La classe politique française nous offre à nouveau un spectacle lamentable, avec ce feuilleton des négociations entre Bayrou et le PS. Le gouvernement ayant besoin, au minimum d’un accord de non-censure, se doit de discuter avec le PS. Ce dernier, qui risque de porter la responsabilité de l’instabilité en cas de censure et d’absence de budget, fait également semblant de discuter.
Le niveau est pathétique. Le PS continue à s’arcbouter sur la réforme des retraites de 2023, demandant au gouvernement de la « suspendre » alors qu’elle est déjà entrée en vigueur depuis près de deux ans. Il présente ça comme une concession, puisqu’il ne demande plus l’abrogation. En gros, le PS demande juste une victoire symbolique, un scalp qu’il puisse brandir devant les militants.
Car en pratique, je vois mal comment on peut « suspendre » l’application des règles de calcul des droits à la retraite des Français. Comment, concrètement, on fait pour ne plus tenir compte, pendant quelques mois, du relèvement de l’âge de départ à 64 ans ? Je ne sais pas, et je cherche encore l’expert qui pourra me le dire.
Il y aurait pourtant une solution, qui consisterait à discuter, dès maintenant, du contenu d’une nouvelle réforme. Si le PS était capable d’arriver avec une proposition de réforme, clé en mains, les discussions prendraient une autre tournure. Partir sur le principe d’une « abrogation » d’une réforme déjà entrée en vigueur est absurde, car techniquement très compliqué à mettre en œuvre. Cela implique de revenir sur des droits acquis, à tout recalculer. Un enfer. Mieux vaut partir de l’existant, et proposer, pour l’avenir, des règles un peu différentes, qui permettent d’aboutir à un résultat politique « positif », et pas « négatif », comme c’est le cas en ce moment.
Il semble, malheureusement, que le PS soit totalement incapable de proposer quoi que ce soit. Quelle réforme veulent-ils ? Quels buts politiques ? Quelles modalités techniques proposent-ils ? Quel financement ? On n’a aucune information, et en face, le gouvernement Bayrou n’est pas capable (ou n’a pas envie) de mettre sur la table une proposition de réforme, afin d’engager la discussion sur le fond, au lieu de rester dans le symbolique. On va donc droit vers l’échec, car un accord de gouvernement ne peut pas se faire sur la base de symboles, mais d’un accord « positif » sur des réformes à engager.
On se rend compte à cette occasion, et c’est dramatique, que nos élus se fichent de plus en plus de l’effectivité de leurs propositions, et passent leur temps à manier les symboles. Le camp gouvernemental n’est pas exempt, avec par exemple cette sortie de Bruno Retailleau sur les accompagnantes de sorties scolaires qui ne devraient pas être voilées. Il est hors de son champ de compétence ministériel, sur un sujet qui ne pose aucun problème technique. Et si sa demande aboutit, elle risque de désorganiser un service public, car ces mères de famille sont indispensables pour l’organisation des sorties scolaires, en assurant bénévolement le respect du ratio d’encadrement prescrit par les lois et règlements. Les écoles n’auraient pas les moyens de payer des accompagnants, et cela se traduirait, dans bien des endroits, par la suppression pure et simples des sorties scolaires.
Je dois avouer que j’en ai plus que marre de cette classe politique, incapable de travailler sur le fond, et qui passe son temps à se précipiter sur des chiffons rouges.
10 réponses sur « Pathétiques négociations »
Le PS serait probablement bien embêté si les négociations donnaient quelque chose, car il éclaterait alors entre ceux qui veulent gouverner à tout prix, quitte à se renier encore plus que Hollande, et ceux qui refusent de trahir l’électorat de gauche.
Heureusement, ils peuvent compter sur un camp macroniste qui n’a pas la moindre idée de ce que négocier veut dire.
Le problème est qu’ils ont été élus avec l’objectif de gouverner, en ayant l’espoir de faire appliquer leurs idées, matérialisées dans des propositions de changements. Qu’ils puissent le faire, seuls ou en coalition, c’est le fruit du choix des électeurs. Veulent-ils voir leurs idées appliquées, oui ou non ? Est-ce une trahison que de faire appliquer ses idées ?
Peuvent-ils vraiment travailler sur le fond, vu le peu de pouvoir réel qu’ils ont face aux contraintes économiques et législatives européennes ? Comme il n’est pas possible de parler de politique économique ou monétaire, il ne reste que de sujets sociétaux plus ou moins important et l’organisation de la chute. Sans souveraineté économique et ses conséquences, rien ne changera.
Et bien envoyons à Bruxelles des élus qui fassent le job. Et transposons intelligemment.
Bref, l’Europe, Macron, le wokisme et j’en passe sont des fausses excuses, il y a toujours moyen de faire de la politique et du travail de fond. Manque juste la volonté… ou la compétence.
Cette affirmation est un peu gratuite, en l’occurrence l’exemple pris par Authueil sur la réforme des retraites est bon, il y a bien un pouvoir important de définir les règles de la retraite, et sur beaucoup de paramètres. Et c’est aussi vrai pour beaucoup de sujets, pour peu qu’on travaille effectivement. Mais prendre position « pour » quelque chose c’est toujours plus risqué et plus difficile qu’être contre !
Pourtant des pays européens soumis aux mêmes règles budgétaires n’ont pas de déficit ou un système scolaire plus efficient… ce sont juste deux exemples.Ce pays a fait des choix… il a parfois du mal à les assumer et accuse l’Europe, l’Allemagne, les technocrates, Macron, etc… En fait c’est toujours la faute aux autres…
On va payer encore longtemps l’absence de majo depuis 2022. Quand il y a une majorité pour décider, on est d’accord ou pas mais au moins elle fait et il y a une majorité légitime pour essayer d’expliquer pourquoi c’est comme ça. On suit ceux qui ont des idées et des convictions, ça ne remplit pas une Assemblée mais ça suffit. Sans ça, on est perdus, chacun court dans sa direction pour attirer l’audimat en attendant la prochaine (ceux qui veulent le pouvoir comme ceux qui n’en voudront jamais). Et comme rien ne nous promet une décision plus claire au prochain tour, je rejoins votre pessimisme !
On peut suspendre la réforme pour la génération 1963: la faire travailler jusque 62 ans et 6 mois (donc départ entre le 01/07/2025 et le 30/06/2026) au lieu de 62 ans et 9 mois (du 01/10/2025 au 30/09/2026) comme prévu par la réforme. En maintenant 63 ans pour la génération 1964 (en 2027). Mais ça suppose de le faire passer dans le PLFSS car c’est législatif. Et pour forcer la main des sénateurs de droite et des députés PS, ça nécessite une CMP et un 49-3 derrière…
Mais changer les règles avec à peine 6 mois d’avance, c’est crétin et un bordel monstre pour les salariés, les employeurs et les caisses de retraite
ps : tout ceci finit de me convaincre que la proportionnelle est une fausse bonne idée qui ne résoudra pas grand chose, apportera son quota d’élus parisiens qui vivent de com sur quelques sujets symboliques et auront moins de compte à rendre, et augmentera la probabilité de ne pas avoir de majorité alors qu’on n’a pas la culture pour gérer ça.
Authueil qui lâche l’affaire… mince, là, ce n’est plus seulement grave, c’est désespéré.
Plus sérieusement, pendant ce temps-là, derrière les soubresauts politiques très commentés qui donnent lieu à des hausses puis des baisses qui nous laissent croire que rien n’a vraiment de conséquences, le spread français grimpe tranquillement sur une tendance de 5pb/mois… à ce rythme-là, on croise le spread italien à l’été – après, quand on a dépassé les bornes, il n’y a plus de limites.
Mais la qualité de notre personnel politique ne changera pas à la faveur d’une crise financière.
Bref, difficile de voir une issue pas trop défavorable à cette situation pathétique.