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Retrouver l’écoute et le dialogue

Je suis désormais beaucoup plus optimiste que la semaine dernière sur l »issue des élections législatives. Même si le RN va connaitre une forte progression (au moins une centaine de sièges en plus), ce n’est pas encore cette fois ci qu’il prendra le pouvoir. Cela laisse un peu de temps pour reconstruire notre démocratie, car si nous faisons rien, la prochaine fois sera la bonne…

L’enjeu fondamental et prioritaire est de reconstruire un espace démocratique qui s’est dangereusement cloisonné et radicalisé. On en est tous responsables, il n’y a pas de gentils et de méchants. Depuis des décennies, nous avons progressivement cessé d’avoir un projet et des valeurs communes, des choses qui permettaient de transcender les clivages. Chacun groupe s’est replié sur lui-même, dans des postures de revendications individualistes, cessant de parler aux autres et de les écouter. Ce que l’on appelle aujourd’hui « débat politique » consiste soit à s’autocongratuler entre gens qui pensent la même chose, ou à s’insulter quand par malheur, des clans opposés sont mis sur le même plateau télévisé. Il n’est plus question de discuter et d’échanger des arguments, mais de démolir l’adversaire.

Il faut absolument sortir de cet appauvrissement mortifère, en acceptant de voir plus haut que ses propres intérêts et la promotion de ses convictions. Il faut absolument recommencer à s’écouter (ça n’est pas simple) et essayer de comprendre l’autre, celui est différent et (pire) ne pense pas comme nous. Il faut absolument reprendre conscience que nous sommes tous dans le même pays, sur le même bateau, et qu’en cas de naufrage démocratique, nous serons tous impactés. Les plus fragiles le seront encore plus que les autres.

Quand je regarde cette campagne électorale, je suis effaré du degré de tension auquel nous sommes arrivés, et fait un peu penser à l’Affaire Dreyfus, qui a littéralement déchiré le pays et les familles, à la toute fin du XIXe siècle. Il est urgent de faire baisser le température, et malheureusement que ce soit à gauche comme à droite, je vois surtout des incendiaires, dont certains sont persuadés d’être dans le camp du Bien, alors même qu’ils font de gros dégâts.

Je suis persuadé qu’une des raisons de la montée du RN vient de cette forme d’apartheid social et culturel que ressentent les populations rurales et de la grande banlieue. Ils le disent sur tous les tons, avec comme point d’orgue le mouvement des Gilets jaunes, et personne ne les écoutent, et ne prend la mesure de leur désarroi. Pire, au lieu d’une écoute et d’une main tendue, il reçoivent du mépris et des injonctions de se conformer aux schémas de pensée d’une certaine élite urbaine qui se croit le phare de la modernité.

Si on veut éviter l’arrivée du RN au pouvoir, qui est le symptôme, il faut traiter le mal. Cela demande de l’humilité, et surtout, une capacité à dépasser ses convictions, ses rejets, pour recommencer à parler à ceux avec lesquels on est en désaccord. Ce n’est que comme ça qu’une démocratie peut réellement fonctionner, par le débat et l’échange.

15 réponses sur « Retrouver l’écoute et le dialogue »

Bonjour,
pour ma part je reste très pessimiste. Je ne suis même pas certain que le RN devra attendre 2027 pour prendre le pouvoir. Parce que le prochain gouvernement sera un assemblage assez hétéroclite, à ma merci de sautes d’humeurs extrémistes type JLM.

Après, même si les politiques devaient par miracle arriver à quelque chose, il reste le « problème » de la presse. Et je ne pense pas seulement aux « médias RN-Bolloré ». Mais aussi aux autres. En reste-t-il qui soient encore pro-démocratie? Quand je vois la manière dont ils détruisent systématiquement le résultat des urnes, via des sondages après vote du type « et si les élections avaient lui maintenant qui serait élu? », je ne vois pas un seul média républicain dans notre paysage médiatique.

Je partage entièrement votre point de vue.
Le fossé est trop grand entre le peuple et les « Elites ».
Quand à la future Assemblée….

@alain38 : Je suis d’accord avec vous sur le problème de la presse.
(Sans limitation à Bollloré, qui a l’air de devenir le nouveau « méchant » de la bien-pensance journalistique).

En même temps, du temps de la presse papier, les journaux étaient déjà partisans et servaient à leurs lecteurs ce qu’ils voulaient entendre, je pense.
(ex : Libé, L’Huma, ou, de l’autre côté, le Figaro)

Donc, si les journaux étaient déjà comme cela, qu’est-ce qui a changé ?
Les chaines d’info en continu ne me paraissent pas si différents : c’est pareil : ils servent leurs lecteurs …
Les réseaux sociaux ont tendance à nous enfermer dans des bulles, c’est vrai, mais, du coup, ça revient au même : c’est comme si les réseaux sociaux « généraient » par leurs algorithmes, des journaux différents (les bulles).

En fait, l’ensemble des medias favorise, par sa passion du scoop et de la rapidité, les petites phrases, la provocation, la recherche du buzz.

Au delà du bruit, qu’est-ce qu’il reste ?
Je ne sais pas si ça a été étudié ?

Il paraît que la Finlande pour faire face à la désinformation russe a fait un gros travail pour réfléchir ensemble à un nouveau récit national, partagé par tous. Cela fait rêver.
Mais qui pour l’organiser ?

Nous ?
🙂

En vrai, qu’est-ce qui a été fait en Finlande ?
Et par qui ?
Avez-vous des précisions ?
(Ou des mots clés pour google) ?

Les RS sont nettement moins un problème en France que les chaînes d’information continue.
Internet n’est pas une zone de non droit : un certain nombre de personnes ont été condamnées pour harcèlement ou apologie du terrorisme. La justice n’a eu aucun mal à les trouver quand les procédures ont été lancées.
Le seul problème ici est le manque de moyens de la justice, pas l’arsenal juridique.
L’ARCOM par contre est une vaste blague en termes de régulation des médias audiovisuels classiques.

C’est dingue de passer à côté de l’éléphant dans la pièce qui est le racisme anti-arabe dans ce pays, qui est la plaie purulente non traitée résultant de la guerre d’Algérie (le conflit israélo-palestinien n’étant qu’un prétexte).
Macron avait failli faire un pas dans la bonne direction, mais il y a complètement renoncé et a suivi la surenchère islamophobe que la France connaît depuis 20 ans.
L’autre gros problème, ce sont les médias. On ne s’en sortira pas sans une loi de déconcentration pour le privé et une indépendance claire de l’audiovisuel public vis-à-vis du pouvoir politique du moment.

Le racisme existe partout, dans tous les pays, il s’exprime davantage quand les conditions de vie sont mauvaises et que les gens sont dans l’anxiété sur leur situation personnelle. Dans la recherche de bouc-émissaires, les derniers arrivés sur le territoire sont en premier choix. Et bien souvent, le « raciste » est l’avant-dernier arrivé, trop content que ça tombe sur un autre. Au début du siècle, c’étaient les polonais et les italiens qui étaient les « arabes » de l’époque.

Je n’ai aucun optimisme quant à la capacité de notre classe politique à changer par elle-même. Par contre, je suis convaincu que changer les règles institutionnelles et se mettre des contraintes de fonctionnement peut être efficace pour bouger les choses rapidement.

Liste non exhaustive :
– Reconnaissance pleine et entière du vote blanc ou nul, en lui reconnaissant un pouvoir d’invalidation de tout type d’élection + retenues sur le remboursement des frais de campagne pour tous les partis en cas d’invalidation de ce type (frapper le tiroir-caisse seul argument vraiment béton pour les forcer à proposer une offre politique acceptable)

– Proportionnelle intégrale à un tour pour les législatives

– Réintroduire beaucoup plus de démocratie directe : assouplissement du RIC/RIP, extension de son domaine, possibilité de le déclencher pour adopter/réviser/abroger une loi, et création du référendum obligatoire (en cas de révision de la C, nouveau traité d’ampleur, etc etc)

– Déconcentration des media privés

– Refonte de l’ARCOM : nomination indépendante + refonte de l’arsenal de sanctions + accélération des procédures (oui elle doit devenir un shérif du PAF

« – Reconnaissance pleine et entière du vote blanc ou nul »
Le but du vote, c’est le souverain décide, pas qu’il donne un avis à mon sens (et pas que le mien).

« – Proportionnelle intégrale à un tour pour les législatives »
C’est le retour du régime des partis, très contre l’esprit de la Ve. On fait des listes pour faire élire des personnes que les électeurs ne veulent pas, dans le secret des bureaux. Bof …

« – Réintroduire beaucoup plus de démocratie directe »
Il y a de ce côté des marges d’amélioration, parce que la possibilité n’a jamais pu être utilisée (et 2013 n’a pas donné l’impression que c’était possible).

« – Déconcentration des media privés »
Est-on vraiment dans un oligopole?

Voter blanc c’est exprimer un choix imo (au contraire de l’abstention), d’ailleurs certains pays comme l’Espagne les décomptent dans les résultats. C’est surtout réintroduire un contre-pouvoir citoyen pour forcer les partis à présenter des candidats « valables » (mais quand je vois que malgré l’indigence des candidats RN, ils conservent quand même un vote d’adhésion, c’est un peu peine perdue niveau efficacité hélas)

La proportionnelle, c’est totalement pour retrouver le primat des partis oui, le fait majoritaire a vidé l’Assemblée de sa substance (même avant l’inversion du calendrier prési/légi) et la dernière législature montre bien comment un président mal élu finira tôt ou tard par bloquer le fonctionnement du Parlement. La coalition ça marche en Allemagne parce qu’ils y sont obligés, on peut espérer que le fonctionnement institutionnel débouche sur la même chose ici.

Depuis 2002 et l’horrifiant duel Le Pen/Chirac a t-on changé assez de choses susceptibles d’empêcher le FN/RN de progresser et d’arriver aux portes du pouvoir ?
La réponse est claire : non. Malgré les engagements et les promesses de faire de la politique « autrement », les politiques ont maintenu leurs pratiques et habitudes en dépit de changements cosmétiques.
Aujourd’hui il est un peu tard pour se réveiller. Et de toute manière qui croit encore en la parole politique ?
Tant pis.

On n’a rien changé puisqu’au contraire, on a utilisé le FN comme un moyen de gagner facilement une élection sans avoir à faire campagne lors du deuxième tour.
Seulement, à force, le stratagème a perdu de son efficacité.

Merci pour cette analyse. Comme vous, je suis moins pessimiste qu’il y a quelques jours. D’autant qu’à mon modeste niveau j’ai réussi à faire dialoguer des personnes d’opinions fort différentes autour des valeurs de leur métier. Cela dit, comme vous le soulignez, le travail reste immense. Je l’ai perçu à travers la réception du texte produit.

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