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Bruxelles est en train de partir en vrille

Les signaux inquiétants se multiplient sur le fonctionnement démocratique des institutions européennes. Leur légitimité politique, déjà bien fragile, pourrait en souffrir, et ça n’augure rien de bon pour notre continent.

La médiatrice européenne, chargée notamment de veiller au bon fonctionnement des institutions, vient de rendre des rapports sévères sur la manière de travailler de la Commission Von der Leyen. Le travail législatif est encadré par des règles de « bonne administration » destinées à garantir par des procédures ouvertes et transparentes, la légitimité politique des lois et règlements bruxellois. Or, ces règles sont de plus en plus souvent bafouées. En ce moment, c’est même un véritable festival, avec ce qu’on appelle des « omnibus » qui ne sont rien d’autres que la remise en cause profonde de législations existantes (et parfois récentes), faite dans l’urgence, l’opacité, sans étude d’impact ni véritable débat.

Sur le numérique, sujet que je connais un peu, la Commission a présenté le 19 novembre son projet d’omnibus, où on a découvert une remise en cause majeure non prévue au départ et pas annoncée comme telle dans la présentation, du RGPD, le texte fondamental sur la protection des données personnelles. Aucune étude d’impact, rien dans les premiers documents préparatoires ni dans la consultation préalable. On est devant un véritable scandale démocratique, et c’est comme cela sur tous les omnibus. A chaque fois, d’ailleurs, c’est l’équilibre politique entre intérêts économiques et intérêt général qui est modifié, en faveur des premiers. C’est particulièrement sensible sur les omnibus environnementaux, qui sont un détricotage pur et simple des obligations écologiques pesant sur le secteur économique. C’est la même logique à l’œuvre sur le numérique, avec un débat minimaliste et surtout sans mandat politique. Les électeurs ne se sont pas prononcés sur cette politique de « simplification », lors des élections européennes de 2024.

Le deuxième sujet d’inquiétude est le changement de majorité en cours au Parlement européen. La présidente de la commission, Ursula Von der Leyen a été investie par le Parlement en 2024 sur la base d’une coalition regroupant le PPE (droite conservatrice), Renew (centristes) et les sociaux démocrates. Or, au fil des votes, de plus en plus de dispositions proposées par la Commission sont adoptées par une coalition entre le PPE et les groupes d’extrême-droite. Cela fait deux fois, coup sur coup, en novembre, que c’est arrivé. Là encore, c’est démocratiquement très problématique. Même si les gagnants des élections de 2024 étaient à la droite et à l’extrême droite (qui a bien progressé en sièges), il faut que cela soit formalisé et politiquement assumé que la Commission s’appuie sur ce spectre politique. C’est très dangereux pour le PPE (parti d’Ursula Von der Leyen) de jouer sur les deux tableaux, en s’alliant tantôt sur sa gauche, tantôt sur sa droite, au gré de ses intérêts.

Enfin, le style d’exercice du pouvoir de la présidente de la Commission est problématique. Elle vit enfermée dans ses bureaux, entourée d’une garde rapprochée principalement composée d’allemands, et pratique une forme d’exercice solitaire du pouvoir assez marqué. Et voilà qu’elle vient de lancer un grand chantier de refonte de l’organisation administrative de la Commission européenne. Vu son style et ses orientations, on peut légitimement craindre que ça aille dans le sens d’une plus grande centralisation, et d’une diminution de la collégialité.

La gouvernance des institutions européennes part dans un très mauvais sens, centralisé, autoritaire et sans véritable contre-pouvoir. Il est encore temps de s’en alarmer et d’agir. En 2029, il sera trop tard. La législation aura pris un virage très clairement pro-business, l’administration de la Commission sera verrouillée, et les risques géopolitiques amèneront à se concentrer sur autre chose que la gouvernance.

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