La rentrée politique est toujours l’occasion d’annonces et de lancement d’initiatives politiques. Cette rentrée 2023 reste dans la tradition, mais illustre aussi de manière dramatique le vide politique qui règne désormais en France avec les « rencontres de Saint-Denis ».
L’opération a été teasée très tôt, avec l’annonce, avant même le départ en vacances, qu’une « grande initiative politique » serait prise à la rentrée. Au final, on apprend qu’il s’agit d’une réunion d’une quinzaine de personnes, issues des appareils politiques, dont le lieu semble avoir été fixé à la dernière minute, sans programme ou ordre du jour défini. Le tout baptisé, avant même qu’elles se tiennent, et qu’on sache s’il en sortira quelque chose, d’un nom pompeux, destiné à faire croire qu’il s’agit d’un évènement historique.
Après un an de lancement d’organismes de concertation, eux aussi baptisés de noms pompeux singeant des références historiques (les fameux CNR), la ficelle commence à être plus qu’usée. Il n’est, pour l’instant, strictement rien sorti de ces CNR, et le conseiller chargé de les suivre depuis l’Elysée vient de partir.
Cette initiative, c’est un coup tactique de plus d’un président minoritaire, pour essayer de passer des deals avec ses oppositions, afin de faire passer des réformes dont il espère être crédité dans le futur. Une possibilité que les oppositions ne lui donneront pas. Entre semi-boycott ou fausse main tendue, tout cela risque de finir en eau de boudin, malgré la belle carotte du référendum, agitée par Emmanuel Macron.
Parler de l’outil, avant même de savoir la question que l’on souhaite poser, c’est faire les choses à l’envers, mais c’est tellement emblématique de la manière de faire de la politique dans ce deuxième quinquennat Macron. Choisir de rester dans l’entre-soi des appareils politiques, structures sclérosées qui ne représentent que très peu de monde, est une preuve de plus qu’on est dans la tambouille politicienne, et pas dans une proposition d’envergure. Les pistes qui en sortent sont techniques et d’une ambition modeste : l’ouverture de négociations de branche, une réflexion sur le champ du référendum. Le fait qu’une nouvelle réunion, sur le même format, a été acceptée, est présentée comme une grande victoire.
Le principal enseignement est qu’un an après sa réélection, Emmanuel Macron n’est toujours pas capable de construire un projet politique et un récit qui fasse envie et puisse servir de point de ralliement. Il se montre, de plus en plus, pour ce qu’il est réellement, à savoir un technocrate (certes techniquement brillant) qui n’a pas compris qu’être président, ce n’est pas trancher des détails, mais d’être un moteur politique qui désigne un horizon à atteindre.
Faute de jouer son rôle, il s’est retrouvé avec une majorité relative, et une gestion du pays à la petite semaine, avec des manœuvres tactiques, par un gouvernement qui gère des politiques publiques mais qui fait tellement peu de politique.
10 réponses sur « La machine tourne à vide »
Cher Autheuil,
Merci pour ce résumé malheureusement très juste de la situation. Plus le temps passe, moins on a hâte de voir (et, malheureusement, vivre la suite…). A vrai dire, je me prends à espérer que vous fassiez quelques billets ou partagiez quelques idées sur le thème « à partir de là, si l’on ne se résigne pas, que peut-on et faudrait-il faire ? ». Parce qu’il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre – encore faut-il avoir quelque projet à entreprendre…
« Parler de l’outil, avant même de savoir la question que l’on souhaite poser, c’est faire les choses à l’envers, mais c’est tellement emblématique de la manière de faire de la politique dans ce deuxième quinquennat Macron. »
Cette histoire de préférendum est aussi bien mal ficelée. Au delà de son statut juridique inexistant, si c’est juste pour faire un sondage en beaucoup plus cher sans aucune contrainte derrière, il y a là une énorme machine à frustration qui doit juste permettre au président de dire qu’il n’est pas lié à la question ni au résultat. Au Souverain il faut demander une décision, pas un avis, et ce à chaque vote.
A chacune de ces petites manifestations sans lendemain, je me demande quelle forme va prendre le retour de boomerang du Politique.
Il se met décidément dans les pas de Mongénéral. Un dépassement du clivage gauche droite qui n’opère plus lors du second mandat ; une absence ou quasi absence de majorité législative en 1967 comme en 2022 ; une impossibilité à faire l’union de la droite et du centre (avec Lecanuet en 1967, LR aujourd’hui) ; un rétrécissement sociologique sur la technocratie ; une réforme majeure et très impopulaire de la protection sociale (ordonnances Jeanneney, retraites aujourd’hui). Il ne manquait plus que la fuite en avant référendaire, on y est
Et la comparaison s’arrêtera sans doute là.
Il y a une différence de calibre et de légitimité politique assez énorme entre les deux personnages !
De Gaulle était incontournable pendant toute la 4ème République même loin du pouvoir, a tel point qu’il a sifflé la fin de la 4ème République (et de la récréation !) dès son retour au pouvoir.
Macron était quasi inconnu deux mois avant son élection.
Pour moi, différence trop énorme pour que la comparaison soit pertinente.
Le 2e mandat Macron tourne à vide comme le 2e mandat de Gaulle, le dépassement du clivage gauche droite n’opère plus (les macronistes de gauche aujourd’hui sont un peu les gaullistes de gauche d’hier) et le reste de la droite attend son départ pour s’allier avec ses héritiers. On peut se dire comme Marx que l’histoire bégaie et que la farce suit la tragédie, mais ce 2e mandat est plus poussif que le premier et si Macron essaie de se relancer par un référendum il pourrait quitter l’Elysée plus vite que l’échéance de son mandat…
La comparaison est totalement pertinente. Même arrivée comme « homme présidentiel » sans vrai programme politique, mais avec une envie de dégagisme de la population contre une classe politique incompétente. Même tentative de se dire « ni de droite, ni de gauche » pour finir à droite (après avoir bien fracassé les partis politiques) avec une vague caution de gauche. Edouard Philippe ressemble de plus en plus à Pompidou, à savoir le dauphin naturel, qui fera la synthèse avec les restes de la droite, quand le grand leader se sera fracassé lors d’un référedum pour tenter de retrouver une légitimité électorale en berne. Dans les deux cas, c’est la technocratie qui est aux manettes (avec des résultats autrement plus probants sous De Gaulle que sous Macron).
C’est purement académique mais je me demande encore si une alliance LREM-LR au moins tacite était possible en mai 2022. Nommer un ou une PM plus compatible avec la droite, en faire un peu moins sur la transition verte. Et surtout faire des candidatures communes dans certaines circonscritions (pas toutes) trop exposées au RN ou à LFI. Quitte à mettre des étiquettes UDI, Horizon, divers droite ou divers centre ou que sais-je. A une époque, la participation aurait garanti la présence de l’un des 2 au 2e tour, au moins en triangulaire LFI RN, mais la division au 1er tour n’est plus possible.
Mais peut être que ce genre d’arrangement, comme sous de Gaulle, est impossible au lendemain d’une présidentielle quand il y a trop d’égo blessé. Les législatives hors année présidentielle étaient plus favorables à ces accords locaux
Cela n’était pas possible, car les députés LR ont été élus en battant des candidats macronistes. Donc ils estimaient avoir mandat de leurs électeurs de s’opposer. Sinon, leurs électeurs auraient choisi un candidat macroniste. Pas possible non plus, car en 2022, personne n’était en mesure de signer au nom de LR, avec la garantie que tous les députés suivent derrière. En France, les coalitions se font avant les élections, car on est au scrutin majoritaire. C’est dans les scrutins à la proportionnelle, que les coalitions se font après l’élection.
C’est peut être entre les deux tours de la présidentielle qu’un semblant d’accord/ralliement (avec néanmoins concurrence dans un certain nombre de circos) aurait pu se négocier. A la mode Mitterrand Marchais 1981 ou Chirac Bayrou 2002. Mais c’est vrai qu’un parti habitué à être le partenaire senior ne devient pas junior facilement, et la défaite humiliante de Pécresse ne facilitait pas les accords.