Un nouveau processus consultatif s’est lancé, début octobre, les Etats généraux de l’information (EGI). Une illustration supplémentaire, et concrète, du mirage de la démocratie participative en France. Tout est en place pour avoir beaucoup de discussions, plus ou moins publiques (et potentiellement intellectuellement intéressantes), entre « usual suspects » du secteur, qui ne déboucherons sur pas grand chose.
Le sujet abordé est important, celui de la qualité de l’information, du fonctionnement des médias, et de leur avenir. Les thématiques sont nombreuses, et on va sans doute avoir des publications et réflexions intéressantes. Mais de là à ce que ça influence les décisions réelles… Le dispositif mis en place souffre d’un certain nombre de handicaps, qui me laissent pessimiste sur le débouché.
Le premier est le très faible portage politique. Annoncés par Emmanuel Macron pendant sa campagne présidentielle, ils ont mis plus d’un an à être lancés, et sans grand enthousiasme. Aucun évènement en présence du président, ni même d’un membre du gouvernement. La ministre de la Culture, qui a la presse et les médias dans son périmètre, ne semble pas s’y être particulièrement impliquée. Quand on voit la reprise qui a été faite des conclusions de la Convention citoyenne pour le Climat, qui faisait pourtant l’objet d’un énorme portage politique par Emmanuel Macron, on imagine bien ce que ça risque de donner pour les EGI ! Le président du comité d’organisation a d’ailleurs prévenu d’emblée, qu’il n’est pas certain qu’il y ait, en sortie, un projet de loi reprenant les propositions.
Pour l’instant, c’est le CESE qui s’investit le plus, ce qui n’est pas surprenant, ce genre de consultation étant le nouvel alibi pour justifier l’existence de cette assemblée, qui n’est sauvée que par le fait qu’elle est inscrite dans la Constitution. Au moins, cela a l’avantage d’offrir un lieu et des fonctions supports de bon niveau, pour mener à bien la consultation. Le comité d’organisation est présidé par haut fonctionnaire, certes très capable et estimable, mais en pré-retraite, et le responsable d’une ONG spécialisée, qui a beaucoup poussé au lancement de ce débat, et représente un point de vue particulier. Là encore, pas terrible, en matière de portage ni de légitimité.
Et de fait, ça commence assez mal, avec des organisations de journalistes qui s’estiment mis à l’écart, et des critiques (de la sphère Médiapart) sur le risque d’instrumentalisation politique des ces EGI au service du pouvoir en place.
Un autre point noir de ces EGI est l’angle mort sur plusieurs sujets pourtant essentiels. Le premier, largement évacué, est celui des modèles économiques, des ressources (le secteur vis sous perfusion d’argent public) et de la manière dont les propriétaires des journaux de la presse écrite sous-investissent, alors qu’ils sont milliardaires. Les médias, et en particulier la presse écrite, ont un énorme problème de financement, mais quand on va sur le site des EGI, on cherche désespérément le groupe de travail qui s’en occupe. Pareil pour le sujet de la déontologie journalistique et le problème de la confiance, profondément dégradée, des français envers cette profession.
Tout cela est laissé à la « contribution citoyenne » du CESE, sous la forme de la boite à idées et du forum (merci de déposer vos contributions, on verra ce qu’on en fait plus tard). Le vrai travail sérieux se fera au sein des groupes de travail structurés, avec des animateurs, des réunions. Quand on regarde qui dirige les groupes de travail, on y trouve des patrons de presse et des technocrates et apparatchiks du secteur. Les choix de périmètres thématiques évacuent complètement des enjeux majeurs, que la profession ne veut surtout pas mettre en lumière. Tout semble fait pour rester sur des sujets « philosophiques » et « sociétaux », avec des périmètres larges qui laissent une latitude à l’animateur de laisser de gros tas de poussière sous le tapis.
Attendons de voir ce qui va effectivement sortir de tout cela. Mais de grâce, n’appelons pas cela une consultation « citoyenne ». C’est juste une mascarade où le pouvoir en place, sans aucun engagement de reprise, demande au secteur concerné de faire sa liste de courses.