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La classe politique a failli à sa mission

Michel Barnier vient de présenter sa démission, après seulement trois mois en fonction, et un successeur doit lui être trouvé d’ici « quelques jours ». Cet évènement est la confirmation des craintes exprimées depuis le début de la XVIIe législature, sur l’effet délétère de la situation sur la démocratie et les institutions.

La classe politique porte, dans son ensemble, une lourde responsabilité. Elle ne pense qu’au « coup d’après » et à la conquête du pouvoir (pour sa pomme) et pas du tout à exercer le mandat donné par le peuple, en recherchant le dialogue et le compromis pour que le pays soit effectivement dirigé. Tous les élus sont discrédités, si tant qu’on puisse descendre plus bas dans l’estime des français.

Au sein du bloc central, la mise en place d’une véritable cohérence a mis du temps, et on n’était pas encore au moment de la dissolution. Par moment, on a vraiment eu l’impression d’être dans une cour de récréation de collège, avec des ados se livrant à un concours de quéquettes, qu’on aurait eu envie de baffer (notamment Gabriel Attal et Laurent Wauquiez). Les négociations de coalition qui, dans une démocratie parlementaire normale, se déroulent en amont, et en coulisses, se faisaient au quasi grand jour, et au fil de l’eau. Le tout avec un désinvestissement du travail de fond (au Parlement) au profit de la communication. Quand on est la coalition gouvernementale, le minimum est de s’investir dans les débats, ce qui n’ a pas été franchement le cas pour le bloc central depuis octobre.

La gauche porte également une très lourde responsabilité, la plus importante sans doute. A aucun moment, depuis le « tout le programme, rien que le programme » de Mélenchon, ce bloc n’a donné l’impression qu’il cherchait sincèrement à négocier, c’est-à-dire à passer des compromis pour le bien du pays. On a assisté à des comédies médiatiques (la palme revient au sketch Lucie Castets), un cirque là aussi indécent, où pendant longtemps, ce bloc de 200 députés (donc minoritaire) prétendait avoir gagné, et que tout refus de lui confier le pouvoir serait un déni de démocratie. Une telle attitude abime profondément la démocratie, car des militants y adhèrent de bonne foi. Pendant ce temps, pas la moindre ouverture (pas même du parti socialiste), dans les travaux parlementaires, pour arriver à des compromis, mais des hold-ups en série, par voie d’amendements, en sachant que le vote final ne pourra être qu’un rejet. La politique du pire de bout en bout !

Le RN n’a pas été en reste, avec un jeu consistant à souffler le chaud et le froid, pour finalement appuyer sur le bouton nucléaire, après avoir fait semblant de négocier. Là encore, on peut sérieusement douter qu’il y avait une volonté de Marine Le Pen de conclure de véritables compromis. Elle a juste cherché à accumuler les trophées, en ajoutant des demandes toujours plus inacceptables qui consistaient à « protéger » des catégories de la population pour développer sa clientèle électorale. En revanche, la situation des finances publiques ne semblait pas être sa priorité. Le pire est qu’on semble repartir pour un tour, avec une Marine Le Pen qui nous refait le coup du « je laisse le gouvernement travailler », juste après avoir censuré.

Bref, à aucun moment, nos élus, de quelque bord qui soit, ne se sont préoccupés de l’intérêt général, et de diriger le pays. Ils n’ont fait que faire campagne, en vue d’une échéance qui reste lointaine (l’été 2025), plongeant le pays dans l’incertitude et le marasme. Car ce cirque politique à des conséquences très réelles sur le pays.

Pour l’économie d’un pays, il n’y a rien de pire que l’incertitude, et on est en plein dedans. Si les gouvernement ne durent que trois mois, tous les engagements et promesses sont vite caduques, donc la parole gouvernementale ne vaut plus rien. Comment se projeter, dans de telles conditions ?

L’impact sur le travail parlementaire est également désastreux, car plus rien n’aboutit. Les deux mois de travail sur les textes budgétaires sont à mettre à la poubelle, pour rejouer le match en janvier et février, sans certitude que ces nouvelles discussions ne subissent pas le même sort. Tout ceux qui ont suivi les travaux parlementaire depuis octobre sont lessivés (physiquement et nerveusement) et n’ont aucune envie de remettre ça en janvier. Si les institutions organisent leur propre impuissance, il ne sera pas possible de venir pleurer, ensuite, qu’elles soient contournées, voire pire, supprimées.

J’attends des analyses plus poussées des conséquences de la non adoption des lois financières, mais je crains qu’il y ait beaucoup de désastres cachés. Quid des dispositifs fiscaux qui avaient besoin d’être prolongés, et vont tomber au 31 décembre ? Il est juridiquement plus facile de prolonger quelque chose, que de le rétablir une fois qu’il est tombé. Que ce soit pour le budget ou pour le reste, on est dans l’immobilisme, rien ne va bouger. Pour certains, ce sera une bonne affaire, pour d’autres, ça sera très problématique. Avec là encore, des conséquences en cascade qu’on va découvrir une fois qu’il sera trop tard pour les traiter.

J’en veux terriblement à la classe politique, d’avoir sacrifié le bon fonctionnement du pays à leurs ambitions personnelles. Ils ont failli à leur mission, et ne sont pas dignes de rester à leur place.

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Risque et analyse

La censure, à laquelle je ne croyais pas, a finalement eu lieu. Apparemment, Michel Barnier n’y croyait pas non plus. On n’est planté. Cela arrive, quand on est en anticipation, dans une période particulièrement incertaine. Pour autant, je n’ai aucun regret, car l’important, pour moi, est l’analyse, bien plus que la prédiction en soi.

Ma manière de construire une pensée et un raisonnement implique que je me prononce sur l’issue. C’est à partir de la fin, que je construit le cheminement qui y mène, et donc l’analyse. C’est risqué, car les éléments peuvent changer en cours de route, et une position qui était juste à un moment T, peut ne plus l’être quelques temps après.

Prendre position sur l’issue, est aussi un excellent moyen de susciter le débat (en mode troll parfois) et donc d’avoir des échanges intéressants. Ne pas se positionner peut amener à produire un filet d’eau tiède, où on enquille les banalités. Mes lecteurs habituels savent que ce n’est pas mon style.

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L’illusion politique

L’illusion politique est un ouvrage de Jacques Ellul, paru en 1965, dont je viens de terminer la lecture (il vient d’être réédité en poche). Il trouve, en cette période étrange, une résonance particulière.

Jacques Ellul est un auteur très singulier dans le paysage intellectuel français. Son œuvre (importante) est biface, avec d’un coté un sociologue du technique et de la propagande idéologique, et de l’autre, un théologien protestant. Il est resté toute sa vie professeur à Bordeaux, donc loin des chapelles idéologiques parisiennes. Enfin, il ne se pose pas en théoricien construisant des cathédrales intellectuelles, mais comme un essayiste, qui engage une conversation sur des thèmes qui se retrouvent d’un livre à l’autre. C’est un marginal, et c’est ça qui le sauve aujourd’hui, car il a développé une pensée originale, faite d’intuition, mais aussi d’excès et d’erreurs. On est rarement complètement d’accord avec Ellul, qui est parfois dans l’excès, et décrit un monde daté. On en prend et on en laisse, mais il fait réfléchir, car il sort des sentiers battus.

Dans l’illusion politique, il part du postulat que cela fait déjà bien longtemps que la classe politique a perdu le contrôle du pays, que la « politique » ne dirige pas grand chose, et que la vie politique est un théâtre d’ombres. Je retrouve ce que nous vivons en 2024 dans bien des descriptions qu’il fait de la situation des années 60.

Pour Ellul, il y a des décisions politiques majeures, que l’on ne prend que quelques fois par décennies, et qui engagent profondément. Toute la suite n’est que la mise en œuvre nécessaire de ces décisions majeure. C’est par exemple le choix énergétique du nucléaire, ou encore la construction européenne. Une fois qu’on s’y engage, beaucoup de décisions présentées comme le fruit de décisions politiques, ne sont que l’application des mesures nécessaires, sans réelle marge de manœuvre. La grosse erreur du politique est de continuer à faire croire aux citoyens que malgré cela, on a quand même toujours le choix, et qu’on peut renverser la table. Mais en fait, quand les citoyens prennent les politiques au mot, et le font (comme pour le référendum européen de 2005), ça se termine mal, car en fait, on n’a pas le choix. Ou alors, il faut prendre une autre décision majeure, qui engage pour au moins une génération.

Une autre illusion est de faire croire que les politiques sont aux manettes du quotidien, et qu’un ordre, parti du bureau d’un chef d’Etat ou de gouvernement, s’applique rapidement, et change la vie concrète des gens. Or, c’est totalement faux, et les politiques ne font que tenir le gouvernail d’un lourd paquebot, à la tête d’une bureaucratie qui est la condition de l’efficacité de l’action publique, dans un monde complexe. Toutes les politiques de « simplification » ne sont qu’un leurre, car la mise en œuvre des politiques publiques nécessite de résoudre ou d’arbitrer entre de nombreuses injonctions contradictoires, et ne peut s’appliquer qu’avec des effectifs nombreux de fonctionnaires qu’il faut motiver et coordonner.

Le troisième problème que pointe Ellul est que la politique se fait souvent sur des objets symboliques, qui n’ont parfois qu’un lointain rapport avec la réalité. C’est particulièrement visible aujourd’hui, où nombre de politiques publiques sont conçues sur la base de clichés et de concepts fantasmés. Il s’agit de lutter contre la « théorie du genre » ou le « néolibéralisme », d’éviter le « grand remplacement », de fustiger les « ultra-riches ». De plus en plus, la pensée politique est déconnectée des réalités, donc il ne faut pas s’étonner que si les décisions sont prises sur des prémisses idéologiques, elles n’aient que peu, voire aucun effet sur la réalité.

La quatrième illusion est le faux-semblant démocratique. Notre système politique actuel est qualité de « démocratie » en faisant croire aux simples citoyens qu’ils sont dans l’Athènes de Périclès, et qu’ils ont réellement du pouvoir, alors qu’il n’en est rien. Beaucoup s’en sont d’ailleurs rendus compte, développant une amertume et un rejet des élites qui continuent à leurs seriner ces contes pour enfants. Les français ont, dans leur grande majorité, l’impression d’être pris pour des imbéciles. Les mécanismes de « participation citoyenne » ne sont que des emplâtres sur cette jambe de bois, des gadgets n’ayant pas d’effet réel sur le « système ». En 1965, déjà, cela se voyait.

Jacques Ellul fustige également l’idée que « tout est politique », et que les solutions à tous les problèmes ne pourraient donc passer que par la politique. Il voit dans cette manière de charger la société de toutes les responsabilités, une forme d’impasse, car on demande à la politique de régler des questions qui relève de valeurs. L’Etat est sans doute le bon outil pour les questions de gestion matérielle et administrative de la cité, mais certainement pas pour trancher des sujets autour du bien et du mal, du vrai et juste. Demander au « politique » de trancher des enjeux moraux, c’est lui demander plus qu’il ne peut donner, et se retrouver nécessairement déçu et amer. Or, nos politiques ne font que nous parler de valeurs, de justice, de grands principes ! Ils posent beaucoup de constats, et de questions, soulèvent des espoirs auxquels ils sont bien en peine de répondre concrètement et efficacement.

La déception profonde des français vis-à-vis de la politique (et donc des institutions et de la classe politique) vient sans doute en partie de ces illusions. On attend trop de l’Etat et des institutions publiques, on croit trop qu’on peut « tout changer », qu’il suffit d’en avoir la « volonté politique ».

On ne pourra véritablement s’en sortir qu’en tordant le cou à cette illusion de la politique, telle qu’elle nous est vendue, et à laquelle, malheureusement, nous sommes attachés, car elle fait partie de notre culture.

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Imaginons un instant que Barnier soit renversé

Même si je pense les dirigeants politiques français suffisamment lucides pour éviter de plonger le pays dans la crise, en renversant Michel Barnier, je vais essayer d’imaginer ce qui pourrait se passer, au cas où ils le font. Après tout, la bêtise et l’irresponsabilité sont de plus en plus répandues (les américains ont réélu Trump), tout devient plausible.

Les institutions vont continuer à fonctionner dans un premier temps. En cas d’adoption d’une motion de censure, la semaine prochaine, sur le PLFSS, Michel Barnier est tenu de démissionner. Emmanuel Macron revient ainsi dans le jeu, puisque c’est à lui de nommer un premier ministre. Pendant un temps indéterminé, Michel Barnier peut rester en fonction, à expédier les affaires courantes. Il apparait difficile pour le président de le renommer immédiatement, ce qui serait contraire à l’esprit de la Constitution. Après sans doute moultes consultations, Macron constatera qu’aucune coalition plus solide que celle qui soutient Michel Barnier, ne peut être trouvée.

L’élargissement du bloc central vers la droite semble très compliqué, car gagner sur la droite (en incluant plus ou moins le RN), c’est perdre sur la gauche, le Modem et une grande partie de Renaissance ne suivraient pas. L’autre perspective, l’élargissement à gauche avec l’entrée du PS dans la coalition semble la meilleure solution. Mais malgré les tentations du PS de s’émanciper, le NFP restera soudé, car les municipales arrivent (avec des accords de coalition) et l’électorat de gauche ne semble pas psychologiquement prêt à voir se briser l’objet totémique « union de la gauche ». De toute manière, cette nouvelle majorité serait encore un peu plus ingérable qu’actuellement. Ce ne serait qu’un rafistolage, pour que le service minimum soit assuré, en attendant de pouvoir revenir aux urnes, à l’automne 2025. Pas de grande réforme à attendre, mais au moins, on aura un gouvernement en mesure de prendre des décisions en cas de crise externe qui nous tombe dessus.

La deuxième option est celle du gouvernement technique, composé de hauts fonctionnaires, dont le but est clairement, et exclusivement, de tenir la maison propre, en attendant des élections législatives, dont la date (à l’automne) est annoncée rapidement, afin que les choses soient sans équivoques. Ce serait moins bien qu’un gouvernement politique, car la marge de manœuvre serait quasi inexistante, à moins d’une forme de coup de force politique. Le cœur du pouvoir, sous la Ve république, c’est l’exécutif, et un gouvernement de hauts fonctionnaires qui fait ce qu’il veut, débarrassé pendant 8 mois du contrôle politique du Parlement, c’est problématique. Ce serait une forme de démission des politiques, qui pourrait faire de très gros dégâts dans la population. Les gens pourraient par exemple se rendre compte que, finalement, c’est plus efficace comme cela, et qu’après tout, un régime autoritaire, ça a de bons cotés. Des inhibitions peuvent sauter, et le terrain se préparer pour le pire.

Tout cela pourrait finalement bien se passer dans un pays qui dégage des excédents budgétaires, qui vit au quotidien la fraternité, dans un continent en paix. Sauf que la France, en ce moment, c’est loin d’être ça. Nos déficits publics explosent, et un gouvernement faible et impuissant, c’est l’assurance que ça va encore plus déraper. Les agences de notation financières risquent de nous le signaler très vite, pour un coût qui est loin d’être négligeable. Nos partenaires européens, avec qui nous partageons une monnaie commune, ne vont pas apprécier non plus, surtout quand le souvenir du naufrage grec n’est pas si loin. Notre pays est très loin d’être apaisé, et bien au contraire, il est sujet à de très fortes tensions, qu’un épisode de quasi vacance du pouvoir peut faire tomber dans des spirales très dangereuses. Enfin, la guerre entre la Russie et l’Ukraine pourrait prendre un tournant décisif, si en janvier, Donald Trump coupe les vivres à l’Ukraine.

Je crains que nos institutions ne soient pas assez solides pour faire face au vide du pouvoir en France. La tentation peut être forte de chercher à passer par dessus la Constitution, en provoquant par exemple des législatives anticipées. On peut aussi imaginer que le gouvernement, pour assurer « la continuité de l’Etat » (qui est le totem d’immunité devant les juridictions et le conseil constitutionnel), ne prenne des mesures qui ne soient pas tout à fait dans les clous des textes en vigueur. Il va bien falloir trouver une solution pour doter la France d’un budget. Le bricolage peut aller quelques temps, mais pas plusieurs mois. Notre administration, et plus globalement notre économie, ne sont pas psychologiquement prêt à la navigation à vue, hors des sentiers battus. Comme le dit le proverbe, une fois que les bornes sont franchies, il n’y a plus de limites.

La solution de facilité consistant à sortir « provisoirement » de l’Etat de droit, même si c’est sur un champ réduit, pour un temps limité, peut être profondément délétère pour notre pays, et pour l’Etat de droit lui-même. On peut s’y retrouver entrainés, sans même s’en rendre compte, du fait des nécessités, de la pression interne et externe, tout simplement parce que c’est la moins mauvaise solution à un instant X.

Je ne sais pas si la classe politique et les citoyens sont conscients de la pente glissante dans laquelle nous sommes engagés. D’autant plus que les extrêmes, LFI comme RN, seront les premiers à bénéficier d’une sortie piste de nos institutions. Ils n’attendent même que ça, et il se pourrait que Marine Le Pen soit, d’un coup, beaucoup plus pressée. Cela lui permettrait de faire comme Trump, arriver au pouvoir avant d’être rattrapée par les juges.

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Hidalgo offre Paris sur un plateau à Dati

La maire de Paris, Anne Hidalgo, ne se représente pas en 2026, et commet toutes les erreurs qui vont permettre à Rachida Dati de prendre la mairie.

La première erreur est d’adouber un dauphin qui n’était pas celui prévu de longue date. La logique aurait voulu que ce soit Emmanuel Grégoire, premier adjoint, qui soit désigné. Il se prépare depuis longtemps, et était vu par tous, jusqu’à il n’y a pas si longtemps, comme l’héritier naturel. Mais les questions d’ego en ont décidé autrement, comme souvent en politique, et Anne Hidalgo décide, au dernier moment, de propulser un autre élu, Remi Féraud. Les deux dauphins sont de force et de qualité égale, ce qui risque d’entrainer une guerre de succession fratricide au sein du PS parisien, l’ancien dauphin ayant déjà annoncé qu’il y allait, et entend bien être adoubé par un vote des militants. Le suicide politique parfait.

Anne Hidalgo aurait pu éviter ce désastre, en tranchant dans le vif. Elle démissionne, et met en poste, en cours de mandat, le candidat de son choix. Cela tue le match en interne, car c’est difficile, pour les militants, de désavouer le maire en poste. C’est du passage en force de la part d’Hidalgo, mais c’est assez efficace. Elle a choisi de rester jusqu’au bout, autre erreur, une succession bien préparée se faisant par un passage de témoin en cours de mandat. Cela ne garantit pas la réélection de celui qui prend le poste en cours de mandat, mais ça lui donne les moyens d’acquérir une notoriété, dont Rémi Féraud, comme Emmanuel Grégoire, manquent cruellement.

La troisième erreur est une faute d’analyse politique. Anne Hidalgo exclut explicitement les insoumis de la future coalition de gauche aux municipales, tout en demandant aux écologistes et aux communistes de rallier le candidat PS dès le premier tour. Les communistes, qui n’ont pas les moyens de faire un liste autonome, répondront sans doute à cet appel. En revanche, pour les écologistes, c’est une autre histoire. Ce n’est sans doute pas par hasard que Yannick Jadot a été parachuté sénateur de Paris en 2023, ni pour lui assurer une retraite dorée. Je pense, au contraire, que c’est une stratégie pour partir, en autonome aux municipales, au premier tour, avec une tête de liste crédible. Vu les rapports de force à gauche, à Paris, c’est un pari qui peut être gagnant. Dans plusieurs gros arrondissements de gauche, si on a une liste PS-PC, une autre LFI et une troisième écologiste, je ne sais pas laquelle arrive en tête au soir du premier tour. Ce n’est pas certain que ça soit celle du PS.

De l’autre coté, la droite est en pleine recomposition, depuis que Rachida Dati est devenue ministre de la Culture. La macronie, qui n’était déjà pas bien vaillante à Paris, n’a personne à proposer, et Horizons ira sans trop de mal se vendre pour quelques places d’adjoints, la différence idéologique avec Dati n’étant pas plus épaisse qu’une feuille de papier à cigarette. Le reste de LR se fera acheter de la même manière, et ceux qui ne voudront pas se rallier (bon gré, mal gré) ne seront pas en mesure de faire des scores leur permettant de se maintenir, à part dans quelques arrondissements de toute manière acquis à la droite, quoi qu’il arrive. On peut compter sur le caractère bien trempé de Rachida Dati pour que tout le monde soit bien aligné et que la machine électorale fonctionne. Son seul souci est judiciaire, avec un probable procès pour corruption et donc un risque d’inéligibilité.

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La mousse médiatique autour de la censure

Les journalistes politiques français se sont pris de passion pour un sujet qui permet de faire croire qu’une nouvelle crise politique se profile. Le gouvernement Barnier pourrait bien être censuré, en décembre, lors des ultimes votes sur le budget. Encore une montée de fièvre à courte vue de la part de médias incapable de prendre un peu de hauteur.

Le gouvernement de Michel Barnier n’ayant pas de majorité absolue à l’Assemblée, il est à la merci d’une coalition gauche-RN qui peut le renverser. Depuis le début, la gauche ayant annoncé qu’elle voterait systématiquement les motions de censure, elle a placé le RN en position d’arbitre. Marine Le Pen, disposant de cette belle carte, fait monter la sauce depuis quelques jours. Elle agite la menace de voter la censure, si on ne lui donne pas quelques victoires politiques et symboliques lors de l’examen du budget.

Le moment n’est pas choisi au hasard. La configuration de l’Assemblée, sans majorité solide, ne laissait pas espérer un vote positif sur les lois financières. Tous les observateurs un peu lucides savaient que tout se jouerait au Sénat. Il est donc logique de mettre la pression dans la semaine qui précède l’examen du budget par le Sénat. C’est maintenant que les vraies décisions se prennent.

On va donc entendre les flonflons du bal, avec le premier ministre qui reçoit officiellement Marine Le Pen, ainsi que d’autres présidents de groupes parlementaires. On va avoir une semaine de chaud et froid, avec au final, une baudruche qui va se dégonfler. Le gouvernement Barnier ne sera très probablement pas censuré cette fois-ci, pour des raisons structurelles.

Si la gauche veut déposer une motion de censure à l’occasion de l’utilisation de l’article 49.3 sur le budget, son adoption entraine de facto le rejet du budget. Même si des mécanismes juridiques existent pour tenter d’éviter le shutdown, c’est quand même une décision politique lourde. Je vois mal le RN, en quête de respectabilité et d’une image de « gestionnaire responsable » se lancer dans cette aventure. On risque surtout d’avoir un message de mécontentement du RN contre Barnier et son budget, assorti d’une abstention lors du vote « par sens de la responsabilité envers le pays » (ou une autre formule approchante). On peut faire confiance à Michel Barnier pour mettre, le moment venu, la pression dans ce sens.

Si la gauche attend le vote du budget, et dépose juste après une motion de censure découplée (sur la base de l’article 49.2), on est dans une autre configuration politique. Le risque de shutdown est écarté, mais reste un souci : comment trouver un autre gouvernement, en attendant qu’Emmanuel Macron puisse à nouveau dissoudre, à l’été 2025 ? Le cirque de cet été a montré qu’il n’y a pas d’alternative possible à la majorité qui soutient Michel Barnier, même si les socialistes tentent d’explorer des idées fantaisistes (comme des accords de non-censure). Donc là encore, on est dans une impasse, la censure créant une crise politique dont il n’y a pas d’issue institutionnelle possible. Il ne faut pas oublier que le but de la gauche, comme du RN, est de récupérer le pouvoir au prochain coup, pas de plonger la France dans le chaos politique (dont on ne sait jamais ce qui peut sortir).

Enfin, les médias semblent sous-estimer le fait que Michel Barnier est un fin négociateur, qui a mené la barque du Brexit avec succès pour l’Europe. Je ne doute pas que le Premier ministre saura en lâcher un peu, promettre suffisamment, pour que Marine Le Pen se dise que, finalement, elle n’a pas intérêt à voter la censure. L’essentiel, pour elle, est déjà acquis, par la démonstration du fait qu’elle est incontournable, et qu’il faut donc bien la traiter.

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Faut-il se contenter de tondre les GAFAM ?

Très régulièrement, dans le débat public, surgissent des propositions de taxes sur les grandes entreprises du numérique. C’est soit pour alimenter les caisses publiques, soit pour subventionner d’autres secteurs économiques, censés avoir été « spoliés » par les Gafam.

Si la première alternative, d’alimenter le Trésor public, ne me pose pas de problèmes (c’est normal de payer des impôts) la seconde est beaucoup plus litigieuse et doit être regardée avec précaution, afin de ne pas accepter n’importe quoi, et ne pas se détourner des véritables enjeux, dans le bras de fer entre Etats et grandes plateformes.

Les cris les plus vocaux viennent souvent de secteurs économiques habitués à être subventionnés sur fonds publics, ou ayant longtemps bénéficié d’un monopole leur permettant de tondre les consommateurs. L’arrivée du numérique, et notamment des grandes plateformes, a bouleversé de nombreux secteurs économiques, en rendant possibles (et surtout rentables) d’autres manières de travailler. Beaucoup de secteurs ont ainsi connu une forme de désintermédiation, où le numérique s’est révélé bien plus efficace, et moins couteux. Les annonces et offres, les réservations diverses et variées, ont massivement migré vers des plateformes (dont toutes ne sont pas américaines). Le temps passé a également migré, les gens passant bien plus de temps devant des écrans. Donc nécessairement, des activités comme la publicité ont suivi. Des modèles économiques, dont certains tenaient de l’économie administrée, comme celui des médias « classiques » ont souffert des possibilités de contournement technique des péages et barrages destinés à obliger les comportements des consommateurs. On a ainsi « découvert » que bien des comportements ne relevaient pas de choix libres et éclairés, mais juste d’une contrainte bien organisée par les producteurs.

Le numérique a donc changé bien des règles du jeu, et dans les premiers temps, les acteurs économiques dominants ont tout fait pour rétablir les anciennes règles. Sans y arriver, comme le montre le secteur de la culture, où dès les années 2005, tout le monde leur disait que le consommateur devient pirate, car il n’aime pas être pris pour un pigeon, mais que si on lui propose une offre « légale » qui soit pratique et à un prix correct, il s’y dirigera. Cela a pris 10 ans, et ce sont les américains, avec Netflix notamment, qui ont pris le marché en proposant (enfin) une offre adaptée que les acteurs français du secteur de la culture n’ont pas été capable de proposer.

Aujourd’hui, les places étant prises, les acteurs économiques français n’ont souvent plus que leurs yeux pour pleurer. Ils vilipendent donc des opérateurs numériques qui font ce qu’ils auraient pu faire, s’ils avaient eu un peu plus l’esprit d’entreprise. Ils développent un discours victimaires, se présentant comme des gens qui auraient été « spoliés » et doivent donc être indemnisés. Comme si les lecteurs et les annonceurs publicitaires étaient la propriété des titres de presse, et que les Google et consorts devaient les indemniser pour leur avoir offert un service correspondant mieux à leurs attentes. On est vraiment dans la fable de Bastiat, sur les marchands de chandelles qui pétitionnent contre le soleil.

Le drame est que nombre de médias et d’acteurs de l’industrie culturelle sont encore dans cet état d’esprit de refus d’évolution. Ils ne veulent pas changer leurs habitudes, et trouvent d’autres arguments, pour qu’au final, ils soient subventionnés par ceux qui ont pris leur marché. C’est la question des droits d’auteurs, où des sommes astronomiques sont demandées par les patrons de presse, pour des productions souvent médiocres, bien loin de ce que des calculs économiques rationnels pourraient donner. C’est maintenant le rôle « d’intérêt général » des médias, pour la démocratie, qui est mis en avant, pour justifier qu’ils soient subventionner. Les pouvoirs publics, qui donnent déjà largement pour ça (plus d’un milliard par an) ne peuvent pas en rajouter, et ce seraient donc aux plateformes de venir en donner plus.

Derrière tout cela, il y a aussi des enjeux de pouvoir. Ces plateformes ont pris une place centrale dans la distribution de contenus et de services, mais aussi dans l’organisation du débat public. Et certaines de ces plateformes font n’importe quoi, entre irresponsabilité et manipulation. On n’est plus ici sur des questions d’argent, mais tous les moyens sont bons, au niveau des gouvernements, pour avoir prise sur ces acteurs américains, dans un bras de fer qui entre dans une phase critique. Ces sujets autour du droit d’auteur ou de la désinformation sont donc gonflés dans le cadre de cette lutte de pouvoir, bien au delà de ce qui relève de la responsabilité de ces plateformes (même s’il y a du vrai dans ces demandes et reproches).

Il serait bien que le débat public se recentre davantage sur la question de l’emprise et du pouvoir dont disposent ces plateformes, et ce qu’elles en font. Les vrais enjeux « démocratiques » sont là, et sont importants, et c’est sur ce terrain que se placent les autorités américaines (pour le moment). Ne laissons pas ce combat être détourné et instrumentalisés par des acteurs économiques qui cherchent juste à racketter un autre secteur plus prospère, afin de reconstituer des rentes leur permettant de vivre confortablement, sans avoir à innover.

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La France en pleine reconfiguration politique

La déflagration provoquée par la dissolution de l’assemblée en juin 2024 marque un moment majeur d’une reconfiguration politique qui se poursuit, vers des direction pour l’instant encore incertaine.

Le premier effet a été de mettre Emmanuel Macron à l’écart de la vie politique. Il reste président et garde donc une capacité de nuisance, mais il a été mis au rencart par son propre camp. Il ne représente plus l’avenir, et ce qu’il peut dire n’intéresse plus grand monde, et semble assez mal le vivre. Le bloc central peut donc commencer à se reconfigurer se stabiliser, mais ce sera très progressivement, et un peu dans la cacophonie. Il y a des moments, on se croirait dans une cour de récréation, avec quelques gamins mal élevés comme Attal ou Wauquiez, qui cherchent à jouer les caïds. Ils peuvent discréditer ce bloc politique aux yeux de leurs électeurs, désespérés de ces enfantillages.

Même si l’Assemblée est un véritable cirque, du fait de l’absence de majorité, c’est aussi un terrain d’expérimentations, avec des cohabitations inattendues comme l’improbable tandem Coquerel – de Courson à la tête de la commission des Finances. Malgré des résultats déroutants dans les élections internes, on est arrivé à un résultat finalement pas inintéressant en termes de partage du pouvoir, la gauche ayant plus de leviers qu’on ne le pense. Ils sont à la tête de trois commissions et ont la majorité au bureau. Ils sont donc, de fait, associés au bloc central dans manière dont l’institution est gérée, et en seront considérés comme co-responsables. Il ne sera pas possible, pour la partie « raisonnable » de la gauche, de se défausser du bilan, quand l’heure des comptes arrivera, sur le déroulement de cette XVIIe législature.

Cette absence de majorité donne (et donnera) des résultats surprenants et imprévisibles, ce qui donne un véritable pouvoir à l’Assemblée nationale (en tout cas, plus qu’avant). En matière de lois, on sait ce qui entre dans l’hémicycle, mais personne ne peut prédire ce qui en sortira, ni dans quel état le texte sortira. Après le budget, un nouvel exemple vient d’être donné cette semaine, avec une banale proposition de loi sur les titres restaurants. Le but était de prolonger d’un an un dispositif provisoire, le temps de voter une réforme d’ensemble du dispositif. Prévue en 2024, cette réforme n’avait pas pu se faire pour cause de dissolution. Et voilà qu’en commission, les députés votent, à une voix près, non pas la prolongation d’un an, mais la prorogation définitive du dispositif, contre l’avis de la rapporteure (et du gouvernement). La devise de cette législature pourrait être « sur un malentendu, ça peut passer ».

A gauche, les choses évoluent aussi, avec des rééquilibrages entre gauche réformiste et radicale, où la prochaine étape sera les municipales de mars 2026. On pourrait avoir beaucoup de surprises, on commence déjà à avoir des signes que « la poutre bouge » dans certaines villes, dans le choix des alliances. Et surtout, la question de la succession d’un Jean-Luc Mélenchon vieillissant n’est toujours pas réglée à LFI, où ce n’est pas Manuel Bompard, qui a le charisme d’une huitre, qui pourra passer de coordinateur du parti à candidat à la prochaine présidentielle.

La reconfiguration politique se poursuit également, avec l’évènement majeur que pourrait être la condamnation de Marine Le Pen à une peine d’inéligibilité. Vu comment s’est déroulé le procès, l’amateurisme de la ligne de défense, on est bien parti pour qu’elle perde ses mandats dès 2025, et ne puisse pas se présenter à la prochaine présidentielle. Cette situation est une bombe à fragmentation, car cela pourrait entrainer une colère et une radicalisation du coté du RN et de son électorat. Cela pourrait aussi entrainer une guerre de succession, voire une implosion du parti, si Jordan Bardella n’arrive pas à s’imposer, ou tombe, lui aussi, pour des questions d’emplois fictifs.

L’élection de Donald Trump et le supplément d’instabilité qu’elle ajoute à une situation géopolitique déjà menaçant, peut également changer la donne politique nationale. Une crise géopolitique peut rapidement dériver sur une crise économique ou financière, la guerre en Ukraine l’a montrée en 2022. L’Europe n’est pas bien vaillante, entre une France gérée par un intérimaire qui pourrait durer, et une Allemagne qui n’aura un gouvernement stable qu’au mieux en avril 2025 et une Italie dirigée par l’extrême-droite. Les tractations autour de la prochaine commission européenne montrent bien que les failles politiques s’approfondissent à Bruxelles.

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L’Assemblée nationale est devenue un cirque

Depuis le début du mois d’octobre, avec les débats sur les lois financières, l’Assemblée nationale donne un bien triste spectacle. S’ils voulaient démontrer l’inadaptation, voire l’inutilité de l’institution, les députés ne pourraient pas s’y prendre mieux.

Depuis un mois, nous assistons à des débats totalement décousus, où certains parlementaires ne comprennent visiblement pas toutes les implications de ce qu’ils votent, voire s’en moquent éperdument. Il faut voir le nombre de dingueries fiscales qui sont adoptées, aux effets économiques absolument pas maitrisés, techniquement inopérants, contraires au droit européen et au droit constitutionnel. C’est profondément atterrant d’entendre « amendement adopté », après que le rapporteur général, qui siège depuis 30 ans en commission des Finances, l’ait démonté techniquement de manière claire et sans appel.

C’est également profondément attristant (et énervant) d’entendre des défenses d’amendements qui relèvent du discours de meeting politique, fustigeant les « ultra-riches » et passant des heures à parler de jets privés et aux autres objets symboliques, mais complètement anecdotiques. Ces mêmes députés, qui lisent leur papier où il y a deux punchlines par paragraphe, sont muets dès qu’on entre dans la technique de la mesure qu’ils proposent, car ils n’y comprennent rien. Le tout avec un art oratoire que l’on pourrait qualifier de médiocre. C’est également agaçant de voir qualifier de « débats » des séries de monologues pour défendre un même amendement, avec les mêmes arguments, juste pour que chacun ait sa pastille vidéo à poster sur les réseaux sociaux.

La Constitution fixant des délais assez courts pour l’examen des textes financiers, il a suffi au gouvernement de laisser les députés faire leur cirque et tenir meeting dans l’hémicycle, sans chercher à les freiner. Et arrivé au dernier jour du délai, il suffit de constater que les députés n’ayant pas terminé l’examen, c’est le texte initial du gouvernement qui est transmis au Sénat. C’est arrivé mercredi dernier sur le PLFSS, et cela arrivera très certainement sur le PLF, le couperet tombant le 21 novembre (à moins que les députés ne rejettent le texte avant).

Au final, la gauche aura pu faire son show, crier victoire sur les réseaux sociaux avec force visuels bien léchés, pour des amendements qui ne se retrouveront jamais au Journal officiel. Les citoyens, qui de bonne foi, ont cru que les mesures avaient effectivement été adoptées, risquent de tomber de haut en découvrant qu’il n’en est rien. C’est certainement le meilleur moyen pour les dégouter de la politique, et c’est l’ensemble du spectre, ainsi que l’institution, qui paieront les pots cassés.

Au bout du bout, on va s’apercevoir que c’est le Sénat qui aura eu la haute main sur le contenu des lois financières. La chambre élue au suffrage indirect va donc l’emporter sur celle élue au suffrage universel, ce qui n’est pas dans l’ordre des choses démocratiques. On va aussi s’apercevoir qu’on aurait finalement gagné du temps en passant directement par le Sénat, sans perdre de l’énergie avec les députés. Une leçon que vont retenir tout ceux qui travaillent dans les affaires publiques.

L’Assemblée nationale va se transformer en cirque inutile, où les députés vont faire de la petite politique, des débats enflammés qui ne mèneront nulle part. Tout cela durera jusqu’à ce que Marine Le Pen décide qu’il est temps de revenir aux urnes, et fasse voter ses troupes en faveur d’un motion de censure pour renverser le gouvernement Barnier. Ce sera le seul vote vraiment impactant de cette assemblée, le reste est sans intérêt.

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Il n’y aura pas de sursaut européen à l’élection de Trump

Donald Trump a réussi son retour, et de belle manière, puisqu’outre une majorité claire pour la présidence, les républicains emportent aussi le Sénat, la chambre des représentants, et ont déjà la cour suprême. Ils ont tous les leviers.

Je ne ferai pas ici l’exégèse de cette élection, ni les leçons politiques à en tirer, d’autres vont le faire abondamment. En revanche, les conséquences pour la France et l’Europe me préoccupent davantage.

Le résultat de cette élection est la prise de pouvoir central par la frange ultra-conservatrice, Trump n’étant finalement qu’un homme de paille. On les a vus à l’oeuvre lors du premier mandat de Trump, il n’y a pas de raison qu’ils aient fondamentalement changé d’options stratégiques. On aura peut être quelques accentuations, un habillage un peu différent (et plus brutal), et sans doute toujours beaucoup d’opportunisme et de pragmatisme.

L’élément géopolitique essentiel est que les Etats-Unis n’en ont plus grand chose à faire de l’Europe, qui dépend trop d’eux, pour partir ou les contredire. Leur vrai adversaire géopolitique, c’est la Chine. L’Europe n’est plus qu’une périphérique sans ressources essentielles, et sur ce terrain, leur objectif immédiat est que la Russie ne se rapproche pas trop de Pékin. Pour cela, il suffit de lâcher l’Ukraine, suffisamment pour que la Russie y trouve son compte, mais pas trop, pour éviter d’effrayer les européens.

L’Europe regardera tout cela en spectateur, car nous n’avons pas les moyens de remplacer les USA pour l’aide à l’Ukraine. Nous n’avons déjà pas les moyens de notre propre défense face à une guerre conventionnelle, si jamais la Russie se décidait à lancer ses troupes. Je ne suis pas certain que les français arriveraient à se mobiliser comme l’ont fait les ukrainiens, pour aller se faire tuer au front. Nous n’avons sans doute pas non plus les stocks d’armement pour faire face. Enfin, nous n’avons pas le choix de nos alliances, nous n’avons pas d’alternative à l’alliance américaine. On gesticulera beaucoup, on aidera l’Ukraine à panser ses plaies, et c’est tout. On se retrouvera avec un conflit gelé, où chaque belligérant campera sur les territoires qu’il contrôle.

L’état de fragmentation, politique, économique, idéologique de l’Europe est profond. Notre recul industriel, pas loin de virer à l’effondrement, est également structurel, et nous prive des moyens de la puissance. Nous n’avons jamais eu, depuis 60 ans, les moyens d’être une grande puissance mondiale, et l’élection de Trump ne suffira pas à changer nos orientations, pour faire de ce but une priorité. A moins d’une guerre sur notre territoire, je vois mal l’Europe changer de trajectoire. On va donc beaucoup gesticuler, mais ce sera surtout de la communication pour nous préserver notre ego et nous illusionner sur le fait que nous comptons encore, alors que c’est faux.

Cela fait déjà très longtemps que nous avons collectivement choisi (en France peut-être plus que dans d’autres pays) de sortir de la compétition pour continuer à être maitres de notre destin. Nous nous sommes placés dans la dépendance du bloc géopolitique américain, qui a trouvé son intérêt à y être présent en Europe, face au bloc soviétique. Depuis l’effondrement de l’URSS, l’Europe n’est plus un terrain majeur, et Trump pourrait tout simplement nous le dire brutalement, en nous indiquant qu’il veut bien nous garder sous son parapluie, mais à condition que nous lui fassions des concessions. Bref, que nous soyons un allié encore plus docile, et qui ouvre son chéquier pour rémunérer le service rendu. Trump l’a déjà dit lors de son premier mandat, avec la question du financement de l’OTAN, il va nous le redire, mais dans un contexte où nous avons encore moins les moyens de résister, ou de limiter les concessions.

Et nous nous cèderons, car nous n’avons pas le choix, et les choses continuerons comme avant. La deuxième président de Trump aura juste été une étape supplémentaire dans le déclin géopolitique de l’Europe.