Les étudiants de l’école Polytechnique viennent d’envoyer un message qui mérite vraiment d’être entendu, voire même d’être écouté. Lors de la remise des diplômes, ils ont appelé à un changement de cap sociétal face au dérèglement climatique, prônant la sobriété, c’est-à-dire une forme de décroissance. Ils ajoutent que la technologie, la science et les « petits gestes qui sauvent la planète » ne suffiront pas.
Il vient du cœur de ce qui sera l’élite politico-administrative de demain. N’entre pas à Polytechnique qui veut, c’est ultra sélectif, et surtout, quand on en sort, ce n’est pas pour n’importe où, mais pour les lieux de décision. Polytechnique, c’est normal un « temple » du rationalisme, de la science et de la technique. Les polytechniciens, ce sont des jeunes sous statut militaire, qui sortent d’un tunnel de deux (voire plus) années de prépa, qui passent leur temps à faire du sport et des maths. La philo et les sciences politiques ne sont pas au cœur du programme de Polytechnique. Pour qu’un tel message sorte de Polytechnique, ça veut dire qu’il se passe réellement quelque chose dans cette génération.
Dernier point, qui valorise encore plus le message, ces polytechniciens n’entendent pas (à l’inverse de leurs petits camarades d’AgroParisTech) démissionner et partir élever des chèvres dans le Larzac. Ils vont faire la carrière qu’on attend d’eux, sont conscients de la responsabilité qu’ils ont vis-à-vis de société et entendent l’assumer.
Ce message, c’est celui de leur génération, celle qui va prendre les manettes dans quelques années, et qui appliquera des lignes politiques qui sont en train de se forger. Si on veut savoir ce que sera la France de 2035, il faut les écouter, suivre leurs débats, leurs choix et leurs refus.
7 réponses sur « Le message des jeunes générations »
Est-ce une pique aux étudiants démissionnaires d’AgroParisTech ?
Si oui, elle est un peu mal placée selon moi, car combien d’années d’obéissance nécessaire au système en place avant d’être en position de prendre des décisions structurantes, pour ces jeunes ? 10, 15 ans minimum sans doute, si ça leur arrive jamais, vu comme les décisions tombent en général « d’en haut », cieux qu’aucun d’entre eux ne connaitra jamais…
La position des polytechniciens, courtisés et en position de décisionnaires dès la sortie d’école ou presque, est unique et il faut, je pense, savoir le reconnaitre.
Avis totalement convergent sur un message très clairement plus riche et plus nuancé que ce que les résumés peuvent laisser entendre.
En revanche, la philosophie et les sciences politiques y ont une place bien établie d’une demi journée par semaine, occasion pour les élèves de découvrir avec certaines matières ou certains sujets avec (souvent) des enseignants de tout premier plan.
Si je puis me permettre quelques remarques:
– « Il vient du cœur de ce qui sera l’élite politico-administrative de demain. N’entre pas à Polytechnique qui veut, c’est ultra sélectif, et surtout, quand on en sort, ce n’est pas pour n’importe où, mais pour les lieux de décision. »
Avec environ 500 élèves par promotion, tous ne vont pas (et n’ambitionnent pas!!) d’aller « dans les lieux de décision », loin de là. La très grande majorité suit une carrière « classique » ou pas d’ingénieur diplômé, chercheur, ou autre.
– « Polytechnique, c’est normal un « temple » du rationalisme, de la science et de la technique. »: oui, il en reste, heureusement, et il est dommage qu’il n’y en ait pas plus.
– « Les polytechniciens, ce sont des jeunes sous statut militaire, qui sortent d’un tunnel de deux (voire plus) années de prépa, qui passent leur temps à faire du sport et des maths. La philo et les sciences politiques ne sont pas au cœur du programme de Polytechnique. »: ce n’est pas au coeur du programme, mais ça existe, au moins. Comme pour toutes les écoles d’ingénieurs. Qu’en est-il d’une base scientifique digne de ce nom dans les écoles de sciences-politiques par exemple? Le problème commençait dès le bac, où seule la filière S était multidisciplinaire, alors que la filière L n’avait aucune sciences.
En tout cas, ce qui est intéressant, contrairement aux démissionneurs d’Agro, ils n’appellent pas à la fuite ou à la désertion, mais à ***agir***. Et c’est ça le plus important, et ce dont ils peuvent être fiers
Il y avait des sciences dites « dures » en filière L. Maths, biologie et physique/chimie. Pas des quantités mais jusqu’au bac (tirage au sort de l’épreuve). ES par contre en avait moins (surtout fin XXe, des changements après). Mais ce ne sont pas les seuls L, aux contingents très limités les dernières années, qui font le niveau moyen de culture scientifique en France. Beaucoup de gens en S qui n’avait rien à y faire, juste mis ici parce que soit disant moins de portes fermées à la sortie et à la motivation … fonctionnaliste (une élite qui fait plus de 50% des bacs généraux n’est pas une élite).
Il faudrait en vérité faire plus de philosophie pour rendre les élèves curieux et critiques … mais il est dur de lutter contre l’air du temps.
C’est assez navrant ces discours moralisateurs. Nous vivons sur un monde fini et l’humanité aura une fin quoiqu’elle fasse. elle a partiellement le choix du comment et du quand. Ce n’est pas moins acceptable de tout cramer et de voir ce qu’il adviendra que de vouloir jouer aux fourmis.
Comme en le montra l’année 1968 de façon éclatante, la jeunesse est plus sensible à certains problèmes, tel l’égalité entre les gens, avant de se heuter avec l’âge à l’ensemble des difficultés réelles de la société. Si la réflexion sur l’avenir et les dangers (écologiques et autres) du comportement actuel des humains dans leur ensemble porte une sombre inquiétude, une peur plus grande doit venir de la prise de conscience de la concurrence entre groupes humains pour l’accès de plus en plus difficile aux ressources nécessaire : Alimentation, énergie, puis matières premières, et enfin savoir, culture et confort. Depuis l’Antiquité, des états plus forts se sont emparé des ressources de plus faibles, nous redécouvrons cela fait avec Poutine. Les jeunes adultes actuels auront à se défendre (eux et leurs proches, notion étendue à la société française et européenne) contre les prédations des « autres », ce qui les préoccupera plus que l’écologie qui sera celle de leur époque.
Appeler à agir, c’est bien. Encore faut-il pouvoir le faire, tous membres de l’élite qu’ils soient, ces jeunes Polytechniciens devront être aux ordres de patrons (donc d’actionnaires), de ministres, donc d’électeurs qui prouvent que les préoccupations écologiques ne sont pas si importantes que cela pour eux.
Comme tant d’autres jeunes qui ambitionnent de changer les choses, tant qu’ils ne sont pas assez nombreux, c’est l’institution qui les transformera ou les étouffera.