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Le drame de la centralisation à la française

La perspective d’une victoire du RN aux élections amène à se pencher sur les conséquences potentielles que cela peut avoir, et c’est assez effrayant. La France est un pays ultra-centralisé, où tout passe, à un moment ou un autre, par l’appareil d’Etat. Que ce soit les règles juridiques, les financements, un gouvernement disposant d’une majorité solide à l’Assemblée peut aller très loin, sans réels contrepouvoirs.

Contrairement à ce que l’on peut croire, l’organisation française n’est pas libérale, au sens de Montesquieu ou Tocqueville, mais une autocratie bienveillante. La limite des pouvoirs de l’Etat relève de l’autolimitation et du manque de moyens, et pas d’un système de pouvoirs et contre-pouvoirs. Comme nous avons été gouvernés, depuis 1944, par des gens « raisonnables », nous n’avons jamais à nous inquiéter de cela, et nous nous sommes plus préoccupés du bon fonctionnement de la machine politico-administrative, que des risques de dérapages.

Le moment est venu de nous pencher sur les fragilités du dispositif, et de réfléchir à la manière de limiter les risques, si jamais il n’est pas déjà trop tard.

La France est un pays où il y a un consensus pour que tout passe par l’Etat, grand ordonnateur de la redistribution. Pas question, comme pour les pays anglo-saxons, d’avoir des systèmes de redistribution privés, avec des fondations et autres organismes, qui brassent des centaines de millions, en dehors de tout contrôle de l’Etat. L’ensemble de la société civile organisée est donc sous perfusion d’argent public, par le biais de niches fiscales (notamment la déduction pour dons aux associations) et de subventions directes. Il sera donc très facile d’asphyxier des pans entiers du monde associatif, en les sortant du dispositif fiscal. Il sera toujours possible de leur donner de l’argent, mais cela ne donnera plus lieu à reçu fiscal. Cela pourra être plus soft, avec la création de différentes catégories (ça existe déjà, les associations caritatives ayant un taux à 75%, là où les autres associations ont 66%) permettant de moduler le montant déductible, et/ou fixer un plafond aux sommes ouvrant droit à la déductibilité.

Pour les subventions directes, le mécanisme est déjà en place depuis 2021 (merci la Macronie) avec le contrat d’engagement républicain. Il suffit de l’étendre à des engagements au-delà du « républicain » et en l’assortissant de quelques obligations de reporting. En apparence, rien de bien grave, car qui pourrait être contre le fait que l’on rende des comptes de l’argent public que l’on reçoit. Le diable étant dans les détails, il suffira de fixer des engagements assez stricts, rendant certaines activités ou pratiques incompatibles avec le fait de recevoir des subventions. On peut aussi imposer des obligations de reporting assez tatillonnes, donc chronophages, pour emboliser des associations le plus souvent sous-staffées, ou les exposer aux risques de contrôles, où le contrôleur arrivera toujours à trouver quelque chose qui cloche.

Le dispositif fonctionne aussi avec les collectivités locales, qui n’ont plus aucune autonomie financière, l’essentiel de leurs ressources étant des dotations de l’Etat (dont beaucoup ont été créées pour compenser la suppression de taxes affectées aux collectivités).

Toutes ces mesures peuvent être prises facilement, par décret, ou en changeant quelques mots dans une loi, quelques chiffres dans le budget. Il suffit d’avoir une majorité à l’Assemblée et des fonctionnaires dociles pour que ça passe crème.

La seule limite, c’est le manque de moyens de l’Etat, qui se repose beaucoup, dans nombre de secteurs, sur les associations et les collectivités, pour faire le travail qui devrait être le sien. C’est particulièrement frappant dans le secteur sanitaire et social, où des associations et les Départements sont quasiment devenus des opérateurs de l’Etat.

Donc si vous êtes une association dont l’Etat n’a pas besoin pour accomplir ses missions, vous êtes potentiellement menacée, et si vous gênez, on vous le fera savoir. Verbalement, pas par écrit, pour générer une autocensure, qui ne pourra pas faire l’objet d’un recours en justice, puisqu’il n’y a aucune décision publique à attaquer.

Combien auront le courage de prendre le risque de refuser et d’aller au contentieux ? J’ai bien peur qu’ils soient bien peu nombreux à pouvoir se le permettre.

6 réponses sur « Le drame de la centralisation à la française »

Bonjour,
(Désolé car ce commentaire n’est pas lié à l’article)
Pourriez-vous nous expliquer les dessous / enjeux de l’affaire Ciotti ?
Je veux dire : pourquoi tient-il à rester président des LR : pour des histoires d’appareil, de sous, je suppose ?
Pourquoi peut-il rester à ce poste avec une telle opposition ?
(J’imagine à cause de statuts qui n’ont pas prévu ce cas)
Pourquoi les gens qui veulent le virer ne s’en vont-t-il pas ? PAr exemple, en créant un nouveau parti ?
(J’imagine pour des histoires d’appareil, de sous)

a+
Bigben
PS : Si vous voulez ne pas faire apparaître ce commentaire car pas lié à l’article, je comprendrais (du moment que vous me faites profiter de vos lumières sur ce sujet ;-D )

Il va se faire virer prochainement, mais en restant à tout prix président de LR pendant la campagne, Ciotti bordélise LR et brouille complètement l’étiquette LR aux yeux des électeurs, ce qui sert le RN.

La raison pour laquelle il tient à rester président LR actuellement ? C’est pour rester maître dans le choix des candidats. J’ai actuellement le cas dans ma circonscription. Pour représenter le candidat commun RN-LR, il a été choisi un type opportuniste qui se présente depuis au moins 2012 à chaque législative sous une étiquette différente (mais il n’a pour l’instant jamais eu ni LR, ni RN). Quant à celui qui est candidat LR depuis 2017, fort d’un certain ancrage local et du soutien des LR dissidents, il se lance en solo, mais avec le champ libre de Renaissance, ce qui pourrait le faire passer pour un macroniste.

Voilà qui est dit et bien dit. Le nouveau cadre mis en place par la majorité macroniste pour les associations deviendra fort utile, le moment venu, entre les mains du RN ou de Jean-Luc le Terrible. Il est plaisant de voir que, loin des « blocs » et des anathèmes de façade, tous nos partis travaillent main dans la main 🙂

Bonsoir. Je crains que loi Macron ou pas, un parti au pouvoir quelqu’il soit, si il veut changer les regles d’attributions de subventions ou autres financement, y arrivera sans difficultes. Dans un certains sens heureusement. Les priorites d’un gouvernemznt ne sont pas celles du suivant.

Pourquoi donc s en soucier maintenant…

Tout passe par l Etat. Tant que le système fonctionnait pour les copains et amis cela ne posait pas de problème. Et maintenant que les décisionnaires vont changer ça deviendrait une catastrophe.

Les députés ont laissé depuis des années l exécutif etre le seul vrai moteur décisionnaire. C est avant qu il fallait changer les règles.

Le RN n aura pas a changer les règles du jeu s il parvient au pouvoir… mais c est regles s appliquaient pour EM. Certaines ont même été votées par lui.

Oui, il faut revoir les règles et le partage des pouvoirs et contre pouvoirs (les vrais, pas les C.C. avec nominations politiques).

Mais je trouve particulièrement malvenu de demander ceci en pleine phase de transition.

Quand au système associatif. Heureusement en effet qu il existe pour pallier aux carences, mais un peu de ménage ne ferait pas de mal la dedans. Combien d associations bidons qui ne sont la que pour caser les amis (coucou Marlene SCHIAPPA).

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