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Elisabeth Borne, incarnation de la Macronie

Élisabeth Borne vient d’être nommée à Matignon. Un choix sans surprise, son nom étant avancé depuis le début, et surtout, elle colle tellement à l’essence même de ce qu’est devenue la Macronie. Elle en a, en effet, toutes les qualités (technocratiques) et les fragilités (politiques).

Coté qualités, la compétence sera au rendez-vous, il n’y a aucun doute. Le parcours est impeccable, sans erreur majeure et c’est une grosse bosseuse, qui connait ses dossiers et le fonctionnement de l’appareil d’Etat. Raffinement dans le choix, elle connait déjà à fond plusieurs des sujets qu’elle aura à gérer depuis Matignon : la planification écologique, la réforme des retraites, la restructuration du secteur énergétique (pour qu’il ne fasse pas faillite et construise huit EPR). Il n’y a guère que sur la réforme des institutions qu’elle n’a pas de références, mais ce sujet se négociera directement entre Macron et Larcher.

La faiblesse, sans surprise, vient du déficit politique. Élisabeth Borne est une technocrate, comme son prédécesseur, et n’a jamais été plongée dans le monde politique. Elle ne s’est jamais présenté à une élection, et sa candidature dans le Calvados, aux prochaines législatives, s’annonce comme une promenade de santé. De toute manière, c’est bien tard pour apprendre les codes de la politique. C’est en cela que sa nomination marque une évolution.

Edouard Philippe, bien technocrate lui aussi, a plongé très jeune dans le bain politique, et a révélé à Matignon un véritable charisme et un talent évident. Tellement évident qu’il a inquiété son N+1, qui s’est empressé de le mettre sur la touche dès que cela était possible, et de le corseter ensuite. Le suivant, lui aussi technocrate, avait également une petite expérience de la politique, à moindre niveau, puisqu’il n’a été qu’élu local. Mais au moins, il sait ce qu’est une « vraie campagne électorale », avec des réunions publiques dans des salles municipales et des séances de serrages de mains sur les marchés, avec en soirée, l’assemblée générale de l’association locale des anciens combattants, qui se termine par un pot au mousseux tiède.

Elisabeth Borne n’a pas du tout cette expérience. Et cela risque d’être un manque, car pour être un leader politique, il faut savoir comprendre ces codes, parler ce langage, qui ne s’apprend souvent que par le vécu. Le risque, pour un Premier ministre qui n’a jamais fait de politique, c’est de se retrouver en porte-à-faux avec sa majorité, avec ses élus locaux, et ne pas comprendre ce qui lui est dit, et ne pas savoir exprimer correctement les messages, et donc ne pas réussir à « embarquer » les français et les faire adhérer à la politique menée.

Or, il y a un gap entre ministre (où on peut très bien réussir en buchant bien ses dossiers) et Premier ministre, où finalement, on ne gère aucun dossier directement, mais on passe son temps à donner des directives et trancher des arbitrages, en ayant en prime l’obligation d’incarner une ligne politique, et de « donner du sens ». C’est toute la différence, entre « travailler » et « faire travailler ». On peut être un excellent directeur financer et un mauvais PDG, un bon journaliste et un piètre rédacteur en chef.

Le défi qui attend Élisabeth Borne, est de réussir cette mue, et de montrer qu’elle peut « incarner » une ligne politique et lui donne l’autorité nécessaire pour faire son job, sans faire de l’ombre à son chef. C’est loin d’être évident, car Édouard Philippe a parfaitement réussi à « incarner », mais en faisant de l’ombre à son chef, et Jean Castex, s’il a réussi à ne pas déplaire au chef, n’a pas incarné grand chose (même si le personnage était plutôt sympathique).

Le pari d’Emmanuel Macron est de croire qu’il peut continuer y arriver en étant le seul à « incarner » et à s’exposer en première ligne, face aux Français. Il s’en est bien sorti depuis 2017 (avec parfois beaucoup de chance). Est-ce que cela durera ? Pas sur…

5 réponses sur « Elisabeth Borne, incarnation de la Macronie »

D’un autre côté des premiers ministres fin politique on en a eu… Suffit de voir le résultat et l’état du pays…

Votre dernier paragraphe me fait penser à ces fondateurs d’Empire dont l’œuvre s’effondre à leur mort, car ils n’ont pas su où plutôt pas voulu faire le nécessaire pour que leur œuvre survive à leur disparition…

Je trouve le parallèle frappant, surtout si l’on considère la façon dont Macron traite Edouard Philippe alors que c’est de toute façon son dernier mandat…

Je ne suis pas convaincu que cette expérience dont vous parlez soit un avantage, et votre exemple en est une bonne démonstration, c’est sous philippe edouard que nous avons eu un an et demi d’émeutes gilet jaune alors que tout allait bien.

A l’inverse Castex a pris ses fonctions en pleine crise du covid et pourtant tout à tourné correctement.

Euh, en pleine crise du covid, les Français étaient tétanisés par la peur de mourir, confinés, soumis à couvre feu (d’octobre 2020 à juin 2021), ne pouvaient pas de déplacer, se rassembler, fréquenter plein d’endroits qui étaient fermés, interdits ou soumis à vérification d’un laisser-passer sanitaire… Pas trop compliqué d’éviter les mouvements sociaux dans ces conditions !

Les français n’ont jamais été tétanisés de peur face au covid, quand aux mesures que vous évoquez elles reposent essentiellement sur la coopération de la population et n’ont jamais pu être réellement mise en oeuvre.

Si il y avait eu de la grogne les français n’auraient pas eu d’hésitation à l’exprimer, hors ils ne l’ont pas fait donc je maintiens mon argument.

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