Tous mes lecteurs connaissent les liens de détestation qui me rattachent au petit monde de la « création » et à ses mafias (les sociétés de gestion de droit d’auteur). Ce milieu est putride, tout en se présentant en permanence comme un monde enchanté et positif.
Je ne suis donc absolument pas surpris par ce que les députés ont découvert, au cours de leur commission d’enquête sur les violences sexuelles et sexistes dans le monde de l’audiovisuel et du cinéma. Et je pense même qu’ils sont passé à coté d’un certain nombre de choses, mais ce qu’ils en ont vu est déjà suffisant pour être éclairant.
Ce secteur économique a un fonctionnement profondément archaïque, basé sur la domination, et donc sur la violence et l’exploitation (y compris sexuelle) des « puissants » (en général des mâles blancs) sur les autres. Le droit du travail y est bafoué, voire ignoré, avec des dispositifs dérogatoires (comme le statut d’intermittent) et des pratiques que l’on rencontre rarement ailleurs, tellement elles sont violentes. Il n’y a guère que l’esclavage qui soit pire.
Tout cela, on le savait, il n’y avait qu’à ouvrir les yeux. Si le monde du cinéma a tant soutenu Roman Polanski, c’est parce qu’il constitue la norme, et pas l’exception. Le discours en défense est connu : le « talent » excuse tout, la création est un « art » si ce n’est une « alchimie » qui doit inspirer un respect absolu, et en particulier le droit pour les divas de réaliser tous leurs caprices, d’avoir le monde entier à leurs pieds, et de jouir sans entrave. Le modèle aristocratique poussé au maximum.
Ce rapport sur les violences sexuelles et sexistes ne fait décrire un symptôme, et le fond du problème est dans la culture « professionnelle » de ce milieu, de la manière dont ils s’envisagent, se considèrent, et donc se comportent avec les autres. C’est un milieu profondément pourri et destructeur, encore plus que la politique, car au moins, en politique, il y a un contrôleur, l’électeur, qui en mettant son bulletin dans l’urne, peut faire cesser des scandales. Dans le monde de la Culture, si vous êtes dans les bons réseaux, avec les bons appuis, vous pouvez ne rien produire, ou enchainer les bides, vous gardez votre statut, vos revenus, votre accès à l’argent public, qui coule à flot, sans la moindre évaluation.
Ce qui m’a sans doute le plus choqué, c’est qu’une très grande majorité de ces nababs violeurs et jouisseurs, se proclament de gauche. En regardant ce qui se passe dans le secteur, on n’est pas très loin du capitalisme sauvage du XIXe siècle, celui que Marx dénonce. Le pire est qu’il se permettent des donner des leçons de morale, trustant les médias pour se poser en modèles (et défendre leurs intérêts).
Pour une fois qu’un organisme indépendant se penche sur les tréfonds de ce marécage fangeux, on a une véritable photographie de la réalité, et elle n’est pas belle à voir. Ce serait bien que les parlementaires s’en souviennent, la prochaine fois que les cultureux viendront leur mendier subventions et crédits d’impôts. Ce serait encore mieux s’ils en tirent les conséquences, et coupent les vivres à ces « dominants », responsables d’un véritable système de domination violent. Il n’y a guère que comme cela, qu’on arrivera à bouger les choses !
7 réponses sur « Le miroir tendu aux cultureux »
En tant que technicien dans le cinéma et l’audiovisuel, j’ai été soulagé de voir que la commission a pu se rendre compte à ce point de l’état des choses dans le milieu. Je craignais une vision édulcorée des choses.
En revanche, je trouve votre conclusion violente envers les quelques dizaines de milliers de femmes et d’hommes qui constituent le « bas de classe » du milieu culturel : techniciennes et techniciens, administratrices et administrateurs, petites mains… Les gens sans pouvoir, qui travaillent au sein de ce qui est quand même une industrie de taille non négliegable, avec un rapport plutôt positif entre euro dépensés en subventions et euros générés en retour (tissu économique des festivals, des tournages, etc.).
Je ne suis pas un expert économique du milieu mais m’y intéresse suffisamment pour comprendre que votre proposition de lui « couper les vivres » blesserait un nombre très élevé de gens qui, tout en travaillant au sein du système, en subissent fort les abus dénoncés par le rapport (et par tant d’organisations avant lui).
En revanche, mettre à bas l’inconséquence et l’impunité dont bénéficiaient de nombreuses personnes en position de pouvoir et d’abus, c’est indispensable pour assainir le milieu, que vous décrivez par ailleurs très bien. Les recommandations du rapport semblent une première étape. Elles ne résolvent pas tout.
Couper les vivres, pour ceux au sommet, dont le comportement ne change pas. Il n’y a que cela qu’ils peuvent comprendre, tellement ils sont enfermés dans leur tour d’ivoire, et refusent de redescendre sur terre.
Je comprends évidemment la logique et il faut trouver le moyen de les neutraliser, et le moyen d’action économique et financier est un levier puissant. Je m’inquiète juste des effets de cascade sur le restant des productions.
Cela étant dit, on peut voir à l’œuvre, en partie par un effet générationnel, une prise de conscience grandissante et un refus de ces comportements problématiques de plus en plus fréquent. Ça va dans le bon sens !
J’accepterais cet argument si les festivals et autres événements culturels se retrouvaient moins souvent sur Pigeon Gratuit, ou si le travail de M… cessait de payer!
On donne des millions par le contribuable, donc on peut au minimum demander :
1/ le respect de la loi sur le salaire minimum
2/ une qualité minimale exigible pour garder des financements
3/ pas de détournements massifs…
Lequel de ces points est validé ?
Au fait, question un peu hors sujet pour Authueil : à vos yeux, à quel point « le talent excuse tout » s’applique t’il au cas de Louis-Ferdinand Céline?
Et à quel point est il appliqué par le milieu?
Edit : j’ai un début de réponse assez éclairant avec un tour sur Wikipedia… La seule question est de savoir pourquoi il est mort en 57 et pas fusillé en 45 !
Je vais me faire l’avocat du diable mais en quoi le secteur de la culture est il spécifique ? Dès qu’un individu, de préférence un homme mais pas forcément blanc ( il suffit de regarder ce qui se passe ailleurs) a du pouvoir il en use et parfois il en abuse. il me semble qu’aussi loin qu’on peut remonter cela passe plus ou moins comme cela (il y a des variantes, des subtilités et/ou des faux semblants)… Le concept de tous les hommes (au sens d’espèce) qui naissent libres et égaux en dignité et en droits (etc) est plus un vœu pieu qu’une réalité..
Ici, le système est conçu pour favoriser les abus, voire les provoquer. Avec un degré d’écrasement des faibles énorme, légitimé par le discours de la profession sur elle-même.