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Le RN a une conception archaïque de l’exercice du pouvoir

Un article de Libération, sur le maire RN de Beaucaire, Julien Sanchez, offre un éclairage sur la culture de gouvernement de ce parti, d’un archaïsme frappant, survivance d’une conception dépassée de l’exercice du pouvoir.

Dans cette culture politique archaïque, le poste de pouvoir est la quasi-propriété de celui qui l’occupe, comme le fief était la propriété du seigneur médiéval. De ce fait, il arrive parfois qu’il se transmette de manière héréditaire, au même titre que les biens immobiliers. Le RN est en fait une PME familiale. L’actuel maire zemmouriste d’Orange, Yann Bompard, est le fils de Jacques, ancien du FN qui a pris la mairie en 1995.

Il en découle une absence de démocratie interne, puisque la légitimité politique (en interne) ne vient pas de l’élection, mais de l’hérédité, ou de la conquête. Le RN en est l’exemple, avec Marine Le Pen qui a succédé à son père (un peu récalcitrant à quitter la scène) et dont les successeurs potentiels cités ont été sa nièce, Marion Maréchal, et maintenant son neveu par alliance, Jordan Bardella. L’empreinte est tellement forte que personne n’envisage sérieusement que le prochain dirigeant du RN ne fasse pas partie du clan familial.

Cela se traduit par un exercice solitaire du pouvoir, où tout repose sur le chef. S’il est techniquement bon, et/ou sait déléguer à des gens compétents, la boutique peut fonctionner tant bien que mal. Mais c’est rarement génial, et c’est souvent une gabegie. J’ai rarement vu un rapport élogieux d’une chambre régionale des comptes sur une municipalité RN

Bien souvent, c’est davantage la servilité et la fidélité que la compétence, qui sont les qualités requises pour intégrer l’entourage du chef et s’y maintenir, si vous n’êtes pas de la famille. Toute tentative de s’autonomiser, voire parfois, de simplement se montrer meilleur que le chef, se termine par l’éviction. Là encore, le FN, devenu RN, est un cas d’école.

Très naturellement, ce mode de fonctionnement se traduit par du copinage et du clientélisme généralisé, où le chef achète les fidélités par des postes et prébendes (des emplois fictifs par exemple). Même si beaucoup de partis pratiquent cela, le RN le fait à une échelle industrielle, inégalée ailleurs sur l’échiquier politique. Ce qui soude le collectif est autant l’idéologie que la soupière bien remplie, dont le chef est seul à tenir la louche. Là encore, le RN, en tant que parti, mais aussi les collectivités qu’il gère, sont des cas d’école.

Une telle manière de concevoir l’exercice du pouvoir est aujourd’hui complètement dépassée dans les pays occidentaux, d’où la difficulté de certains observateurs à analyser ce qui se passe au RN. Mais elle existe dans beaucoup d’endroits dans le monde et montre très régulièrement ses limites en termes d’efficacité. Sans parler de l’Afrique, plus près de nous, c’est par exemple le cas de la Russie. Poutine a également cette conception du pouvoir, qui a montré ses limites avec la guerre en Ukraine, où malgré une disproportion énorme de moyens, la Russie ne sera pas en mesure de gagner. Cela peut également expliquer les affinités, très perceptibles, entre Poutine et le RN.

Le combat contre le RN, c’est aussi un combat contre cette conception archaïque du pouvoir, qui s’accorde assez mal avec les attentes de la démocratie libérale et la recherche de la meilleure efficacité dans la gestion de de la chose publique.

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Le refus du débat politique par les climatologistes

Le climatologue Jean Jouzel se plaint, dans une interview aux Echos, de l’accueil « glacial » qu’il aurait reçu aux universités d’été du Medef. Il dit en avoir « marre » de « l’inaction des élus ». Il illustre parfaitement l’un des travers des « climatologistes », qui militent pour que la lutte contre le réchauffement climatique soit la priorité absolue, celui du recours systématique à l’argument d’autorité.

Ils expliquent que la science a maintenant parfaitement documenté qu’il existe un phénomène de changement climatique accéléré, causé par l’activité humaine. Les conséquences concrètes sont déjà là, avec une augmentation visible des épisodes climatiques extrêmes. Ils en déduisent qu’au vu des conséquences pour les sociétés humaines, la priorité absolue des politiques publiques doit porter sur le réduction des émissions de carbone, sans discussion possible. Toute objection est disqualifiée d’office.

Le lien entre le constat scientifique, et les décisions politiques à prendre, est présenté comme une évidence mécanique, qui ne doit même pas faire l’objet d’un débat. C’est là que le bât blesse, car les choix politiques doivent toujours faire l’objet de débats, quand bien même leur issue ne fait pas trop de doute, car ils sont importants pour l’acceptation des décisions (et éventuellement des sacrifices afférant). Éluder les débats est une grave erreur, surtout ici, où l’ampleur des changements préconisés par les scientifiques, est énorme, avec un impact très profond sur les modes de vie et les imaginaires individuels et collectifs.

La première question, qui semble un impensé total, est de savoir s’il est effectivement souhaitable de faire un effort, qui pèse sur nous, pour le bénéfice d’autres peuples (car le problème est planétaire). Ce questionnement, très politique, renvoie aux conceptions que l’on a de la solidarité. Il peut se résumer, de manière très brutale : Est-ce que nous sommes prêts à renoncer à notre niveau de vie, à notre puissance économique, pour que des peuples étrangers ne soient pas trop impactés par les catastrophes climatiques ? Quel est notre degré d’égoïsme ? Est-ce que les efforts fournis sont uniquement dus au fait que nous pourrions subir, indirectement, les conséquences des catastrophes touchant d’autres peuples ? Mettre cette question sur la table peut amener à des surprises et des désagréments pour ceux qui misent sur l’humanisme et la solidarité !

A supposer que la solidarité (humaniste et intéressée) soit majoritaire chez nous, le deuxième sujet est celui de la réciprocité. Je veux bien faire des efforts, à condition que le monde entier en fasse autant. Pas question de supporter des sacrifices au delà de ce que je pollue, et de payer pour les autres, qui ne font aucun effort. Or, des pays parmi les plus émetteurs de carbone, ne semblent pas faire beaucoup d’efforts, comme par exemple, la Chine, les USA ou l’Inde. Dans ces pays, le point d’équilibre politique n’est pas le même entre développement économique, confort de la population face aux catastrophes, et solidarité avec le reste de la planète.

Si on poursuit le chemin, une fois qu’on a accepté de faire des efforts et à quel niveau, arrive un troisième débat : qui doit concrètement supporter les efforts ? Quelle clé de répartition ? Il est tout aussi explosif que les autres, car tout le monde se sent légitime à y participer et à regarder l’assiette de son voisin en estimant qu’il est plus préservé, et que c’est donc injuste.

Les oppositions et inerties dont se plaignent les climétologues peuvent venir des différentes échelles, et être des réponses détournées à des questions qui n’ont pas été posées. Ou qui ont été posées de manière à ce que seule la réponse attendue soit possible, ce qui revient au même.

Ce n’est pas du tout un hasard si le climatoscepticisme fleurit à mesure que va sur la droite de l’échiquier politique. Contester la science et ses constats est une manière d’exprimer une position politique de refus de la solidarité avec les peuples étrangers. La position de Trump, qui allie isolationnisme, haine de l’étranger et climatoscepticisme est profondément cohérente. Il dit juste qu’il n’en a rien à faire ce que peuvent subir les autres peuples, et qu’il n’hésitera pas à utiliser la force pour protéger son pays des conséquences potentielles de ce que subissent ces peuples (comme par exemple les réfugiés climatiques). L’extrême-droite européenne ne pense pas autre chose, mais ce serait malséant de le dire comme ça, donc cela passe par des biais.

La résistance des entreprises vient plutôt du deuxième segment. Oui aux efforts, mais qui doivent s’arrêter dès qu’on se tire une balle dans le pied face aux concurrents internationaux. Pour les grands groupes français (Total par exemple), la compétition est mondiale et féroce. Se désavantager en faisant des efforts et sacrifices auxquels ne sont pas soumis leurs concurrents directs, c’est juste du suicide. On perd de la souveraineté, de la richesse et du pouvoir, sans faire avancer en rien la cause climatique.

Les résistances « populaires » peuvent emprunter au premier segment, mais sont également alimentées par la question de la répartition de l’effort. Les « Gilets jaunes », c’est une révolte de classes populaires qui estiment qu’on fait trop porter les efforts sur eux, et pas assez sur d’autres, qui pourtant leur semblent avoir plus de moyens. La France, pays de l’égalitarisme forcené et de la haine du riche, est un terreau particulièrement fertile pour ces débats, parfois très stériles (par exemple l’interdiction des jets privés).

L’erreur fondamentale des « climatologistes » est de considérer que ces débats n’ont pas lieu d’être, ou qu’ils sont tranchés d’office, dans le sens qui leur convient, au regard de l’importance qu’ils accordent à ce problème. Dans une démocratie, où il faut convaincre et trouver des consensus, une telle attitude n’est pas acceptable et ne peut que provoquer des frictions et des oppositions.

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La machine tourne à vide

La rentrée politique est toujours l’occasion d’annonces et de lancement d’initiatives politiques. Cette rentrée 2023 reste dans la tradition, mais illustre aussi de manière dramatique le vide politique qui règne désormais en France avec les « rencontres de Saint-Denis ».

L’opération a été teasée très tôt, avec l’annonce, avant même le départ en vacances, qu’une « grande initiative politique » serait prise à la rentrée. Au final, on apprend qu’il s’agit d’une réunion d’une quinzaine de personnes, issues des appareils politiques, dont le lieu semble avoir été fixé à la dernière minute, sans programme ou ordre du jour défini. Le tout baptisé, avant même qu’elles se tiennent, et qu’on sache s’il en sortira quelque chose, d’un nom pompeux, destiné à faire croire qu’il s’agit d’un évènement historique.

Après un an de lancement d’organismes de concertation, eux aussi baptisés de noms pompeux singeant des références historiques (les fameux CNR), la ficelle commence à être plus qu’usée. Il n’est, pour l’instant, strictement rien sorti de ces CNR, et le conseiller chargé de les suivre depuis l’Elysée vient de partir.

Cette initiative, c’est un coup tactique de plus d’un président minoritaire, pour essayer de passer des deals avec ses oppositions, afin de faire passer des réformes dont il espère être crédité dans le futur. Une possibilité que les oppositions ne lui donneront pas. Entre semi-boycott ou fausse main tendue, tout cela risque de finir en eau de boudin, malgré la belle carotte du référendum, agitée par Emmanuel Macron.

Parler de l’outil, avant même de savoir la question que l’on souhaite poser, c’est faire les choses à l’envers, mais c’est tellement emblématique de la manière de faire de la politique dans ce deuxième quinquennat Macron. Choisir de rester dans l’entre-soi des appareils politiques, structures sclérosées qui ne représentent que très peu de monde, est une preuve de plus qu’on est dans la tambouille politicienne, et pas dans une proposition d’envergure. Les pistes qui en sortent sont techniques et d’une ambition modeste : l’ouverture de négociations de branche, une réflexion sur le champ du référendum. Le fait qu’une nouvelle réunion, sur le même format, a été acceptée, est présentée comme une grande victoire.

Le principal enseignement est qu’un an après sa réélection, Emmanuel Macron n’est toujours pas capable de construire un projet politique et un récit qui fasse envie et puisse servir de point de ralliement. Il se montre, de plus en plus, pour ce qu’il est réellement, à savoir un technocrate (certes techniquement brillant) qui n’a pas compris qu’être président, ce n’est pas trancher des détails, mais d’être un moteur politique qui désigne un horizon à atteindre.

Faute de jouer son rôle, il s’est retrouvé avec une majorité relative, et une gestion du pays à la petite semaine, avec des manœuvres tactiques, par un gouvernement qui gère des politiques publiques mais qui fait tellement peu de politique.

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Le JDD va disparaitre, faut-il le regretter ?

Le Journal du Dimanche, en passage d’être racheté par Bolloré (officiellement encore sous le contrôle de Lagardère) entame sa sixième semaine de grève. Comme Itélé et Europe 1 avant eux, les journalistes en place ont lancé une grève. Ils entendent marquer leur refus de changement de la ligne éditoriale, incarnée par l’arrivée à la tête de la rédaction du journaliste d’extrême-droite Geoffroy Lejeune.

Comme pour Itélé et Europe 1, cette grève se terminera par l’ouverture d’une clause de cession, permettant aux journalistes qui le souhaitent (une grande majorité) de partir avec un chèque plus ou moins généreux, avant de laisser la place à la nouvelle équipe. Bolloré a déjà budgété le coût de ce plan social, et n’aura pas de mal à recruter, vu la situation de l’emploi dans le journalisme. Cela fera un journal conservateur de plus.

Et cela fera un journal connivent de moins. On a tendance à l’occulter, mais le JDD était quand même jusqu’ici (avec Paris-Match) le titre de presse le plus poreux à la communication cousue de fil blanc, avec des scoops frelatés mémorables, comme, la tentative de blanchiment de Jérôme Cahuzac. Le JDD était la honte du journalisme d’investigation, le double inversé de Médiapart. Quand le gouvernement ou un puissant de ce monde voulait faire sortir une information qui l’arrangeait au moment où cela l’arrangeait, le JDD répondait toujours présent. Il n’y a qu’à voir le nombre d’interview de ministres, ou de « confidentiel » qui venaient tout droit d’un service communication d’un élu ou d’une entreprise. Qu »un tel journal disparaisse ne me fait pas spécialement pleurer.

C’est d’autant moins dommageable que la liberté de la presse existe toujours en France, et qu’il suffit d’un peu d’argent, d’un dirigeant qui tient la route, pour créer un nouveau titre de presse. Médiapart en est l’exemple. Chacun est libre de s’informer où il le souhaite, et de boycotter les titres et médias qui ne lui conviennent pas. On ne peut pas reprocher à Bolloré d’avancer masqué.

Tout ceux qui pleurent sur le risque d’une presse monolithique, au service des intérêts du grand capital ou aux ordres d’un tycoon ultra-conservateur, n’ont qu’à investir. Les journalistes talentueux sont nombreux sur le marché, il n’y aura aucune difficulté à recruter. Le coût de lancement d’un site en ligne (lancer un journal papier est « has been ») n’est pas si énorme, le ticket d’entrée est accessible à un riche mécène souhaitant muscler la presse « non conservatrice ». Il y a même la possibilité de racheter des titres de presse déjà existants, il y en a sur le marché et cela coûte encore moins cher !

Malheureusement, une fois de plus, on ne fera que verser des larmes de crocodiles sur le JDD « ancienne formule » et sur ses journalistes qui vont se retrouver sur le carreau. Rien ne changera, et on s’y habituera, comme on s’est habitué à CNews et Europe 1 « nouvelle formule ». Ce n’est finalement que le symptôme d’un mouvement de fond, celui de la progression des populistes conservateurs dans l’opinion. Le vrai problème est là.

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Faut-il recaser aussi vite les ministres virés ?

Il a fallu moins d’une semaine pour que Pap Ndiaye, qui a quitté (apparemment contre son gré) le ministère de l’éducation nationale, soit recasé. Il vient d’être nommé ambassadeur de la France auprès du conseil de l’Europe à Strasbourg.

La question ici n’est pas tellement les capacités de Monsieur Ndiaye à occuper ce poste. Je n’ai pas les éléments pour juger, et on peut penser, vu sa carrière et son passé académique, qu’il n’est pas totalement incompétent, ni ignorant des questions relatives aux droits humains. En droit administratif, on dirait qu’il n’y a pas « erreur manifeste d’appréciation ». De là à dire qu’il est parfaitement calibré pour le poste…

Le vrai sujet politique, c’est la rapidité du recasage, et l’absence de réçit autour de cette nomination, qui me fait tiquer. En cette période de défiance généralisée envers la classe politique, c’est au mieux imprudent, au pire, une erreur politique. L’image, déjà ancienne, de collusion généralisée et d’entre-soi des élites, est en plein boom, faut-il lui donner une nouvelle incarnation, qui ne manquera pas de ravir les milieux complotistes et populistes ? On voudrait le faire, on ne ferait pas mieux !

La question pourrait même être élargie : faut-il recaser les anciens ministres ? Il y a quelques années, j’aurais répondu « oui » sans trop d’hésitation. Pourquoi refuser de puiser dans un vivier de personnes compétentes, formées, disponibles pour le service de l’Etat ? Un ancien ministre des Finances (ou un ancien parlementaire) aurait des choses à apporter à la Cour des Comptes ou à une inspection générale de ministère. Un ancien ministre, a souvent une expérience de haut niveau de l’exercice du pouvoir (par exemple de l’échelon européen) qui peut être mise à profit de l’intérêt général.

Aujourd’hui, je suis plus dubitatif, ou je serais plus prudent. Il est toujours utile de recycler des personnalités compétentes qui peuvent encore servir, mais cela ne peut plus se faire dans la tranquillité des antichambres ministérielles et l’ambiance feutrée du conseil des ministres. Il faut expliquer et justifier. Ce n’est plus possible autrement, et même en expliquant, ce n’est pas certain que ça passe. Le discrétionnaire (réel ou perçu) n’est plus acceptable pour les nominations.

Le pouvoir macronien est passé d’une promesse de rupture, à une continuité dans les pratiques qu’il contestaient avant de prendre le pouvoir. C’est désastreux pour la crédibilité, de ce gouvernement, mais également (et c’est plus grave) des institutions. Le pire, c’est que ce n’est pas le premier loupé de Macron sur ce sujet.

Pap Ndiaye est peut-être un bon choix pour le poste d’ambassadeur de la France auprès du conseil de l’Europe. Mais cela ne va pas de soi, demande un peu d’explications, et surtout, de respecter un délai de décence.

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Un simple ajustement gouvernemental

Emmanuel Macron vient procéder à un micro-changement dans son gouvernement. Difficile d’appeler cela un remaniement : pas de message politique indiquant un changement de cap, des remplacements « poste pour poste » sans redécoupage des périmètres, départs des ministres les plus faibles, arrivée de gens du sérail. Cela donne l’impression qu’Emmanuel Macron a juste envoyé sa voiture au garage pour la révision annuelle, avec le changement de quelques pièces fragiles dans le moteur. Mais pas plus. Ce gouvernement reste une voiture d’occasion rafistolée. Pas plus.

Politiquement, c’est dévastateur, car cela traduit ostensiblement un rabougrissement supplémentaire du périmètre du gouvernement et de la majorité. Aucun nouvel entrant « prise de guerre », des membres de la société civile qui sortent, remplacés par des très proches ou des élus fidèles, une communication pathétique. Le sentiment de « citadelle assiégée » se renforce, et c’est dramatique.

Sans boussole politique, sans récit donnant du sens, sans alliés, ce gouvernement est en train d’achever de s’enfermer dans sa tour d’ivoire, et de s’anémier. Alors que Macron nous a promis un bilan après 100 jours de relance, on se rend compte qu’il n’est pas capable de donner autre chose que du « business as usual » en moins bien, alors même que ce qui existait n’était déjà pas terrible.

Encore un ou deux épisodes comme celui-ci, et même au coeur de la macronie, on va commencer à se poser des questions, et à se dire que la salut peut se trouver ailleurs.

Emmanuel Macron a encore une cartouche, celle du prochain remaniement (le vrai) pour prouver qu’il n’est pas hors jeu. S’il rate cet épisode, ce sera le début de la fin au sein même de sa majorité. Si le doute s’installe que le chef est déconnecté du terrain, et n’est plus en capacité de mener à la victoire en cas de nouvelle échéance électorale, ce sera l’hallalli.

Personnellement, je doute de plus en plus sérieusement qu’il soit capable de se renouveler et donc de se relancer son deuxième quinquennat. Même si le moteur de la voiture a été révisée, le réservoir politique est quasiment vide.

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Les limites des gadgets citoyens

La cour des Comptes vient de rendre son premier rapport lancé sur une demande « citoyenne » par le biais de leur plateforme. Il porte sur le recours par l’État aux prestations intellectuelles de cabinets de conseil. Un autre devrait arriver sur les subventions aux fédérations de chasse.

Le rapport sur les cabinets de conseil est de bonne facture, comme on peut s’y attendre de la part de la cour des Comptes. Il ne fait que confirmer les constats opérés par les sénateurs, dans leur commission d’enquête, sur le vaste bazar (et la gabegie) que représente la commande publique dans ce domaine. Il permet aussi de voir que depuis un an (et donc postérieurement au rapport sénatorial) les montants ont baissé de 35% et qu’on semble arriver à un nouvel équilibre, 2023 s’annonçant dans les mêmes eaux que 2022.

Donner aux citoyens la possibilité de mettre un sujet à l’agenda, par la capacité de déclencher un contrôle de la cour des Comptes, peut sembler une bonne idée. En fait c’est une fausse promesse, et une requalification serait nécessaire. Le dispositif ne s’adresse pas aux citoyens, mais à la société civile organisée. Faire surgir un sujet et en faire un rapport de contrôle de la cour des Comptes, demande un gros travail qui n’est pas à la portée du premier venu.

Pour qu’une telle action donne pleinement ses fruits, il faut une capacité à détecter un sujet méritant réellement, dans le cadre des compétences de la cour des Comptes, une opération de contrôle. Il est donc nécessaire d’avoir des informations assez précises et une capacité d’analyse qui ne se retrouve dans le grand public. C’est davantage dans les appareils militants, syndicaux, ou dans les ONG, qu’on trouve ces compétences. Encore faut-il qu’ils acceptent d’y travailler, donc d’y mettre des moyens pour « construire » l’objet du contrôle, ses contours, les problématiques saillantes.

Il faut ensuite la capacité à en faire un objet politique suffisamment attrayant, pour que les « citoyens » s’en emparent, et donc portent le sujet pour qu’il atteigne les seuils requis. Cela demande un gros travail de communication, de recherche de relais dans différents milieux. Cette deuxième étape donne un avantage clair aux sujets politiquement clivants, de préférence hostile au pouvoir en place, où c’est beaucoup plus facile de mobiliser. Quand on demande un contrôle de la cour des Comptes, c’est pour entendre que ça ne va pas. C’est donc un outil mis entre les mains de l’opposition. On est clairement sur autre chose, dans les faits, que la promesse initiale, qui est de donner la main à la « société civile ».

Enfin, faire ce chemin pour n’avoir qu’un simple rapport de la cour des Comptes, c’est bien cher pour ce que c’est, quand on connait l’influence des rapports de la cour des Comptes. En effet, la capacité de cette honorable juridiction à peser sur les politiques publiques est très inégale. La liste des alertes lancées par la Cour, qui n’ont abouti à rien, est très longue. D’ailleurs, ce sujet du recours aux cabinets de conseil avait déjà fait l’objet de travaux de la Cour dès 2015, mais le sujet n’est véritablement sorti qu’après une commission sénatoriale, c’est à dire après que des élus s’en soient emparés.

Même si la promesse initiale est un peu trompeuse, le mécanisme n’est pas totalement inintéressant. Surtout pour la cour des Comptes, qui peut en profiter pour trouver ce qui lui manque : les appuis politiques pour que ses préconisations soient mises en œuvre. La sélection des sujets est largement entre les mains de la cour des Comptes, pour que la sélection aboutisse à une demande réaliste, faisable, et où il peut y avoir une vraie plus-value. Ce filtrage est une bonne chose, mais amène à s’interroger sur le risque d’instrumentalisation de la société civile, à qui on ne laisse finalement le choix qu’entre des possibilités où la Cour est gagnante.

Cela ne me semble pas très conforme au « récit » un peu Rousseauiste autour de la Transparence et de la participation citoyenne « spontanée », où le citoyen « David » vient affronter l’Etat « Goliath » et le terrasse. Pourtant, c’est implicitement sur ce mythe que cette action est « vendue » politiquement. C’est sans doute ce hiatus qui me gêne le plus, cela peut être vu comme une tromperie sur la marchandise, qui peut amener à discréditer encore un peu plus une participation réellement citoyenne, déjà bien faiblarde.

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Cela ne restera que des émeutes

La France connait, depuis quelques jours, des émeutes dans de nombreuses villes, avec des dégâts spectaculaires. Un épisode qui sera vite oublié, et dont on ne tirera malheureusement pas les moindres enseignements, car il ne s’agit que d’une flambée de colère, non structurée, sans revendications ni leaders.

On est devant un exemple très classique, d’une explosion sociale venue d’une population très identifiée, les jeunes des quartiers de banlieue. Ils expriment, de manière violente, leur colère face à un fait divers, le meurtre d’un jeune de banlieue par un policier, qui est emblématique de ce qu’ils vivent, et estiment injuste. Sur le fond, ils n’ont pas tort, le sort réservé aux banlieues et à leurs populations ne font pas honneur à la République, et l’actuel chef de l’Etat semble s’en désintéresser complètement (pour rester poli).

Devant de tels ghettos, cumulant tous les handicaps, il est compréhensible (mais regrettable également) que des jeunes, constatant le décalage entre la promesse républicaine, et leur vécu, expriment leur désarroi en attaquant les symboles et lieux du pouvoir qui sont à leur portée. Ils le font d’une manière désordonnée et violente, avec au passage des pillages de commerces très opportunistes. Cela leur assure une forte visibilité médiatique, mais tel un feu de paille, il va s’éteindre vite, car ils ne sont absolument pas structurés pour entrer en négociation avec le pouvoir politique. Ils n’obtiendront donc rien et tout continuera comme avant. Et c’est là que le bât blesse, car on perd une occasion de faire un bilan de ce qui ne va pas, et d’entendre ce qui est un cri de détresse d’une partie de la population.

C’est dans ce moment là qu’on voit à quel point la classe politique est devenue minable. Le pouvoir en place ne cherche qu’à minimiser les faits, et faire cesser les émeutes, alternant la compassion pour les élus locaux, et le bâton, pour les émeutiers. L’objectif du gouvernement est qu’il y ait le moins de conséquences possibles à ces émeutes, et l’assume complètement. A droite, à part la surenchère sécuritaire (attendue de leur part), pas grand chose, sinon le même souhait que la majorité, de refermer la parenthèse aussi vite que possible, pour ne surtout pas poser les questions de fond du « pourquoi ».

Le pire, c’est tout de même la gauche, qui est censée (du moins dans l’imaginaire politique sur lequel elle vit), défendre des populations défavorisées, et être leur porte-voix politique. Or, la position de la gauche se limite à la question de la violence policière qui est un sujet certes important, mais seulement la partie émergée de l’iceberg. Le tout dans la désunion sur l’expression entre LFI et les autres, qui rend la gauche tout simplement inaudible, les journalistes se concentrant sur ces divergences de ton. J’attends encore les constats et les propositions de solutions, pour traiter globalement la question de fond, qui est la relégation que vivent ces communautés, qui cumulent tous les handicaps et vers lesquels aucune main, ou presque, ne se tend pour les tirer vers le haut.

C’est donc assez désespérant de voir que finalement, le cynisme l’a emporté chez les dirigeants politiques, avec comme seule préoccupation le maintien de l’ordre et la gestion au jour le jour. Aucune vision, aucun souffle, aucune volonté de reconstruire une unité nationale, avec un projet fédérateur, qui puisse embarquer tout le monde (y compris les banlieues). C’est une forme d’épuisement du politique, malheureusement déjà diagnostiquée et bien documentée, qui s’exprime, et amène à encore plus de fragmentation et de rancœurs.

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Anticor, symptôme de la la faiblesse de la société civile

L’association Anticor vient de se voir retirer son agrément pour se porter partie civile dans les affaires de corruption. Elle perd ainsi l’un de ses principaux leviers d’action.

La décision a été prise par le tribunal administratif de Paris, qui annule l’agrément donné en 2021 par le Premier ministre, car l’association ne répondait pas aux conditions nécessaires pour obtenir cet agrément. Il lui est reproché de ne pas avoir voulu divulguer l’identité d’un très gros donateur financier (dont le don a permis de sauver financièrement l’association). Ce refus de transparence peut amener à penser que l’association a été « achetée » et qu’elle ne remplit donc plus la condition d’indépendance et d’action désintéressée, nécessaire pour être agrée. Rien ne dit qu’Anticor a été effectivement « achetée », mais le refus de transparence fait naitre un doute, et c’est suffisant au regard des règles. Accessoirement, pour une association dont l’objet social est la lutte contre la corruption, ça fait franchement tache.

Il est également reproché à l’association des problèmes de gouvernance, avec une mauvaise information des administrateurs, qui ne leur auraient pas permis de prendre des décisions éclairées. L’un des deux requérants est un ancien membre de l’association, qui dès 2020, a lancé l’alerte sur ces problèmes. Résultat des courses, il s’est fait virer de l’association, et est poursuivi en justice pour dénonciation calomnieuse. Là encore, quand on se pose en chantre de la transparence, on évite de saquer les lanceurs d’alerte dans sa propre structure.

Le ramdam médiatico-politique lancé par cette association apparait bien hypocrite, et il est sidérant que des élus, de tous bords, se laissent embarquer dans cet enfumage, et ne demandent pas des comptes à Anticor, sur les questions de fond (et de fonds), avant de s’afficher avec eux pour réclamer, par le biais d’une pression politique, que l’agrément soit rendu.

Ce triste spectacle est révélateur des faiblesses et des travers de la société civile organisée française.

La première faiblesse, c’est la très grande fragilité financière, qui a mis l’association à la merci d’un gros donateur. Avec des finances saines, et des donateurs en nombre suffisant, cela ne serait pas arrivé. Anticor n’est malheureusement pas la seule association à se retrouver en précarité financière, c’est même la norme. Et c’est en partie la faute de la culture très française de recours incessant à l’État, dès qu’un problème surgit. Comme des enfants, les Français se tournent vers l’Etat-nounou, au lieu de s’organiser eux-mêmes. Cela se traduit notamment par un sous-financement de cette société civile organisée, qui dépend très largement de l’argent public, par les subventions directes, mais aussi par la niche fiscale (où les deux tiers du montant du don des particuliers est déductible des impôts). Rien à voir avec les pays anglo-saxons, qui ont une société civile digne de ce nom bénéficiant de gros dons des particuliers.

La deuxième faiblesse est la sous-professionnalisation de cette société civile organisée. Du fait du manque de moyens financiers, il n’y a pas assez de salariés dans les associations (et ils sont mal payés), et une partie, plus ou moins conséquente, du travail est en fait assurée par les bénévoles, et notamment par la gouvernance bénévole. On connait tous des associations, parfois importantes, où les membres du conseil d’administration se retrouvent dans de l’opérationnel, qui ne relève pas de leurs attributions. Or, il est très dangereux, pour une structure, de reposer sur des bénévoles. Ils sont plus ou moins bien formés pour les missions qu’ils assument, et surtout, sont « hors hiérarchie » avec motivations diverses (qui peuvent relever de la quête de pouvoir et de satisfaction d’ego). Ils peuvent partir du jour au lendemain, sans qu’on puisse rien leur dire. Combien d’associations, ou d’activités au sein d’une association, périclitent parce que le bénévole qui s’en occupait est parti, et n’a pas été remplacé ?

La troisième faiblesse, qui est un travers, est cette tendance à se défausser de ses responsabilités, et à trouver des coupables ailleurs, prétextant parfois le complot ou les raisons « politiques » pour masquer ce qui relève de l’incompétence interne. Avec Anticor, on y est en plein. S’ils n’ont pas eu l’agrément, c’est parce qu’ils ne remplissaient pas juridiquement les conditions. Et le pire, c’est que tout cela a été révélé par un membre de l’association, le vérificateur des comptes ! Au moment du renouvellement, les services de l’Etat ont tiqué, car effectivement, les critères n’étaient pas remplis, mais le Premier ministre a passé outre, prenant un acte illégal en toute connaissance de cause, parce que des pressions politiques et médiatiques se sont exercées pour qu’il le fasse. Le juge administratif, imperméable à cela, a constaté l’illégalité de l’acte et en a tiré les conséquences. Le droit a été appliqué, donc il n’y a rien à redire.

Maintenant, rien n’empêche Anticor de demander à nouveau l’agrément, et de l’obtenir si l’association remplit effectivement les conditions. Si ce n’est pas le cas, il faudrait peut-être que ses membres, et accessoirement, tous ceux qui prennent leur défense, se posent des questions. Comment une association de lutte contre la corruption, particulièrement véhémente dans son ton et ses positionnements, peut-elle être durablement non transparente sur ses financements ? Il serait scandaleux que cet agrément soit à nouveau obtenu par pression politique, parce que les déficiences (que l’association s’était engagée à régler) persistent.

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Elisabeth Borne, au bout de l’usure

Les rumeurs bruissent d’un remaniement. Cela excite beaucoup les journalistes politiques, dont le boulot (du moins la part qu’ils en adorent) est de chroniquer la vie de la cour de Macron Ier. La grande question est de savoir si le président va maintenir ou pas Elisabeth Borne à Matignon. L’équation n’est pas simple, car entre l’espace politique, de plus en plus étroit, dont dispose la Macronie, et les difficultés de management d’Elisabeth Borne, elle restera, quoi qu’il en soit, en sursis.

Pour l’espace politique, on a en a déjà parlé, et le moment critique sera le vote de la motion de censure qui ne manquera pas d’être déposée après l’adoption du budget 2024 à coup de 49.3. Soit autour du 20-25 octobre. Les sénatoriales seront passées, et le budget de rigueur que le gouvernement va devoir prendre (sous la pression des agences de notation financières) offrira un large choix de prétextes à rupture pour LR.

L’autre sujet inquiétant est la manière de diriger d’Elisabeth Borne. Un gros warning vient de s’allumer, avec l’annonce du départ, cet été, de son directeur de cabinet, mais également du directeur adjoint et d’un chef de pôle. Cela fait suite à une série de départs de son cabinet, qui ont commencé dès l’automne 2022, seulement quelques mois après sa prise de fonction.

C’est un vrai problème, car dircab à Matignon est une place stratégique, avec réellement beaucoup de pouvoir pour son titulaire, qui tranche beaucoup de choses, sans avoir à en référer au dessus. On ne peut pas y mettre n’importe qui. C’est une sorte de sommet de carrière, le genre de poste qu’on a une fois ou deux dans sa vie de très haut fonctionnaire. En général, les Premiers ministres n’ont qu’un directeur de cabinet, voire deux mais c’est exceptionnel. L’actuel titulaire du poste, Aurélien Rousseau, avait déjà fait part de son souhait de partir, en avril, mais en pleine séquence des retraites, ce n’était juste pas possible politiquement. Quand les deux principales têtes du cabinet de Matignon partent, c’est révélateur d’un problème de fond, surtout quand il n’y a pas de noms qui circulent pour les remplacer.

Matignon est une tour de contrôle, qui voit tout passer, et nécessite d’avoir des « très bons », sous peine de voir l’ensemble du travail interministériel partir en vrille. Reconduire Elisabeth Borne à Matignon, mais avec une équipe de seconde zone, en CDD de quelques mois, est une solution qui ne tiendra pas bien longtemps. On prend le risque que les couacs se multiplient : arbitrages rendus en retard, ou contestés (donc remontée encore plus forte vers l’Elysée), manque de coordination entre ministres. Certes, le secrétariat général du gouvernement fait l’essentiel du boulot technique, mais si l’échelon politique ne suit pas, c’est la thrombose assurée.

Si Elisabeth Borne reste Première ministre, c’est le signe qu’Emmanuel Macron prépare autre chose, et qu’elle va juste gérer les affaires courantes, en attendant le grand choc politique de l’automne, avec un retour aux urnes d’ici la fin de l’année. C’est, de toute manière, le seul moyen de sortir de l’impasse politique où on se trouve depuis juin 2022.