Face à une campagne atone en vue des législatives, où le nouveau gouvernement Borne ne suscite pas d’enthousiasme, Gérald Darmanin vient de faire lâcher une petite bombe. Le dépassement de vitesse, en dessous de 5 km/h, n’entrainerait plus de perte de points de permis.
C’est une petite bombe électorale, car c’est une proposition très fortement audible auprès d’un électorat qui est bien davantage acquis à Marine Le Pen qu’à Emmanuel Macron. Il ne faut jamais oublier que la crise des Gilets jaunes est née de la voiture, pas seulement du prix de l’essence. La baisse de la limitation à 80 km/h, sur les routes nationales, avait tassé la poudre de la crise sociale dans le baril, la taxe carbone n’a été que l’étincelle qui a tout fait exploser. Certains diront (à raison) que c’est démagogique et irresponsable, et qu’on porte atteinte à la sécurité routière, où parfois, le simple signal envoyé suffit, pour que les comportements se relâchent.
C’est là qu’on voit ce qu’est réellement « faire de la politique », c’est savoir trancher, et annoncer des mesures qui ont de réels inconvénients, mais dont les avantages, à l’instant T, sont plus importants. Oui, cette annonce est mauvaise pour la politique de sécurité routière (et on pourrait le payer par une remontée du nombre de morts et de blessés sur les routes). Mais à trois semaines des élections législatives, c’est aussi la seule mesure à peu près audible, qui puisse amener des électeurs du RN à se poser des questions sur leur vote (notamment au second tour, en cas d’absence de candidat RN). De plus, c’est amené par la bande, un « off » venu du ministère de l’Intérieur (à n’en pas douter un proche du ministre), donc à la fois crédible, tout en pouvant être démenti au besoin, par les étages supérieurs, si jamais le tollé est tel que le bénéfice coût/avantage devient négatif.
C’est aussi une petite bombe politique, car on peut tout à fait imaginer que cette annonce a été lancée sans prévenir Matignon auparavant, avec une Première ministre qui se retrouve devant le fait accompli. Moins de deux semaines après sa nomination, Darmanin, l’un des ministres les plus politiques du gouvernement, commence déjà à tester les limites, celle du pouvoir d’Élisabeth Borne et l’étendue des initiatives qu’il peut prendre.