« Le rétablissement de l’ISF ne pose pas de problème économique, mais soulève un enjeu moral : on n’est jamais superriche ou à la tête d’une grande fortune de manière tout à fait innocente. Il faut le dire : la classe des superriches est un problème politique et social ».
Hadrien Clouet, député LFI, 17 octobre 2022
De temps à autre, il est intéressant de suivre les débats parlementaires. On y entend des prises de position politiques qui permettent de savoir où on se situe. Cette tirade d’un député LFI m’a littéralement hérissé le poil et m’a fait sentir combien je ne suis pas de gauche (ce qui ne surprendra pas mes lecteurs habituels). Il y a trois obstacles majeurs à ce que je puisse me dire « de gauche », que l’on retrouve dans cette tirade du député Clouet.
Le premier est la prégnance du marxisme, qui analyse la société sous l’angle de « classes sociales » et de luttes. Si la pensée de Marx est intéressante, elle est datée, et ses suiveurs en ont tiré beaucoup de délires, surtout quand il s’est agit de chercher à mettre en œuvre concrètement leurs théories fumeuses. J’ai du mal à comprendre qu’on puisse continuer à s’en réclamer.
Sur le fond, cette manière caricaturale et simplificatrice de penser et de voir la société me dérange. L’économique est certes une clé de lecture pertinente, mais c’est loin d’être la seule, et s’en tenir uniquement à elle entraine des erreurs majeures d’analyse. L’autre problème est cette mise en avant de la violence et des antagonismes. Il en ressort une culture politique qui monte les uns contre les autres, qui favorise le négatif par rapport au constructif.
Le deuxième point qui me choque est la course à la posture morale. La gauche est spécialiste de la posture, du happening où il faut rendre visible un « engagement », de préférence par une démonstration médiatique. Dans les cas les plus gentillets, c’est une photo de groupe, sur les marches d’un perron, avec chacun qui porte un petit carton de soutien « à la bonne cause ». Au pire, ça tourne au vandalisme, comme par exemple lancer de la soupe sur des œuvres d’art. C’est une culture politique qui se veut « morale » où il faut se poser en « plus-vertueux-que-moi-tu-meurs » et donc pointer des ennemis symbolisant le mal. L’important est de toujours être dans le camp des « gentils » contre des « méchants ». D’où une course effrénée vers le sociétal, où tout est prétexte à dénonciation d’un truc-phobie, au détriment du réel, car bien souvent les « causes » défendues sont en partie idéalisées (en occultant ses cotés sombres), et instrumentalisées, pour répondre au besoin de narcissisme militant.
Cela tourne souvent rapidement (c’est le troisième point) à la dissonance cognitive, quand les pratiques réelles vont à rebours de la vertu affichée. Se dire attaché à l’égalité, au féminisme, écrire en écriture inclusive, et, en même temps, gifler son épouse. Et ce n’est qu’un exemple parmi tellement d’autres. J’ai toujours trouvé très drôle d’entendre les mouvances d’extrême gauche se dire « démocratiques », prôner l’inclusivité et la communication non-violente. Pour ne surtout pas les pratiquer, ou uniquement avec ceux qui pensent comme eux (et encore…). Ce n’est pas comme cela qu’on peut donner confiance dans la classe politique.
On ne peut pas construire un projet pour la « res respublica » sur de telles bases. On ne peut pas prétendre diriger un pays en montant les uns contre les autres, en attisant les fractures, pour, en fait, servir son propre ego et faire finalement pire que les autres forces politiques que l’on prétendait dépasser et mettre aux « poubelles de l’histoire ».