiques se feront beaucoup plus en fonction des réponses à apporter à des chocs, qu’en fonction de projets de société construits sur des souhaits ou des désirs de la population.
Il faut se garder de penser que nous serons toujours résilients. Beaucoup de sociétés qui se pensaient solides (et l’étaient) se sont effondrées du fait d’un choc externe auquel elles n’ont pas su répondre.