Le 7 août 2025, le conseil constitutionnel a rendu cinq décisions. L’une d’entre elles concernait la loi Duplomb, qui a fait l’objet d’une très intense couverture médiatique. Elle a tellement occupé de place, qu’elle a occulté les autres. Pourtant, l’une d’entre elles est, à mes yeux, bien plus importante.
Les Sages ont haché menu une proposition de loi d’origine sénatoriale, qui visait à renforcer la privation de liberté pour les étrangers en situation irrégulière. Et donc, de fait, faisait reculer le périmètre des Libertés publiques de manière assez inquiétante. Le processus est ultra-classique : on prend appui sur un dispositif destiné à s’appliquer uniquement aux cas de terrorisme, et on l’étend à d’autres infractions. On permet ainsi de garder en rétention pendant 180, voire 210 jours, des étrangers condamnés à certaines peines. Et au passage, le législateur a également voulu rendre automatiquement suspensif l’appel du parquet, en cas de décision de remise en liberté.
Comme cela concerne des étrangers en situation irrégulière et condamnés, ça ne semble pas avoir ému les foules. Pas de pétition à 2 millions de signatures, pas de couverture médiatique. Pourtant, il suffirait juste d’enlever un mot (en situation irrégulière par exemple) pour avoir un dispositif qui profondément liberticide. La mécanique était en place, en banalisant la rétention longue, il suffisait ensuite de laisser glisser. La technique habituelle !
Heureusement, le conseil constitutionnel y a mis un sérieux coup d’arrêt, en s’appuyant sur l’article 66 de la Constitution, qui protège la liberté individuelle.
Ce rappel à l’ordre sévère sur une dérive liberticide me parait plus important que la censure prononcée contre la réintroduction d’un produit phytosanitaire problématique. Pourtant, cela ne semble pas être un avis majoritaire, la crainte d’attraper le cancer étant bien importante, dans la population, que la préoccupation sur les Libertés publiques. Cela en dit long sur notre société et notre époque.
12 réponses sur « Il n’y a pas que la loi Duplomb »
On peut être soucieux des deux, d’un environnement sain et de libertés publiques préservées à défaut de pouvoir être garanties sur plus de quelques décennies désormais si les parlementaires persistent à vouloir saper ces droits fondamentaux.
Des parlementaires, pas des manifestants séditieux et violents ou des extrémistes qui se toquent de vouloir changer la société, non juste des élus de la République sensés nous représenter.
De quoi être troublé quand même.
Assez d’accord avec Brucolaque : il n’est pas interdit de se préoccuper des libertés publiques comme de l’environnement…
La décision sur la rétention administrative est bienvenue, celle sur l’acétamipride est (positivement) surprenante… une question pour les geeks : est-ce la première fois qu’une disposition déclamatoire sur l’environnement emporte une conséquence concrète dans la jurisprudence du CC ?
Sauf que le bruit médiatique et donc la mobilisation « citoyenne » n’a pas été du tout la même !
Entre la protection très individualiste de sa petite personne (qui plus est face à leur grand peur du moment) et la défense collective des droits des plus fragile, on voit où est la priorité de l’époque.
Il me semble vraiment très réducteur d’assimiler l’opposition à la loi Duplomb à la « protection très individualiste de sa petite personne ».
Je suis l’un des deux millions de signataires de la pétition, et le risque de cancer n’en était pas une raison (ce sont plutôt les agriculteurs eux-mêmes qui sont les plus exposés!). En revanche le fait que cette loi alimente le discours ambiant de la droite plus ou moins extrême « les normes (notamment environnementales) ça commence à bien faire il faut s’en affranchir » m’a vraiment irrité, plus d’autres points qui mériteraient un vrai débat (partage de l’eau par exemple) qui a été escamoté par la manoeuvre parlementaire des députés de voter contre leur texte (qui malheureusement n’a pas été censurée par le CC – ça risque de faire école à l’avenir pour faire passer les textes controversés…).
Je vous rejoins en revanche complètement sur le fait qu’il est dommage que le texte sur les libertés individuelles aurait lui aussi mérité une mobilisation (mais comme Panouf le souligne je n’en ai pas beaucoup entendu parler dans les médias…). Mais prenons le verre à moitié plein: c’est bon signe que les citoyens apprennent à se mobiliser pour exprimer leurs désaccords de manière constructive sur un sujet donné!
Ce qui ressort de la mobilisation contre la loi Duplomb, c’est très majoritairement une opposition à l’article sur la réintroduction d’un néonicotinoïde, et un peu sur les méga bassines. Le ressort de cette opposition, c’est notamment cette peur, très dans l’esprit de l’époque, de choper un cancer. C’est un sujet de préoccupation que certains médias (comme la rubrique Planète du Monde) ont bien capté, et en ont fait leur modèle économique de captation de lecteurs. Sans cet aspect, la mobilisation « citoyenne » n’aurait pas pris à ce point là.
Vous arrivez aussi après la bataille, sans vouloir vous froisser. Il y a eu l’adoption de la loi devant l’AN puis devant le Sénat et la saisine du Conseil Constitutionnel, soit au moins trois occasions d’écrire un billet.
Peut-être étiez-vous gêné par le votre du socle commun ou du barycentre, voire du bloc central adossé au RN ?
Je regarde les lois de très loin, je suis fatigué du fonctionnement erratique de cette XVIIe législature.
Moi ce qui m’inquiète c’est surtout que la proposition des libertés publiques soit passée A CE POINT sous les radars…
Qui en avait parlé ?
Le Monde : https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/07/03/l-assemblee-nationale-vote-pour-l-allongement-de-la-duree-en-centre-de-retention-administrative-pour-les-etrangers-juges-dangereux_6617455_3224.html
Mais la mesure est peut-être passée sous les radars en raison de faits divers sordides impliquant des étrangers sous OQTF ou ayant déjà été condamnés en attente d’expulsion dont parfois le retour est refusé par le pays d’origine et mis sur le devant de la scène médiatique par le ministre de l’intérieur qui y voyait un intérêt certain pour faire passer sa loi.
Caramba, encore raté.
Ce matin, sur France Info, M. Duplomb disait que sa loi avait du sens, notamment en termes de souveraineté alimentaire (avec des chiffres sur le miel).
Les opposants disent l’inverse.
En tant que simple citoyen (et électeur), je me sens perdu : je rêverais de pouvoir me faire une opinion basée sur des éléments factuels, consensuels. (Quitte ensuite à faire des choix d’ordre tactiques ou politiques)
Mais non, à la place, on a du « débat », c’est-à-dire que chacun argumente.
Au final, je ne suis pas avancé et je me désintéresse des sujets.
Je ne sais pas qui pourrait fournir ces éléments consensuels, peut-être à ChatGPT ?
Je n’ai pas beaucoup creusé donc je vais donner la méthode plus que la solution :
– quand il y a une solution meilleure évidente, il n’y a pas de débat
– en théorie, la plupart du temps les débats sont entre des valeurs différentes, plus que sur des points techniques
– c’est malheureusement de moins en vraie, chacun ignorant la réalité scientifique pour annoncer ce qui l’arrange.
– il fait donc revenir au sciences, mais leur poser la bonne question : pas que faut il faire, mais quels seraient les conséquences de faire ceci ou cela
Si on l’applique au problème du neocotinoide :
– ils ont des impacts désastreux sur les pollinisateurs
– ils permettent d’avoir de meilleurs rendements a moindre coût pour certaines plantes
– ils ne sont pas obligatoires, mais s’en passer coûte plus cher / plus de travail, réduisant la compétitivité face aux autres pays.
Quelles solutions alternatives:
– mettre en place des labels pour transformer la contrainte de production en avantage compétitif
– autoriser après avis d’expert son utilisation en cas de crise exceptionnelle
Attention je n’ai que peu creuser le sujet, donc je dis peut être des bêtises.
Mais je suis d’accord que ce devrait être le travail de journaliste de nous donner un peu plus faits scientifiques et les conséquences possibles d’après les experts, et un peu moins de rapporter l’avis des politiques et des éditorialistes. Mais je crois que ça se vend bien moins que la politique spectacle.
On peut tout de même s’interroger sur la légitimité du conseil constitutionnel – constitué de membres non élus et dont le passé politicien ne constitue en rien un gage de neutralité – à censurer l’expression de la volonté populaire. D’autant plus qu’il ne se limite même pas au texte de la constitution, mais se basent souvent sur des principes vagues, voire philosophiques…ou qu’ils ont eux-même dégagés (les fameux et fumeux « principes fondamentaux reconnus par les lois de la république »). On l’a bien compris, AUCUNE disposition visant à endiguer l’immigration extra-UE n’a de chance de passer le filtre du conseil constitutionnel. Ça fait le bonheur de la plupart des contributeurs de ce blog, mais est-ce démocratique?