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La victoire à la Pyrrhus d’Élisabeth Borne

En apparence, Élisabeth Borne a sauvé sa tête, la motion de censure, ce 20 mars, n’ayant obtenu que 278 voix, alors qu’il en fallait 287. A part sur ce point, elle n’a pourtant pas à se réjouir, et se sait désormais en sursis.

Pour la première fois, l’opposition a fait le plein complet de ses voix. Quasiment aucune ne manquait. Le groupe LIOT, composé d’indépendants de centre-gauche et de centre-droit, jusqu’ici « fluctuant » et potentiellement « achetable » a clairement basculé dans l’opposition frontale. Un espace de potentiel élargissement de la majorité présidentielle vient de se fermer, sans doute définitivement.

La séquence étant particulièrement tendue, Elisabeth Borne s’est également fermé, pour un certain temps, toute possibilité de négocier un soutien, ou une abstention de la gauche sur ses textes. Quand bien même certains partis de gauche seraient d’accord sur le fond, ce n’est plus possible, politiquement, de faire autre chose que voter contre en bloc.

Ce basculement du groupe LIOT est d’autant plus préjudiciable qu’il manquait aux oppositions, très clivés, un lieu de rencontre, et un chef de file « respecté » car ne menaçant personne. Charles de Courson, doyen en élection de l’Assemblée (il siège sans discontinuer depuis 1993) joue à merveille cette incarnation du grand sage, tout droit sorti de « l’ancien monde » voire d’au-delà. Il est ce lieu « neutre », capable de lancer une initiative où les voix LFI et RN puissent se mélanger, sans que surgisse le spectre de la disqualification. Le RN votait sans rechigner les motions LFI, mais l’inverse ne fonctionnait pas. Voter, en chœur, pour une motion de censure de « Charles-Amédée de Courson » ne coûte politiquement rien, et permet la convergence des luttes.

L’autre point, dramatique pour le gouvernement, est le début de basculement de LR dans l’opposition dure. En effet, 19 députés, sur les 61 que compte le groupe, ont voté la censure. Une fois qu’on a franchi le Rubicond, on ne revient pas en arrière, et je vois mal ces 19 se déjuger dans les mois prochains, et annoncer leur ralliement à une coalition pro-gouvernementale. Or, le groupe LR est la seule réserve de voix d’Elisabeth Borne pour s’assurer une majorité. Elle perd déjà un tiers du potentiel, et surtout, le reste ne vaut plus grand chose.

Car l’autre grand perdant de la soirée, c’est Eric Ciotti, qui a vu son autorité de chef du parti allègrement piétinée. Alors qu’il a clairement annoncé qu’aucun député LR ne voterait la censure, et que les contrevenants seraient sanctionné, le voilà avec 19 rebelles. Son souci, c’est qu’il suffit de 15 députés pour former un groupe parlementaire à l’Assemblée. Exclure les rebelles, c’est juste les pousser à former un onzième groupe à l’Assemblée, et à l’affaiblir encore plus. Pour Elisabeth Borne, c’est une catastrophe de ne plus être en mesure de pouvoir compter sur un engagement du chef des LR, car elle se retrouve en insécurité permanente, sur tous les textes, alors qu’elle n’a qu’un seul joker « 49.3 » jusqu’en juin, et quelques textes sensibles à faire passer.

Elle a fait passer sa réforme des retraites, mais à quel prix ! On appelle ça une victoire à la Pyrrhus.

19 réponses sur « La victoire à la Pyrrhus d’Élisabeth Borne »

Mouais enfin le seul point commun à tous ces gens c’est d’être contre le truc du moment mais ont ils des points de convergences a part un anti macronisme assez primaire pour certains ? Bref faire tomber Borne c’est bien mais pour proposer quoi à la place ? Enfin petit rappel historique la légende de Pyrhus vient surtout des auteurs romains qui ont tenu à minimiser ses victoires après les lourdes défaites que subirent les armées romaines.

oui, les oppositions ne seraient pas capables de constituer un gouvernement alternatif, donc on va retourner aux urnes. On savait que ça arriverait, après ce vote, on sent que ça pourrait être plus tôt que prévu.

J’ai l’impression qu’un remaniement même large après la promulgation ne suffira pas à calmer les esprits, à moins de nommer Larcher à Matignon (encore faudrait il qu’il le souhaite lui-même). Elisabeth Borne va durer aussi longtemps que Edith Cresson

Difficile d’imaginer G. Larcher lâcher la proie pour l’ombre.

Surtout s’il estime que Macron a une chance infime de démissionner 😅

Excellente analyse. La XVIème législature touche bientôt à sa fin. Maintenant, le président Macron va juste attendre le meilleur moment pour dissoudre cette Assemblée qui aura du mal à voter la moindre loi.

Il n’est même pas certain de retrouver une majorité relative s’il décide d’une dissolution.

Bonsoir. Concernant l’avenir du gouvernement actuel, c’est clair, il n’en a pas. Car effectivement cette « coalition » ne lui permettra plus de faire passer ses réformes. Concernant la fin de la législature actuelle, je n’y crois pas forcément. Ou plutôt pas tout de suite. Car dans la situation actuelle ce serait suicidaire.

En fait, ce qui faire la différence, selon moi, c’est qui va tuer la loi retraite? Première hypothèse: c’est le Conseil Constitutionnel, en décidant que le nombre d’articles ne correspondant pas à une loi de financement est trop important. Et qu’en conséquence la loi doit refaire le trajet, en mode « normal ». Même si dans les faits se décision serait bien plus prise par rapport aux troubles actuels. Dans, ce cas, il faudra effectivement « tout » changer (gouvernement + assemblée).

Seconde hypothèse, c’est la rue qui force le retrait. Auquel cas, c’est même le Président qui serait « menacé ».

Troisième hypothèse: Macron a un minimum d’intelligence politique (pas gagné). Il annonce que, pour apaiser le pays, il retire la loi, et qu’il charge Aurélien Pradié (ou un autre des 19) de créer un nouveau gouvernement. Cela ferait exploser LR, petite vengeance mesquine qui fait du bien. Et en même temps cela fait exploser la coalition anti-Macron. Il pourrait alors envisager de gouverner en créant des alliances par projet avec l’aile « sociale » de LR, les centristes, le PS, et les écolos. Et donc de conserver la chambre actuelle.

Macron peut aussi invoquer l’article 10 de la Constitution, ça retire la loi en sauvant un peu les apparences. Mais il faudra nommer un nouveau gouvernement c’est clair.

Bonjour,
Je voudrais savoir si l’un d’entre vous aurait vu passer dans les journaux un article détaillant les aspects techniques de cette réforme.

Peut-être que je m’informe mal et que j’ai raté quelque chose.

En effet, il s’agit d’une réforme plutôt technique (comme l’a dit notre hôte dans une note précédente). Et je n’ai vu aucun article expliquant (quantitativement) la réforme.
Dans les discussions sur cette réforme, peu d’arguments sont échangés.
Les « pour » disent que c’est une réforme nécessaire à cause de la pyramide des âges.
Les « contre » disent que c’est faux et qu’il y a d’autres solutions.
Et c’est à peu près tout.
Il devrait y avoir des experts qui pourraient présenter une vision synthétique : « telle chose est possible », « telle autre ne l’est pas » ou « coûte très cher ».
Ce qui m’énerve, c’est que, au final, ça amène à des oppositions hyper violentes car basées sur des ressentis, de l’affect.

D’où ma question à Authueil :
Lors de toutes les étapes de vote d’une loi, il n’y a pas des travaux de synthèse faits sur la loi ?

Désinvolte ?
Je cherche une analyse neutre et vous m’envoyez un lien vers un article nettement contre la réforme ! (et présenté comme un truc neutre écrit par des « décodeurs »).

Cela dit, ça s’est avéré intéressant.
Face au gvt qui dit que la réforme est obligatoire pour équilibrer les comptes d’ici 2030, je ne comprenais pas ce que les opposants proposent.
Là, j’ai eu ma réponse : « En théorie, rien n’impose que le système de retraite soit à l’équilibre financier. (..) Certains estiment ainsi que l’Etat est en mesure d’en assurer le financement, en puisant chaque année des fonds dans son budget (..) « .

Si j’ai bien compris : on finance avec de la dette et les générations futures paieront, tout simplement …

Bonjour, j’ai une question (qui s’éloigne un peu de la cuisine parlementaire, mais sans doute avez-vous quand même une réponse) :

Aujourd’hui le texte est voté au Parlement et l’exécutif devra l’appliquer, sauf avis contraire du Conseil constitutionnel dont la décision est annoncée pour dans deux semaines.

En pratique, comment se passe ce genre d’attente pour l’exécutif ? J’imagine qu’on tente de connaître ou deviner les orientations du Conseil constitutionnel dès maintenant, pour mieux préparer la négociation avec les syndicats.

Y a-t-il des échanges (officiels, officieux) entre les cabinets des différentes institutions ? Des tentatives de s’immiscer peut-être ? Ou bien le fameux « cercle des 9 sages » arrive-t-il à réserver toute information pour la date du 14 avril et pas avant ?

Le gouvernement présente une défense de son texte et argumente pour qu’il n’y ait pas de censure, mais vu la pression politique, le conseil constitutionnel décidera de manière indépendante.

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