Depuis quelques semaines, on assiste à un ballet politique, une sorte de danse de la séduction de la Macronie autour de LR. L’idée est clairement d’arriver à un accord de coalition, qui consoliderait la majorité dont dispose le gouvernement à l’Assemblée. Sauf que cette alliance ne se fera pas.
La première raison tient à la culture politique française, qui est très rétive aux coalitions, à moins qu’elles ne soient « structurelles » entre partis relativement proches, et avec des accords avant les élections. Une fois le scrutin passé, pas d’accord possible, on le voit bien depuis un an. Les députés LR ayant été élus contre des candidats macronistes (au premier ou au second tour), ils estiment que leurs électeurs les ont envoyés à l’Assemblée pour être dans l’opposition. Tout revirement en cours de route ne manquerait pas d’être assimilé à une « trahison » à moins que cela ne se fasse collectivement, et au prix fort, d’une inflexion très sensible de la ligne gouvernementale. Autant dire que c’est improbable, vu la (faible) capacité d’Emmanuel Macron à accepter les compromis et à partager le pouvoir.
La deuxième raison est que personne ne contrôle vraiment le groupe LR de l’Assemblée. Un deal suppose une capacité à le faire appliquer, et donc à faire voter en bloc les députés. Or, nombre de députés LR sont des « survivants », qui doivent leur élection à leur équation personnelle et à une alchimie où l’investiture LR n’est qu’un ingrédient, parfois mineur. L’arme suprême de la discipline parlementaire, la menace d’enlever l’investiture à la prochaine élection, est donc d’une efficacité relative. Dans le même ordre d’idée, à supposer qu’il y ait alliance, et donc entrée au gouvernement, le choix des heureux élus donnerait lieu à une boucherie interne à laquelle LR pourrait succomber, ou subir des blessures avec des séquelles graves.
La troisième raison est qu’une partie importante des élus LR, les sénateurs, n’ont strictement aucun intérêt à cette alliance. La situation actuelle, d’un gouvernement minoritaire, les met dans une position rêvée, où ils peuvent obtenir bien plus que s’ils étaient dans la majorité présidentielle. Actuellement, c’est eux qui tirent les marrons du feu, tout en se donnant des postures d’opposants. Bref, ils gagnent sur les deux tableaux, alors pourquoi changer ?
La vraie raison de ce ballet amoureux n’est pas de faire entrer LR dans la coalition gouvernementale, mais d’empêcher le parti de basculer dans l’opposition complète (et de voter une motion de censure). Pour cela, le gouvernement ne dispose guère que de l’outil de la séduction et du débauchage. Faire miroiter des postes et des responsabilités est la seule arme un peu efficace, même si fragile, pour empêcher les députés LR de déclencher le feu nucléaire.
Tout l’avenir politique de la Macronie se joue donc sur la capacité à empêcher que LR ait finalement intérêt à une dissolution et à des élections législatives anticipées.
2 réponses sur « L’impossible alliance des macronistes avec LR »
[…] l’espace politique, on a en a déjà parlé, et le moment critique sera le vote de la motion de censure qui ne manquera pas d’être […]
Oui et je crois qu’il faut revenir à la cause : la pratique présidentialiste repose sur le postulat d’une convergence des deux majorités. Le fait que le gouvernement et la coalition « majoritaire » (la majorité présidentielle) soient montés avant les élections législatives le prouve. Ce qui fait que l’Assemblée est binarisée et incapable de faire bouger les lignes après les élections, ce qui est particulièrement problématique quand cette convergence n’a pas lieu.
Mais je trouve que ce billet charge un peu trop LR. Je pense que le clan macronien et son chef sont les principaux responsables : ils sont aux manettes et sont les plus nombreux, c’est à eux de construire une coalition. Or, ils en ont une conception un peu étrange, avec la volonté « d’élargir la majorité » sans accepter aucun compromis, sans changer de projet.
La Constitution donne pourtant au président la possibilité (et même la mission fondamentale) de gérer ce type de situation, avec la dissolution :
1) il peut donner 100 jours aux députés pour former une coalition majoritaire (sur la base d’un nouveau projet) en menaçant de dissoudre si ce n’est pas fait.
2) et dissoudre en dernier recours. Ce qui serait efficace pour débinariser l’Assemblée et lancer une dynamique coalitionnelle.
S’il ne le fait pas, c’est parce qu’il refuse tout compromis avec quiconque, qu’il refuse une cohabitation ou une semi-cohabitation, et qu’il préfère garder le pouvoir seul quitte à faire persister un gouvernement minoritaire dénué de politique générale et générateur d’incertitudes législatives.
Le seul moment où il a menacé de dissoudre, c’était le 28/9/22 pour protéger son gouvernement minoritaire d’une menace de censure. Donc ça me paraît limpide.