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L’arrivée des « décrets-faits divers »

On connaissait la bonne vieille rengaine « Un fait-divers = une loi » pour illustrer la frénésie des élus à utiliser la loi à tort et à travers comme outil de communication pour répondre aux émotions médiatiques. Maintenant, nous avons aussi les décrets faits divers, avec un magnifique exemple dans le JO de ce 3 juillet.

Elisabeth Borne a pris un décret, pour obliger les proviseurs à saisir le conseil de discipline, si un élève porte une arme sur lui. Un écho direct à l’émotion soulevée par le meurtre d’une surveillante, par un collégien, début juin, en Haute-Marne.

Ce passage par le décret a quand même quelques avantages, et à tout prendre, je préfère ça à une proposition de loi. Au moins, le conseil d’Etat est saisi, et peut grandement limiter la casse sur le plan juridique. La procédure n’étant pas publique, cela nous évite les surenchères et les cirques dans l’hémicycle. Il y en a déjà bien suffisamment comme ça, pas la peine d’en rajouter. Et puis c’est quand même plus rapide. Moins de trois semaines entre le fait divers et sa réponse au Journal officiel, une loi ferait difficilement mieux.

Pour autant, ça n’évite pas de mettre en lumière l’inanité de la démarche. Le texte ne fait que prescrire l’obligation de réunir un conseil de discipline. Rien de plus. Ensuite, le proviseur se débrouille, pour décider de la sanction, de la faire appliquer. On va aller loin avec ça. C’est d’autant plus risible, qu’un chef d’établissement qui découvre qu’un élève porte une arme, ne va pas rester sans rien faire, et qu’il n’a pas besoin d’un décret pour lui indiquer quoi faire. Et s’il ne le fait pas, quelles seront les sanctions ? Si on doit virer un chef d’établissement défaillant, c’est pour autre chose que ne pas avoir convoqué un conseil de discipline alors qu’il aurait dû le faire.

Cela permet aussi de voir à quel point les montagnes accouchent de souris. Entre l’ampleur du bruit médiatique, et la mesure concrète, il y a un gouffre. Mais dans ce domaine, le JO du 3 juillet contient une autre perle, dans le même registre.

Après tout le foin que nous ont fait une tripotée de responsables politiques (Macron compris), autour des dangers de l’exposition des jeunes enfants aux « écrans », voilà que Catherine Vautrin nous sort un magnifique arrêté (on est en dessous du décret). Dans la charte nationale de l’accueil du jeune enfant, elle remplace « il n’est pas recommandé de laisser un enfant de moins de trois ans devant un écran » par « Il est interdit d’exposer un enfant de moins de trois ans devant un écran ». Juste sublime !

Un exemple concret de ce qui provoque chez moi une grande lassitude. Tout ça pour ça…

Une réponse sur « L’arrivée des « décrets-faits divers » »

Lassitude partagée… on se prend à imaginer la conversation qui a accouché de ces mesures d’un bon sens confondant – et les réunions qui l’ont suivies pour la mise en œuvre de mesures aussi audacieuses qu’inopérantes. Jusqu’au conseiller à Matignon qui a validé le texte dans Solon : que personne n’ait réagi en dit aussi très long sur la perte de sens de l’action publique et administrative – mais, haut les cœurs, le pire n’est pas certain !

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