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Le risque du burn-out parlementaire

La nouvelle configuration de l’Assemblée nationale, sans majorité claire, donne l’impression à certains qu’on va en finir avec l’inflation législative. Un avenir législatif radieux, où on voterait peu de lois, longuement travaillées et réfléchies, n’est pourtant pas à l’ordre du jour. Je crains beaucoup qu’on aboutisse au contraire à une machine parlementaire qui s’emballe encore plus, avec toujours plus d’idioties discutées, pour au final ne pas être adoptées, faute de majorité.

Le scénario qui se dessine pour cette XVIIe législature est très sombre pour ceux qui aiment le Parlement et la belle législation. Faute de majorité solide, toutes les réformes un tant soit peu clivantes vont être reportées, faute de pouvoir être adoptées. On va donc se retrouver avec une foule de propositions de loi dégoulinantes de bon sentiments ou d’idéologie, sur des sujets anecdotiques, ou des têtes d’épingle. Cela était déjà largement le cas sous la XVIe législature, où on trouvait un créneau pour discuter de la discrimination capillaire, alors que la loi de programmation énergie-Climat restait en rade.

L’inflation législative va continuer, car si on ne change pas les règles du jeu, il n’y a aucune raison que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets. Depuis bien longtemps, la loi est devenue un outil de communication, la réponse qu’on brandit dès qu’un problème monte dans les médias. Un fait-divers = une loi est une tentation permanente pour les politiques, sommés d’avoir réponse à tout, dans des temps médiatiques très courts. Déjà en 2008, on a eu cette magnifique loi sur les chiens dangereux, proposée à la suite d’une morsure très médiatisée de chien sur un enfant. L’article 1 de cette loi institue un « Observatoire national du comportement canin » et les articles suivants créent toute une série de nouvelles procédures administratives, génératrices de paperasse et de bureaucratie.

Les conditions de discussion des textes ne va pas aller en s’améliorant, le groupe LFI étant dans une stratégie assumée de bordélisation des institutions. Siéger dans l’hémicycle va rester un supplice. L’absence de majorité va amener à des bricolages et des compromis baroques, pour arriver à faire voter les textes. Je crains que tout cela ne se fasse au détriment de la qualité du droit. En effet, les parlementaires sont là pour faire de la politique, et les légistes sont une espèce en voie de disparition, voire quasiment éteinte au Palais Bourbon. Même s’il en reste au Sénat, il n’est pas certain qu’ils puissent tout rattraper.

Au final, on va avoir toujours autant de textes à discuter, car la machine parlementaire a horreur du vide. Ce ne sont pas les travaux d’évaluation et de contrôle qui vont prendre la place, car ils demandent beaucoup de travail, pour peu de bénéfice politique et médiatique. On aura donc toujours autant de propositions de loi anecdotiques, juridiquement vides, et politiquement clivantes. Mais bien peu risquent d’aboutir à quoi que ce soit, car si le gouvernement ne déclare pas la procédure accélérée, c’est deux lectures dans chaque chambre, puis une CMP, puis éventuellement une nouvelle lecture si la CMP échoue. Autant dire que sur une législature qui s’annonce courte, le bilan législatif risque d’être très maigre. En revanche, le risque de burn-out des différents acteurs du processus législatif est énorme.

3 réponses sur « Le risque du burn-out parlementaire »

Sarkozy était le champion du un fait-divers → une loi, et on a vu où ça l’a mené, lui ainsi que l’UMP.
Comme quoi cette stratégie n’est pas forcément la bonne pour gagner des électeurs.

Je crains que la vraie cause ne soit pas les électeurs, mais l’impuissance ou l’absence de volonte des hauts responsables politiques d’inflechir réellement les grandes orientations décidées par les administrations qu’ils sont censés diriger…

Courage, fuyons ! A l’heure de prendre des décisions difficiles, c’est sûr qu’on est mieux à grappiller de l’audience pour une cause noble et juste. La fin du macronisme, ça reste l’abandon de la réforme des retraites de 2020. A partir de là, c’est « quoi qu’il en coûte et on verra bien ». Comment retrouver des députés sérieux après ça, quand on voit ce que devient le PS…

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