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A la recherche de la bonne conscience climatique

Faut-il continuer à faire du tourisme lointain, alors même que le réchauffement climatique s’accélère ? Le tourisme est une activité récente (moins d’une centaine d’années, et seulement une cinquantaine pour sa massification) de pur loisir. C’est loin d’être une activité essentielle (sauf pour les régions qui en ont fait une mono industrie). Elle nécessite de prendre des transports (notamment l’avion) et par sa massification, dans certains endroits, peut avoir des effets sur les sociétés ou les espaces naturels locaux.

Bali en est un exemple caricatural. Le déplacement ne peut guère se faire qu’en avion (vu que c’est une île) avec de très longues heures de vol depuis l’Europe ou les États-Unis. Les paysages sont absolument magnifiques, et on pourrait les croire faits spécialement pour y faire des selfies instagrammables. En revanche, c’est aussi une usine à touriste assez sordide, qui exploite une population locale qui vit dans la misère. Le choc entre les deux faces de la médaille peut être assez violent et déstabilisant.

Il est clair, à mes yeux, que les efforts de lutte contre le réchauffement climatique doivent passer par un recul, voire une renonciation à ce genre d’activité (pareil pour le ski). Le tourisme « écolo » que nous vantent certains magazines n’est qu’un alibi pour donner bonne conscience, et continuer à pousser à la consommation. Car derrière, il y a des enjeux économiques, une industrie prospère, donc des gens qui ont intérêt à ce qu’on continue à dépenser de l’argent dans des voyages et séjours exotiques. Le réchauffement climatique n’est pas nécessairement une mauvaise affaire pour cette industrie, car elle permet de facturer davantage (la bonne conscience a un coût) et modifiant un peu les produits, pour en gommer les aspects scandaleux les plus visibles. Mais il faut, coûte que coûte, continuer à consommer et à croitre.

J’ai un peu de mal à concilier cela avec les messages d’urgence qui nous sont envoyés en permanence, avec des articles qui nous répètent tous les deux jours qu’on a encore battu un record de chaleur. On vit une sorte de schizophrénie, entre cette panique climatique d’un coté, et cet encouragement à ne rien changer, ou seulement à la marge, pour ne pas se priver. Je vois mal comment on va arriver à tenir cette équation dans les années à venir. Ou alors, on sera bien obligé de changer quand un certains nombres de destinations ne seront plus fréquentables, pour cause d’insécurité, de guerre, de sécheresse. Mais ce ne sera pas un choix de notre part, et les flux ne feront que se déporter vers d’autres destinations, plus proches et plus en sécurité.

Il serait peut-être temps que ceux qui entretiennent la panique climatique se lancent aussi dans les propositions de pistes pour une action qui soit à la hauteur des efforts qu’ils estiment nécessaires. Cela passe notamment par proposer une vision renouvelée de ce qui est « désirable » et de ce à quoi il faut « renoncer ». Bref, qu’ils assument leur position décroissante, car j’ai parfois l’impression que ce sont les mêmes qui nous mettent la pression sur « l’inaction climatique » tout en allant passer une semaine à Bali ou aux Maldives. Mais comme ils trient leurs déchets, ça passe. En fait, non, ça ne passera pas…

6 réponses sur « A la recherche de la bonne conscience climatique »

Pour donner un ordre de grandeur :
– Aller-retour à Bali en avion : 5t
– Production moyenne d’un européen en 1 an : 7t

La plupart des écologistes sérieux sont en effet fortement pour limiter les vols intercontinentales pour les loisirs.

Mais oui, les voisins/collègues donneurs de leçon, sont parfois moins… rationnels ?

Exemple : un collègue qui voyage tous les ans à l’autre bout du monde, me faisait la lecon parce que j’utilisais 1 gobeletplastique par jour au boulot… soit 200 x 20g = 4kg de CO2

Alors oui, depuis je suis passé au mug en verre… mais lui continue à voyager !

Ou ma belle mère qui se plaint que je laisse parfois un lumière de 5W allumé… mais trouve qu’il fait trop froid chez moi (18° quand je ne suis pas la) quand il en fait 22° chez elle – maison plus grande, avec moins d’habitant !

Plutot que ‘chaque geste compte’ le message devrait être : voici les gestes qui comptent !

Après c’es aussi un argument souvent utilisé par ceux qui font le moins d’effort… dont moi – ce dont je ne suis pas fier. Mais j’essaie d’en faire, et je m’améliore chaque année.

Moi je suis partisan de la mise en place d’un crédit carbone avec un système de malus qui augmente avec la consommation
Sous les 3t, tu paies rien
Entre 5 et 7t, 10% de taxe
Entre 7 et 10t, 20%
Au delà: 50%

Bonjour. La question du tourisme et du réchauffement climatique est loin d’être simple. Pour nous, occidental riche, nous avons une approche du type « pour lutter contre le réchauffement climatique il faut arrêter les émissions « inutiles » ». Dans cette approche, le tourisme peut effectivement être considéré comme inutile.

Sur l’autre face de la pièce, le tourisme est, en chiffre d’affaire, la troisième industrie au niveau mondial. Elle fait vivre des millions de personnes, qui, sans elle, se retrouvent dans la précarité, la misère, et peuvent même mourir de faim du fait de la perte de revenus que cela engendre pour eux.

Après, si vous prenez les chiffres suivants: http://www.chair-energy-prosperity.org/wp-content/uploads/2019/01/emissions-de-co2-par-mode-de-transport.pdf, vous voyez que la voiture émet en moyenne plus au km que l’avion. Alors bien sur on parcourt de plus grandes distances en avion. Mais on fait en moyenne 15000km/an en voiture. Alors qu’on fait bien moins en avion. Même s’il faut probablement multiplier la pollution avion par un facteur inconnu, du fait de son émission en altitude.

Après, l’avion est LE moyen de transport pour les grandes distances, pour deux raisons. La première est qu’il peut passer au dessus des océans, et donc relier deux points ne pouvant être reliés par la terre. La seconde est sa rapidité. Pour le premier point, effectivement, dès qu’il y a rupture de continuité terrestre, il n’y a pas d’autre choix, le bateau étant au moins autant, si ce n’est plus, polluant. Pour le second point, il est en revanche possible d’agir dessus, en « apprenant la lenteur ».

Mais pour cela, encore faudrait-il que notre crédit de congés payés tienne compte de cette approche. On pourrait, par exemple, envisager que les trajets effectués en train (moyen de transport le moins polluant en moyenne), durant ses congés payés, ouvrent droit à autant de congés que la durée du trajet. Autrement dit, s’il me faut 5 jours (aller-retour) de train pour aller sur mon lieu de villégiature, je gagne en contrepartie 5 jours de congés payés supplémentaires.

Après, le plus grand changement, selon moi, devrait être au niveau de nos déplacements du quotidien. Mais pour cela c’est essentiellement, à mon avis, au niveau des règles d’urbanisme qu’il faudrait agir. Tout d’abord, il faut que l’état définisse, par l’intermédiaire des préfets, tous les axes de communication (route, rail) « structurants ». C’est à dire ceux par lesquels le maximum de trafic passe. A partir de là, il faut imposer aux collectivités locales qui en ont la charge de les doubler (pour ce qui concerne les routes) par une piste cyclable/piétons séparée. Et ensuite, imposer que seules les parcelles constructibles se trouvant à moins d’un kilomètre de ces axes soient constructibles. Ceci afin de favoriser le vélo (et la marche) pour les déplacements du quotidien.

La fin est un peu (beaucoup) caricaturale quand même :/

Sur le fond, un principe pollueur-payeur un peu hardcore est intéressant sur l’aérien, modulé en fonction des émissions. Cela pose pas mal de questions d’organisation, mais on peut imaginer sur l’exemple de la France que chaque compagnie qui fait décoller ou atterrir ses avions de/en France se verrait taxée sur l’ensemble de ses émissions annuelles, charge à elle de répercuter cette taxe sur le prix des billets en fonction des émissions totales par vol. Quitte à mettre en place des quotas avec des taxes additionnelles en fonction du bilan carbone de chaque citoyen, même si ça allume en rouge la sirène de l’usine à gaz administrative.

Argent qui servirait à financer une accélération de la transition écologique, on peut toujours caresser l’espoir que la réponse technologique permette aussi d’améliorer la situation.

Mais cela doit aussi s’accompagner par la fin des subventions sur l’aérien.

A titre personnel, dans un monde désormais globalisé, j’ai du mal à voir à la fois la pertinence de faire un changement de braquet total sur les déplacements. Pourquoi remettre des frontières physiques si avec le numérique il n’y a plus vraiment de frontière mentale ? Désinciter les voyages au Japon alors que la culture japonaise se diffuse au quotidien partout dans le monde, quelle est la logique (un exemple parmi tant d’autres) ?

Le signal-prix peut encore avoir un impact, rassurez-moi ?
Que les ultra riches continuent à prendre l’avion comme ils veulent, si au fond ils lâchent 2% de leur fortune en taxes environnementales par an, perso je trouve ça legit 🙂

Sachant qu’a priori, en ce qui concerne le principe pollueur-payeur, les outils juridiques et techniques sont disponibles, mais la volonté politique des les appliquer stricto sensu pas vraiment, comme toujours (cf une communication de la Cour des Comptes de 2021).

Bonjour,
Merci pour cet article.
Pour moi, le hic, c’est que l’écologie politique et/ou médiatique ne sait pas compter. Ou plutôt, les parleurs en écologie ne savent pas raisonner en ordre de grandeur (sauf Jancovici, bien sûr, ce que je trouve très intéressant dans sa BD).
Résultat, tout est au même niveau.
Mais le problème de fond de l’écologie, c’est qu’elle est messianique : il faut « faire des efforts » pour « sauver la planète ».
Mais je trouve qu’on parle très peu des résultats des efforts.
Or, le but n’est pas de montrer une bonne conscience écologique mais d’améliorer la situation.
Il vaudrait mieux se concentrer sur 2 ou 3 efforts qui « paient » écologiquement plutôt que de faire attention à tout, même quand ça n’a aucun impact.
L’exemple de Bali est un peu caricatural mais c’est quand même la tendance générale …
Et c’est dommage.
Pour ceux que ça intéresse, regardez du côté du livre de Bertrand Picard « Réaliste : soyons logiques autant qu’écologiques » : ça parle de solutions et de réalisme.
J’ai trouvé très intéressante l’approche par les solutions existantes.

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