La gauche française serait-elle en train de vivre, ces jours-ci, l’un des ces moments où, en dépit de tout, elle arrive à renaitre de ses cendres ? Cette période entre les présidentielles et les législatives sera peut-être vue plus tard comme le moment fondateur d’une reconquête du pouvoir.
Malgré le bruit et la fureur, les petites phrases et les coups de gueules qui partent dans tous les sens, la gauche semble bien partie pour se présenter unie (autant que c’est possible à gauche) pour les législatives. C’est en soi un petit miracle, que je n’aurais pas pronostiqué il y a encore un an. Plusieurs murailles sont tombées, en un temps assez record. Les socialistes et les insoumis se sont assis à la même table, sans s’insulter et en ressortant contents des deux cotés. L’ensemble de la gauche accepte le leadership de Mélenchon sur la coalition, ça aussi, ce n’était pas gagné, tant les haines sont cuites et recuites, et que le bonhomme est clivant (pour ne pas dire plus).
Cette série d’avancées est le fruit du réalisme : quand on fait 1,75% à la présidentielle, on n’a pas les moyens d’exiger grand chose, et si on sauve ses sortants, c’est déjà beau. C’est aussi le résultat du seul verdict que les politiques acceptent, celui des électeurs : avec 22%, soit bien au delà de son socle, Mélenchon a fait la preuve qu’il rassemble la base sur son nom. Le signal est très clair, les électeurs de gauche veulent l’union. Très naturellement, comme les abeilles d’une ruche suivent la reine, où qu’elle aille, les cadres politiques des partis vont là où sont les électeurs. Sinon, c’est la mort politique assurée.
Tout cela ne se passe pas sans turbulence, car les périodes de redistribution des cartes peuvent amener des changements dans les hiérarchies, entre partis, et surtout, entre responsables politiques au sein d’un même parti. Si le PS sort des législatives avec plus de députés qu’en 2017, les opposants d’Olivier Faure n’auront plus grand chose à dire, et perdront assez rapidement leur crédit politique. Car au sein d’un parti, ce qui compte, c’est la conquête et la conservation des mandats et des positions de pouvoir. Le reste est de la littérature.
Reste maintenant à consolider tout cela, et c’est un énorme boulot, car l’édifice reste fragile. Il faut déjà que les résultats soient au rendez-vous le 19 juin au soir, sinon, tout s’effondre. Il faut aussi que les insoumis soient responsables, et acceptent le jeu de l’union, sans chercher à bouffer les autres. Le dosage est subtil à trouver et chacun doit jouer le jeu loyalement avec des partenaires, en respectant les sensibilités. Il faut enfin, dans la durée, que les militants et cadres des différents partis réapprennent à se parler, à se connaitre, et pourquoi pas, à s’apprécier.
Viendra ensuite le temps de la reconstruction idéologique, du programme, et du tissage de réseau avec les acteurs de la société civile de gauche, qui attendent désespérément qu’une structure politique se remette à fonctionner. On n’est pas au bout du chemin (ni des chicayas), mais la machine semble remise sur les rails, et pourrait être en mesure, en mettant suffisamment d’eau de rose dans le vin rouge du programme LFI, et en faisant émerger de nouveaux visages, d’être une force d’alternance crédible pour l’après-Macron. Et ce n’est pas dit qu’il faudra attendre jusqu’en 2027 pour que l’occasion se présente…
9 réponses sur « La gauche sort peut-être enfin la tête de l’eau »
Comment dire? Qui vivra verra? Parce que, effectivement ce n’est pas encore gagné. On voit bien qu’au PS, comme chez EELV il y a un partie du parti qui ne veut pas de cette union. Et côté LFI, certaines vidéos ne sont pas non plus de bon aloi. Je citerai en exemple une vidéo du compte « Canard réfractaire » où il accusait explicitement le PCF d’avoir fait perdre Mélenchon car les voix de Roussel avaient été prises « sur l’électorat de LFI ». Sans comprendre qu’en fait c’était LFI qui prenait, avant, l’électorat du PCF. Et dans la même vidéo, il insultait explicitement l’électorat PS/EELV. Enfin, je ne suis pas certain que le PS et EELV acceptent dans la durée d’être « l’UDF » de LFI.
et pour causes les idées, programmes et idéologies du PS et de EELV sont à des années lumières de celles de LFI. rien que sur l’Europe par exemple… Une bonne partie de l’electorat de LFI vote pour lui car il ne veut pas voter Macron… Cela ne veut pas dire qu’ils veulent de Melenchon et de son parti au pouvoir…
Je suis en désaccord total avec cette analyse. Melenchon a fait 22% certes, mais il a surtout attiré une partie de l’électorat traditionnel du PS qui est plus modérée que lui. La soumission du PS aura pour conséquence de livrer définitivement les socdem à Macron. La gauche aujourd’hui s’offre un long abonnement à l’opposition.
Attendez donc de voir les candidatures, les députés élus et le programme définitif, pour tirer des conclusions. Je ne dis pas que l’union de la gauche est faite. Je constate juste que les conditions sont réunies pour que ça aboutisse, et que ça a plutôt bien démarré. Il y aura des recompositions, des départs, des arrivées. La macronie peut aussi trébucher au cours du prochain mandat…
Comme à Tours en 1920, la base socialiste souhaite le gauchisme, mais les élus restent attachés à la vieille maison sociale démocrate que Mélenchon veut explicitement détruire : « Le socialisme de Jaurès ne peut aller à Moscou la corde au cou et la tête couverte de cendres ». Sur la loi Travail, la retraite à 60 ans, et l’Europe plus généralement, Mélenchon demande une autocritique stalinienne.
Ca va être très dur pour les élus socialistes de résister, d’autant qu’il n’y aura pas d’élection locale avant 2026 (les municipales) pour montrer que l’électorat de gauche reste en fait assez réformiste, et au contraire l’impasse de candidats révolutionnaires.
Je vous rejoins assez sur mélenchon qui rassemble bien au delà de son socle : je suis viscéralement anticommuniste, mais le discours et surtout les actions anti-islam de tous les autres candidats sérieux font que j’envisage sérieusement de voter Mélenchon… Et même que je regrette de ne pas l’avoir fait au 1er tour.
Croyez moi, pour me faire voter communiste ou même simplement à gauche il faut y aller vraiment fort !!
Ayant à peine commencé l’examen des résultats, je resterai prudent dans mes hypothèses mais l’incontestable mouvement à droite du vote Macron a affaibli son côté gauche. Et de ce côté les restes de la gauche plurielle (PS, EELV, etc.) ayant quasi disparu, il semblerait que l’on y soit directement passé au vote Mélenchon dont les progrès seraient alors plus à chercher ici (sur sa droite) que dans une conquête des abstentionnistes (sur sa gauche) ?
Mais même dans ces conditions, la « marque PS » est devenu plus un boulet qu’un atout. Je doute que LFI ait intérêt à significativement amender son projet pour les attirer. Autant les laisser, soit rejoindre les strauss-kahniens déjà en marche, soit tranquillement disparaître sans élu, budget, idée et électeur. LFI peut juste se contenter d’un accord avec le PCF (qui a encore quelques actifs) et avec la frange compatible de EELV, là où « la poutre travaille », comme Macron avait fait en 2017 avec LR.
Parce qu’une alliance avec un parti comme LFI dont le fonctionnement et les idées sont à peine moins dangereuses que celles du RN, c’est une bonne nouvelle ?
Plus dangereuses, en fait. Même avec une hypothétique majorité, MLP ne pourrait pas mettre en œuvre le dixième de son programme, tellement elle serait entravée par l’administration, la magistrature, les syndicats etc. Alors que Mélenchon bénéficierait de conditions beaucoup plus favorables.