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Stérin teste la démocratie parlementaire

Le milliardaire Pierre-Edouard Stérin a trouvé un autre moyen pour tenter de déstabiliser la démocratie parlementaire, en testant les limites de la capacité des députés à lui imposer de venir devant une commission d’enquête. Un bras-de-fer où l’enjeu est bien plus important que de simplement faire venir un milliardaire dans la salle Lamartine de l’Assemblée nationale.

La commission d’enquête sur l’organisation des élections en France, en cours à l’Assemblée nationale, a souhaiter l’auditionner, sur l’impact du « projet Périclès ». Cette initiative, financée sur sa fortune personnelle, vise à favoriser les initiatives militantes d’extrême-droite, qui contestent la démocratie libérale, et veulent l’affaiblir, voire la détruire. Il est donc logique et légitime pour les députés, de s’interroger sur l’impact qu’il peut avoir sur l’organisation et le déroulement des élections en France.

Depuis le départ, Pierre-Edouard Stérin joue au chat et à la souris avec les responsables de la commission d’enquête. Il commence par faire la sourde oreille aux demandes d’auditions, puis annule à la dernière minute, une première fois, puis une deuxième fois, avec un prétexte qui relève du foutage de gueule XXL. Il aurait reçu des menaces de mort, et craint donc pour sa sécurité, faisant comme si le Palais-Bourbon était un lieu dénué de toute mesure de sécurité.

L’enjeu maintenant n’est plus tellement ce que pourrait raconter Pierre-Edouard Stérin. Le directeur du projet Périclès ayant déjà été auditionné, les informations ont été données, et Stérin n’en dira pas plus sur le fond. Ce qui compte maintenant, c’est qu’il soit contraint de venir, et donc de respecter les règles de la démocratie parlementaire et la loi. Ce qu’il recherche est une victoire symbolique, où l’Assemblée subirait une humiliation, en ne parvenant pas à l’auditionner sous serment.

Cela prend une toute autre ampleur quand, dans le même temps, on apprend qu’Alexis Kohler a pu sécher, en toute impunité, une audition devant une commission d’enquête. Après son refus de venir devant la commission des Finances de l’Assemblée, qui enquêtait sur le dérapage des finances publiques, le président LFI de la commission, Eric Coquerel, a signalé le refus au parquet… qui a donné raison à Kohler !

Si Stérin veut s’amuser à obliger les députés à faire un signalement au parquet, pour son refus d’être auditionné, ça va être un beau cirque. Je sais que les contorsions sont toujours possibles, et que la solution Kohler ne sera pas la solution Stérin, mais dans tous les cas, Stérin est gagnant.

Si les députés ou la procureure finissent par renoncer à l’auditionner ou à le poursuivre, c’est la victoire totale. La crédibilité de l’institution parlementaire, et donc son pouvoir d’enquête, seront sérieusement écornés. Qui aura envie, s’il peut y échapper, d’aller passer un mauvais moment, à se faire cuisiner en direct sur LCP ? Je ne pense pas qu’on en arrivera là,

Si la procureure se déjuge et lance les poursuites, Stérin aura beau jeu de dénoncer le « deux poids, deux mesures » par rapport à l’ancien secrétaire général de l’Elysée. Succès médiatique garanti. Cela amènera Stérin devant un tribunal correctionnel, avec un procès public, qui sera hautement médiatisé, et donc un deuxième tour de manège et une belle tribune pour taper sur la démocratie parlementaire, dénonçant un « procès politique », entrainant l’institution judiciaire dans la danse. Là encore, palme du martyr garantie, pour une sanction limitée. Il n’aura sans doute pas de peine de prison, et le montant maximal de l’amende est ici de 7500 euros. Vraiment pas cher payé pour une si belle opération de comm’. Au passage, cela créera une jurisprudence sur ce sujet, va donc rigidifier un processus jusqu’ici très souple, comme le montrent les tentatives de conciliations du président de la commission d’enquête parlementaire, qui s’est montré plus qu’accommodant sur la date de l’audition.

C’est dans ces moments qu’on se rend compte que la démocratie libérale est plus fragile qu’on ne le pense. Les sanctions en cas de manquement existent sur le papier. Mais elle ne sont pas si évidentes à mettre en oeuvre, surtout face à ceux qui sont dans la provocation, et cherchent les bornes, pour les franchir, et qu’ensuite, il n’y ait plus de limites.

15 réponses sur « Stérin teste la démocratie parlementaire »

Il aurait été si simple de poursuivre Kohler, et d’éviter ce problème en appliquant la loi, à tout un chacun.

Il a de toute évidence envie ne pas se rendre à cette commission et apprécierait une victoire symbolique personnelle sur les personnes qui le convoquent .
Qu’est-ce qui vous fait aller plus loin et songer que P-E Sterin imagine déstabiliser de la démocratie parlementaire (et se réjouirait à l’idée d’un éventuel procès) ?

L’ensemble des initiatives que finance Stérin visent à lutter contre le libéralisme. Se lancer dans un bras de fer contre une institution incarnant la démocratie libérale est dans la logique de cette attitude et de ce projet. Tout ce qui peut affaiblir les institutions en place est bon à prendre (en cela, il rejoint les insoumis, mais pas pour le même projet).

J’ai du mal a comprendre pourquoi le procureur a refusé de poursuivre Kholer, je ne trouve pas trace de la justification.

L’argument du parquet est reproduit dans le Monde (https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/05/13/commission-d-enquete-sur-le-derapage-budgetaire-le-signalement-sur-la-non-comparution-d-alexis-kohler-classe-sans-suite_6605801_823448.html)… La séparation des pouvoirs empêcherait le parlement d’enquêter sur des prérogatives de la présidence. (L’argument est donc non opposable par Stérin.)

Le problème (à mon sens) est que l’autorité de poursuite est hiérarchiquement subordonnée au gouvernement. Que la procureure ait raison ou pas dans son analyse jurique, l’odeur d’un arrangement entre copains est là. Il faudrait que le parlement ait la faculté de se constituer partie civile pour forcer l’affaire à passer devant un juge indépendant.

Désolé mais je suis bien plus dur que vous concernant le « deux poids deux mesures » : c’est pas « il a beau jeu de… » mais « il a raison de… ! »
Pour mémoire, le Parquet est subordonné au gouvernement, qui a manifestement utilisé ce lien de subordination pour protéger un copain de manière illégitime.

Ce que fait Serin est indigne, dangereux et doit être sanctionné, y compris par de la prison avec sursis en cas d’abus manifeste… mais pour TOUT LE MONDE.

Là s’il dit qu’il ne fait qu’appliquer à son compte les méthodes de la « Ripoublique des copains » je ne peux qu’être d’accord.

Et si vous dites que j’ai tort, je l’accepterais sans problème si vous me le PROUVEZ

Une nouvelle occasion de voir que la justice est en roue libre et que le problème ne se limite pas au manque criant de moyens.

Le pire c’est qu’en parallèle LFI fait en sorte de détruire toute légitimité aux commissions d’enquêtes. Donc même si sterin finit par y aller ça ne changerait pas grand chose

Pendant ce temps, Bayrou esquive les questions qui lui sont posées en mettant en cause le rapporteur LFI et toute la commission d’enquête avec, même quand la rapporteuse de la majorité essaye de le mettre face à ses contradictions et au fait que son comportement malmène l’institution. Ce n’est pas avec cette attitude qu’on va redonner du poids et de la légitimité au travail de contrôle parlementaire…

Pardon mais j’ai regardé une partie de l’audition et je n’ai pas vu la même chose. Bayrou a passé beaucoup de temps sur les questions du LFI, qui étaient moins des questions que des affirmations mensongères que Bayrou a démonté point par point, preuves à l’appui (tandis que vannier n’avait que des on-dit anonymes et des citations malhonnêtement tronquées à fournir).
Quand à la rapporteuse elle a tenté le changement de pied en lui reprochant de ne pas être intervenu mais ça n’a pas marché.

D’ailleurs le fanfaronnage de Vannier dans les médias résume bien sa démarche : il affirme que Bayrou a reconnu le parjure alors que c’est l’exact inverse, Bayrou allant jusqu’à se citer lui même en disant qu’il maintenait ses propos.

Bonjour,
Merci pour cette analyse que je trouve intéressante, je n’aurais pas pensé au fait qu’il pouvait s’agir d’utiliser le cas Kohler, qui est déjà problématique en soi, pour porter un coup de plus aux institutions. Le raisonnement me paraît malheureusement plausible au vu du projet général de Périclès et de son inspiration outre-Atlantique.
Et comme l’a fait remarquer Gabriel, l’attitude de Bayrou va plus ou moins ajouter au discrédit des commissions parlementaires.
C’est peut-être pessimiste de ma part, mais j’ai quand même l’impression que notre démocratie est en train de couler lentement, et que rien ne semble être fait pour colmater les brèches, bien au contraire.

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