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2022, consolidation de la recomposition

Le premier tour de l’élection présidentielle vient de mettre en tête le même trio qu’en 2017, Macron, Le Pen et Mélenchon. Seul Fillon manque à l’appel. Il a sombré dans les affaires et surtout, son parti s’est écroulé, miné par les coups de boutoirs de la recomposition politique.

Cette élection présidentielle de 2022 confirme que les clivages politiques ont changé, que le vieil axe droite-gauche que l’on a connu jusqu’ici est obsolète. Il suffit de voir les scores de LR et du PS, qui étaient jusqu’ici en duopole. C’est le crash intégral. Malgré un réseau d’élu locaux et de militants, ils ont été incapables d’opérer les virages idéologiques et stratégiques, pour apparaitre comme crédibles aux yeux des électeurs. L’humiliation suprême est pour le PS, qui termine en dessous des 2%. Un score qui pourrait être celui de LR en 2027, s’ils s’obstinent à vouloir conserver leur autonomie. Les élections législatives risquent d’être une boucherie pour ces deux formations.

Aujourd’hui, le clivage politique majeur passe par la question de l’ouverture ou de la fermeture de la société, avec des demandes de radicalités et de clivage. Les français veulent refaire de la politique, retrouver des propositions idéologiques qui ne soient pas un filet d’eau tiède.

Le pays se retrouve dans une tripartition qui n’est pas si nouvelle, entre une gauche, captée par Mélenchon, un centre droit avec Macron, et une droite radicale pour Le Pen. Trois camps très bien identifiés et identifiables, qui ont rendu les autres offres inaudibles.

Une forme de recomposition est en train de se cristalliser, et de former une matrice pour les prochaines années, d’où il sera difficile de sortir, même si les visages et donc les styles, peuvent évoluer. C’est sans doute dans le contenu exact des idées, des propositions, que les choses vont bouger, s’affiner. Le gros-oeuvre de la reconstruction politique de la France est à peu près réalisé, reste maintenant les finitions et la décoration.

Les principaux chantiers des cinq prochaines années vont être la gestion des trois successions, car il est fort possible qu’aucun du trio de tête ne soit sur la ligne de départ en 2027.

S’il est réélu, Emmanuel Macron ne pourra pas, constitutionnellement, se représenter. Un dauphin pointe déjà son nez, en la personne d’Edouard Philippe. Rien ne dit qu’il sera adoubé par Macron, ni qu’il arrivera à prendre l’ascendant pour s’imposer. De toute manière, celui qui voudra succéder à Macron aura intérêt à faire un gros travail sur les idées et le programme, car il va falloir des arguments pour se présenter sans l’aura d’Emmanuel Macron. Le slogan « 5 ans de plus » ne sera pas suffisant.

Jean-Luc Mélenchon, 71 ans, va devoir passer la main. Il le sait, le laisse entendre dans ses discours de fin de campagne et le soir du premier tour. D’abord, pour des raisons d’âge, mais aussi parce que sa personnalité clivante et son tempérament sont un obstacle à une union de la gauche. Les débris du PS et d’EELV n’accepteront de s’arrimer au navire amiral LFI qu’à cette condition. Reste à savoir si le vieux lion acceptera de partir pour de vrai.

Enfin, Marine Le Pen a annoncé qu’elle quitterait la politique en cas de nouvelle défaite. On peut en douter, mais on sent tout de même une forme de lassitude de sa part. Le score du second tour sera sans doute décisif dans la décision. Une nouvelle défaite écrasante peut l’achever. Le souci est que la succession n’est pas assurée au sein du RN, que la « dauphine » naturelle, Marion Maréchal, a choisi l’autre bord, celui de Zemmour et de la droite très radicale, celle qui n’a aucune chance de se faire élire, mais qui a un programme et des idées assez structurées, qui peut donc survivre à un changement de chef. Dernière inconnue, la capacité à rallier la frange droitière de LR, qui pourrait apporter quelques cadres et élus locaux, qui renforceraient la crédibilité « gestionnaire » de cette famille politique.

10 réponses sur « 2022, consolidation de la recomposition »

L’impression donnée est quand même celle d’un manque de travail  de la plupart des candidats, à commencer par ceux des (ex) grands partis (LR/PS). Aucune vision, réforme ou autre qui aurait pu donner un souffle. J’ai l’impression que les états major ont pensé que les électeurs viendraient vers eux « comme d’habitude », en oubliant le score catastrophique de Hamon il y a 5 ans. Du coup ils ont fait encore moins bien.

Cette recomposition va tout de même poser un problème concret de fonctionnement de la démocratie. Dans mon bureau de vote, Macron + Le Pen + Mélanchon = près de 70% des voix = 0 assesseur.

Jadot, Pécresse et Hidalgo ont un point commun : ils sont passés par une primaire. Le caractère présidentialiste de notre constitution est probablement favorable à l’émergence d’un.e candidat.e qui crée son parti ad hoc (cf. Mélenchon, Macron et Zemmour). Le cas Le Pen est particulier (candidature héréditaire d’un parti créé sur le moule « un chef, un parti »). Les primaires ne me semblent pas (plus ?) compatibles avec notre constitution et notre mode de scrutin. La succession de Mélenchon et de Macron sont la clef de la recomposition d’ici 2027…

Le fait d’être passé par une primaire est à mon sens un double handicap. Le premier est que le vainqueur ne fédère rien, il reste avec son équipe de campagne de la primaire, et bénéficie un peu du soutien des autres équipes, mais ça reste en surface. Les battus restent chez eux. Cela explique que Pécresse se soit retrouver avec une « garde rapprochée » très largement composée de franciliens, issus de ses équipes du conseil régional. Ils n’avaient donc qu’une dimension régionale, pas nationale, et ça s’est vu. Pareil chez Jadot, où les soutiens de l’aile gauche (Rousseau et consorts) sont restés l’arme au pied, et ont probablement voté en masse pour Mélenchon.
Le deuxième sujet, est qu’une présidentielle se prépare en cinq ans, pas en cinq mois. C’est une préparation de fond, à la fois du programme, des équipe, et du candidat. Ceux qui n’avaient pas assez de métier, ou ne sont pas partis d’assez loin, se sont écroulés dans le dernier mois. La présidentielle est une course de fond où il faut avoir des batteries gonflées à bloc.

« Le gros-oeuvre de la reconstruction politique de la France est à peu près réalisé, reste maintenant les finitions et la décoration. »

Sauf si MLP gagne le 24 avril, ce qui me semble – hélas – très probable.

Le bloc centriste ne survivrait pas à la défaite, laissant le paysage politique dans un chaos qui rappellerait celui de l’Italie après le tsunami « Mains Propres » (en pire, car le Berlusconi des années 1990 était bien plus raisonnable que MLP de 2022).
Trente ans plus tard, la politique italienne est encore loin d’être recomposée…

Ce serait marrant qu’elle remporte ces élections. Pendant 5 ans on nous a bassiné avec un président illégitime car pas de parti, pas de programme et surtout élu qu’avec 24% au premier tour, de fortes abstentions et des voix pour faire barrage au RN plutôt que d’adhésion. Or là on se retrouve dans la même situation voir pire… Ce serait assez cocasse. je prédis un quinquennat de manifestations continuelles 🙁

Vous avez de la chance si vous trouvez ça marrant et cocasse. Personnellement, ça m’empêche de dormir.

Dans l’hypothèse de victoire de MLP, il y a encore un espoir.
Si les partis anti-LePen s’accordent pour ne pas s’invectiver, forment une Gross Koalition allant de la droite à la gauche pour aller ensemble aux législatives, ils réduisent le RN à 10 députés et arrivés au gouvernement prennent comme seule et unique tâche de réformer la Constitution pour mettre fin à la Présidence Royale (revenir à la 4ème République en d’autres termes) pour permettre à l’impétrante de passer 5 ans à inaugurer les chrysanthèmes. Une fois cette étape pénible passée, on revient à se tirer dessus comme avant.

Parce que franchement, la conclusion tirée par le maitre de ces lieux me parait très insuffisante. Le vote utile explique au moins un tiers des voix des 3 principaux candidats, et c’est l’explication fondamentale du résultat plus que la non préparation de X ou de Y.
Si la seule échéance démocratique qui compte dans la 5ème République est décidée essentiellement par des gens qui veulent éviter un duel au deuxième tour entre 2 candidats qu’ils détestent, il n’y a plus aucune place pour un débat démocratique. La 5è est en faillite démocratique absolue.

Bonjour,
n’ayant pas réussi à trouver le moyen de vous contacter par mail, je passe par les commentaires pour cela. J’aimerais en effet avoir votre avis sur une tribune publiée par le JDD: https://www.lejdd.fr/Politique/diplomatie-chercheurs-et-responsables-de-think-tank-imaginent-les-cent-premiers-jours-dun-mandat-de-le-pen-4106212

Par rapport à son contenu, j’aimerais avoir votre éclairage sur les points suivants, en supposant que MLP soit élue dans une semaine.

1- Sait-on à quelle date elle serait investie? Ainsi le « déplacement du 2 mai », présenté dans la tribune est-il réaliste?
2- D’ici à l’élection de l’Assemblée Nationale, quelles sont les décisions exécutoires que Mme Le Pen et son gouvernement pourront réellement prendre?

Merci d’avance pour votre éclairage.

Le mandat d’Emmanuel Macron se termine le 13 mai. Si Marine Le Pen arrive au pouvoir, il lui faudra une majorité à l’Assemblée et les élections auront lieu les 12 et 19 juin. En attendant, le gouvernement Castex peut rester en place, la nouvelle présidente n’ayant aucun moyen de le forcer à démissionner, et une motion de censure est hautement improbable avec l’actuelle composition de l’Assemblée, dont les pouvoirs vont jusqu’au 21 juin. Il y a peu de choses que le président peut décider seul, le reste relève du gouvernement. Donc avant fin juin, Marine Le Pen ne serait pas en mesure de prendre des décisions formelles.

En revanche, la capacité à dire des conneries est très réelle, avec des conséquences catastrophiques sur les marchés financiers. On aurait une crise de la dette française, voire de l’euro, qui peuvent amener à une crise européenne. C’est de là que viendra d’abord le danger.

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