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La vitalité démocratique

Cette séquence politique ouverte par la dissolution surprise est un moment exceptionnel, un véritable révélateur de la nature profonde de chaque camp politique, mais aussi de la vitalité de notre système politique.

La capacité de la gauche à faire l’union, qu’on connait pourtant de longue date, a une nouvelle fois fait ses preuves. Alors qu’ils se sont déchirés sur le conflit israélo-palestinien, voilà qu’en 48 heures, tous les partis de gauche actent l’union dès le premier tour et se répartissent les circonscriptions sans le moindre psychodrame (pour l’instant). Il faut saluer l’exploit, qui montre que la gauche a vraiment envie du pouvoir, et surtout, qu’elle a entendu la pression de ses électeurs et leur peur de voir le RN arriver au pouvoir. Ils plébiscitent l’union (y compris ceux de Glusksmann) ce qui implique que les dissidences n’ont que peu de chances de prospérer. Pari raté pour Emmanuel Macron s’il comptait sur une désunion de la gauche.

La capacité de la droite classique à tomber dans le grotesque est une fois de plus au rendez-vous. Après la Cocoe du match Copé-Fillon, la séquence actuelle sur le ralliement de Ciotti au RN et la rébellion de ses troupes est un grand moment comique. Et il semble que cela ne soit pas fini. Mais il faut reconnaitre que cette clarification de LR était plus que nécessaire et est tout à l’honneur de ceux qui ont refusé de retourner leur veste. Maintenant, on sait que LR reste dans l’arc républicain, mais que c’est un canard sans tête, incapable de prendre les commandes du pays.

La Macronie s’est également montré sous son jour habituel, celui d’une monarchie absolue tournant autour de la seule personne d’Emmanuel Macron. Sa conférence de presse de lancement de campagne était lunaire, avec une mise en scène à la Louis XIV, mais surtout, une dissonance cognitive, avec un président qui se met en avant, tout en affirmant ne pas vouloir mener la campagne. Une fois de plus, aucun élan, aucune vision politique, mais un catalogue de mesures technocratiques. Sauf que cette fois-ci, le charme risque de ne pas opérer, du fait de l’usure du pouvoir et de l’absence de perspective d’avenir, Macron ne pouvant pas se représenter. Cette dissolution était l’occasion de mettre en selle le successeur, le président en exercice n’ayant plus le droit de se représenter. Cela n’a pas été le cas, alors que le dauphin, Édouard Philippe, était prêt à se lancer. Cela montre bien que le macronisme est désormais une impasse, une parenthèse qui va se refermer le 7 juillet à 20h.

Le RN s’est aussi montré sous son vrai jour, par son silence et sa gêne sur le programme et le fond. Car ce silence masque en fait un vide, le fait que ses dirigeants ne maitrisent pas grand chose et sont pris de vertige car ils ne sont pas prêts. Jordan Bardella n’a absolument pas la carrure pour être Premier ministre, cela s’est clairement vu dans son débat contre Gabriel Attal. Et derrière, il n’a pas quasiment personne ayant une expérience de l’exercice du pouvoir, pas même comme adjoint au maire dans une collectivité locale. On risque de bientôt voir au grand jour que le RN est un parti composé d’incompétents et de frustrés. Ce qu’on peut accepter quand c’est pour envoyer des eurodéputés siéger à Bruxelles, peut être moins bien accepté quand il s’agit de diriger le pays.

Tout cela permet de voir que notre système institutionnel fonctionne finalement plutôt bien. Certes, l’organisation matérielle de ce scrutin risque d’être un peu rock’n roll, mais globalement, cela devrait pas peser sur la sincérité des résultats. Une fois la dissolution annoncée, aucun parti n’a refusé de jouer le jeu, tous se sont mis en ordre de marche pour être présent, et le sera effectivement, malgré des délais très courts.

Au delà du risque de voir le RN accéder au pouvoir (auquel je crois de moins en moins), ces quelques jours de juin 2024 ont révélé une belle vitalité démocratique qu’il faut saluer. Espérons que la suite de la campagne sera à la hauteur et que le basculement dans le chaos, toujours possible, ne sera pas pour cette fois-ci.

23 réponses sur « La vitalité démocratique »

Le constat flatteur pour la gauche semble exagéré. L’union se fait au prix d’une ouverture vers le centre qui aurait pu prospérer avec l’effondrement de Renaissance. Le PS a préféré viser avec de grandes chances la soixantaine de députés plutôt que le pari d’une nouvelle majorité. Ça peut s’excuser par le manque de temps mais le fait est que le principal programme commun est « tout sauf Le Pen ». Pour le changement avec Macron on repassera …

La base programmatique c’est celle de la NUPES 2022 quand même, non ? En tout état de cause aucun parti n’aura le temps d’accoucher d’une plateforme dans les temps impartis, encore moins quand les alliances concernent plus de 2 mouvements.

Ils ont bien fait l’union en 24h. Ils reprennent le programme du « pacte du pouvoir de vivre » de Laurent Berger, y mettent quelques bricoles en plus, et ils ont un programme qui tient le mieux la route de toute l’offre politique.

Personnel is politics

Il sera difficile à faire croire qu’une coalition dominée par LFI veut juste appliquer un programme CFDT. Mais je ne peux qu’espérer 🙂

Depuis dimanche j’ai un peu l’impression de vivre en permanence le mème d’Orson Welles dans Le Grand Détournement : « pas mal non ? c’est français. »

De cette crise démocratique à celle des Gilets Jaunes ou à la séquence de contestation de la réforme des retraites, il faut nous reconnaître une créativité et un savoir-faire inégalables dans le monde en matière de contestation populaire. Sans doute le premier signe de la vitalité démocratique que tu décris.

(et j’ai beaucoup d’affection en écrivant ceci au cas ou mes propos ne seraient pas clairs, même si le moment est grave)

Bonjour.
L’union de TOUTE la gauche est quand même une surprise. Autant, dans la situation actuelle il était attendu que PS/PCF/Verts s’unissent, autant le fait que LFI s’intègre à cette union était moins évident. D’ailleurs, au vu des tentatives du président, avec l’aide d’organisations telles que le CRIF, de « tout faire sauter » au nom de la lutte contre l’antisémitisme, il a été lui-même surpris. Il est vrai aussi que voir JLM accepter d’être raisonnable (pourvu qu’il tienne jusqu’au 7 Juillet) est assez incroyable.

Après c’est aussi un point sur lequel le président a fait une grosse erreur. En réduisant au « minimum légal » la durée de la campagne, et donc en imposant que les candidats soient définis tout de suite, il empêche les différents partis de gauche de se trouver des raisons de se taper dessus.

Par contre, ce qui risque d’être très chaud, c’est l’après 7 juillet. On risque en effet d’avoir d’un côté un gros groupe RN sans majorité absolue, et sans capacité à se trouver d’alliés à l’Assemblée, et donc incapable de prendre le pouvoir. Et de l’autre une « union » qui n’aura pas non plus la majorité, mais qui pourra s’allier avec les centristes en fonction des textes. Mais, qui par contre pourra exploser à tout moment. Le prochain Premier Ministre va donc devoir être un sacré diplomate.

Dans votre euphémisme je ne vois aucune vitalité démocratique… Une gauche unie par defaut et sans programme si ce n’est de celui de s’opposer au RN. Union de gens aux idées opposées avec une partie de la gauche qui se compromet avec un parti, LFI, qui ne vaut pas mieux que le RN (mais on les pardonne ils ont l’auréole de protection « de la gauche »)… un centre moribond auto centré sur Macron et un RN rempli d’incompétent sans programme (mais comme à vous lire depuis 7 ans, LREM n’est qu’un parti d’incompétent, ils ne peuvent pas faire pire 😉 ) … Bref… Rien de bien reluisant… l’abstention semble la meilleure voie !

J’ai surtout vu que la gauche n’est pas morte, et qu’en cas de victoire, on repartirait grosso modo pour la gauche plurielle de 1997 (pas la pire période). Mais le centre et la droite sont des champs de ruines.
J’aimerais bien que la gauche reste au pouvoir à perpétuité, mais à un moment, on perd forcément les élections.
Et si la seule alternative, c’est l’extrême droite parce que tout le reste s’est effondré, c’est très mauvais.
L’extrême droite, on a déjà essayé en 1940, merci.
Et tout ça, c’est effectivement parce que Macron veut flinguer Edouard Philippe qui est le seul à avoir la carrure de mener le centre-droit.

Mais la victoire de la gauche, c’est l’hypothèse optimiste.
Une majorité relative du RN est au moins aussi probable, avec un an sans gouvernement en vue.
Et là, on verrait ce qu’est le chaos.

« L’extrême droite, on a déjà essayé en 1940, merci. »

On a en premier lieu essayé l’Occupation.

Cette campagne est la dernière campagne d’Emmanuel Macron : une fois le 7 juillet passé, sauf improbable miracle, il n’aura plus qu’une fraction du groupe parlementaire Renaissance et ne sera plus en mesure d’exercer la moindre influence sur le parti Renaissance, faute de troupes prêtes à le suivre. Il a poignardé dans le dos sa propre majorité : qui pourrait désormais accepter de le suivre ? Il ne peut plus se présenter en 2027 et une fois sa majorité relative devenue minorité, il ne pourra plus distribuer de postes.

On va découvrir un « lame duck » à la française, ça risque être pathétique.

Dernier baroud d’honneur pour la réouverture de Notre-Dame de Paris et après il se met en retrait jusqu’en 2027.

Vous êtes sur ??? il se passe quoi si aucun bloc n’a la majorité absolu.. Imaginons la même situation qu’aujourd’hui mais un RN avec une majorité relative ? Ou si c’est la gauche ? vous pensez que Renaissance ne vote pas la censure déposé par RN ou LFI à la première occasion ?

Vu qu’aucune dissolution n’est possible avant un an, on enchaînerait les motions de censure dès qu’un gouvernement est nommé.
Toutes les chances de n’avoir aucun gouvernement avant 1 an.
Renaissance porterait la responsabilité du chaos et se ferait laminer encore plus à l’élection suivante.

2029, pas 2027.
Même s’il a dit qu’il ne le fera pas, j’ai le fort sentiment qu’il va se barrer après les législatives.

Vitalité démocratique?

La chaos, plutôt!

A gauche, pas de scrupule à s’allier avec les extrémistes de LFI, quitte à leur laisser une majorité de circonscriptions (et surtout de circonscriptions gagnables, les députés sortants étant automatiquement reconduits).

A droite, le festival des coups de poignard dans le dos et des règlements de comptes.

Au centre, la sidération et le vide.

Partout, la vieille ficelle du « barrage contre la peste brune », alors que le RN est sans doute incompétent, impréparé au pouvoir et gangréné par le népotisme, mais n’a plus rien d’un parti fasciste.

Franchement, Mathilde Panot me fait bien plus peur que Bardella, qui de toute façon, s’il gagne, sera pieds et mains liés par la haute administration, la magistrature et l’UE.

« Le RN (…) n’a plus rien d’un parti fasciste. »
-> Le RN est un parti fasciste par destination tant qu’il sera soutenu par des mouvances et individus fascistes et qu’il entraînera des réactions fascistes au fil de ses actualités. Dès dimanche soir on a eu un aperçu de ce qu’une victoire du RN pourrait libérer comme pulsions violentes chez quelques dégénérés (« Dans 3 semaines, on pourra casser du PD autant qu’on veut »). La victoire de Trump a offert un spectacle similaire d’ailleurs. Vous pouvez dédiaboliser autant que vous voulez la façade et la management, ça ne change pas la nature profonde du mouvement, au moins encore pour quelques générations. Rappel utile d’ailleurs que depuis juin 2023 est ouvert le premier procès pour terrorisme d’ultradroite.

« Mathilde Panot me fait bien plus peur que Bardella, qui de toute façon, s’il gagne, sera pieds et mains liés par la haute administration, la magistrature et l’UE. »
-> Il faut lire entre les lignes que la magistrature et la haute administration feraient preuve de plus de mansuétude envers un gouvernement LFI (sans justification par ailleurs) ? Ou tout simplement que LFI a un programme tout simplement applicable parce qu’il est dans le cadre de la loi et dans l’esprit de la Constitution ? Parce que ça a curieusement plutôt tendance à me rassurer, moi.

Le FN n’a jamais était au sens strict du terme un parti fasciste. Aujourd’hui, c’est un peu à la mode, tout le monde est fasciste, même Melenchon s’est fait traiter de fasciste… C’est une accusation simpliste et facile pour une partie de la gauche face à un parti nationaliste, populiste et réactionnaire. (cela ne veut pas dire que cela soit mieux !)
Depuis dimanche soir nous n’avons pas eu que des dégénérés de l’extreme droit mais aussi à des crétins de gauche qui sont descendus dans la rue et ont commis quelques méfaits. Quand au procès de terrorisme, on en a déjà connu dans l’autre bord. il faut arrêter de dédiaboliser l’autre camp aussi…
Quand à son respect de la loi et de la constitution, on peut mégoter en rappelant que LFI a pour projet une VI° république et depuis 7 ans, ce parti a très bien su utiliser la violence dans la rue pour justement tenter de déstabiliser le pouvoir.
Je ne suis pas particulièrement chaud pour un gouvernement RN, mais je suis loin d’être persuadé qu’un gouvernement LFI soit beaucoup mieux…
D’ailleurs j’ai souvenir d’un article sur ce blog, ou le maitre des lieux doutait de la volonté de nos deux extrêmes à rendre le pouvoir si ils y arrivaient…

Personnellement, j’espère qu’Emmanuel Macron pourra devenir le Premier ministre de Gabriel Attal en 2027. Ensuite pourquoi pas une modification de la Constitution pour lui permettre de se représenter ? Il est capable de défendre toutes les idées, même les plus contradictoires, fait des discours grandioses, aime que les choses tournent autour de lui, est pétri par nos propres clivages, et nous adorons le critiquer et le détester. Il est la grande synthèse qui incarne tous les Français en même temps, un président total. La dissolution est l’ultime geste démocratique de chaos artistique qui permet de le monumentaliser vivant.

En 2022 je m’attendais à ce que Renaissance et Républicains scellent un accord de gouvernement, étant donné leur proximité idéologique (en électeur de gauche, je ne vois pas la différence). Deux assemblées, des budgets et des réformes (retraites notamment) votées sans 49.3… tout aurait été plus fluide pour les uns et les autres.
J’ai du mal à comprendre pourquoi cela n’a pas été possible. Les ambitions individuelles et la bêtise collective ne me paraissent pas des explications suffisantes.

Parce qu’il ne fallait pas se compromettre en gouvernant et donc hypothéquer 2027 (pas de président sortant se représentant). C’est aussi pourquoi le RN sera très content de ne pas être majoritaire pour ne pas avoir de premier ministre et ainsi arriver « vierge » à la prochaine présidentielle (quelque soit la date).

Macron n’a jamais proposé sérieusement un accord de gouvernement à LR. Il s’en est tenu à la stratégie du débauchage individuel en pariant sur la déliquescence de LR et le ralliement des électeurs LR au panache blanc de Renaissance. Ce n’est pas nécessairement un échec complet, ça n’a quand même pas suffisamment bien marché : les électeurs LR se sont également tourné vers Reconquête ou le RN. Qui aurait pu prévoir ?

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