En politique, il faut toujours tenir compte des affects, des émotions autour des réformes, même les plus techniques. Aucune politique publique ne peut se réduire à une affaire de comptabilité et d’intérêts économiques bien compris. Emmanuel Macron vient d’en faire l’expérience sur la réforme des retraites, où son recul de l’âge de départ à 65 ans est très mal ressenti, au point de l’obliger à reculer (chose rare chez lui).
C’est une erreur de croire que la retraite n’est qu’une histoire d’argent, de prélèvements, de pensions, et d’équilibre. C’est aussi une question de parcours de vie, et de plus en plus de gens sont épuisés par leur vie professionnelle, et l’idée du départ à la retraite, c’est la petite lumière au bout du tunnel. Le monde professionnel est de plus en plus épuisant, même pour les jeunes (pourtant plein d’énergie et d’envies) qui montrent des réticences à y entrer. L’aspiration profonde de la société n’est plus à la réussite professionnelle et sociale, mais à la qualité de vie. Ceux qui veulent « décrocher », ce n’est pas pour ne rien faire, bien au contraire, mais pour pouvoir mener des projets qui leur plaisent vraiment, qui leur semblent réellement utiles, sans le stress et la pression des résultats et des deadlines, dans un lieu choisi.
Tous réaliseront ce grand décrochage, au plus tard le jour de leur départ en retraite, quand leur revenu financier ne dépendra plus de leur activité. Toucher à ce seuil symbolique est à haut risque politique, car il percute une aspiration profonde à souffler, dans une société fatiguée, si ce n’est épuisée. Pour beaucoup, la question financière (montant de la pension) est une variable secondaire, à laquelle ils peuvent se préparer, avec des investissements pour un complément financier, ou des choix de vie intégrant un train de vie moins dispendieux. Mais pas question de retarder le moment de la libération… y compris chez les marcheurs les plus endurcis !
6 réponses sur « Macron, les retraites et l’humain »
Pas sûr que le sujet des retraites touchent particulièrement les jeunes qui se sont beaucoup abstenus et qui risquent de beaucoup d’abstenir de nouveau. La perspective de la retraite est considérée comme inateignable par les gens de 30 ans et moins (dans ma bulle personnelle au moins) et est également touchée par l’horizon climatique qui leur fait craindre de ne pas survivre suffisament longtemps pour y prétendre. Il y a là une fracture générationnelle importante.
Ceux qui sont vraiment « concernés » par ce sujet de l’age de départ à la retraite, c’est le 45-60 ans. En revanche, le constat du changement sociétal de l’attitude face au « travail » et au monde professionnel se retrouve partout, y compris chez les jeunes, qui sont massivement réticent à ce qu’on leur propose, si la qualité de vie n’est pas au rendez-vous.
Et pourtant je subis la retraite de mes parents acquise et calculé en des temps économiques bien plus favorable. Je devrais imposer cela aussi à mes enfants ?
Il existe des mécanismes de redistribution entre retraités et aisés et leurs enfants et petits-enfants. Mais le sujet n’est pas là. L’idée de ce billet, c’est que l’âge du départ à la retraite, c’est le marqueur symbolique d’une forme de libération d’un monde professionnel de plus en plus « aliénant » (pour parler marxiste) et mal vécu.
Intéressant, et je pense profondément exact.
Il reste un impensé toutefois : le report de l’âge de la retraite ne concerne que ceux qui ne sont pas encore retraité, et sanctuarise les retraites relativement luxueuses de ceux nés avant 1960. Lesquels ont d’ailleurs voté Macron avec enthousiasme.
En ces temps de crise climatique, la solutions est forcément verte. Soleil Vert ?
Pour avoir une idée de l’état d’épuisement physique des professionnels en fin de carrière, surtout sur des postes avec des motifs qui ne sont pas toujours considérés comme « pénibles » (port de charges lourdes <15kg). Il faudrait regarder précisément les temps d'arrêt moyen au delà de 55 ans, et le nombre d'employés déclarés inaptes de 55 à 65ans. Sans solution à ces sujets, le décalage de l'age ne fera qu'augmenter mécaniquement le nombre d'arrêt ou d'inaptitudes prononcées.
Par contre je ne dirais pas qu'il a reculé, il n'a fait que des déclarations creuses sur le sujet. Et quand Macron se dit "prêt à discuter" on sait à quoi s'attendre : réforme du lycée, grand débat, convention climat… des concertations qui font le buzz et un programme prévu à l'avance déroulé comme un bulldozer sans en tenir compte.