La mode, en ce moment, est de parler de la « fatigue informationnelle » et du désengagement d’un certain nombre de personnes, qui avouent ne plus écouter les médias, et de déserter les sites d’information. Ils expriment une angoisse devant des actualités anxiogènes, qui arrivent en flux continu.
Je dois avouer être, moi aussi, plus ou moins touché par cette fatigue. Si je maitrise plutôt bien la question de la quantité (pas de notification de médias sur mes appareils numériques) je dois avouer une fatigue sur la manière dont le problème du réchauffement climatique nous est asséné, à longueur de temps, sur un ton insistant, anxiogène et culpabilisant.
Je suis pleinement conscient qu’il y a un changement climatique en cours, qu’on en ressent déjà les effets, et que ça risque fort de ne pas aller en s’arrangeant. Mais je suis aussi malheureusement conscient que ma capacité personnelle à influer sur cette évolution est quasi nulle, et que même au niveau de la France, la marge d’efficacité n’est pas énorme, vu que les gros pollueurs sont ailleurs, en Chine et aux États-Unis, et qu’ils semblent ne pas s’en préoccuper beaucoup.
Voir, à longueur de journée, des tribunes et unes de médias très alarmistes, ça me fatigue, je dirais même pire, ça me gave. C’est comme ces adolescents qui, en jetant de la sauce tomate sur un tableau qui vaut plusieurs centaines de millions d’euros, croient faire avancer les choses. Oui, on va se prendre en pleine tronche le réchauffement et ses effets, oui, ça va faire mal (mais pas nécessairement à nous, habitants d’une zone riche au climat tempéré). Si, bien entendu, il faut faire notre possible pour éviter que ça monte trop, il faut être conscient que c’est déjà trop tard. Le sujet, maintenant, c’est de voir quelles sont les conséquences concrètes, et comment vivre avec ! Qu’est ce qui nous attends demain, comment y répondre, quelles réformes sont nécessaires, quels risques politico-économiques nous attendent ?
Il ne faut pas être grand clerc pour voir qu’une telle déstabilisation climatique va toucher de plein fouet des zones déjà climatiquement tendues, et si en plus, ces pays n’ont pas les moyens de faire face aux changements nécessaires, ça va mal se passer. J’aimerais qu’on me parle davantage de la manière dont les choses vont tourner au Pakistan, qui se prend canicule sur canicule, comment on va faire, au Moyen-Orient et en Egypte, si la production céréalière mondiale baisse, et que les prix du blé augmentent, et provoquent des disettes dans ces régions.
Les conséquences sont assez prévisibles : montée des populismes et des extrémismes, qui vont déboucher sur des conflits militaires, voire pire. Derrière, nous aurons des mouvements de populations, qui vont déstabiliser les voisins, et de proche en proche, arriver dans les zones riches (c’est à dire chez nous). Le commerce mondial va être lui aussi déstabilisé, et nous aurons surement (ça a déjà commencé) une démondialisation, qui se traduira par un repli régional, chaque grande aire développée (Chine, Amérique du Nord, Europe) va jouer sa propre partition, pas nécessairement sur le mode de la coopération. Tout cela se traduira probablement par une crise économique, où le pôle le plus fragile, l’Europe, pourrait prendre plus cher, car très dépendant du reste du monde pour ses approvisionnements en matières premières.
Nous n’allons pas sortir indemnes, ces trente prochaines années, d’un réchauffement qui aura, globalement, les mêmes effets socio-politico-économiques, qu’il soit à 1,5 ou à 2,5° de réchauffement. La Terre n’est pas en danger (elle en a vu d’autres), l’espèce humaine probablement pas (même si on va vers une décroissance démographique), notre mode de vie occidental certainement beaucoup plus.
J’aimerais que la réflexion collective soit un peu plus tournée vers l’anticipation de ces changements, qui vont arriver. Hors, je ne vois pas grand chose d’autre qu’une alternance d’articles alarmistes et culpabilisants, et de niaiseries nous expliquant que tout va bien se passer si on met notre chauffage sur 18° et qu’on trie bien nos déchets.
La fatigue informationnelle, c’est chez moi, une fatigue de la manière dont les médias travaillent (mal) pour traiter des sujets essentiels pour notre avenir.