La fondation Jean-Jaurès vient de sortir une étude intéressante sur les convergences entre militants des différents partis composant la Nupes. Il en ressort que, globalement, ces militants sont assez en phase sur les grands sujets « de gauche » et que les différences portent plus sur des nuances (qui justifient le fait qu’il y ait plusieurs formations politiques) que des fractures béantes. En tout cas, rien qui de rédhibitoire pour un programme commun.
C’est un élément de plus dans une réflexion que j’ai, depuis cet été, sur le fait que la Nupes pourrait bien l’emporter aux prochaines élections présidentielles (qu’elles soient en 2027 ou avant).
Le fait d’avoir réussi cette union de la gauche en 2022 est en soi, un petit exploit, vu les haines et les fractures parfois très anciennes. Ce qui pouvait passer, au départ, pour un simple cartel électoral, destiné à sauver des postes de députés, s’est progressivement mué en embryon de véritable union politique, avec une base programmatique commune. Le deuxième petit exploit est que cette Nupes ait survécu à la période électorale, et que les trois gros partis (LFI, EELV et PS) jouent loyalement le jeu. Il n’y a pas d’entourloupe ou de faux-semblants chez les dirigeants. Les quelques socialistes hostiles à la Nupes sont sur le départ du PS, pour créer un groupuscule qui finira par sombrer ou rallier la macronie, faute d’espace politique et de masse critique.
On a donc une confédération politique assez solide et partie pour durer, avec une articulation au niveau parlementaire qui semble (à première vue) assez efficace. Il y aura sans doute des disputes et des coups d’éclats, mais la gauche est habituée à ces psychodrames idéologiques et sait les gérer (notamment à l’approche des élections). Pendant cinq ans, des gens qui jusque là, restaient soigneusement chez eux, vont apprendre à se connaitre (éventuellement à s’apprécier) et des équipes vont se créer. Il est à noter que des personnalités très intéressantes ont été élues députés à gauche. La plupart ont déjà une solide culture politique et militante, et ils vont, pendant cinq ans, apprendre le fonctionnement du Parlement, de l’Etat, et seront mûrs, en 2027, pour des fonctions plus importantes. Le « banc de touche » apparait plus profond que celui de la Macronie.
Finalement, la seule inconnue, et elle est de taille, c’est le nom du candidat de gauche à la présidentielle. Il est évident qu’il y aura candidature unique au premier tour, l’expérience de 2017 et 2022 ayant montré que la dispersion entraine l’élimination du second tour. Et c’est dans la logique de la Nupes. Ce candidat ne peut pas être Jean-Luc Mélenchon. Il est trop clivant et à 71 ans, il a atteint la limite d’âge, ne serait-ce que pour encaisser, physiquement, le marathon d’une présidentielle. Il semble en être conscient et a envoyé des signaux allant dans le sens d’un retrait progressif (même s’il ne quittera vraiment la vie politique qu’à sa mort). L’enjeu est de taille, car un mauvais casting peut faire perdre tout le bénéfice de l’union politique. Pour le moment, je ne vois aucune personnalité de gauche, qui s’imposerait naturellement.
La gauche pourra également bénéficier du soutien (bien involontaire) de la Macronie. La constitution interdit à Emmanuel Macron de se représenter et il est impensable que les oppositions lui offrent une réforme des institutions pour le lui permettre. Or, depuis 2017, tout repose sur la seule personne d’Emmanuel Macron, et dès qu’il faiblit un peu, c’est tout l’édifice qui se lézarde. Depuis 2017, c’est son entourage très proche qui est aux manettes, sans le moindre renouvellement. Des élus de 2017 qui ont appris et sont montés en puissance, sont soit retournés dans le privé, entrés au gouvernement ou aux postes supérieurs de l’Assemblée. Quand je regarde le groupe Renaissance de la XVIe législature, je cherche désespérément les poids lourds et le « sang neuf », et je ne trouve rien. Les quelques nouvelles têtes sont en fait des apparatchiks de la Macronie, qui sont sortis de la coulisse pour monter sur scène.
Au sein de cette Macronie élargie, seul Édouard Philippe a la carrure pour être un candidat crédible en 2027 et cherche à se donner les moyens. Malheureusement, Il ne pourra pas y arriver sans le soutien de l’ensemble de son camp. Vu le passif grandissant entre les deux individus, on peut craindre qu’Emmanuel Macron fasse tout pour l’empêcher d’y arriver et qu’au final, Édouard Philippe échoue, par manque de soutien de son propre camp, à la troisième place du premier tour de la présidentielle, derrière le candidat de la gauche et Marine Le Pen.
Si Marine Le Pen se retrouve au second tour, contre un candidat de gauche suffisamment « acceptable » pour les modérés de la Macronie, l’issue du scrutin ne fait aucun doute. Et derrière, les législatives suivront, car la gauche (contrairement à la Macronie) a du métier et, quoi qu’il arrive, fait campagne.